Le harcèlement moral est une réalité

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Le harcèlement moral est une réalité
FOCUS
Le harcèlement moral est une réalité
epuis quelques mois, des plaintes de collègues concernant un harcèlement moral
parviennent aux membres du Conseil d’administration du SNPHAR. Le plus souvent, il
s’agit de comportements hiérarchiques (chef de service ou direction hospitalière vis-àvis du praticien hospitalier), mais des attitudes horizontales (praticien hospitalier vis-à-vis de
praticien hospitalier) sont à noter. Les victimes de ce harcèlement moral trouvent comme seul
salut le départ du service, mais il existe d’autres recours à cet état de fait.
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Voici quatre cas exemplaires – les autres procédant du même
mécanisme – dans lesquels un individu (chef d’unité, de service, de pôle, directeur d’hôpital…) tente, sans état d’âme, de
paralyser ses victimes pour les empêcher de se défendre. Il n’a
ni compassion, ni respect pour elles puisqu’il les exclut de son
monde, comme s’il fallait diminuer les autres pour se grandir,
acquérir le pouvoir… Les bons résultats obtenus au sein de
l’équipe ne sont jamais soulignés, pas plus que les victimes ne
sont encouragées. Les persécutés s’accrochent désespérément
à leur travail, au détriment de leur santé physique et psychique.
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Une chef de service d’anesthésie-réanimation d’un hôpital non
universitaire de l’Est de la France voit d’un mauvais œil l’arrivée d’un jeune praticien qui souhaite une gestion plus transparente du temps de travail et apporte une prise en charge plus moderne et plus scientifique des patients. Il est rapidement apprécié par ses collègues et les chirurgiens avec lesquels il travaille. Au bout de quelques semaines, ce praticien
a été l’objet de rabaissements perpétuels de sa hiérarchie.
Le harcèlement instauré par la chef de service trouve probablement son origine dans un sentiment de jalousie suscité
par sa jeunesse, ses connaissances scientifiques et la qualité de sa relation confraternelle qu’elle ne possédait pas. Il
s’agissait de casser tout élan ou initiative personnelle en médisant, car il était, dans l’esprit de la chef de service, impossible de se remettre en cause.
http://www.snphar.com - Journal du Syndicat National des Praticiens Hospitaliers Anesthésistes-Réanimateurs - PHAR n° 50 - septembre 2009
FOCUS
UNE HIÉRARCHIE QUI SE
SENT MENACÉE, SOURCE DE
CONFLITS
Certains chefs de service ne comprennent pas que nous ne sommes
plus au Moyen-Âge, mais bien au XXIe
siècle : les rapports ont changé ou doivent
changer s’ils souhaitent la coopération des
médecins de leur service. Le suzerain toutpuissant et des vassaux dociles ne sont plus
de notre époque ; aujourd’hui, c’est l’ensemble
des médecins d’un service (qui ont les mêmes diplômes que
le chef de service, voire plus…) qui contribue à une meilleure
prise en charge des patients. Chaque médecin développe un
domaine de compétences qui ne doit pas être considéré
comme une menace par le chef de service qui, lorsqu’il est pervers, manœuvre pour se rehausser en écrasant les autres
praticiens. Développer une coopération et non une confrontation ne peut avoir que des retombées positives sur les relations médecin-malade et interprofessionnelles. Un médecin qui
s’épanouit dans son service sera un stimulant pour l’ensemble de la structure.
LE HARCÈLEMENT, UNE ATTITUDE QUI
RETENTIT SUR LA DÉMOGRAPHIE
MÉDICALE HOSPITALIÈRE
Pousser au départ des praticiens hospitaliers qui n’ont pas
démérité et qui ont une expertise professionnelle mène à la
perte d’attractivité de la profession. Ce type d’attitude, de la part
d’un chef d’équipe, conduit à une fuite massive des jeunes praticiens vers d’autres structures publiques ou privées. Face à cette
hiérarchie pesante, qui prône à ses collaborateurs autonomie
et esprit d’initiative, mais qui n’en exige pas moins soumission
et obéissance, les médecins préfèrent prendre une retraite anticipée, même avec une amputation de leurs revenus. À un
moment où la démographie médicale est loin d’être favorable,
il est temps de moderniser la gestion des équipes médicales
au sein des services hospitaliers en introduisant la reconnaissance du travail d’autrui lorsqu’il est à l’origine d’effets
pertinents.
LA RÉSISTANCE A SES
DES SOLUTIONS EXISTENT
Avant d’être piégé(e) dans une situation où il n’y a pas d’autre solution que le départ, le praticien doit réagir le plus tôt possible : jouer l’indifférence, garder le sourire et répondre avec
humour sans basculer dans l’ironie peuvent être une première réponse. Il faudra que la victime adopte un comportement calme et réfléchi en attendant son heure.
La mise en place du harcèlement étant insidieuse, il n’est pas
toujours aisé de savoir quel est le bon moment. Il n’y a pas de
preuves flagrantes dans ce contexte, il faut donc accumuler les
traces, les indices, faire une photocopie de tous les documents
qui pourraient constituer, à un moment ou à un autre, sa
défense. Afin d’anticiper toute agression, il est nécessaire de
se faire préciser les demandes et les consignes de la personne
qui harcèle, au besoin par écrit. Par peur des représailles, il y
a souvent une désolidarisation des collègues, alors que les
témoignages sont importants.
Le médecin du travail, dont le rôle est la protection de la victime par une prise en charge médicale, peut être d’une grande
aide. Un arrêt de travail est souvent nécessaire, fourni par le
médecin traitant. Les comités d’hygiène, de sécurité et des
conditions de travail (CHSCT) sont trop peu sollicités, alors qu’ils
sont composés, entre autres, de membres du personnel.
Enfin, il ne faut pas hésiter à interpeller son syndicat dont le
rôle est la défense de ses adhérents. Le délégué local n’a pas
toujours les coudées franches, mais les délégués régionaux ou
les membres du conseil d’administration peuvent apporter
une solution en contactant l’institution ou le ministère ou en
faisant appel à un conseil juridique ou à un avocat.
LIMITES
De plus, les capacités de résistance d’un individu, face à un harcèlement, ne sont pas illimitées. Progressivement, elles se
tarissent jusqu’à un épuisement psychique : fatigue, manque
d’énergie, puis un retentissement psychosomatique :
maladies cardio-vasculaires, ulcères gastriques, maladies de
peau…
La victime doit garder au fond d’elle la conviction qu’elle
est dans son bon droit et que, tôt ou tard, elle réussira à
se faire entendre.
Michel DRU
Président du SNPHAR
http://www.snphar.com - Journal du Syndicat National des Praticiens Hospitaliers Anesthésistes-Réanimateurs - PHAR n° 50 - septembre 2009
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