1.2.4. Un modèle non abstractif de compréhension de mots et d
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1.2.4. Un modèle non abstractif de compréhension de mots et d
Revue de Neuropsychologie 2000, Vol.10, n° 1, 53-76 Les conceptions « système unique » de la mémoire: applications à la neuropsychologie Serge Carbonnel Laboratoire de Psychologie Expérimentale Université de Savoie CNRS - UMR 5105 Résumé Cet article évalue la capacité des modèles non abstractifs (ou « système unique ») de la mémoire à rendre compte de divers syndromes neuropsychologiques caractérisés par des troubles sémantiques catégorie-spécifiques. Les conceptions non abstractives semblent mieux à même que les modèles « multi-systèmes » d’expliquer de manière simple les dissociations rencontrées. Contrairement à ces derniers, elles permettent également de prédire l’association fréquemment reportée d’une amnésie rétrograde et de déficits sémantiques conditionnés par la familiarité des items. Elles offrent enfin une explication cohérente de la configuration de déficits observée dans la démence sémantique. Mots-clés : modèle non-abstractif de la mémoire, déficits sémantiques, déficits catégorie-spécifiques et modalités-spécifiques, amnésie rétrograde, démence sémantique. Key-words : non-abstractive model of memory, semantic deficits, category-specific and modality-specific deficits, retrograde amnesia, semantic dementia. Introduction L’objectif de cet exposé est d’évaluer la capacité des conceptions « système unique » de la mémoire (ou théories non abstractives, voir Rousset, ce volume) à rendre compte d’une variété de syndromes neuropsychologiques caractérisés par divers déficits sémantiques. Les différents domaines abordés dans cette perspective seront les suivants : a) les déficits spécifiques à la catégorie des vivants et modalité-spécifiques, b) les déficits spécifiques à la catégorie des objets inanimés, c) les déficits spécifiques à la catégorie des vivants et modalité-indépendants et d) la démence sémantique. Dans un premier un temps, les conceptions non abstractives de la mémoire seront brièvement rappelées et un modèle connexionniste (Farah & McClelland,1991) que l’on peut considérer comme une implémentation des théories abstractives (ou systèmes multiples) de la mémoire sera décrit. Les différents syndromes neuropsychologiques abordés seront alors discutés en référence à ces deux points de vue. Les conceptions non abstractives (ou système unique) de la mémoire Comme cela a été développé par ailleurs (voir Rousset, ce volume), les théories non abstractives (Hintzman, 1986 ; Damasio, 1989 ; Rousset & Schreiber, 1992) conçoivent la mémoire comme unitaire. D'une part, elles ne distinguent plus perception (ou traitement) et mémoire (voir Charnallet, Rousset, Carbonnel & Pellat, 1996). D'autre part, elles rejettent l'existence d'une mémoire sémantique vue comme une base permanente de connaissances qui auraient été abstraites de nos expériences antérieures. La mémoire est, au contraire, conçue comme uniquement épisodique, c'est à dire comme un système qui garde seulement les traces des "épisodes" ou événements vécus par un individu. Un épisode est constitué de l'ensemble des stimulations vécues par le sujet lors d'une rencontre avec un référent quelconque et possède donc, en règle générale, plusieurs composantes (visuelle, auditive, motrice, proprioceptive…) reflétant l'activité des divers canaux sensoriels ou moteurs mis en jeu au cours de l'interaction avec ce référent. L'évocation du sens d'un item consiste alors à recréer momentanément, sur la base de l'épisode actuel (indice de récupération) une partie des épisodes antérieurs ayant mis en jeu cet item. Par exemple, l'indice de récupération pourrait être l'image (ou le nom) d'un item donné. Cet indice déclenchera la réactivation des traces épisodiques en fonction de leur similarité avec lui. C'est le contenu combiné de ces traces, appelé écho, qui est alors supposé constituer le sens évoqué par l'indice. Deux points importants doivent être soulignés : puisque l'écho est conçu en quelque sorte comme la 2 somme pondérée des contenus des traces activées a) l'écho reflète principalement la contribution des traces les plus similaires à l'indice et b) il est essentiellement constitué du contenu partagé par la plupart des traces activées, leurs contenus distinctifs étant très faiblement activés. Le sens d'une entité évoqué à partir d'un indice (image ou mot) sera alors constitué des composants de l'écho qui sont suffisamment activés pour devenir disponibles à la conscience. Les conceptions abstractives (ou systèmes multiples) de la mémoire Farah & McClelland (1991) ont présenté un modèle connexionniste d'identification qui simule l’accès aux connaissances en mémoire sémantique. Ce modèle peut être vu comme une implémentation des modèles abstractifs de la mémoire dans la mesure où il suppose l'existence d'un stock de représentations sémantiques. Il présente cependant