Position du CPH

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Position du CPH
AMUHF – Association des Médecins Urgentistes Hospitaliers de FRANCE, Dr P. Pelloux
FNAP – Fédération nationale des praticiens des hôpitaux généraux, Dr G. Eschemann
SMARNU – Syndicat national des anesthésistes réanimateurs des hôpitaux, Dr M. Vignier
SNBH – Syndicat national des biologistes des hôpitaux, Dr G. Pinon
SPH – Syndicat des psychiatres des hôpitaux, Dr P. Faraggi
SPHP – Syndicat des praticiens des hôpitaux publics, Dr B. Devergie
USP : Union Syndicale de la Psychiatrie, Dr P. Paresys
Syndicats associés
SYNGOF – Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de FRANCE, Dr Cousin
S.P.F. – Syndicat des psychiatres français, Dr P. Staël
2006 : les points clefs de l’hospitalisation publique
T2A : vers le chaos ?
La campagne budgétaire 2005 des établissements de santé a montré les graves défauts
structurels du financement par la T2A, dont le rapport Igas/IGF de juillet 2005, révélé seulement
à la mi-décembre, a fait l’inventaire : absence d’expérimentation préalable, mise en œuvre
insuffisante des instruments de régulation, effets inflationnistes…
Le constat est sévère : 2005 montre à la fois un dépassement conséquent de l’ONDAM
hospitalier et des finances hospitalières exsangues. Les effets de redistribution de la T2A ne
profitent qu’à certains établissements, en majorité privés, où les coûts structurels sont moins
élevés parce que sélectionnant les patients les moins lourds.
La révision des tarifs GHS en baisse importante, le maintien d’une convergence tarifaire
purement idéologique entre secteur public et privé alors que leurs missions ne sont pas
comparables, l’adoption d’une nouvelle présentation comptable (EPRD) qui va mécaniquement
transformer les reports de charge en déficits, toutes ces mesures vont induire une insécurité
financière jamais connue dans le secteur hospitalier et provoquer des restructurations dont on
ne peut que pressentir la brutalité. Le tissu hospitalier français pourrait bien ne jamais s’en
remettre. Pour 2006, la FHF estime que le déficit atteindra 1,2 à 1,5 milliards d'euros en raison
d’une amputation de crédits 2006 destinée à compenser une augmentation des dépenses 2005
liée à la croissance de l'activité des hôpitaux (250 millions d'euros), et d'autre part par le plan
d'économie (560 millions d'euros) imposé au secteur hospitalier.
Il est urgent de remettre à plat les principes mêmes de la réforme du financement des
établissements de santé, avec pour priorité la préservation du réseau de soins hospitalier
que la communauté mondiale nous envie depuis 40 ans.
Le sens de la gouvernance
La mise en place de la nouvelle gouvernance hospitalière se fait dans une grande confusion.
Beaucoup d’établissements ont mis en place le Conseil exécutif, mais quel est son champ
d’action ? Dans la mesure où les directeurs ont obligatoirement la majorité des voix, cette
nouvelle instance est perçue au mieux comme un lieu d’échanges entre corps médical et
administratif, au pire comme une simple chambre d’enregistrement. Coincé entre les instances
représentatives des personnels (CME et CTE) et le conseil d’administration, le Conseil exécutif
ne trouve pas sa place.
Le nouveau découpage en pôles semble être la priorité de ce début d’année. Mais hormis
certaines grosses structures où les services exerçant des activités similaires peuvent parfois se
regrouper naturellement, les découpages proposés ne présentent le plus souvent aucune
logique médicale. Le critère dominant semble être « la taille critique » et non la complémentarité,
ce qui prouve une fois de plus s’il en était besoin que la seule logique de cette réforme est bien
la logique gestionnaire.
La pertinence des ces réformes semble échapper même à leurs auteurs puisqu’en ces temps de
pénurie budgétaire, on trouve encore suffisamment d’argent pour multiplier les « missions »
d’information tous azimuts.
La restructuration des services en départements ou en pôles n’est pas une fin en soi.
Plutôt que de créer des mini-entreprises au sein des hôpitaux, il serait préférable de
valoriser le rôle des unités fonctionnelles tout en renforçant les systèmes d’information,
gage d’une cohérence dans la prise en charge des patients.
Statut des praticiens hospitaliers
De tout temps, l’indépendance de l’exercice du médecin a été le meilleur rempart pour assurer
aux patients des soins de qualité, sans être contraint de façon perverse par une logique qui ne
serait pas médicale. Cette indépendance dont le statut de praticien hospitalier est un pilier
majeur, est aujourd’hui très sérieusement menacée. Là encore, la logique « gestionnaire » a pris
le dessus et remet en cause cette indépendance en la condamnant comme source
d’irresponsabilité.
Tous les moyens sont bons pour transformer l’art médical en simple production de soins :
intéressement collectif ou individuel, « part variable », contractualisation… Tout cela est bien
loin du serment d’Hippocrate et il est consternant de voir certains praticiens profiter de leur
position sociale pour appuyer ces dérives productivistes.
