DÉCISION DES AUTORITÉS NATIONALES DE

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DÉCISION DES AUTORITÉS NATIONALES
DE CONCURRENCE ÉTRANGÈRES
1 DÉCISION DES AUTORITÉS NATIONALES
DE CONCURRENCE ÉTRANGÈRES
ÎRLC 2829
Vers une réforme de la loi
australienne de la concurrence
Le gouvernement australien a confié à un groupe
d’experts la responsabilité de procéder à l’examen
approfondi de la politique de concurrence
australienne. Le panel a pour mission d’évaluer les
dispositions législatives touchant à la concurrence,
de déterminer si celles-ci sont en adéquation avec
les changements touchant l’économie australienne et
de proposer des solutions destinées à remédier aux
lacunes identifiées. La dernière réforme d’ampleur
datant de 1993, une mise à jour s’imposait.
Le 31 mars 2015, le groupe de travail a publié un rapport final de
l’examen de la politique de concurrence (The Competition Policy
Review Final Report (http://competitionpolicyreview.gov.au/files/2015/03/
Competition-policy-review-report_online.pdf)). Ce document contient
56 recommandations divisibles en trois axes principaux que sont
la politique de concurrence, la loi et les institutions chargées de
la mise en œuvre des politiques de concurrence.
Le rapport final met notamment l’accent sur la nécessité pour
chaque gouvernement fédéré de renforcer sa politique de neutralité concurrentielle (Recommandation 15). Ce renforcement devra notamment se faire par l’établissement de lignes directrices
précisant, entre autres, l’application de la politique de neutralité
concurrentielle lors des premières étapes de la création d’une
entreprise publique. La neutralité concurrentielle permet d’assurer l’égalité entre les entreprises publiques et privées dans leurs
rapports de concurrence. Ces dispositions visent à assurer que
les entreprises publiques ne disposent pas d’avantages concurrentiels auxquels les entreprises privées n’auraient pas accès.
Les différents gouvernements devront également garantir une
approche plus transparente de leur politique de neutralité notamment en confiant à un organe indépendant le contentieux
relatif à la neutralité (Recommandation 16). Outre la mise en place
d’une politique de neutralité des autorités publiques, celles-ci,
lorsqu’elles exercent des activités économiques, devront être
soumises aux règles de la concurrence (Recommandation 24). Cette
recommandation rejoint la position de l’Union européenne (UE)
sur ce sujet et consacrée par la Cour de justice de l’Union européenne dans, notamment, les arrêts SAT Fluggesellschaft mbH
contre Eurocontrol (CJCE, 19 janv. 1994, aff. C-364/92) et Aéroport de
Paris (CJCE, 24 oct. 2002, aff. C-82/01) qui posent le principe de dis-
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sociation, au sein d’une même entité, des activités économiques
et des activités de puissance publique.
Le groupe d’experts recommande également que les dispositions de la loi sur la concurrence soient applicables à toute société exerçant sur le marché australien, et qu’elles ne soient plus
limitées à la présence ou à la possession d’un établissement sur
le sol australien (Recommandation 26). Le panel prône ainsi une application extraterritoriale de la politique australienne de concurrence, à l’instar du droit européen de la concurrence par exemple.
En ce qui concerne les pratiques unilatérales, le panel recommande la suppression du test du « take advantage » consistant
à sanctionner les entreprises qui utilisent leur position dominante
pour éliminer la concurrence, poser des barrières à l’entrée du
marché ou dissuader les concurrents d’adopter une attitude
concurrentielle. Le groupe de travail soulève le décalage de cette
vision par rapport à ce qui est fait dans les autres États du monde.
En effet, ce test ne permet pas de faire la distinction entre les
pratiques ayant des effets proconcurrentiels et celles ayant des
effets anticoncurrentiels. Ce test doit être remplacé par un test
plus approprié permettant de prendre en considération l’importance du pouvoir de marché ainsi que les effets des pratiques en
cause sur la concurrence. Cette recommandation oriente donc
l’analyse concurrentielle vers le marché de manière à protéger la
concurrence et non plus seulement les concurrents individuellement (Recommandation 30).
Afin de permettre une application plus souple du droit de la
concurrence, la Commission australienne pour la concurrence et
la consommation (Australian Competition and Consumer Commission) devrait se voir octroyer la possibilité d’exempter les pratiques qui ne sont pas susceptibles de nuire à la concurrence,
ou celles qui, même, si elles restreignent la concurrence, produisent des gains pour l’intérêt public qui surpassent toutes ces
restrictions (Recommandation 38). Cette recommandation se place
donc la continuité du modèle européen avec l’appréciation des
gains d’efficacité en vue de l’octroi d’une exemption individuelle.
L’Autorité devrait également pouvoir instaurer une zone de sécurité juridique (« safe harbour ») par l’intermédiaire du règlement
d’exemptions par catégorie (Recommandation 39), un mécanisme
également présent au niveau de l’UE.