l'avantage de permettre une simulation réelle du comportement normal aussi bien que pathologique. Dans le modèle de Farah & McClelland (schématisé Figure 1), la mémoire sémantique est vue comme comportant deux types d’unités (c’est à dire de propriétés), visuelles et fonctionnelles, qui contribuent différentiellement à définir les animaux et les objets : conformément aux propositions de Warrington & McCarthy (1987), les animaux sont définis par une proportion importante d'unités visuelles et peu d'unités fonctionnelles (ou non visuelles), alors que les objets sont définis par un nombre équivalent d'unités fonctionnelles et visuelles. Deux entrées sont envisagées : une entrée visuelle (image) et une entrée verbale (nom). Les trois ensembles (ou couches) d'unités sont entièrement interconnectés, comme le sont les unités sémantiques entre elles. Dans une phase d'apprentissage, les poids des connexions sont progressivement ajustés de sorte que chaque entrée visuelle, représentée par un pattern d'activation dans la couche visuelle, active finalement sa configuration sémantique appropriée et que celle-ci active ensuite la configuration correspondant à son nom (ce que l'on peut assimiler à une tâche de dénomination) et inversement pour une entrée verbale (appariement mot-image). Après cette phase d'apprentissage, le modèle permet ainsi de simuler la dénomination d'image, l'appariement mot-image et la production de connaissances sémantiques à partir d’un mot ou d’une image. Il permet également d'évaluer, dans ces différentes tâches, les conséquences de diverses "lésions" du réseau et donc de simuler certaines formes de déficits sémantiques, comme cela sera illustré plus loin. 3 Figure 1 : Schematic representation of the Farah et McClelland (1991) model SYSTEME SEMAN TIQUE Propri étés Vi suel l es Propri étés Foncti onnel l es VISUEL VERBAL SYSTEMES D'EN TREE PERIPH ERIQUES Figure 1 : Représentation schématique du modèle de Farah & McClelland (1991) Les déficits catégorie-spécifiques (pour les vivants) et modalitéspécifiques Cette catégorie de déficits se caractérise par une altération des connaissances plus importante pour la catégorie “vivants” (animaux notamment) que pour la catégorie “non vivants” (aspect catégorie-spécifique), cette dissociation n’apparaissant que sur entrée verbale ou sur entrée visuelle (aspect modalité-spécifique). Deux cas représentatifs de cette catégorie illustreront notre démarche explicative. 4 Le cas du patient EC (Charnallet, Carbonnel, 1995 : Carbonnel, Charnallet, David, Pellat, 1997) Les troubles de EC, un homme de 55 ans, sont consécutifs à une anoxie cérébrale prolongée due à un infarctus du myocarde avec arrêt circulatoire. Au moment de l'investigation, le patient ne présente aucun déficit neurologique, le champ visuel et l'acuité visuelle sont strictement normaux. Il ne montre aucun signe de confusion ou de détérioration intellectuelle globale. Le tableau neuropsychologique de ce patient peut être décrit sous la forme de trois déficits principaux : a) une agnosie visuelle d'objet massive en l'absence de tout déficit perceptif, impliquant toutes les catégories d'items et ne préservant que les objets appartenant à l'environnement quotidien de EC ; b) une absence complète de connaissances concernant l'apparence visuelle des items concrets ; c) un déficit de la compréhension des mots concrets, spécifique aux noms d'items vivants (en particulier les animaux). Quelques données issues de l'étude de cas (voir Carbonnel et al, 1997) illustrent les deux derniers points. Le patient devait fournir une définition de 20 stimuli (10 noms d'objets et 10 noms d'animaux) et répondre à des questions relatives à leurs aspects visuels ou fonctionnels. Les réponses de EC ont été classées en 4 types et la table 1 indique pour chacun d'entre eux et pour chaque catégorie d'items la répartition des réponses correctes et fausses fournies. Table 1 : Kinds of knowledge produced by EC in concept definition Type de connaissance Objets Animaux Correcte Fausse Correcte Fausse Catégorie super-ordonnée 10 0 10 0 Catégorie sous-ordonnée 10 0 4 6 Fonctionnelle 18 1 12 10 Visuelle 2 6 4 12 Table 1 : Types de connaissances produites par EC en définition de concepts Note: Les connaissances fonctionnelles pour les animaux réfèrent à toute connaissance non visuelle et non catégorielle (e.g. : rapidité, conditions de vie ...). Il faut souligner que, particulièrement pour les animaux, EC tendait à ne fournir spontanément que très peu d'nformations. Dans ce cas, les données correspondent essentiellement aux réponses fournies aux questions de l'examinateur pour lesquelles la probabilité d'une réponse correcte était de 0,5. 