L`enseignement du métier de conservateur

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L`enseignement du métier de conservateur
Les Cahiers de l’Urbanisme N° 76
Octobre 2010
Myriam Serck-Dewaide
Institut royal du Patrimoine
artistique
Directeur général
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87-88
L’enseignement du métier
de conservateur-restaurateur d’œuvres d’art
Évolution, contenu et exigences
Qu’entend-on par conservation-restauration ? La
conservation-restauration comprend toute intervention ou toute mesure, directe ou indirecte, sur
un bien culturel ou un ensemble de biens culturels, élaborée et mise en œuvre pour satisfaire ce
double objectif de sauvegarde et de connaissance
des biens culturels. Le conservateur-restaurateur
d’œuvres d’art a pour mission l’examen diagnostique, les traitements de conservation préventive
ou curative, les traitements de restauration et la
documentation de ces interventions.
Précédemment, le métier de restaurateur
d’œuvres d’art était enseigné de maître à élève,
dans les institutions de conservation-restauration.
Mais dans les années 1970, plusieurs pays sentent
naître le besoin de mettre en place une formation
spécifique à ce métier, celui-ci étant lié à de nouvelles méthodes et à des règles éthiques strictes.
Ainsi la définition de la profession se précise01 et
des articles et livres entiers paraissent ensuite sur
la question de l’éducation à la bonne conservation-restauration du patrimoine.
Aujourd’hui, la seule voie de formation sérieuse
en conservation-restauration d’œuvres d’art
est un enseignement à plein temps, de niveau
universitaire ou équivalent, d’une durée de cinq
ans et alliant cours théoriques et nombreux
cours et stages pratiques. Certains pays, comme
la Pologne, à Cracovie et à Torun, et la France,
à Paris, créent des formations universitaires :
la Maîtrise en Sciences et Techniques (MST) à
l’Université de Paris I, fondée en 1976, en est
un exemple. D’autres optent pour une formation organisée au sein même des centres de
01
La définition du métier de
conservateur-restaurateur
d’œuvres d’art est publiée
par l’ICOM-CC au congrès
de Copenhague en 1984,
reprise et simplifiée
par l’ECCO (European
Confederation of
Conservator-Restorers’
Organisations) en 1993 et
utilisée en Belgique par
l’APROA-BRK (Association
professionnelle des
ConservateursRestaurateurs –
www.aproa-brk.org).
restauration ; c’est le cas de l’Italie, avec l’Istituto
Centrale per il restauro à Rome et l’Istituto della
Pietra dure à Florence, ou de l’Angleterre, avec
le Courtauld Institute of Art à Londres. D’autres
encore organisent la formation dans des académies d’art comme l’Espagne et la Belgique. Ainsi,
dans le pays, l’ENSAV (École nationale supérieure
des Arts visuels - La Cambre) à Bruxelles ouvre
une section de conservation-restauration en
1980, l’Académie d’Anvers (Koninklijke Academie
voor Schone Kunsten) organise des cours du soir,
rapidement suivis en 1984 par un cours de jour
de plein exercice, et enfin l’École Saint-Luc de
Liège ouvre également un cours de conservationrestauration en 1992. Par la suite, de nouveaux
centres de formation indépendants de tout
système existant, et de haute qualité, sont créés
comme l’Institut français de Restauration des
Œuvres d’Art (IFROA) en 1978-1979 à Paris, aujourd’hui repris sous la tutelle de l’Institut national
du patrimoine (INP), et la Stichting Restauratie
Atelier Limburg (SRAL) de Maastricht, créée
en 1989-1990 et intégrée en 2005 à l’Université
d’Amsterdam.
Ces quelques exemples peuvent être multipliés
en Europe et dans le monde. Le besoin est donc
international. Malheureusement, simultanément
à cela, d’autres cours, des cours de promotion
sociale notamment, aux programmes nettement
insuffisants, naissent dans différentes régions.
Il ne faut pourtant pas perdre de vue que les
œuvres d’art ont absolument besoin de personnes
compétentes et très bien formées ; décider des
traitements à accomplir sur une œuvre d’art sans
une formation suffisante peut conduire à des
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Un restaurateur de textile
à l’œuvre.
© KIK-IRPA, Bruxelles.
catastrophes irréversibles. Si d’autres acteurs
doivent intervenir dans la réalisation de travaux
de rénovation du patrimoine comme certains
artisans, cela doit se faire à l’aide d’un cahier des
charges particulièrement précis qui doit notamment être basé sur des pré-études techniques,
historiques et scientifiques.
L’enseignement du métier doit donc être particulièrement exigeant et pluridisciplinaire. Il doit
comporter une sélection à l’entrée, des cours
d’histoire de l’art et de la restauration, des cours
de chimie appliquée et, bien sûr, des cours théoriques et pratiques de conservation et de restauration. D’une certaine façon, la conservation-restauration des œuvres d’art peut être comparée à
l’enseignement et l’exercice de la médecine, avec
ses spécialisations et ses métiers connexes tels
que les infirmiers et les spécialistes de l’imagerie
médicale… Le moment de la conservation-restauration est essentiel pour la compréhension de
l’œuvre et pour sa pérennité future. La recherche
dans le domaine technologique doit permettre au
conservateur-restaurateur, aidé par les analyses
des chimistes et l’étude des traités anciens et de
l’histoire des œuvres, de décrire clairement les
méthodes et les choix de conservation, de restauration et/ou de restitution. Les liens et échanges
professionnels avec les architectes, les commanditaires, les historiens de l’art, les commissions,
les chimistes et les artisans doivent être continus.
Le chemin est encore long : à ce jour, le métier de
conservateur-restaurateur d’œuvres d’art n’est
pas encore reconnu et son accès n’est absolument pas réglementé. La confusion avec le rôle de
l’artisan est soigneusement entretenue alors qu’il
y a un rôle clair et une place pour chacun de ces
métiers dans la gestion du patrimoine.

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