Le droit d`expression - Guide de l`employeur

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Le droit d`expression - Guide de l`employeur
Le droit d’expression
Figurant à l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen, le principe de liberté
d’expression est repris aux articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du Code du travail.
En outre, la loi du 4 août 1982 (loi Auroux) aménage dans l’entreprise un droit d’expression des
salariés concernant le thème plus précis des conditions de travail. Ainsi l’article L. 2281-1 du Code du
travail dispose : « Les salariés bénéficient d'un droit à l'expression directe et collective sur le contenu,
les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail».
Toutefois au-delà de ces principes généraux, la loi ne fixe pas le contenu de ce droit. C’est donc aux
juges qu’est revenue la tâche d’en définir les contours en précisant les abus sanctionnables.
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Le droit d’expression
1.1. Définition du droit d’expression
L’article L. 2281-1 du code du travail pose le principe du droit d’expression dont bénéficient les
salariés. Les articles suivants précisent les conditions de son exercice.
Le droit d’expression est un droit dont l’exercice est collectif et direct (art. L. 2281-2 C. trav.).
Direct en ce sens que ce droit s’exerce à l’exclusion de toute notion hiérarchique. Le droit
d’expression est collectif puisqu’il permet à chacun des salariés de pouvoir exprimer librement son
opinion en vue de faire émerger collectivement des avis, des souhaits…
1.2. Mise en place
a. En présence d’un délégué syndical
Lorsque dans une entreprise sont constituées 1 ou plusieurs sections syndicales d’organisations
représentatives ayant procédé à la désignation d’au moins un délégué syndical, l’employeur doit
engager une négociation sur les modalités d’exercice du droit d’expression.
 L’accord collectif
Outre les mentions obligatoires à tout accord collectif de travail, l’accord relatif au droit d’expression
doit prévoir ;
- le niveau d’exercice du droit d’expression (unité de travail, ateliers….);
- la fréquence et la durée des réunions d’expression ;
- les modalités de transmission à l’employeur des avis, demandes et propositions ainsi
exprimés ;
- les modalités d’information des salariés concernés, des représentants du personnel et des
syndicats sur les suites données à ces avis, demandes et propositions ;
- les conditions spécifiques d’exercice du droit d’expression par le personnel d’encadrement
ayant des fonctions hiérarchiques.
Les mentions citées ci-dessus constituent les informations minimales devant figurer dans l’accord
collectif. Il est permis, voire vivement conseillé, aux parties à la négociation de prévoir de façon plus
précises et adaptées aux situations de travail les modalités d’exercice de ce droit d’expression.
Ainsi, dans nos secteurs d’activité, il pourra être pris en compte, notamment, la situation des
travailleurs de nuit, des intervenants à domicile ou multi sites…
Pour être valide, cet accord collectif doit remplir les conditions fixées par le code du travail ;
- Signature majoritaire
L’accord d’entreprise ou d’établissement doit être signé par une ou plusieurs organisations
syndicales représentative ayant recueilli au moins 30% des suffrages exprimés au premier tour des
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Le droit d’expression
dernières élections des titulaires pour le mandat de délégué du personnel, membre du comité
d’entreprise ou de la délégation unique du personnel.
- Absence d’opposition
Pour être valable, l’accord doit également ne pas avoir fait l’objet d’une opposition d’une ou
plusieurs organisations syndicales ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des mêmes
élections, quel que soit encore le nombre de votant.
Les organisations syndicales disposent d’un délai de huit jours à compter de la notification du texte
de l’accord pour faire connaître leur opposition par un écrit motivé à l’attention des signataires de
l’accord.
Constituant un accord collectif de travail cet accord doit faire l’objet d’un agrément pour les
associations soumises à cette obligation et d’un dépôt suivant les conditions et modalités habituelles
(art. D. 2231-7 C. trav.).
 En cas d’échec des négociations
L’obligation ainsi faite aux partenaires sociaux dans l’entreprise, a la nature d’une obligation de
moyen, et non de résultat.
À défaut d’avoir pu aboutir, les négociations se solderont par un procès verbal de désaccord qui
devra être adressé à la DIRECCTE (art. L. 2281-9 C. trav.).
Lorsque la négociation engagée loyalement n’a pu aboutir, l’employeur devra au moins 1 fois par an,
inviter les délégués syndicaux à de nouvelles négociations sur ce thème (art. L. 2281-8 C. trav.). Il
devra également consulter les représentants du personnel sur les modalités d’exercice de ce droit.
À défaut, en cas de sollicitation de la part d’une organisation syndicale représentative, l’employeur
devra :
- transmettre cette demande aux autres organisations syndicales représentatives, dans les 8
jours suivants ;
- ouvrir les négociations dans les 15 jours suivant la demande.
 Dans l’hypothèse où les négociations n’ont pu aboutir, les salariés exerceront ce droit
d’expression suivant les modalités déterminées par l’employeur après consultation des
représentants du personnel (art. L. 2281-12 C. trav.).