5 Ces données confirment clairement, à la fois l'absence de connaissances visuelles sur les objets et les animaux, mais aussi la dissociation relative aux connaissances non visuelles (ou fonctionnelles), virtuellement absentes pour les animaux alors qu'elles sont satisfaisantes pour les objets. Ainsi, cette observation fait bien apparaître une configuration frappante de déficits de compréhension à la fois modalité- et catégorie-spécifiques dont on tentera de rendre compte dans le cadre des théories abstractives vs non-abstractives de la mémoire. Interprétation du cas dans le cadre du modèle de Farah & McClelland (1991). Farah & McClelland ont évalué les conséquences sur la performance de leur modèle d'une altération du sous-système d'unités sémantiques visuelles (voir Figure 1). Il est intéressant d'observer que cette « lésion » affecte l'activation correcte des unités fonctionnelles représentant les items vivants seulement1. Appliqué au cas EC, un tel déficit des prédicats visuels au sein du système sémantique pourrait ainsi rendre compte de l'absence de connaissances visuelles pour tout type de stimulus mais aussi de l'altération des connaissances fonctionnelles pour les animaux. Le problème est qu'un autre aspect de la symptomatologie de EC n'est pas compatible avec les résultats de la simulation. En effet, celle-ci indique que l'altération des unités visuelles provoque un déficit catégorie-spécifique tant sur entrée imagée que sur entrée verbale, ce qui n'était clairement pas le cas chez EC, dont l'agnosie visuelle touchait tous les types d'items. Pour rendre compte de ce fait, il serait donc nécessaire, dans le cadre du modèle de Farah & McClelland (1991) de postuler un déficit supplémentaire en dehors du système sémantique qui pourrait affecter le système visuel périphérique ou les connexions entre ce dernier et le système sémantique. L'ensemble des troubles de EC ne peut donc être expliqué ici qu'en supposant l'existence de deux déficits, l'un au niveau sémantique (prédicats visuels), l'autre à un niveau visuel pré-sémantique. De plus, il semble surprenant que ces deux déficits, a priori fonctionnellement indépendants, soient d'une même nature visuelle. Interprétation du cas dans le cadre des modèles non abstractifs L’explication proposée nécessite une hypothèse préalable, qui s'apparente aux propositions de Warrington et collègues (Warrington & Shallice, 1984 ; Warrington & 1 Cet effet est expliqué dans le modèle par le fait que, dans le cas des items vivants, les unités fonctionnelles manquent de la "masse critique" qui leur serait nécessaire pour être activées, du fait du déficit des unités visuelles. 6 McCarthy, 1987). Il est supposé que la plupart de nos interactions avec les objets manufacturés donnent lieu à une activité dans les aires visuelles mais aussi dans d'autres aires (motrices, proprioceptives...) impliquées dans leur usage (leur fonction). Autrement dit, les épisodes impliquant les objets comporteraient deux composantes relativement invariables (visuelle et fonctionnelle). Il est supposé qu'en revanche, pour les animaux, seule la composante visuelle est réellement invariante dans la plupart des épisodes les mettant en jeu. Etant donnée cette hypothèse, il est possible de rendre compte de l'ensemble du tableau de EC en postulant l'existence d'un seul déficit fonctionnel. Puisque la caractéristique principale du cas semble être l'absence massive de connaissances visuelles, il est suggéré que, chez ce patient, la composante visuelle de l'ensemble des épisodes préalablement expérimentés pourrait être indisponible. En référence au modèle non abstractif d'identification, les trois principaux déficits de EC pourraient alors s'expliquer comme suit. (a) Lorsque l'indice de récupération est une image (identification visuelle), celui-ci ne devrait s'apparier avec aucune trace épisodique (celles-ci étant privée de leur composante visuelle). En conséquence, aucun écho (et donc aucune signification) ne sera retourné par la mémoire épisodique, ce qui expliquerait l'agnosie massive de EC. (b) Lorsque l'indice de rappel est un mot, quelles que soient les traces épisodiques réactivées, elles ne comporteront pas de composante visuelle. En conséquence, l'écho retourné sera également privé de composante visuelle. Aucune connaissance visuelle ne pourra donc être évoquée à partir du nom d'un item, comme cela a été observé chez EC. (c) Dans le cas où l'indice de récupération est un nom d'objet, il devrait s'apparier avec un certain nombre de traces d'épisodes précédemment expérimentés avec cet objet. L'écho, reflétant le contenu partagé des traces activées, devrait comporter, dans ce cas, une composante fonctionnelle fortement activée et en conséquence disponible à la conscience. Si l'indice de rappel est le nom d'un animal, le contenu partagé des traces activées devrait être, dans le fonctionnement normal, essentiellement visuel, les autres informations (e.g. fonctionnelles) ne devant devenir disponibles que dans un deuxième temps, lorsque l'écho "visuel" s'ajoutera à l'indice de rappel initial (mécanisme de réinjection) pour permettre à plus de traces d'être fortement activées (voir Rousset, ce volume). Cependant, si la composante visuelle est absente dans les traces