Le rapport recommande de remplacer l’actuel Conseil national de
la concurrence (National Competition Council) par une nouvelle
autorité appelée Conseil australien de la politique de concurrence (Australian Council for Competition Policy), responsable de
la mise en œuvre de la politique de concurrence (Recommandation 43). En effet, le groupe de travail estime que la relance de la
politique de concurrence exige la mise en place d’une institution
forte spécialement instituée à cet effet. Or, le groupe reconnaît
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qu’en pratique, la mise en œuvre de la politique de concurrence
a été assurée par la Commission australienne pour la concurrence et la consommation et non pas par le Conseil national de la
concurrence dont le rôle a été considérablement amoindri avec
le temps. Cependant, ladite Commission, en tant que régulateur,
n’est pas la mieux placée pour jouer ce rôle politique. La mise
en place d’un nouveau Conseil qui aurait pour mission d’assurer
la mise en œuvre des réformes, d’identifier les réformes nécessaires et de faire des recommandations aux gouvernements sur
l’adoption de ces reformes paraît donc opportune pour garantir
une politique concurrentielle efficace. À ce titre, le Conseil devra
évaluer les progrès de la mise en place des réformes par l’intermédiaire d’un rapport annuel. Le Conseil pourra également effectuer des études de marché et ainsi orienter le gouvernement
sur l’ouverture d’enquêtes concernant d’éventuelles violations
du droit de la concurrence sur un marché donné.
Hart-Scott-Rodino Antitrust Improvments Act de 1976 (HSR Act)
mais emportant des effets anticoncurrentiels. Les autorités ont
par ailleurs enjoint à ces entreprises de mettre en œuvre des réformes structurelles afin de rendre le marché plus concurrentiel.
L’économie actuelle requiert un système efficace de répression
permettant d’assurer une concurrence effective. La mise en adéquation des lois avec les conditions actuelles du marché ainsi
que la mise en place de politiques de concurrence adaptables
à l’évolution rapide des marchés sont des conditions essentielles
de la mise en place d’un tel système.
Bien que la création de la société commune ne remplissait pas
les conditions d’applicabilité du HSR Act, le DoJ a considéré que
cette création était illégale, dans la mesure où les sociétés détenaient chacune une part de marché importante et du fait que
cette opération entrainait des effets anticoncurrentiels.
Eu égard à l’ampleur de la réforme proposée par le rapport final,
la promulgation effective de la loi est susceptible de prendre un
certain temps. À cet égard, le rapport final recommande au gouvernement australien de commencer dès que possible les discussions avec les entités fédérées (Recommandation 55).
Loraine DONNEDIEU de VABRES-TRANIÉ
Avocat à la Cour
Jeantet Associés
ÎRLC 2830
Le Tribunal du district Sud de New
York condamne trois sociétés
pour avoir effectué une opération
de concentration non notifiable
mais emportant des effets
anticoncurrentiels
UNITED STATES OF AMERICA and STATE OF NEW YORK v. TWIN
AMERICA, LLC et al., 16 mars 2015, Civil Action N° 12-cv-8989(ALC)
(GWG) ECF Case
Par un jugement en date 16 mars 2015, United State of America
and State of New-York v. Twin America, LLC, et al. Case N° 12-cv8989-ACL-GWG, le Tribunal du District Sud de New York a sanctionné les sociétés Twin America LLC (Twin America), Coach
USA Inc. (Coach USA) et City Sights LLC (City Sights) (ci-après
les entreprises) à payer une amende de 7,5 millions de dollars
(6,8 millions d’euros) en plus des 19 millions de dollars (17,2 millions d’euros) dus au titre d’actions privées, pour avoir effectué
une opération de concentration non notifiable au regard du
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Les sociétés Twin America, Coach USA et City Sights étaient actives sur le marché des « hop-on hop-off » bus tour, marché du
transport touristique de personnes dans la ville de New York.
Coach America a été la première à entrer sur ce marché, en 1998,
sous la marque « Gray Line New York ». Elle a été rejointe en 2005
par City Sights, un concurrent significatif, qui, en trois ans, a obtenu une part de marché quasiment égale à celle de Coach America. En 2009, Stagecoach Group plc (Stagecoach), société mère
de Coach USA, a engagé des négociations avec City Sights, afin
d’aboutir, le 17 mars 2009, à la création d’une société commune,
Twin America, via la fusion de deux filiales, IBS et City Sights Twin.
Le DoJ et l’État de New-York ont porté plainte le 11 décembre
2012 auprès du Tribunal du District Sud de New York contre les
sociétés pour violation de la Section 7 du Clayton Act (15 U.S.C.