 Révision
Tous les 3 ans, l’employeur doit provoquer une réunion avec les organisations syndicales en vue
d’examiner les résultats de l’accord et engager la renégociation de ce dernier si un syndicat
représentatif le demande (art. L. 2281-7 C. trav.).
b. En l’absence de délégué syndical
En l’absence de délégué syndical, l’employeur doit consulter annuellement les représentants du
personnel quant aux modalités d’exercice du droit d’expression.
1.3. Les sanctions
Le refus d’engager des négociations sur les modalités d’exercice du droit d’expression expose
l’employeur aux peines prévues en matière de délit d’entrave, à savoir ; une peine
d’emprisonnement de 1 an et une amende de 3 750 euros.
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1.4. Exercice du droit d’expression
L’exercice du droit d’expression a lieu pendant et sur le lieu de travail. Le temps passé aux réunions
prévues dans le cadre de l’exercice de ce droit ne peut entraîner une réduction de la rémunération
du salarié.
Les opinions émises par les participants, quelle que soit leur place dans la hiérarchie professionnelle,
ne peuvent servir de fondement à une sanction disciplinaire ou à un licenciement. Les mesures
destinées à protéger cette liberté doivent être prévues par l'accord ou la décision de l'employeur,
sous réserve de tout abus de droit.
En effet, tout exercice d’un droit reste protégé dans la limite de tout abus. Ainsi par exemple peut
faire l’objet de sanction un comportement visant à faire état de critiques excessives et malveillantes
à l’égard de la direction émises durant une réunion d’expression (C. soc. 20 janvier 1993 n° 9143 652). De même qu’a pu être considérée comme légitime la sanction infligée à un salarié en raison
de ses propos visant à engendrer un climat de mésentente et de dénigrement de la direction (Cour
d’Appel de Versailles 10 avril 1995 n° 93-11 623).
Le droit d'expression ne doit pas être confondu avec la liberté d'expression qui est le droit pour le
salarié de s'exprimer librement dans et hors de l'entreprise du moment que ses propos ne portent
pas atteinte à la réputation de celle-ci.
2. La liberté d’expression
2.1. Le principe de liberté
La liberté d’expression constitue une liberté publique. Celle-ci figure aux articles 10 et 11 de la
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ainsi qu’à l’article 10 de la Convention Européenne
des Droits de l’Homme.
Afin de pouvoir garantir aux individus l’exercice de ce droit dans le cadre de leur travail, le code du
travail dispose à l’article L. 1132-1 du Code du travail ;
« Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à
une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet
d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens
de l'Article L3221 3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de
reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de
mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de
son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses
caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à
une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou
mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en
raison de son état de santé ou de son handicap. »
Le code du travail pose donc ici un principe général d’interdiction des mesures discriminatoires.
En outre, afin de permettre aux salariés un plein exercice de ce droit, le législateur encadre les
possibilités pour l’employeur d’apporter des restrictions à l’exercice de ce droit ;
« Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de
restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au
but recherché » (art. L. 1121-1 C. trav.).
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2.2. Les limites de cette liberté
Il est donc admis, sous certaines conditions, qu’il soit posé des limites à l’exercice de cette liberté
d’expression.
Enfin, comme toute liberté ou droit, l’abus peut être susceptible de sanction, pouvant aller suivant
les cas jusqu’au licenciement.
Ainsi, bien que libre de ses opinions, le salarié peut parfois être tenu par une obligation de discrétion.
Ainsi toute violation de cette obligation pourra faire l’objet d’une sanction disciplinaire.
 Les limites à la liberté d’expression au sein de l’entreprise
Le code du travail autorise à restreindre la liberté d’expression des salariés dans la mesure où la
restriction apporté est justifiée par la nature des tâches à accomplir et proportionnelle au but
recherché.
La légitimité de la restriction ainsi que l’existence d’un éventuel abus fera donc l’objet d’une
appréciation par les juges du fond sur les circonstances propres à l’affaire soumise. En ce sens,
certains salariés, compte tenu de la nature de leur fonction, seront jugés plus sévèrement.
Ainsi par exemple a été considéré par la cour de cassation comme constituant un abus le fait pour un
cadre supérieur de s’adresser au Directeur Général à l’insu de son propre responsable hiérarchique,
en apportant des informations confidentielles obtenues à partir de fichiers auxquels il n’avait pas
accès (C. cass. 1er octobre 2002, n° 00-43 543).
 Les limites à la liberté d’expression en dehors de l’entreprise
En dehors de l’entreprise, le salarié retrouve le plein exercice de sa liberté d’expression sous réserve
de tout abus et du respect des obligations de discrétion, de secret professionnel.
En effet, la loi pose une restriction à la liberté d’expression. Ainsi l’article 226-13 du code pénal
dispose que « La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est
dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire,
est punie d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende ».
En outre, le développement des nouvelles technologies internet, différentes affaires portées devant
ont amené les juges à adapter les conditions d’exercice de ce droit à ces nouveaux modes de
communication (Conseil des Prud’hommes Boulogne Billancourt 19 novembre 2010, n° 10-853).
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