Le harcèlement moral est une réalité
Transcription
Le harcèlement moral est une réalité
FOCUS Le harcèlement moral est une réalité epuis quelques mois, des plaintes de collègues concernant un harcèlement moral parviennent aux membres du Conseil d’administration du SNPHAR. Le plus souvent, il s’agit de comportements hiérarchiques (chef de service ou direction hospitalière vis-àvis du praticien hospitalier), mais des attitudes horizontales (praticien hospitalier vis-à-vis de praticien hospitalier) sont à noter. Les victimes de ce harcèlement moral trouvent comme seul salut le départ du service, mais il existe d’autres recours à cet état de fait. D Voici quatre cas exemplaires – les autres procédant du même mécanisme – dans lesquels un individu (chef d’unité, de service, de pôle, directeur d’hôpital…) tente, sans état d’âme, de paralyser ses victimes pour les empêcher de se défendre. Il n’a ni compassion, ni respect pour elles puisqu’il les exclut de son monde, comme s’il fallait diminuer les autres pour se grandir, acquérir le pouvoir… Les bons résultats obtenus au sein de l’équipe ne sont jamais soulignés, pas plus que les victimes ne sont encouragées. Les persécutés s’accrochent désespérément à leur travail, au détriment de leur santé physique et psychique. SIDIEUSE, RE D’USURE, IN ER U G E N U ER MEN ÉSTABILISATION JUSQU’À LA D de lide un tableau CHU parisien va hospitalier) est un d’ e ic rv se Un chef de (praticien mmuniel une collègue service sur lequ inscrite les jours où elle doit co ent ngrès médisystématiquem es ou à des co qu ifi nt ie sc ns urs, des io quer à des réun internationaux ; ces mêmes jo ou rv du se ice. Or, caux nationaux tres praticiens au x au és nn erti des dates au congés sont do service a été av de it ef ch le s, ca steriori qu’elle do dans tous les C’est donc a po e. m nc co va is l’a à rfo s pa oi moins un m s collègues, se ec av t uen nf ngem situations de co trouver un arra ice, créant des rv se de ef ch plices du n. service, qui sion et d’irritatio ec son chef de av on si us sc di de r l’absence de Toute tentative n, se solde pa tio lu so e un er grave ainsi le pourrait trouv s discussions ag de n ec ch L’é e. is e sur le praticie réponse préc bilité est rejeté sa ue on iq sp ch re ar ér la hi supérieur conflit, dont manœuvres du in d’éviter toute possiaf hospitalier. Les if, urrence lement progress ace d’une conc reposent sur l’iso pl en ise m la r su et rité) pour tenbilité d’alliance, e complémenta un d’ n no t (e s autres. entre praticiens les uns contre le r te on m s le de ter CASSER LES INITIATIVES PERSONNELLES 22 DÉRESPONSABILISE R POUR MIEUX RÉGNER Dans cet autre CHU, le chef de pôle a modifié tion du service l’organisad’anesthésie-réa nimation en dé bilisant les prat responsaiciens. Il se veut désormais le se locuteur des au ul intertres médecins et de l’adminis l’hôpital. Il a do tr at ion de nc destitué un praticien de so responsable de n poste de secteur chirurgi cal, puis de resp du conseil de bl onsable oc opératoire. Reconnu par se praticien était s pa très (trop ?) in irs, ce tégré dans la vi tal, apparaissa e de l’hôpint probablemen t ainsi trop indé donc hostile, au pe x yeux du chef de service. De pe ndant, dre le contrôle ur de per, ce dernier ra ppelle de façon sa position hiér démesurée archique et harc èle ce collègue. sailles », le prat En « repréicien, qui contin ue à remplir se de soins, n’a pa s missions s été associé à la publication d’ scientifique rela un article tant la prise en charge d’un pa laquelle il s’est tient pour pourtant, gran dement investi. ILLANTS ET TENDUS MALVE EN S U SO ER G PROPA MENSONGES la re du Sud de l non universitai n ta ie pi ic hô at pr un d’ un r service à Le directeu de rie fe ef te ch ai une ce dernier souh France propose premier temps, un s e plusieurs an D r. lie hospita e car il note qu ic rv se du n tio isa semaines de assainir l’organ tages illégaux (8 an av d’ nt ie fic forme de garpraticiens béné demnisées sous in s te in tre as s, des autres praticongés annuel n’est du goût ni e ch ront ar m dé tte recteur, qui n’au des, etc.). Ce doute !) ni du di ion n at s’e ilis ab on st e m ques de dé ni ciens (com ch te s de r pa ju rceler es…) sde cesse de le ha sions malveillantes, mensong allu (sous-entendus, rt. pa dé n qu’à so Une chef de service d’anesthésie-réanimation d’un hôpital non universitaire de l’Est de la France voit d’un mauvais œil l’arrivée d’un jeune praticien qui souhaite une gestion plus transparente du temps de travail et apporte une prise en charge plus moderne et plus scientifique des patients. Il est rapidement apprécié par ses collègues et les chirurgiens avec lesquels il travaille. Au bout de quelques semaines, ce praticien a été l’objet de rabaissements perpétuels de sa