Le chaos des émotions Avec Platonov (ou presque), le jeune

Transcription

Le chaos des émotions Avec Platonov (ou presque), le jeune
Le chaos des émotions Avec Platonov (ou presque), le jeune metteur en scène Thibaut Wenger donne vie à un délicieux brouillon d’émotions et de passions contradictoires. Fidèle à l’âme de Tchékhov, il s’enivre de la fougue de la jeunesse et l’élève à son paroxysme avec force et audace. Platonov (ou presque) commence dans le brouhaha d’une fête bien arrosée, où les banalités des conversations se mêlent aux éclats de rire et aux notes de piano. Parmi ce groupe d’amis réunis en villégiature chez la jeune veuve Anna Petrovna, Platonov, instituteur désinvolte et séducteur, brille en société et alimente les discussions. Ses retrouvailles avec Sofia, la femme qu’il a aimée autrefois, vont alors raviver son désespoir et précipiter sa chute. C’est dans la brume d’une mystérieuse nuit d’été que le drame de Platonov puise son environnement pur et raffiné. Nimbée par un jeu subtil d’ombre et de lumière, la scénographie de Boris Dambly tire profit de la profondeur de la scène et plonge le spectateur dans une atmosphère d’ivresse collective, à la fois obscure et intime, qui brouille les perceptions. Au fur et à mesure que les actes défilent, les frustrations et les passions se déchaînent, laissant place au chaos des émotions. Entre crise de larmes et rires nerveux, les personnages de Tchékhov nous rappellent ici l’exaltation et la frénésie de l’adolescence. Accompagné d’une talentueuse distribution de jeunes acteurs, Thibaut Wenger nous raconte la descente aux enfers d’une personnalité ambigüe, instable et torturée, donnant naissance à des moments d’étourdissement et des sursauts de folie d’une extrême intensité. Par la justesse de l’interprétation et la vérité des émotions, Platonov (ou presque) offre une vision fulgurante de la décadence. Il transporte le public à travers les tourments de l’amour, l’éveil de l’amitié, les pulsions suicidaires et l’hystérie du désespoir. Sans cesse en mouvement intérieur, les personnages cassent le rythme de la représentation en confrontant l’humour cinglant aux sensibilités à fleur de peau. Malgré sa longueur, ce spectacle d’une douce insolence tient le spectateur en haleine et l’emporte dans un élan de sensations intenses. Platonov (ou presque) se révèle une expérience en soi, un moment d’égarement, de folie poignante, qui laisse derrière lui un recueil d’impressions vives et bouillonnantes. Laura Bejarano Medina (Demandez le programme)