MR. GREEN-SPEECH : DU MIEL ET DU FIEL… La semaine

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MR. GREEN-SPEECH : DU MIEL ET DU FIEL… La semaine
MR. GREEN-SPEECH : DU MIEL ET DU FIEL…
La semaine dernière fut une très chargée pour le président de la FED, pleine de nombreuses
apparitions publiques, occasions de s’exprimer sur maints sujets délicats de l’économie US. A la
première vue, la vie en rose, avec la confirmation d’une forte croissance américaine. Mais il y a aussi
d’autres sujets qui préoccupent fortement le gourou de la politique monétaire américaine. On parle de
l’endettement des ménages ou du déficit budgétaire, de la croissance et des perspectives du marché
du travail, mais aussi du danger d’abus de pouvoir de Fannie Mae et Freddie Mac… Le Maître Alan
ne cède pas à l’optimisme: il nous prévient sur le risque de surchauffe des déficits budgétaires (plus
de 520 mlds attendus cette année fiscale) et nous montre quelques mesures à prendre pour éviter ce
risque.
GREENSPAN ET LA CROISSANCE “VIGOUREUSE”
La bonne nouvelle : les US sont bien encrés sur la voie de la croissance, qui est certainement
vigoureuse (« U.S. economy appears to have made the transition from a period of subpar growth to
one of more vigorous expansion”).
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Le PIB a monté d’une façon spectaculaire au 2 semestre 2003 (merci aux dépenses des ménages,
mais aussi au «business investment » et aux exportations, stimulées par un dollar faible). De plus, les
gains de productivité s’accumulent, les prix restent stables et l’inflation sous contrôle, sauf le marché
du travail peine à resurgir (après les 1.5 millions de jobs perdus sous l’Administration Bush). Pourtant,
il récupère lentement, si l’on appelle création d’emplois les nouveaux jobs à l’étranger issus de la
délocalisation des activités américaines. Quant à la croissance économique, le T4 confirme une
reprise éco bien enclenchée, et les chiffres du vendredi dernier l’ont bien montrée: révision à la
hausse à 4.1%, alors qu’on attendait une correction à la baisse du chiffre initial (4%).
Pour cette année M. Greenspan attend, après un bon départ de l’économie, que la croissance reste
toujours «boostée » par le meilleur pouvoir d’achat des ménages (merci aux aides fiscales de $1700
mlds décidées par Bush) et les investissements des firmes (merci encore une fois aux réductions
fiscales de Bush, et à la Fed, pour les taux d’intérêts proches de zéro et la politique monétaire
«accomodative»).
En évitant de parler directement de ses plans monétaires, le Maître Alan fait quand-même des sousentendus: les gains de productivité, ainsi que les surcapacités importantes de l'économie. Remarque:
en 2003, la productivité avait monté de 4.2%, après les 4.9% de hausse en 2002 (comparer cela aux
gains moyens annuels de .. 1% des années 70-80 !). Ce serait suffisant pour garder l’inflation sous
contrôle (la mesure de l’inflation que la Fed préfère, la “personal consumption expenditure » dépenses perso de consommation, est attendue en hausse de 1 à 1.25% cette année).
D’ici à prévoir que la position de la Fed sur les taux reste laxiste en 2004 il n’y a qu’un pas. De plus,
grâce en partie à des prévisions stables d’inflation future, les taux longs aujourd’hui sont plus bas que
ceux de l’époque où les US affichaient un excédent des finances publiques, comme en 2001 (grâce à
la demande par les BC asiatiques, la 10-yr Note a oscillé entre 3.9 - 4.4% les 6 derniers mois, alors
qu’elle était à 5.1-6% en février 2001). En bref, tout est rose, si l’on regarde le court terme.
FINANCE PUBLIQUES : ATTENTION A L’ARRIVEE DES BABY –BOOMERS !
Mais l’avenir n’est pas une affaire de demain… faut-il aussi regarder un peu plus loin, et découvrir le
prochain risque pour l’économie US: le déséquilibre budgétaire. L’allocution de Greenspan à la
Commission Budgétaire de la Chambre des Représentants a été justement la bonne occasion pour
critiquer cet état, et demander une réaction ferme face à la détérioration continue du déficit.
Les craintes de Greenspan concernent le budget, avis au Président Bush qui veut continuer ses
réductions fiscales, en dépit du fait qu’en 2003 le déficit montait à $ 375 mlds (un record), et qu’il
devrait encore se creuser cette année ($521 mlds, selon la White House). Il faut aussi viser plus loin:
les baby-boomers (BB) arrivent à la retraite (en 2008, les premiers BB auront 62 ans). Si aucune
mesure n’est prise, l’impact sur le budget sera sans doute impitoyable, vu les pensions à payer, mais
aussi Medicare- la couverture santé pour ceux de plus de 65 ans. Selon lui, rien qu’en terme de
productivité, on devrait avoir une progression annuelle de 3.5 % (soit 2 points de plus par rapport à ce
que les « trustees » des fonds de retraite prévoient couramment), pour éviter le profond déséquilibre
de la Social Security pour les 75 années suivantes !
Que faire, alors? Une solution à la Greenspan: repousser l'âge de départ à la retraite (un peu
française, cette mesure!). Mais aussi, et surtout, une meilleure maîtrise des dépenses (austérité).
Sans doute, les dépenses discrétionnaires décidées par le Président George W. Bush ont pesé
beaucoup sur le déséquilibre actuel. On a eu une progression de 10.3% en 2002 et 9.7% en 2003
(années fiscales), soit la plus forte hausse depuis 1966, à l’époque de l’Administration Johnson. Cela
justifie la demande de Greenspan de revoir à la baisse les engagements budgétaires futurs.
Cela ne veut pas dire forcement « hausse d’impôts »- qui pourrait sérieusement menacer la
croissance économique («significant risks to economic growth and the revenue base »). On sait que
moins de revenu disponible = moins de consommation = moins de création de PIB. C’est pourquoi
Greenspan souhaite la remise en vigueur d'un plafond autorisé de dépenses, ou, plus efficace, de
l’ancienne règle d’or des finances US: pour chaque dollar dépensé, qu’il soit prévu de faire rentrer un
dollar dans les caisses publiques !
REMPLIR LE GAP …
Greenspan n’est pas seul à mener la croisade anti-laxisme budgétaire. Ses collègues de la Fed le
suivent. Edward Gramlich, membre du Board des gouverneurs de la Fed, ajoute que la Maison
Blanche ne doit pas attendre que la croissance (plus forte) remplisse les trous du budget et sauver la
situation; de même, le gouverneur de la Fed de Dallas, Robert McTeer, conseille une «downward
trajectory » (trajectoire descendante) au déficit américain, afin de ne pas trop charger les générations
futures avec le coût de l’endettement de leurs ascendants.
La conclusion: ne pas miser sur des hausses astronomiques du PIB pour remplir les caisses des
finances publiques, mais plutôt penser déjà à faire des économies de dépenses ! Le message du
sphinx de la Fed est, pour une fois, très clair: “If you're worried about budget deficits, (..) you've got to
fix them'' (si vous vous faites des soucis pour les déficits budgétaires, alors, comblez-les!»)
CRISTINA VASILESCU