Corrigé Commentaire L

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Corrigé Commentaire L
Bac. De Français juin 2015 – Série L - Commentaire
Alphonse de Lamartine, « Les Voiles », poème publié en 1873 dans Œuvre posthume
Le Romantisme au XIX° siècle, place le moi au centre de sa poésie. Le lyrisme s’exprime sous
toutes ses formes, souvent élégiaque ou nostalgique. Alphonse de Lamartine, dans le poème
« les Voiles » extrait d’Œuvre posthume, publié en 1873, ne trahit pas la tradition romantique
du poème lyrique : le poète y présente en effet le tableau nostalgique de ses illusions perdues.
Comment le poème rend-il compte des désillusions du poète ? Etudions dans un premier
temps l’éloge du voyage, aspiration de jeunesse aux promesses infinies. Montrons ensuite le
regard nostalgique de celui qui est revenu de ces rêves de jeunesse.
I. Un poème qui fait l’éloge du voyage.
A. L’appel d’un ailleurs
Où la gloire et l'amour
m'appelaient de la main.
à tous les vents des mers
Je voyais dans ce vague où
l'horizon se noie
B. Un ailleurs imaginaire
Surgir tout verdoyants de
pampre1 et de jasmin
Allégories de la gloire et de
l’amour
Connote le voyage pour le
voyage
Verbe faussement sensoriel
+ lexique du flou
Clichés de l’abondance
Des continents de vie et des
îles de joie
Métaphores qui mêlent
concret et abstrait
Et mes rêves flottaient sur
tous les flots amers.
Nouvelle métaphore et
allégorie rêve/bateau
+ tous les = indétermination
Métaphore ailes/désir, élan
Vents/tous les possibles
Quand j'étais jeune et fier et
que j'ouvrais mes ailes,
Les ailes de mon âme à tous
les vents des mers,
C. Un poème romantique
Les voiles emportaient ma
pensée avec elles
J'envi/ais chaque nef qui
blanchissait l'écume
joie gloire amour enviais
heureuse aime aimées chéris
cœur
Métaphore + verbe qui
connote l’élan
Diérèse + vision picturale
Omniprésence d’un lexique
des sentiments et des
émotions
II. Un poème nostalgique qui décrit la perte des illusions.
A. l’opposition temporelle
L’appel du large est promesse
d’amour et de gloire (rêve de
jeunesse)
Partir : une fin en soi
Il s’agit de projeter ses rêves
dans un inconnu fantasmé
Quête vitale peu concrète,
imaginaire adolescent du
poète
Confirme la projection : il s’agit
d’un monde imaginé,
sentimentalisé
Un voyage rêvé sans
destination précise
Symbole d’une disponibilité au
monde…
Lyrisme romantique de
l’ailleurs, du départ
Insiste sur le désir suscité par
l’image d’Epinal
Lyrisme romantique
Antéposition de la conjonction
et de l’adverbe de temps
Rupture rythmique (4/8)
contraste avec les alexandrins
réguliers qui précèdent
Quand j'étais jeune …j'ouvrais Vers 1 à 10 (milieu du poème) :
les imparfait qui rapportent un
mes ailes… Les voiles
passé lointain
emportaient… mes rêves
flottaient… Je voyais…
Vers 11 et 13-16 : présent
l'amour m'appelaient…
Vers 12 : passé composé
J'enviais… blanchissait
« révolu »
l'écume
Et maintenant, assis au bord
du cap qui fume,
J'ai traversé ces flots et j'en
suis revenu.
Rupture entre avant/après
fortement marqué
Le poème est construit sur une
opposition temporelle entre le
poète « jeune et fier » et le
même arrivé à maturité.
Et maintenant, assis au bord
du cap qui fume,
J'ai traversé ces flots et j'en
suis revenu.
Et j'aime… me montrent les
débris… roule un peu de mon
cœur. 20
J'ai traversé ces flots et j'en
suis revenu.
assis au bord du cap qui fume
B. le regard nostalgique
Et j'aime encor ces mers
autrefois tant aimées
un champ de mort où mes
ailes semées
Non plus comme le champ
de mes rêves chéris,
Mais comme un champ de
mort où mes ailes semées De
moi-même partout me
montrent les débris
Et chacun de ces flots roule
un peu de mon cœur
Passés composés
+ expression qui désigne
l’expérience réelle du voyage
+ expression qui connote la
déception
Terme statique
La différence avant (rêve) et
après (expérience faite) se
solde par la déception
Polyptote
Le verbe a changé de sens
entre temps mais le
sentiment nouveau
(nostalgie et amertume)
garde sa saveur pour le
poète
Le rêve détruit par
l’expérience
La nostalgie c’est l’évocation
d’un paradis perdu
Lexique de la destruction
Opposition marquée par la
conjonction et par la reprise
des termes
+ voc. mélioratif (avant)
Voc. péjoratif (après)
Métaphore finale qui
semble renouer un lien avec
le poète
Contraste avec les verbes de
mouvement associés au désir
de voyage
Par-delà la déception,
demeure un sentiment
(cœur) qui garde (un peu) le
Un peu : connote le lien
ténu
Cœur : sentiment
C. la posture du moi décomposé
Débris
Lexique de la mort, de la
me brisa
chute
funeste
sombra
tomba
De moi-même partout me
Répétition redondante du
montrent les débris.
moi
Cet écueil me brisa, ce bord
surgit funeste,
Ma fortune sombra dans ce
calme trompeur ;
La foudre ici sur moi tomba
de l'arc céleste
Et chacun de ces flots roule
un peu de mon cœur.
Cet écueil me brisa, ce bord
surgit funeste,
Ma fortune sombra dans ce
calme trompeur ;
La foudre ici sur moi tomba
de l'arc céleste
Cet écueil me brisa, ce bord
surgit funeste,
Ma fortune3 sombra dans ce
calme trompeur ;
souvenir de l’idéal :
nostalgie
Plus qu’une déception, la
mort du moi enthousiaste et
heureux
Lyrisme : le poète présente
l’expérience malheureuse
comme un traumatisme
personnel profond.
Passé simple : ponctuel
+ verbes d’actions violentes
Dernier quatrain
Brutalité de la désillusion
[t][k][b][p] sonorités dures
répétées
Accompagnent la brutalité
du choc
Ce poème romantique exprime donc pleinement la complexité de la nostalgie. Celle-ci s’appuie en
effet d’abord sur un passé révolu, idéalisé parce que rêvé, fantasmé. Vient le temps du retour à la
réalité, souvent accompagné de son lot de désillusions : quelque chose d’intime et de profond est alors
détruit chez celui qui voit ses rêves brisés. La nostalgie permet pourtant de garder quelque chose de
ces paradis perdus, comme un lien sentimental avec le passé, lucide et douloureux. Le voyage rêvé qui
vaut mieux que le voyage lui-même, un thème que reprendront Baudelaire et les symbolistes : on
pense, par exemple, à « Parfum exotique » de Baudelaire ou encore à « Brise marine » de Mallarmé.