épisodiques, l'écho retourné par l'indice initial échouera à renforcer l'indice de rappel lors de la deuxième phase du processus et, en conséquence, à rendre disponibles les informations fonctionnelles. Il peut donc être prédit que, suite au déficit supposé, les informations fonctionnelles pourront être évoquées à partir du nom d'un objet alors que cela ne sera 7 pas le cas à partir du nom d'un animal. Ceci est conforme au déficit catégorie-spécifique observé chez EC, sur entrée verbale. Si l'on admet l'hypothèse formulée quant au contenu des épisodes expérimentés avec les objets versus les animaux, les principes des modèles non abstractifs permettent donc, contrairement à la conception abstractive, de rendre compte de manière simple de la configuration de troubles observée dans le cas EC en postulant un unique déficit de la composante visuelle des épisodes. Le cas du patient TOB (McCarthy & Warrington, 1988) Le cas du patient TOB, reporté par McCarthy & Warrington (1988), et vu par ces auteurs comme apportant des arguments en faveur d'une organisation modalité-spécifique des connaissances, a donné lieu à un vif débat (Rapp, Hillis & Caramazza, 1993 ; Farah & McClelland, 1991). Ce patient, porteur d’une lésion temporale gauche, présentait un déficit catégorie-spécifique de la compréhension des noms d'animaux alors qu'aucune difficulté n'apparaissait en identification d'images. Sa compréhension d'items concrets sur entrée imagée était bonne, tant pour les vivants (94 %) que pour les inanimés (98 %). En revanche, il existait un déficit catégorie spécifique sur entrée verbale, la performance de TOB étant de 33 % pour les vivants contre 89 % pour les inanimés. D’autre part, TOB était incapable de dénommer les images, quelles qu'elles soient (score de 0 %), aussi bien que de réaliser des appariements mots-images (score de 0 %). Interprétation du cas dans le cadre du modèle de Farah & McClelland (1991). Farah & McClelland (1991) ont considéré qu'ils étaient parvenus à simuler les performances de ce patient en altérant, dans leur modèle (voir figure 1), de manière unidirectionnelle, les connexions reliant les unités périphériques verbales aux unités sémantiques visuelles. De fait, suite à cette lésion, le modèle produit le déficit modalitéet catégorie-spécifique observé chez TOB (trouble de compréhension des animaux limité à la modalité verbale). Malheureusement, un examen attentif des résultats de la simulation montre que celle-ci prédit également une performance parfaite en dénomination ainsi qu'un déficit spécifique aux animaux en appariement mots-images, ce qui ne correspond nullement au tableau du patient. L'explication proposée par Farah & McClelland (1991) n'est donc pas satisfaisante. Interprétation du cas dans le cadre des modèles non abstractifs 8 Dans le contexte des modèles non abstractifs, il est possible de rendre compte de l'ensemble du cas de TOB en postulant que la lésion (ici localisée dans le lobe temporal gauche) perturbe la communication entre les aires visuelles et celles du langage (voir Saffran & Schwartz, 1994, pour une proposition similaire à propos de ce cas, dans un contexte théorique différent). De ce déficit, il s'en suivrait que, sur la base d'un mot comme indice de rappel, la composante visuelle des traces épisodiques ne serait plus disponible, d'où le problème de compréhension spécifique aux noms d'animaux (comme cela a été discuté précédemment pour le cas EC). D'autre part, les troubles en dénomination et en appariement mots-images découlent naturellement du déficit supposé. Enfin, sur la base d'une image comme indice de rappel, toutes les composantes des traces épisodiques devraient être disponibles (exceptée bien sûr la composante verbale), ce qui devrait permettre une compréhension normale des images d'items de toute catégorie (sans dénomination) comme cela était observé chez TOB. Les déficits catégorie-spécifiques pour les objets inanimés Dans la littérature, quelques cas, beaucoup plus rares que leurs symétriques, ont été rapportés de patients présentant un déficit des connaissances spécifiques aux objets inanimés. Ainsi, VER (Warrington & McCarthy, 1983) obtenait dans une tâche d’appariements mots-objets, une performance de 63 % pour les objets inanimés contre 86 % pour les animaux. Dans une épreuve d’appariements mots-images, YOT (Warrington & McCarthy, 1987) réalisait une performance de 58 % pour les petits objets manipulables, de 78 % pour les objets inanimés “ non manipulables ” et de 86 % pour les vivants. Dans ce même type de tâche, le patient CW (Sacchett & Humphreys, 1992) réalisait 73 % de réponses correctes pour les objets inanimés contre 100 % pour les animaux. Dans le cadre des modèles non abstractifs, une explication simple de ces cas peut être proposée. On peut faire l’hypothèse qu’il existe chez ces patients une dégradation des enregistrements moteurs (fonctionnels) des traces épisodiques. Il faut tout d’abord noter que cette hypothèse est compatible avec la localisation lésionnelle puisque tous ces patients présentent une importante lésion fronto-pariétale gauche (et sont globalement aphasiques). En raisonnant alors comme cela a été proposé pour le cas EC, plus haut, on peut prédire que le déficit supposé affecte plus les objets et notamment les objets manipulables (comme décrit dans le cas de YOT). 