Cour de cassation de Belgique Arrêt
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Cour de cassation de Belgique Arrêt
16 OCTOBRE 2015 C.14.0283.F/1 Cour de cassation de Belgique Arrêt N° C.14.0283.F AMPLIFON BELGIUM, société anonyme dont le siège social est établi à Dilbeek (Groot-Bijgaarden), Pontbeekstraat, 2, demanderesse en cassation, représentée par Maître Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile, contre CHR SAMBRE ET MEUSE, association de pouvoirs publics anciennement dénommée Solidarité et Santé, dont le siège est établi à Namur, avenue Albert 1er, 185, défenderesse en cassation, 16 OCTOBRE 2015 C.14.0283.F/2 représentée par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile. I. La procédure devant la Cour Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 27 juin 2013 par la cour d’appel de Liège. Le 19 juin 2015, l’avocat général Jean-François Leclercq a déposé des conclusions au greffe. Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et l’avocat général Jean-François Leclercq a été entendu en ses conclusions. II. Les moyens de cassation Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente trois moyens. III. La décision de la Cour Sur le premier moyen : La convention conclue sur la base de la lettre du 28 octobre 1971 énonce : 16 OCTOBRE 2015 C.14.0283.F/3 - sous le point 2 « adaptations », que, « pendant la période de stage, les essais et les adaptations des appareils auditifs se feront par notre personnel et avec notre stock, ce en collaboration avec votre stagiaire, dans vos installations et avec votre matériel audiométrique », que « nous obtiendrons l’agréation par l’Inami de votre centre comme un siège d’entreprise de notre firme » et que, « après la période de stage et l’agréation de votre prothésiste-acousticien, ce dernier effectuera indépendamment les adaptations au moyen d’un stock courant d’appareils auditifs que nous vous laisserons en consignation » ; - sous le point 3 « ventes, appareils auditifs », que, « pendant la période de stage, […] un bordereau de 20 p.c. sur le prix de vente net sera établi au nom de votre centre en compensation pour l’utilisation de vos locaux et de votre matériel audiométrique » et qu’« après l’agréation de votre prothésisteacousticien, […] nous vous facturerons les appareils vendus au prix tarif avec 30 p.c. de remise » ; - sous le point 3 « ventes, piles et accessoires », que « la vente de piles et accessoires sera dès à présent assurée par votre personnel. Vos commandes feront l’objet de factures avec remise de 20 p.c. sur le prix tarif » ; - sous le point 4 « exclusivité », que « vous vous engagez à vendre exclusivement des appareils, piles et accessoires de notre firme pendant une période de deux ans prenant cours au moment de l’agréation de votre prothésiste-acousticien. Après cette période, il peut être mis fin à la présente convention, moyennant préavis de six mois, signifié par lettre recommandée ». L’arrêt considère que « la lecture du point 2 ‘adaptations’ de la convention révèle que c’est pendant la période de stage que le personnel de [la demanderesse] a accès au local et que tel n’était plus le cas ‘après la période de stage et l’agréation (du) prothésiste-acousticien’ » et en déduit que « l’objet principal [de ce] contrat ne porte pas sur la mise à disposition d’un local pour [la demanderesse] ». Contrairement à ce que soutient le moyen, l’arrêt ne dénie pas que, après la période de stage, la demanderesse a encore accès aux locaux pour y 16 OCTOBRE 2015 C.14.0283.F/4 déposer des appareils auditifs mais considère que la mise à disposition des locaux pour l’exercice de l’activité de vente des appareils, comprenant les essais et adaptations requis, et en conséquence son agréation par l’Inami comme siège de la demanderesse, sont limitées à la période de stage puisque, après celle-ci, cette activité est exercée dans les lieux par un prothésisteacousticien indépendant. Pour le surplus, l’arrêt, qui, après avoir rappelé les termes du point 3 de la convention, considère que « la commission ne constitue pas une contrepartie pour l’utilisation des locaux et du matériel audiométrique de [la défenderesse] », qui est limitée à la seule période de stage d’un an au