« Travailler plus pour gagner plus» ? « Travailler mieux
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« Travailler plus pour gagner plus» ? « Travailler mieux
FOCUS « Travailler plus pour gagner plus» ? « Travailler mieux, pour gagner mieux » ! es responsables politiques semblent devoir épargner les hôpitaux des coupes claires prévues dans les personnels de la fonction publique. Soit ! Mais, les praticiens hospitaliers savent, eux, qu'ils seront bientôt confrontés à une crise démographique largement prévisible. Voilà, qu'au moment où s'amorce la forte baisse des effectifs médicaux disponibles, on s'apprête à leur proposer un « new deal » en les dopant à la potion de la PCV et en leur demandant de travailler plus… L En octobre 2001, à l'issue d'un grand conflit social que les pouvoirs publics n'avaient pas voulu voir venir, un pacte a été signé entre les partenaires sociaux de l'époque. Enfin, les obligations réciproques des praticiens et des tutelles étaient normalisées au regard de règles communautaires du travail, devenues nationales. De nouvelles dispositions statutaires (« gravées dans le marbre » avait même dit le ministre de l'époque, aujourd'hui chef de la diplomatie française), fixaient, avec l'ARTT médicale, les obligations minimales et maximales du temps de service des PH, mais aussi les moyens d'une nouvelle reconnaissance, par les employeurs, du travail accompli au-delà de la borne communautaire (paiement, récupération, épargne sur CET). Pourtant, depuis plusieurs années, les pourfendeurs de la RTT ne cessent de marteler que les « 35 HEURES » ont cassé la machine hospitalière, là où tout marchait tellement bien avant l'avènement du temps libre ! « Réhabilitons la valeur Travail ! », nous disent-ils aujourd'hui, « de toute façon, les praticiens hospitaliers ne peuvent pas prendre leurs RTT et, avec les risques explosifs de leurs CET… » 6 Les grandes enquêtes conduites sur le sujet ont suffisamment montré que le temps de travail des médecins des hôpitaux approche, en règle, les 48 heures hebdomadaires pour les dépasser souvent, notamment du fait de leur participation à la permanence des soins... Dès lors, on peut difficilement leur reprocher de ne pas travailler plus que la durée légale du travail en France, fixée à 35 heures ! Les praticiens hospitaliers ont, par ailleurs, montré que, depuis la mise en œuvre de la réduction du temps de travail, ils n'ont pas démérité. En acceptant le plus souvent de réaliser du temps de travail additionnel, les PH ont cru à la mise en pratique, « avant l'heure », du concept présidentiel d'aujourd'hui. Mais la reconnaissance qu'ils en attendait n'a pas toujours été à la hauteur pour leur donner l'envie de souscrire plus encore au slogan à la mode : « travailler plus pour gagner plus ». Disons-le, la formule « travailler plus » n'est pas applicable à toutes les professions, particulièrement à celles qui travaillent déjà beaucoup. Et 48 heures, c'est déjà beaucoup ! Au-delà, se posent des problèmes de sécurité (pour les patients) ou de santé (pour les travailleurs), surtout, lorsque les organisations de travail ne sont pas adaptées. On le sait, la tendance actuelle au productivisme qui laisse de côté les conditions de travail peut aboutir à des situations catastrophiques : le burn-out n'en est qu'un exemple... mais pas le seul. Bien des collègues approchant de la fin de carrière sont épuisés et affirment qu'ils s'arrêteront dès que possible. Le désinvestissement professionnel est aussi un risque dans des structures qui ont perdu le sens du travail collectif et où l'effort ne semble plus partagé (rythmes décalés des différents professionnels, etc.). Les personnels « travaillent mal » et l'on ne voit pas comment, dans ces conditions, l'augmentation du revenu pourrait, à elle seule, constituer une saine émulation, voire une satisfaction à travailler encore plus. L A VRAIE QUESTION N ' EST- ELLE PAS « TRAVAILLER MIEUX, POUR GAGNER MIEUX » ? Les PHAR se situeraient plutôt aujourd'hui dans la concrétisation des accords de 2001 qui leur ont permis de « travailler moins » : repos de sécurité, intégration de la garde dans le temps de travail, ARTT : ces accords leur ont permis d'envisager un travail jusqu'à la retraite moins épuisant et une carrière plus sereine. C'est la traduction dans les statuts de PH de l'évolution sociétale générale. L' AMBIGUÏTÉ DES TEXTES ET LA CONFIANCE TRAHIE … Mais les textes d'application qui ont suivi l'accord « historique » de 2001 ont rendu cet acquis social imparfait et très inégalement appliqué : CET ouverts sans mise en place de mesure effective du temps travaillé ou des tableaux de FOCUS service, recrutements impossibles et insuffisants en raison de désorganisations persistantes, temps