Les aliénés

Transcription

Les aliénés
Les aliénés
Une nouvelle de
Stéphane KNEUBUHLER
Stéphane Kneubuhler – Conteur – Auteur – Comédien
13 rue Madame de Vannoz 54000 Nancy Tél : 03.83.44.53.53 / 06.88.60.03.48
[email protected] / www.colporteurdereves.com
Un pas, et un autre, et ainsi de suite, jusqu’à cent.
Puis s’arrêter, se retourner, et recommencer.
Un pas, et un autre, et ainsi de suite…
Jusqu’au sang.
J’ai cette odeur de sang dans la bouche. Toutes les nuits. Chaque fois que je
m’arrête…
Je marche pour vivre. Vivre !
Et ma vie se déroule sous l’oeil rond de la lune, autour de cette bouche de métro qui
vomit les flots infâmes d’hommes assoiffés de chair, de sexe, et de sang.
Un client approche, je vois dans son oeil salace qu’il va m’accoster, et je m’arrête.
— Tu montes, chéri ?
La réponse est oui.
Je vais mourir, une fois de plus. Chaque fois que je m’arrête de marcher, je meurs.
On monte l’escalier de bois où il fait toujours sombre. Je sens son souffle rauque
derrière moi. Je sais qu’il mate mes jambes, mes cuisses, mon cul… Que son sexe dur
tend la toile de son pantalon.
Je me couche sur le lit en remontant ma jupe. Il baisse son pantalon, m’écarte avec
rudesse, et me pénètre, me tue. Il essaie de coller sa langue de reptile dans ma bouche,
et comme je refuse de l’embrasser, il m’injurie et me crache son venin avec dédain.
Il se relève, la queue molle, et s’en va sans un regard.
C’est donc ça un homme ?
Cet être bestial, veule, cette bite flasque qui se tend par intermittence, fière et
imbécile…
Je me rajuste doucement. Mes mains tremblent sur mes genoux. Un spasme monte,
monte et me déchire.
Je pleure. Doucement.
J’aimerais une fois, une fois seulement, trouver la paix entre les bras de quelqu’un.
Pouvoir me blottir sans avoir peur. Me laisser porter, m’abandonner…
Je rêve parfois d’un monde meilleur. C’est un rêve envoûtant et charmeur, qui
m’emmène loin de tout ça : de la ruelle sordide, de l’hôtel borgne, de la chambre puant
la sueur et le foutre…
C’est un rêve…
C’est un rêve…
Je sèche rapidement mes larmes avec un mouchoir en papier, et redescend vers la
noirceur de la rue, vers les profondeurs de l’enfer.
Un pas, et un autre, et ainsi de suite, jusqu’à cent.
La bouche de métro vomit, vomit, vomit ses démons venus pour me tuer.
Tous ces vampires, ces détraqués, ces hommes…
Stéphane Kneubuhler – Conteur – Auteur – Comédien
13 rue Madame de Vannoz 54000 Nancy Tél : 03.83.44.53.53 / 06.88.60.03.48
[email protected] / www.colporteurdereves.com
2
Tous ces hommes respectables, bien propres, avec des métiers respectables, bien
propres, et une si jolie petite famille : deux enfants, un chien, et un poisson rouge…
sang.
Ces hommes qui vont tromper leur femme avec la première pute venue.
Avec moi.
Un pas, et un autre, et ainsi de suite…
Je vis. Je meurs. Toutes les nuits.
Un client approche, excité, pressé de fourrer son pénis dans ma chatte bien chaude.
Il lorgne la courbe de mes seins…
— Tu veux me violer, chéri ?
La réponse est oui.
Et ainsi de suite…
Jusqu’au sang.
Stéphane Kneubuhler – Conteur – Auteur – Comédien
13 rue Madame de Vannoz 54000 Nancy Tél : 03.83.44.53.53 / 06.88.60.03.48
[email protected] / www.colporteurdereves.com
3