cours de laquelle la demanderesse y assure aussi « la formation [….] du prothésisteacousticien [de la défenderesse] », mais rémunère, pendant toute la durée du contrat, « l’obligation pour [la défenderesse] de ne fournir à ses patients que les appareils auditifs, piles et accessoires de [la demanderesse] », ne donne pas de ce point 3 une interprétation inconciliable avec ses termes. La violation des autres dispositions légales visées au moyen est toute entière déduite de celle, vainement alléguée, des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil. Le moyen ne peut être accueilli. Sur le deuxième moyen : L’article 2277 du Code civil dispose que les arrérages de rentes perpétuelles et viagères, ceux des pensions alimentaires, les loyers des maisons et le prix de ferme des biens ruraux, les intérêts des sommes prêtées, et généralement tout ce qui est payable par année, ou à des termes périodiques plus courts, se prescrivent par cinq ans. 16 OCTOBRE 2015 C.14.0283.F/5 Cette prescription abrégée, qui tend à protéger le débiteur contre l’accumulation des arriérés d’une dette périodique née d’un même rapport juridique, s’applique aux commissions pour ventes de matériel en vertu d’un contrat-cadre payables dans les conditions de périodicité visées à l’article 2277 précité. L’arrêt relève que la défenderesse a pris l’engagement de vendre exclusivement les appareils auditifs et accessoires de la demanderesse « moyennant le versement par cette dernière d’une commission », que ces commissions « sont bien issues du même rapport juridique » et que le système mis en place pendant toute la durée du contrat est resté « comparable à celui [de] la période de stage d’un an, […] dont les modalités sont précisées au point 3 […], alinéa 1er, de la convention », à savoir que, jusqu’en octobre 2002, la demanderesse « facturait directement la vente des appareils auditifs aux patients de [la défenderesse] et émettait un ‘bordereau de commission’ au nom de [la défenderesse] », le paiement s’effectuant, selon le point 3 précité, « à la fin du mois au cours duquel l’utilisateur aura payé complètement son achat » tandis qu’« à partir du mois d’octobre 2002, [la demanderesse] n’a plus émis de bordereau de commission, mais adressait mensuellement à [la défenderesse] un relevé des ventes […] et [celle-ci] lui facturait ensuite le montant de ses commissions ». L’arrêt, qui, pour décider que « le caractère de périodicité requis par le dernier alinéa de l’article 2277 du Code civil fait défaut », considère que « la dette ne se renouvelle pas sans intervention des parties et plus particulièrement sans intervention du débiteur puisqu’elle augmente en fonction du nombre de ventes d’appareils auditifs réalisées par son intermédiaire et que c’est lui-même qui transmet le relevé des ventes sur la base duquel [la défenderesse] facture ses commissions », viole la disposition légale précitée. Le moyen est fondé. Sur les autres griefs : 16 OCTOBRE 2015 C.14.0283.F/6 Il n’y a pas lieu d’examiner le troisième moyen, qui ne saurait entraîner une cassation plus étendue. Par ces motifs, La Cour Casse l’arrêt attaqué, sauf en tant qu’il donne acte à la défenderesse de sa reprise d’instance, qu’il reçoit son appel, qu’il rejette le déclinatoire de compétence soulevé par la demanderesse et qu’il reçoit la demande de la défenderesse ; Rejette le pourvoi pour le surplus ; Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ; Condamne la demanderesse à un tiers des dépens ; réserve le surplus pour qu’il soit statué sur celui-ci par le juge du fond ; Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d’appel de Mons. Les dépens taxés à la somme de huit cent cinquante euros quarante et un centimes envers la partie demanderesse. Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Albert Fettweis, les conseillers Martine Regout, Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, et prononcé en audience publique du seize octobre deux mille quinze par le président de section Albert Fettweis, en présence de l’avocat général Jean-François Leclercq, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont. 16 OCTOBRE 2015 C.14.0283.F/7 P. De Wadripont S. Geubel M.-Cl. Ernotte M. Lemal M. Regout A. Fettweis