9 A l’issue de l’examen de ces deux premières classes de déficits sémantiques, une remarque importante peut être faite. Une double dissociation (ici, déficit spécifique aux vivants chez certains patients et déficit spécifique aux objets inanimés chez d’autres) est généralement vue comme témoignant de l’existence de deux sous-systèmes indépendants (par exemple ici un sous-système de conaissances pour les vivants et un sous-système de connaissances pour les inanimés, au sein du système sémantique, voir Caramazza & Shelton, 1998, pour ce type de raisonnement). Il est donc intéressant de noter qu’en se référant au cadre théorique des modèles non abstractifs, cette double dissociation peut être expliquée de manière très différente par l’altération de processus ou de composantes différents au sein d’un même système (voir aussi Rousset, ce volume, à ce sujet). Les déficits catégorie-spécifiques (pour les vivants) et modalitéindépendants Ces cas se caractérisent par une dissociation, observée à la fois avec du matériel verbal et imagé, entre une difficulté à identifier les items vivants et une relative préservation de l'identification des items inanimés. Considérant la manière dont le sens serait recréé sur la base des traces épisodiques selon les modèles non abstractifs, nous proposons que de tels déficits catégorie- (mais non pas modalité-) spécifiques pourraient résulter d'une dégradation diffuse de la base de traces épisodiques. Un tel déficit devrait alors logiquement (ou statistiquement) être plus particulièrement préjudiciable à la compréhension des entités qui ont été le moins fréquemment expérimentées (et qui ont donc généré le moins de traces). Nous considérons que tel est le cas des items vivants (et en particulier des animaux) relativement aux items inanimés. Il nous semble clair, en effet, et quelles que soient les mesures de familiarité subjective reportées dans certaines études normatives (e.g. Snodgrass & Vanderwart, 1980), que les items inanimés utilisés par la plupart des chercheurs (meubles, vêtements, véhicules, outils...) ont été incomparablement plus souvent expérimentés que n'importe quel animal (excepté peutêtre chiens et chats). Le déficit supposé devrait donc conduire à une dégradation plus importante des connaissances au sujet des items vivants qu'au sujet des items inanimés et plus généralement à un effet de fréquence (ou familiarité) majeur des items testés. Si l'hypothèse d'une altération des traces épisodiques est correcte, on devrait donc observer dans les études de cas appartenant à la catégorie considérée ici : 1) la présence d'une amnésie rétrograde plus une moins sévère, reflétant directement la 10 dégradation des traces épisodiques et 2) des troubles sémantiques conditionnés par la familiarité des items. Table 2 : Case studies showing a category-specific deficit for living items : data summary CAS Etiologie JBR, SBY, KB, ING Warrington et Shallice (1984) LA Silveri et Gainotti (1988) FB Sirigu et al. (1991) SL Funnell et Sheridan (1992) HO Stewart et al. (1992) Encéphalite herpétique GR Laïacona et al. (1993) TC : Lésion temporopariétale gauche TC : Lésion temporopariétale gauche Encéphalite herpétique PM Laïacona et al. (1993) Felicia De Renzi et Lucchelli (1994) Bellini Sartori et al. (1994) EA Laïacona et al. (1997) Encéphalite herpétique Encéphalite herpétique TC grave Encéphalite herpétique Encéphalite herpétique Encéphalite herpétique Effet de Effet de catégorie familiarité / familiarité NT NT Important F>C NT NT Très important Effet de catégorie absent, quand familiarité contrôlée Effet de catégorie absent, quand familiarité contrôlée Très important NT Important Important Amnésie antérograde ? Amnésie globale sévère Amnésie rétrograde très sévère Amnésie rétrograde très sévère Déficit de mémoire signalé Déficit de mémoire signalé1 NT Amnésie rétrograde signalée NT Amnésie rétrograde sévère NT Amnésie rétrograde sévère Important F>C Très important NT Amnésie rétrograde signalée Amnésie rétrograde signalée Table 2 : Cas de patients présentant un déficit catégorie-spécifique pour les items vivants : résumé des données 1Un déficit de mémoire est seulement signalé mais les auteurs indiquent aussi que HO est totalement incapable d’identifier des visages anciennement célèbres Légende : NT : non testé F > C : effet de familiarité supérieur à l’effet de catégorie La table 2 présente les données principales des études de cas de ces patients montrant une altération globale des connaissances relatives aux items vivants. On observe tout d’abord que l’étiologie est le plus souvent une encéphalite herpétique à laquelle sont