Nous réclamons le maintien de l’indépendance médicale sans laquelle les patients ne
pourront plus être soignés au mieux de leur intérêt. Cette exigence nécessite l’unicité du
statut, le maintien d’un concours, d’une nomination ministérielle sur un poste dans un
pôle, indépendante des pouvoirs locaux médicaux ou administratifs.
Retraites et démographie médicale
Pendant de longues années, le nombre de médecins a été accusé comme étant une cause
majeure de l’augmentation des dépenses de santé. Le résultat de la politique désastreuse de
numerus clausus est aujourd’hui évident : des secteurs géographiques importants ou des
disciplines entières sont sinistrés ou en voie de l’être. C’est dans ce contexte que le
gouvernement a tenté de faire passer en force une réforme du régime des retraites des
praticiens hospitaliers (IRCANTEC) qui pourtant n’était pas particulièrement avantageux
(environ 50% du dernier salaire). Une fois de plus, des motifs idéologiques ont guidé les
rédacteurs de cette réforme : il s’agissait avant tout d’aligner le rendement de cette caisse
réservée aux agents non titulaires de la fonction publique sur leurs homologues du privé (AGIRC
et ARRCO) ce qui aurait conduit à une diminution atteignant jusqu’à 40% pour une carrière
complète ! A l’heure où il est urgent de rendre les carrières plus attractives, cette provocation a
engendré une des plus fortes mobilisations du corps médical hospitalier de ces dernières
années et a permis la suspension des mesures les plus agressives.
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Il est cependant urgent de reconsidérer le niveau de retraites du corps médical afin de
rétablir la parité avec l’ensemble du corps social. Cette revendication est essentielle pour
l’avenir de la médecine hospitalière et pour nos concitoyens.
Conclusion
La CPH défend le service public qui doit permettre une accessibilité pour tous à des soins de
qualité de façon équitable sur tout le territoire, quels que soient l’état de santé des patients et
leurs situations sociales. Les réformes actuelles de l'hôpital, initiées par J. F. Mattei et
poursuivies par ses successeurs, cassent le service public en remettant ses valeurs en cause
par une logique d’entreprise qui devient la règle dans la gestion de l'hôpital. La nouvelle
tarification à l'activité transforme l'hôpital en entreprise de production de soins, dans un contexte
concurrentiel avec le privé qui n’a pas les mêmes missions. Le privé a parfaitement perçu que la
convergence des tarifs devrait permettre aux cliniques de leur redonner une santé financière et
d'augmenter leurs salariés, alors que la FHF s’élève tardivement contre cette contrainte très
délétère pour l’hôpital public qui vient pourtant d’être réaffirmée par le parlement. Les appels au
calme de Jean Castex cachent mal la programmation en marche de restructuration très
importante au détriment de l’intérêt et des valeurs de l’hôpital public.
Alors que l’objectif était précisément de contenir le coût de l’hôpital, le travail de l’IGAS et de
l’IGF a déjà confirmé notre analyse de ce mode de financement : il a des effets pervers
« inflationnistes » et conduira à une dégradation de la qualité et de l’accès aux soins en
particulier en raison d’une spécialisation tournée vers les segments d’activité les plus rentables.
La convergence des tarifs se fera inéluctablement vers le niveau le plus bas.
Dans ce contexte, l’indépendance des praticiens hospitaliers et de leurs choix médicaux revêt
une importance fondamentale : elle peut seule représenter le contrepoids à la dérive inéluctable
de l’activité pour l’activité et au primat de l’économique sur le médical. La souplesse nécessaire
des procédures de nomination ne peut servir de prétexte à aggraver la sujétion des praticiens
aux pouvoirs administratifs locaux. La CPH s’élève clairement contre toute procédure
aboutissant in fine à une affectation locale aux mains des Directeurs. Les praticiens
hospitaliers doivent postuler et être nommés sur un poste identifié dans un pôle, et non affectés
par le Directeur dans un établissement de soins. A l’exception des psychiatres, les avis des
instances hospitalières sont requis en préalable à la nomination ministérielle directe ou par
délégation.
Concernant les attaques particulièrement agressives portant sur la retraite des praticiens
hospitaliers, nous restons confrontés à des perspectives de détérioration d’une retraite déjà
notoirement insuffisante. Le recul du ministère sur le calendrier imposé et la suspension
temporaire de la réforme ne pourra être interprété positivement qu’à la condition de la
réouverture rapide d’un véritable dialogue social répondant en particulier à nos demandes
réitérées :
- d’obtenir un diagnostic indépendant de la situation de l’Ircantec,
- d’étudier les alternatives avec un autre régime complémentaire,
- d’envisager la mise en place d’une sur-complémentaire,
- et surtout, de garantir un taux de remplacement comparable à celui de la fonction publique.
La CPH poursuivra son travail d’information, de sensibilisation, de mobilisation des
praticiens. Ils doivent savoir ce qui se prépare pour la détérioration de leurs retraites de
leurs carrières.
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