L`intérim médical hospitalier…

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L`intérim médical hospitalier…
PHARE_57:Juin 30/06/11 12:17 Page11
FOCUS
L’intérim médical hospitalier…
«
650 euros par jour, logement, nourriture et frais de déplacement pris en charge par
l’établissement ». Voici le nouveau type d’annonce qui inonde régulièrement nos
messageries électroniques et intéresse sérieusement, sans les effrayer, nos directions
des affaires médicales.
Le temps de l’intérim médical organisé existe et nos
institutions y recourent fréquemment. Le procédé est
simple : l’agence d’intérim reçoit des établissements les
besoins et les demandes des plateaux techniques et
propose en retour des offres de service de praticiens
expérimentés pour les dates retenues. La prestation
facturée par l’agence est payée par l’hôpital et le remplaçant assure sa mission et perçoit plus tard la rétribution de
sa journée. Le système est souple et permet une adaptation des effectifs aux stricts besoins, dans cette période de
pénurie avérée pour certaines spécialités médicales comme
l’anesthésie réanimation. La mise en place de la tarification
à l’activité aurait pu sonner le glas de cette pratique, car trop
onéreuse pour l’hôpital public, mais la nécessité d’une
activité obligatoire de nos blocs opératoires a effacé cet
inconvénient, temporairement peut-être. « Ce qui est rare
est cher », le coût final de cette journée de travail, charges
comprises et prestations fournies, dépasse très largement
les 1 000 euros. Sur une année, pour la même durée de
travail, l’établissement déboursera deux fois plus que pour
l’emploi d’un praticien titulaire.
Ces remplacements fortement rémunérés intéressent de
nouvelles catégories de confrères :
- des médecins sans département fixe, qui remplacent là
où est la demande, là où bon leur semble et qui restent
maîtres de leur choix, de leur activité, de leur rythme de
travail,
- des médecins en retraite récente qui maintiennent ainsi
leur revenu en cumulant leur pension de retraite et des
salaires hospitaliers. Ils construisent leur emploi du temps
en fonction de leurs besoins et de leur envie,
- enfin, des médecins complètent un temps partiel par des
missions d’intérim, qui trouvent là l’opportunité de
percevoir des revenus à cinq chiffres, soit plus de 10 000
euros par mois.
L’architecture des salaires hospitaliers est complètement
remaniée. Dans cette nouvelle distribution salariale, même
le statut de praticien clinicien fait pâle figure en alliant les
contraintes d’un engagement précis et contractuel et
l’obligation d’une durée minimale de trois ans. La grille
salariale du statut de praticien hospitalier devient inacceptable et incompréhensible pour les jeunes générations :
une carrière longue, un démarrage insuffisant, une progression lente et faible.
La montée en puissance de ces solutions à durée
déterminée répond parfaitement à l’évolution des effectifs
médicaux dans nos hôpitaux. Dans son rapport
« Synthèse annuelle des données sociales hospitalièresannée 2008 » le Centre national de gestion constate une
détérioration des recrutements de praticiens hospitaliers
(deux fois plus de départs que de recrutement pour les
praticiens à temps partiel, et 5,6 % de départs contre
4,8 % de recrutements pour les temps pleins. Ce nonrenouvellement est compensé par l’arrivée des assistants
associés et des praticiens attachés associés. Même si le
bilan semble équilibré, il se fait avec une importante
modification du statut.
Alors, dans ce remaniement en profondeur du « corps » des
médecins hospitaliers, comment réagissent les titulaires face
à cette aide reposant sur « l’intérimérariat ». L’apaisement
lié au renfort médical prédomine dans un premier temps,
et l’amélioration, même transitoire, des conditions de
travail est appréciée. Cette impression est renforcée par la
facilité du remplaçant à se fondre dans l’équipe et à faire
oublier l’aspect temporaire et passager de sa mission. Puis
les questions germent inexorablement dans les esprits.
Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi les frais annexes
sont-ils remboursés aux intérimaires ? Pourquoi paie-t-on
à un tel niveau une journée normale de travail de
remplaçant hospitalier ? Pourquoi refuse-t-on à certains
praticiens hospitaliers le paiement de leur temps additionnel ? Pourquoi différencie-t-on le temps additionnel de jour
et de nuit et le rémunère-t-on moins ? Comment peut-on
justifier de payer deux fois plus cher la journée simple du
contractuel que la journée de travail supplémentaire du
titulaire ? Autant d’interrogations qui renvoient sur la place
du médecin hospitalier titulaire, dans l’hôpital public, dans
son service, au sein de la nouvelle gouvernance. Autant de
certitudes qui vacillent, quand la nouvelle marque de
reconnaissance hospitalière privilégie les « outsiders » ou
intérimaires libres aux « insiders » titulaires sous contrainte.
L’hôpital change, il mise désormais plus sur les équilibres financiers immédiats et moins sur les organisations de travail à long terme. Une page est tournée
à l’hôpital public, la suivante inscrit la journée du
médecin à 650 euros nets, frais non compris !
http://www.snphar.com - Journal du Syndicat National des Praticiens Hospitaliers Anesthésistes-Réanimateurs Élargi -
Didier RÉA
Administrateur du SNPHAR-E
n° 57 - Juin 2011
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