hiérarchie. Le harcèlement instauré par la chef de service trouve probablement son origine dans un sentiment de jalousie suscité par sa jeunesse, ses connaissances scientifiques et la qualité de sa relation confraternelle qu’elle ne possédait pas. Il s’agissait de casser tout élan ou initiative personnelle en médisant, car il était, dans l’esprit de la chef de service, impossible de se remettre en cause. http://www.snphar.com - Journal du Syndicat National des Praticiens Hospitaliers Anesthésistes-Réanimateurs - PHAR n° 50 - septembre 2009 FOCUS UNE HIÉRARCHIE QUI SE SENT MENACÉE, SOURCE DE CONFLITS Certains chefs de service ne comprennent pas que nous ne sommes plus au Moyen-Âge, mais bien au XXIe siècle : les rapports ont changé ou doivent changer s’ils souhaitent la coopération des médecins de leur service. Le suzerain toutpuissant et des vassaux dociles ne sont plus de notre époque ; aujourd’hui, c’est l’ensemble des médecins d’un service (qui ont les mêmes diplômes que le chef de service, voire plus…) qui contribue à une meilleure prise en charge des patients. Chaque médecin développe un domaine de compétences qui ne doit pas être considéré comme une menace par le chef de service qui, lorsqu’il est pervers, manœuvre pour se rehausser en écrasant les autres praticiens. Développer une coopération et non une confrontation ne peut avoir que des retombées positives sur les relations médecin-malade et interprofessionnelles. Un médecin qui s’épanouit dans son service sera un stimulant pour l’ensemble de la structure. LE HARCÈLEMENT, UNE ATTITUDE QUI RETENTIT SUR LA DÉMOGRAPHIE MÉDICALE HOSPITALIÈRE Pousser au départ des praticiens hospitaliers qui n’ont pas démérité et qui ont une expertise professionnelle mène à la perte d’attractivité de la profession. Ce type d’attitude, de la part d’un chef d’équipe, conduit à une fuite massive des jeunes praticiens vers d’autres structures publiques ou privées. Face à cette hiérarchie pesante, qui prône à ses collaborateurs autonomie et esprit d’initiative, mais qui n’en exige pas moins soumission et obéissance, les médecins préfèrent prendre une retraite anticipée, même avec une amputation de leurs revenus. À un moment où la démographie médicale est loin d’être favorable, il est temps de moderniser la gestion des équipes médicales au sein des services hospitaliers en introduisant la reconnaissance du travail d’autrui lorsqu’il est à l’origine d’effets pertinents. LA RÉSISTANCE A SES DES SOLUTIONS EXISTENT Avant d’être piégé(e) dans une situation où il n’y a pas d’autre solution que le départ, le praticien doit réagir le plus tôt possible : jouer l’indifférence, garder le sourire et répondre avec humour sans basculer dans l’ironie peuvent être une première réponse. Il faudra que la victime adopte un comportement calme et réfléchi en attendant son heure. La mise en place du harcèlement étant insidieuse, il n’est pas toujours aisé de savoir quel est le bon moment. Il n’y a pas de preuves flagrantes dans ce contexte, il faut donc accumuler les traces, les indices, faire une photocopie de tous les documents qui pourraient constituer, à un moment ou à un autre, sa défense. Afin d’anticiper toute agression, il est nécessaire de se faire préciser les demandes et les consignes de la personne qui harcèle, au besoin par écrit. Par peur des représailles, il y a souvent une désolidarisation des collègues, alors que les témoignages sont importants. Le médecin du travail, dont le rôle est la protection de la victime par une prise en charge médicale, peut être d’une grande aide. Un arrêt de travail est souvent nécessaire, fourni par le médecin traitant. Les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) sont trop peu sollicités, alors qu’ils sont composés, entre autres, de membres du personnel. Enfin, il ne faut pas hésiter à interpeller son syndicat dont le rôle est la défense de ses adhérents. Le délégué local n’a pas toujours les coudées franches, mais les délégués régionaux ou les membres du conseil d’administration peuvent apporter une solution en contactant l’institution ou le ministère ou en faisant appel à un conseil juridique ou à un avocat. LIMITES De plus, les capacités de résistance d’un individu, face à un harcèlement, ne sont pas illimitées. Progressivement, elles se tarissent jusqu’à un épuisement psychique : fatigue, manque d’énergie, puis un retentissement psychosomatique : maladies cardio-vasculaires, ulcères gastriques, maladies de peau… La victime doit garder au fond d’elle la conviction qu’elle est dans son bon droit et que, tôt ou tard, elle réussira à se faire entendre. Michel DRU Président du SNPHAR http://www.snphar.com - Journal du Syndicat National des Praticiens Hospitaliers Anesthésistes-Réanimateurs - PHAR n° 50 - septembre 2009 23