§ 18) et de la Section 340 du Donnelly Act (N.Y. Gen. Bus. Law § 340),
qui prohibent les opérations de concentration ayant des effets
anticoncurrentiels ou qui aboutissent à la création d’une situation de monopole, mais également pour violation de la Section 1
du Sherman Act (15 U.S.C. § 1), et enfin, en application de la Section 63 de la New York Executive Law (N.Y. Exec. Law § 63).
L’audience était initialement prévue le 23 février 2015, cependant,
le 10 décembre 2014, le DoJ, l’État de New York et les trois entreprises incriminées ont informé le Tribunal qu’elles avaient conclu
un accord de principe afin de résoudre le litige plus rapidement.
Les sociétés ont donc accepté l’ensemble des demandes faites
par le DoJ et par l’État de New York.
Le Tribunal a néanmoins rendu un jugement, dans lequel il a
notamment mesuré la concentration du marché pertinent en se
référant notamment à l’indice d’Herfindahl-Hirschman (IHH), et a
mis en évidence le fait que l’opération le faisait passer de 4 599
à 9 870 points (10 000 étant un marché monopolistique), la société commune détenant à la suite de l’opération 99 % de part de
marché. Il s’est ensuite intéressé aux autorisations d’arrêts dans
la ville, délivrées en quantité limitée par le « New York City Department of Transportation » (NYDOT) et a expliqué que le portefeuille d’autorisations détenu par la nouvelle société empêchait
les nouveaux entrants de pouvoir bénéficier des arrêts les plus
fréquentés, comme par exemple l’Empire State Building, Time
Square, Battery Park… Il a ainsi considéré que « le refus chronique d’octroyer des autorisations pour les arrêts de bus avait
totalement entravé l’accès au marché de certaines entreprises et
avait empêché celles qui y avaient déjà accédé de reproduire la
dimension et la puissance que City Sights ou Gray Line avaient
avant la création de l’entreprise commune » (traduction libre). Le
tribunal a ainsi considéré, au regard des différents éléments, que
« la formation de Twin America a mis Coach USA et City Sights en
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position de monopole illégal sur le marché des tours de bus de
la ville de New York et leur a permis d’augmenter directement le
prix de vente aux consommateurs » (traduction libre).
York, y compris celles qui ne remplissent pas les conditions de
notification prévues par le HSR Act, devront être notifiées à l’État
de New York et au DoJ au moins 30 jours avant leur acquisition.
Le Tribunal a cependant approuvé l’accord et par un jugement
rendu le 16 mars 2015, il a condamné les trois entreprises à payer
solidairement au DoJ et à l’État de New York une somme de
7,5 millions de dollars en plus des 19 millions qui résultaient des
actions privées en dommages et intérêts. Le DoJ considérait en
effet que la somme de 19 millions de dollars ne couvrait pas l’ensemble des gains résultants de l’opération considérée comme
illégale. De plus, il a contraint la société Twin America à céder la
quasi-totalité des arrêts de bus situés dans New York, avec une
impossibilité d’effectuer une demande auprès du NYCDOT afin
de récupérer ces autorisations pendant une durée de cinq ans.
Il avait déjà été affirmé par les autorités américaines que les opérations de concentration non notifiables restaient néanmoins
contrôlables, comme le DoJ l’avait par ailleurs déjà rappelé à
l’égard de deux jugements de janvier 2014, U.S. v. Heraeus Electro-Nite Co., LLC., Case No. 1 :14-cv-00005 et U.S. v. Bazaarvoice,
Inc., Case No. 13-cv-00133-WHO, il est cependant inhabituel
qu’un tribunal prononce des sanctions excédant la cession des
actifs acquis afin de récupérer les gains issus de l’opération non
notifiée. Ce jugement est donc d’une rare sévérité (Voir en ce sens
Ce jugement prévoit également la mise en place d’un contrôle
de conformité et d’inspection, et autorise ainsi le DoJ et l’État de
New York à inspecter les dossiers et documents des entreprises
condamnées, relatifs aux questions contenues dans le jugement,
afin de vérifier que les sociétés se plient à ce dernier. Il prévoit
également de dispenser aux dirigeants et administrateurs des
sociétés une formation annuelle à la législation antitrust, prodiguée par un avocat confirmé en droit de la concurrence.
prises qui souhaitent effectuer des opérations de concentration
sans pour autant avoir à les notifier, que d’une part elles restent
contrôlables, mais également qu’elles risquent de payer des
amendes s’ajoutant aux actions privées et aux injonctions structurelles imposées par les autorités s’il s’avère que l’opération emportait des effets anticoncurrentiels.
Enfin, selon le Tribunal, toutes les acquisitions futures d’actifs en
place sur le marché des « hop-on » et « hop-off » bus de New
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l’article de Picot Th., « How to unscramble the eggs » ? Retour sur le
contrôle a posteriori des opérations de concentration non notifiables en
application du HSR Act, RLC 2014/39, n° 2542), et avertit les entre-
Loraine DONNEDIEU de VABRES-TRANIÉ
Avocat à la Cour
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