fréquemment associés de sévères troubles mnésiques. On note ensuite que, dans tous les cas où ce facteur a été étudié, la familiarité des items a un effet important sur les connaissances conceptuelles des patients. Chez deux patients, LA et Bellini, il a même 11 été montré que la familiarité des items conditionnait plus la performance que l’appartenance de ces items à une catégorie sémantique (vivants vs inanimés) alors que dans les cas de SL et HO, les études ont montré que l’effet de catégorie disparaissait entièrement lorsque la familiarité des items était soigneusement contrôlée. La prédiction selon laquelle les connaissances sémantiques de ces patients devraient être conditionnées par la familiarité des items semble donc confirmée par les données disponibles. La table 2 montre enfin que l’autre prédiction quant à la présence d’une amnésie rétrograde est également vérifiée. Alors que chez les patients SL et HO, les auteurs signalent des déficits de mémoire sans en préciser la nature, dans tous les autres cas, des déficits souvent majeurs de la mémoire rétrograde sont en effet relevés. Ainsi l’association quasi systématique entre une altération des connaissances sémantiques influencée par la familiarité et la présence d’une amnésie rétrograde ne semble pas être fortuite. Ce point est important car si une telle association est prédite dans le cadre des théories non abstractives de la mémoire, elle ne l’est nullement dans celui des théories abstractives qui distinguent la mémoire épisodique et la mémoire sémantique. Dans les observations présentées ici, l’altération de connaissances affectant plus particulièrement les items vivants est toujours expliquée par un déficit au sein du système sémantique. Soit le système sémantique est vu comme organisé en classes de propriétés (visuelles, fonctionnelles ...) et il est supposé qu’une altération du sous-système de propriétés visuelles affectera plus les connaissances relatives aux items vivants (cf. Farah & McClelland, 1991). Soit le système sémantique est supposé organisé selon les catégories sémantiques (vivants, inanimés...) et un déficit du soussystème stockant les connaissances sur les items vivants permet bien sûr de rendre compte des cas décrits (voir pour ce point de vue, Caramazza & Shelton, 1998). Cependant, ces explications ne permettent en aucun cas de prédire l’association pourtant répétée (mais jamais soulignée dans les études citées) des déficits sémantiques et d’une amnésie rétrograde. A l’inverse il découle du cadre théorique non abstractif qu’une dégradation partielle ou complète du système de traces épisodiques doit nécessairement s’accompagner de déficits sémantiques influencés par la familiarité. L’étude de cas (Charnallet, Carbonnel, Pellat, 1994) brièvement présentée ci-dessous, illustre ce raisonnement. La patiente, ML, âgée de 47 ans, a subi, trois mois avant le début des investigations neuropsychologiques, un arrêt cardio-circulatoire ayant causé une anoxie cérébrale. Le scanner, pratiqué à 1 mois de l'accident, est normal, l'examen neurologique est sans anomalie. 12 Sur le plan neuropsychologique, la malade présente, en l'absence de toute détérioration intellectuelle notable, des séquelles neuropsychologiques importantes, qui font l'objet de l'étude. ML se montre coopérante, consciente de ses troubles. Son langage spontané est tout à fait cohérent et informatif, avec cependant un manque du mot discret. La patiente se plaint de problèmes de mémoire concernant les événements récents aussi bien qu'anciens, d'avoir des difficultés à reconnaître ou utiliser certains objets et de ne plus reconnaître les visages. ML obtient des résultats faibles ou très faibles dans l'ensemble des tests de mémoire antérograde. En ce qui concerne la mémoire autobiographique rétrograde et celle des faits ou événements survenus dans le passé, ML présente une amnésie rétrograde totale concernant les dix dernières années (absence de tout souvenir personnel et méconnaissance des faits politiques ou culturels survenus au cours de cette période). Concernant toute les périodes précédentes, l'amnésie rétrograde est de forme lacunaire : la patiente peut évoquer certains événements, personnels ou non, alors que d'autres, survenus à la même époque, ne donnent lieu à aucun souvenir (ML a quelques rares souvenirs d’école mais ne peut évoquer ses camarades d’enfance, elle n’a pas de souvenir de la naissance de son fils de 18 ans, elle ignore qui sont Edith Piaf ou Louison Bobet). Tout se passe donc comme si, chez cette patiente, les traces épisodiques étaient dégradées, de manière globale en ce qui concerne les dix dernières années et de manière importante mais partielle pour la période précédente. Si tel est bien le cas, on peut s’attendre, selon nos hypothèses, à l’existence, chez ML, de troubles sémantiques affectant particulièrement les items (sous forme imagée ou verbale) les moins souvent rencontrés. L’examen des connaissances sémantiques de la patiente