additionnel pas toujours reconnu, notamment en raison des demi-journées élastiques. Mais surtout, absence de clarté et flou entretenu par les textes d'application de la RTT qui, localement, ont permis toutes les interprétations, contraignant les PH à engager parfois des recours en contentieux lorsqu'ils se sentaient lésés. « Travailler plus pour gagner plus » ? Mais, quelle valeur donner au travail médical : quelle référence ? Les rémunérations du secteur privé ? Celles en vigueur à l'étranger ? Le temps médical et sa valeur sont-ils uniquement transformables en salaire ? L E TRAVAIL NE SE RÉSUME PAS À L ' ADDITION DE TEMPS PASSÉ ET D ' ARGENT GAGNÉ , AU RYTHME DE LA JOURNÉE , DE LA SEMAINE , DU MOIS OU DE L ' ANNÉE ! Notre travail est aussi ce qui s'accomplit durant le temps que nous y consacrons : ce que l'acteur met de lui-même, avec son expertise, son savoir-faire, sa relation aux autres, son entrain, pour accomplir une tâche qui constitue le résultat de son travail et non le travail en soi. Il semble difficile de demander aujourd'hui aux médecins de travailler plus en charge horaire et si l'on doit améliorer l'offre médicale hospitalière dans le contexte démographique actuel, on doit alors admettre que la seule solution réside bien dans l'amélioration des conditions de travail, gage de qualité. L'efficience au travail, l'organisation à l'hôpital, la reconquête de la sérénité professionnelle sont des chantiers à ouvrir sans tarder, mais sous une forme différente de l'injonction qui se profile consistant à « acheter plus de temps » aux médecins. C ONSIDÉRATION , IMPLICATION , RECONNAISSANCE , TRANSPARENCE : LES MOYENS D ' UNE SÉRÉNITÉ PROFESSIONNELLE QUELQUE PEU PERDUE CES DERNIÈRES ANNÉES Il faut poser autrement le dogme « travailler plus pour gagner plus » : pour le SNPHAR, il faut à présent « travailler mieux pour gagner mieux » ! 1- Reconnaître le travail effectué, c'est-à-dire, reconnaître effectivement le temps passé, en service de jour et en permanence des soins, et ce qu’il s'y fait. 2- Rémunérer le PH à sa valeur. Mais laquelle ? Indéniablement celle qui permet de limiter la fuite actuelle des médecins vers le privé où les revenus sont notoirement plus élevés et les médecins plus indépendants dans leurs organisations. Jamais nous n'atteindrons le niveau du Privé, mais l'écart doit rapidement se réduire en valorisant ce qui fait la spécificité de l'engagement public. 3- Travailler mieux, c'est mettre un terme aux facteurs de déresponsabilisation qui s'accumulent, aux isolements professionnels, faute de temps de partage. C'est aussi mettre fin au mépris, aux situations de harcèlement de plus en plus fréquentes, lutter contre la tendance au morcellement des tâches. C'est faire progresser les valeurs de responsabilité, d'autonomie, de reconnaissance, de confiance, de dignité, de sérénité dans des organisations adoptées collectivement. 4- L'objectif est de conserver les PH à l'hôpital public en rendant une attractivité aux carrières hospitalières qui l'ont aujourd'hui perdue : améliorer notablement la grille salariale des débuts de carrière ; reconnaître la pénibilité de la permanence des soins, spécifique à l'hôpital, et lui adosser des droits, notamment au temps réduit en fin de carrière selon des règles de cumul ; rémunérer correctement et partout le temps additionnel qui doit être identifiable et contractualisé comme le prévoient les textes, sans contournement ; reconnaître le travail effectué dans le delta 39/48 heures sans pour autant tomber dans les calculs d'apothicaire dont les médecins ne sortiraient pas grandis. Mais il est vrai que l’absence de dialogue social de ces dernières années ne facilite pas les choses ; donner une vraie place aux PH dans l'institution hospitalière, alors que la mise en place des pôles s'apparente plus à une nouvelle concentration des pouvoirs. 5- Travailler sur une organisation hospitalière centrée sur le patient et ses vraies attentes et non plus sur le maintien des privilèges de certains qui profitent de la désorganisation installée. La reconnaissance d'une place pour le PH dans l'institution ne passe pas par l'installation d'une prime au rendement, ni par l'augmentation d'une durée de travail déjà longue, et encore moins par l'achat impensable de la qualité des soins. Elle relève de moyens définissant effectivement la place de chacun et les outils qui doivent lui être donnés pour la tenir. En ce sens, « travailler mieux » est décidément la revendication légitime et lucide des praticiens hospitaliers. Elle s’insère « naturellement » dans la plate-forme revendicative du SNPHAR. Les pouvoirs publics peuvent se mettre au travail pour le comprendre… Max-André DOPPIA Secrétaire général Nicole SMOLSKI Vice-présidente du SNPHAR 7