Messie, sage et message
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Messie, sage et message
point de vue Messie, sage et message L’ex-grand patron de la Réserve fédérale américaine, Alan Greenspan, était à Montréal, fin mai, à l’invitation du très torontois BMO Financial Group pour une conversation publique avec leur économiste en chef, Sherry Cooper. I ls étaient près de 2 000 gens d’affaires et autres financiers à avoir payé 450 $ pour écouter et voir Alan Greenspan se faire « cuisiner » par Sherry Cooper, dont les questions auraient pu être plus fines. M. Greenspan, né en 1926 d’une famille juive hongroise de Manhattan et dont le père était courtier au New York Stock Exchange, a connu toutes les récessions et les périodes fastes américaines depuis la Grande Dépression. Lui qui se destinait à être musicien – on le disait d’ailleurs très doué autant pour la musique que pour les chiffres (il a joué du saxophone avec Stan Getz) –, il a fini par compléter son bac et sa maîtrise en économie en 1950 et a reçu son doctorat en 1977 de l’University of New York. Entretemps, M. Greenspan a servi la vie publique américaine plusieurs fois. Républicain modéré, il a travaillé à la campagne présidentielle de Richard Nixon. Il a également fait la connaissance de Ayn Rand, avec qui il s’est lié d’amitié et dont la philosophie objectiviste l’a considérablement influencé. La carrière publique d’Alan Greenspan a réellement pris son envol en juin 1987, alors que le président Reagan le nomme à la tête de la Fed. Il remplace alors Paul Volcker. Pour les cinq mandats suivants, M. Greenspan occupera le siège du « deuxième homme le plus puissant de la planète » jusqu’en janvier 2006. Comme président de la Fed, M. Greenspan a été reconnu comme un va-t-en-guerre contre... l’inflation. Nombreux sont les analystes de la scène économique qui lui vouent un véritable culte, car même s’il a été en poste durant deux périodes de récession, celles-ci n’ont pas duré plus d’une année chacune, un exploit hors du commun, selon ces derniers. En contrepartie, ses détracteurs lui reprochent justement son entêtement à trop vouloir juguler l’inflation avec le maintien, durant les années 2001 à 2003, de taux d’intérêt aussi bas que 1 %, ce qui aurait eu comme conséquence de favoriser l’émergence de la crise du crédit hypothécaire. La question lui a été posée plusieurs fois durant la tournée de promotion de son livre Le Temps des turbulences, paru en 2007. Sherry Cooper lui a aussi demandé de s’expliquer. Alan Greenspan admet que la baisse des taux était sa décision mais il rejette ces accusations en bloc en signalant que ce sont les taux d’intérêt à long terme qui sont responsables de la bulle hypothécaire. La Fed et les autres banques centrales n’ont de pouvoir que sur les taux à court terme. Et comme les pressions inflationnistes ont déjà commencé, il en conclut que la bulle est terminée. M. Greenspan a parlé du bout des lèvres de récession, mais Mme Cooper n’a pas eu la présence d’esprit de lui demander s’il croyait que les États-Unis étaient en récession en ce moment. Malgré tout, le vénérable économiste a indiqué que l’inflation faisait rage sur toute la planète en raison de la flambée des cours des matières premières, notamment du pétrole, et qu’il entrevoyait des jours difficiles pour contrôler cette inflation, allant même jusqu’à se demander si les banques centrales auraient le degré d’indépendance politique nécessaire pour couper court à cette inflation grimpante. « Je ne suis pas certain qu’ils voient bien l’ensemble du problème, mais je l’espère », a-t-il lancé, en guise de message. Addison Wiggin est l’un des détracteurs d’Alan Greenspan. Dans son livre The Demise of the Dollar and Why It’s Even Better for Your Investments, il accuse la Fed d’être responsable de la chute du dollar. Il démontre aussi que la faiblesse de la monnaie américaine est là juillet-août 2008 pour rester en raison de la gigantesque dette des États-Unis. « En novembre 2007, la dette américaine a officiellement franchi le cap des 9 000 milliards. Cela représente environ 30 000 $ pour chaque Américain. L’économie s’affaiblit à mesure que le dollar s’écroule. » Les responsables des politiques économiques américaines pratiquent le déni, selon lui. « Ils se sont convaincus mutuellement qu’un dollar qui s’affaiblit améliorera l’économie en éliminant le déficit de la balance commerciale, en réduisant l’inflation et en renforçant le PIB. En cherchant à stimuler l’économie, la Fed et le département du Trésor ont contribué activement à la dévaluation du dollar », insiste Addison Wiggin. Il y a eu, depuis 2001, trois baisses d’impôt, des déficits immenses de même qu’une augmentation record de la quantité de monnaie mise en circulation par le système bancaire. Selon M. Wiggin, il est parfaitement illogique de créer de la prospérité en dépensant; aucun pays n’y est jamais arrivé et n’y arrivera jamais. Récession ou pas, Alan Greenspan a une confiance inébranlable dans l’économie américaine. « Le degré de souplesse et la capacité d’adaptation de l’économie américaine me font dire que nous arriverons à nous en sortir grâce notamment à la grande efficacité des marché mondiaux. Les gens se lèvent pour embrasser les grandes causes et ils laissent leurs intérêts personnels de côté. Habituellement, les Américains réussissent après avoir envisagé soigneusement l’ensemble des solutions. » Souhaitons-nous qu’il ait raison. Yves Bonneau, rédacteur en chef www.conseiller.ca