a confirmé cette prédiction. Identification d’images Parmi les images de Snodgrass & Vanderwart (1980), la patiente identifie 79% des objets, 58% des végétaux et 42% des animaux. Catégorisation d’images et de mots: La table 3 montre les résultats de ML dans une tâche où elle devait classer des images d’objets (ou leurs noms) dans diverses catégories (outils, instruments de jardin, de cuisine etc.) ou des images d’animaux (ou leurs noms) en deux catégories (domestique vs. sauvage ou vivant, ou non, en France). Table 3 : ML’s performance in word and picture categorisation Items Images Mots Objets 42/50 50/50 13 Animaux (sauvages vs. domestiques) 15/30 20/30 Animaux (en France ou non) 19/30 24/30 Table 3 : Performance de ML en catégorisation de mots et d’images On voit donc que les performances de la patiente sont globalement meilleures pour les items inanimés que pour les animaux, comme cela était observé dans les cas précédemment décrits. Les données suivantes permettent cependant d’évaluer l’incidence de la familiarité des items sur ces performances. Dans une tâche où ML devait identifier les images de 80 objets et 40 animaux appariés selon leur complexité perceptive (selon les normes de Snodgrass & Vanderwart, 1980), et où elle dénommait correctement 29% des animaux et 44% des objets, la familiarité moyenne (selon les mêmes normes) des items ayant donné lieu à une réussite ou un échec a été mesurée (voir figure 2). Figure 2 : Mean frequency of correct or failed items in picture identification FAMILIARITE ˇchecs rˇussites 4,5 4 3,5 3 2,5 2 1,5 1 0,5 0 animaux objets ensemble ITEMS Figure 2 : Fréquence moyenne des items ayant donné lieu à une réussite ou un échec en identification d’images Il apparaît donc très clairement que la familiarité des items joue un rôle prépondérant dans la performance de la patiente. Ceci peut expliquer, comme suggéré plus haut, la dissociation observée entre les items vivants et inanimés. Une analyse similaire à été réalisée en ce qui concerne les connaissances que ML pouvait produire sur la base du nom des items. Un questionnaire systématique, 14 comportant des questions catégorielles, visuelles (taille et description) et fonctionnelles, a été proposé pour 50 noms d’objets et 50 noms d’animaux. Les items ont été répartis en trois catégories, selon les réponses de la patiente à chacun d’eux : ceux pour lesquels les connaissances étaient parfaites, partielles ou totalement absentes. La table 4 indique le pourcentage d’items (noms d'animaux ou d'objets) appartenant à chaque catégorie. On remarque à nouveau la supériorité des connaissances de ML sur les objets (44% sont parfaitement connus) relativement aux animaux (28% respectivement). Une analyse de la fréquence des items appartenant à chaque cellule du tableau a alors été réalisée. Table 4 : Mean frequency of known, partially known or unknown items Animaux Objets Aucune connaissance 12% 15% Connaissances partielles 60% 41% Connaissances parfaites 28% 44% Table 4 : Pourcentage d’items connus, partiellement connus, ou inconnus On peut à nouveau observer (Figure 3) que la fréquence rend compte, pour l'essentiel, de la performance de ML dans la tâche considérée. D'une part, à l'intérieur de chaque classe (animaux ou objets), le niveau de connaissance de la patiente est très clairement lié à la fréquence des items. D'autre part, on note que les fréquences médianes pour une même catégorie (connaissances parfaite, partielles ou aucune) sont sensiblement égales pour les animaux et les objets. Au total, les données recueillies auprès de cette patiente sont donc compatibles avec l’hypothèse d’une relation causale entre une dégradation diffuse des traces épisodiques et une altération des connaissances sémantiques. Chez ML, la dégradation des traces épisodiques est attestée par la présence d'une amnésie rétrograde partielle et diffuse. D'autre part, le profil des performances sémantiques est conforme aux prédictions selon lesquelles celles-ci devraient être essentiellement sensibles à la fréquence des items évalués. Figure 3 : Median frequency of items according to the level of knowledge 15 inconnus partielles totale FREQUENCE 2500 2000 1500 1000 500 0 animaux objets ensemble ITEMS Figure 3 : Fréquence médiane des items selon leur niveau de connaissance La démence sémantique Snowden et collègues (Snowden, Griffiths, & Neary, 1994, 1995 ; Snowden, Neary & Mann, 1996) ont décrit un syndrome neuropsychologique, qualifié de « démence sémantique » qui se caractérise par trois aspects principaux. (1) Il existe un déficit sévère et global des connaissances conceptuelles (ou sémantiques) (2) Les seules informations conceptuelles préservées sont déterminées par l'expérience personnelle récente des patients. Snowden et collaborateurs ont en effet montré que, chez des patients atteints d'une démence sémantique, l'expérience personnelle déterminait, non seulement quels concepts sont préservés et lesquels sont perdus, mais aussi la nature