AUREA MEDIOCRITAS - ENTRE LES PAROLES ET LES

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AUREA MEDIOCRITAS - ENTRE LES PAROLES ET LES
AUREA MEDIOCRITAS - ENTRE LES PAROLES ET LES FAITS
On sait tous que la mesure et la voie du milieu sont souvent la solution la plus sage, et l’on cite ainsi que la médiocrité
est en or, idée chère à Horace qui avait célébré la philosophie du juste milieu dans ses Odes. On peut dire qu'une
condition moyenne est normalement gage de tranquillité… sauf si l’on s’appelle la Réserve Fédérale et que l’on vient
de lancer un communiqué plus que sibyllin à l’occasion du dernier meeting du FOMC.
Alors, comment veut-on que les marchés comprennent quelque chose, si les paroles et les faits de l’équipe de Mr
Greenspan sont un peu en contradiction… il vaut mieux ne plus se prendre la tête, mais plutôt des vacances - à
Honfleur, par exemple...
DAZED AND CONFUSED … MAIS C’EST NORMAL!
Alors, comme disait l’une des chansons les plus célèbres de Led Zeppelin, la Fed nous a laissé un peu étourdis et
confus après ses paroles mercredi, à l’occasion de sa dernière baisse des taux de 25 pb (seulement, même si les
marchés auraient bien voulu voir 50...). On est désormais au plus bas depuis 45 ans, à 1% de taux des Fed funds.
Mais le message qui accompagne ce geste d’aide à l’économie de la Fed n’est pas si pessimiste, bien au
contraire…
Parce qu’il s’agit d’une version bien plus édulcorée de l’avenir de l’économie, une vision qui se veut rassurante parce qu’on parle de la reprise qui arrive, sans avoir vraiment la certitude du fait. C’est une autre étape, dans la
stratégie si bien orchestrée de la Fed de préparer les marchés, de les envoûter avec ses mots, mieux qu’avec les
faits ou les chiffres concrets, vu que cela avait fonctionné plus d’une fois… En bref, le communiqué de la Fed parle
d’une voix plus sûre que l’autre fois, à la dernière réunion du 6 mai, quand les sages du FOMC avaient préféré ne
pas agir. Maintenant, on coupe les taux, tout en affirmant (paradoxalement, n’est ce pas ?) que les dépenses de
consommation s’améliorent, que les conditions financières deviennent plus stables, de même que le marché du
travail et la production … Alors pourquoi cette coupe, si les choses vont déjà si bien ?
Parce que derrière les mots de la Fed il y a une autre réalité: celle des chiffres de l’économie, dans laquelle les
nouvelles ne sont pas bonnes à tous les coups : on a aussi des ventes du détail qui stagnent, ou des commandes
de biens durables qui n’ont pas l’air de décoller. Et tout cela, accompagné de la promesse (pas forcément possible
d’honorer) de Greenspan, comme quoi l’économie a de la place pour afficher une croissance meilleure. C’est à dire
qu’ils aident bien l’économie avec une autre baisse des taux d’intérêts, mais cette économie devrait, quand même,
repartir au plus vite… un peu trop brouillée, comme piste, Mr Greenspan !
LE PUZZLE DE GREENSPAN
Puisque le maître Alan veut jouer avec les mots, allons voir ce qu’il veut dire vraiment. Parce qu’après avoir refait
la comparaison des risques inflation-déflation, on a eu une réplique de celle de la dernière réunion du FOMC : la
probabilité d’une chute des prix pèse plus que le risque de voir les mêmes prix repartir à la hausse, donc il y a
davantage de risques de D-word que d’inflation.
Encore un paradoxe, ce qui fonctionnait en mai, ne marche plus en juin ! La « balance of risks assessment»
(prévision de la balance des risques) équilibrée, qui avait fait démarrer les marchés d’actions et d’obligations par
un fort rallye au mois de mai, n’a pas donné les mêmes résultats ce mois-ci, parce que les deux marchés
s’effondrent, surtout après l’annonce de la décision de la Fed, censée pourtant aider ces mêmes marchés…
Faut-il dire que le maître de la Fed a perdu son magic stick (linguistique) avec lequel il avait si bien influencé les
marchés anciennement ? Serait-il possible que la parole de la Fed ne fasse plus d’émules comme autre fois, et
que ses gestes ne suffisent plus, sans le support d’une bonne parole appuyée sur la réalité du terrain ? Et
pourtant, dans la bonne tradition greenspanienne, on avait quand même bien précisé les choses, comme
d’habitude, bien cachées à la fin du communiqué, dans le style « save the best for last » si spécifique à l’oncle
Alan : pour l’avenir, le FOMC croit bien que le problème de la chute de l’inflation (pas question de parler
« déflation » !) va probablement se poser bientôt… lire « la Fed n’a pas de quoi relever ses taux », donc on va
avoir droit à l’overnight à 1% pour une certaine (longue) période.
PARLER OU AGIR ? N’IMPORTE …
Pour finir avec un peu d’humour, sachons que les études de la Fed (le gouverneur Donald Kohn et le senior
economist Brian Sack du Board de la Fed) montrent que dans la pratique de la Fed, les différentes façons
d’intervenir sur les marchés ont presque le même effet sur l’évolution des taux d’intérêts et des autres variables du
marché.
Alors, faire ou tout simplement dire que l’on va faire ? Très souvent, l’issue est la même, à savoir que les marchés
vont « pricé » du coup l’information d’une prochaine coupe des taux, de la même façon que l’action même de
réduire ces taux (alors, à quoi bon de les réduire quand même, si les traders ont déjà intégré ce changement dans
les cours?). Autrement dit, quand l’oracle (Alan) parle, les mortels (du marché) lui prêtent l’oreille et lui font
confiance au point de ne plus regarder la véritable suite des événements…
CRISTINA VASILESCU