des informations conceptuelles disponibles. Ils soulignent que, chez ces patients, la compréhension des concepts n'est pas générale mais, au contraire, "limitée aux aspects du sens directement dérivés de l'expérience personnelle" et défendent l'idée selon laquelle ces données "suggèrent une relation beaucoup plus interactive entre le système de mémoire sémantique et l'expérience autobiographique" (Snowden et al., 1995, pp. 241). (3) Les patients ayant une démence sémantique présentent un gradient atypique d'amnésie rétrograde. Celle-ci est totale pour la période la plus ancienne alors que les informations concernant les événements récents sont relativement préservées. Le fait que l'amnésie antérograde soit par ailleurs modérée, chez ces patients, est en accord avec ce gradient ("inversé") d'amnésie rétrograde. 16 Selon la thèse défendue ici, ces trois aspects associés dans la démence sémantique semblent parfaitement cohérents. L'amnésie rétrograde massive pour les événements passés pourrait traduire une dégradation des traces épisodiques de ces événements, conduisant ainsi au déficit sémantique sévère qui est observé. A l'inverse, la préservation des traces épisodiques relatives aux événements contemporains rendrait compte, pour sa part, du maintien de certaines connaissances conceptuelles "dérivées de l'expérience personnelle récente" comme cela est également décrit. Une étude de cas (Rousset, Charnallet, Diederichs, Schreiber, Carbonnel & Pellat, 1996) montre enfin que ce même tableau peut être retrouvé dans le cadre d’une étiologie non dégénérative La patiente, MLB, âgée de 35 ans, a subi un traumatisme crânien grave, avec coma prolongé, suite à un accident de la voie publique. Elle présente l'association frappante d'une amnésie rétrograde complète, qui ne s'accompagne pas d'une amnésie antérograde importante, et d'un déficit majeur des connaissances conceptuelles et didactiques. Il est à noter que la sévérité de l'amnésie rétrograde et celle des déficits sémantiques sont de même importance. Un autre aspect intéressant concerne les capacités de réapprentissage de MLB. Les données indiquent que le sens des concepts réappris par la patiente est clairement dépendant de ses expériences personnelles récentes. Un exemple illustre ce phénomène. Alors qu'on lui présente l'image d'un tonneau, MLB déclare "ça, je sais ce que c'est, ça sert à mettre des feuilles mortes, il y en a à T. [le centre où elle réside]". Interrogée, elle ne propose aucune autre fonction de cet objet et elle se montre très surprise lorsque l'examinateur l'informe que cela sert habituellement à mettre du vin (il faut noter que le père de MLB était vigneron). Ainsi cette étude, comme celle des cas de démence sémantique, semble parfaitement illustrer le lien étroit entre les traces épisodiques et les connaissances sémantiques proné par les théories « système unique » de la mémoire. En conclusion, le cadre théorique non abstractif permet de fournir des explications cohérentes aux différentes configurations de troubles sémantiques rencontrées. Il permet notamment de rendre compte de manière simple des dissociations observées (troubles catégorie - et/ou modalité - spécifiques) en faisant l’économie de l’hypothèse de multiples déficits indépendants mais aussi des associations de déficits (amnésie rétrograde et altération des connaissances sémantiques, en particulier) que les modèles « systèmes multiples » ne peuvent, par définition, en aucun cas prédire. Les conceptions « système unique » semblent donc pouvoir jouer un role heuristique dans le domaine de la neuropsychologie. 17 Note de l’auteur La correspondance est à adresser à Serge Carbonnel, Laboratoire de Psychologie Expérimentale, CNRS - UMR 5105, Université de Savoie, BP 1104, 73011 Chambéry Cédex. E mail : [email protected]. L’auteur tient à remercier Annik Charnallet et Stéphane Rousset pour leurs conseils et commentaires lors de la rédaction de cet article. Abstract Memory as a single system: applications in neuropsychology This paper assesses the capacity of the non abstractive (or single-system) view to account for various neuropsychological syndromes characterised by category-specific semantic impairments. As compared to multiple-system models, the non abstractive view seems better explain the dissociations described. Also, it predicts the frequently reported association between retrograde amnesia and semantic deficit conditioned by item familiarity. Finally, it proposes a relevant explanation to the configuration of deficits observed in semantic dementia. BIBLIOGRAPHIE Caramazza, A., & Shelton, J. R. (1998). Domain-specific knowledge systems in the brain: The animate-inanimate distinction. Cognitive Neuroscience, 10, 1-34. Carbonnel, S., Charnallet, A., David, D., & Pellat, J. (1997). One or several semantic system(s) : Maybe none. Evidence from a case study of modality and category-specific "semantic" impairment. 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