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L e s f i c h e s d e j u r i s p r u d e n c e d ’ e J u r i s . b e : Im m o b i l i e r – F i s c a l i t é – U r b a n i s m e - C o p r o p r i é t é – C o n s t r u c t i o n Droit de la construction Faute délictuelle d’un contractant n° 235 Les fiches de Jurisprudence de www.eJuris.be Cour de cassation, Arrêt du 26 avril 2002 Un maître de l'ouvrage ne peut être déclaré responsable sur le plan extra-contractuel à l'égard de son cocontractant ou de l'agent d'exécution de celui-ci agissant dans le cadre de l'exécution de l'obligation contractuelle du cocontractant, que si la faute qui lui est imputée constitue un manquement, non pas à son obligation contractuelle, mais à l'obligation générale de prudence s'imposant à tous et si cette faute a causé un dommage autre que celui qui résulte de la mauvaise exécution du contrat (Juridat) . Arrêt du 26 avril 2002 La Cour, (…) I. La décision attaquée Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 20 février 2001 par la cour d'appel de Mons. II. La procédure devant la Cour Le conseiller Sylviane Velu a fait rapport. L'avocat général André Henkes a conclu. II. Les faits Les faits de la cause, tels qu'ils ressortent des constatations de l'arrêt et des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard, peuvent être ainsi résumés : La demanderesse était en relation contractuelle avec la première défenderesse pour l'enlèvement et le traitement de ses déchets industriels. La première défenderesse sous-traitait l'enlèvement et le transport de ces déchets à la deuxième défenderesse. Au cours de l'une de ces opérations, le pompage effectué par un préposé de la deuxième défenderesse au siège de la demanderesse a été interrompu lorsque des vapeurs jaunes et nauséabondes se sont échappées de l'un des fûts contenant les différents produits à enlever. Au cours du trajet de retour, ce préposé a été fortement incommodé et les citernes du camion et de la remorque qu'il conduisait ont été gravement endommagées. Les deux premières défenderesses et la troisième défenderesse, subrogée à due concurrence dans les droits de la deuxième défenderesse qu'elle avait partiellement indemnisée, ont réclamé à la demanderesse l'indemnisation des dommages qui leur avaient été causés à cette occasion par les fautes de cette dernière. IV. Le moyen de cassation La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants : Dispositions légales violées Articles 1101, 1134, 1142 à 1145, 1147 à 1151, 1382 et 1383 du Code civil. Décisions et motifs critiqués Pour écarter les conclusions d'appel de la demanderesse, qui faisait valoir que la relation qui l'unissait à la première défenderesse était de nature contractuelle et que l'action en responsabilité contractuelle dirigée contre (elle) ne pouvait être accueillie pour diverses raisons dont la prescription, et que, en raison de cette relation contractuelle, les défenderesses ne pouvaient pas fonder leur action sur les articles 1382 et 1383 du Code civil, la cour d'appel a considéré : " qu'en annonçant au transporteur, avec lequel elle traitait, qu'elle demandait l'enlèvement de 'détergents neutres + acides' et en préparant, pour ledit enlèvement, des fûts dont l'un (le septième) contenait un produit d'une 'extrême acidité', sans prévenir son cocontractant, et le sous-traitant de celui-ci, de cette situation tout à fait anormale, (la demanderesse) a gravement trompé la légitime confiance de ceux-là et a dès lors commis une faute qui constitue un manquement non pas à ses obligations contractuelles, mais à son obligation générale de prudence ; (...) que sans cette faute, les dommages litigieux ne seraient pas survenus tels qu'ils sont arrivés ". Griefs Première branche Des faits qu'elle a souverainement constatés quant à la substance de la faute prétendument commise par la demanderesse, la cour d'appel ne pouvait pas légalement déduire qu'il s'agissait d' " un manquement non pas à ses obligations contractuelles, mais à son obligation générale de prudence " ; L e s f i c h e s d e j u r i s p r u d e n c e d ’ e J u r i s . b e : Im m o b i l i e r – F i s c a l i t é – U r b a n i s m e - C o p r o p r i é t é – C o n s t r u c t i o n Droit de la construction Les fiches de Jurisprudence de www.eJuris.be Faute délictuelle d’un contractant n° 235 en effet, le fait de donner à son cocontractant des renseignements inexacts sur la nature des déchets à enlever constitue, à l'évidence, une violation du contrat qui a précisément cette opération pour objet ; en considérant que la faute commise par la demanderesse consistait à n'avoir pas prévenu " son cocontractant, et le sous-traitant de celui-ci, de cette situation tout à fait anormale ", la cour d'appel a d'ailleurs mis l'accent sur le caractère contractuel de la relation qui unissait les parties. Il s'ensuit que l'arrêt n'est pas légalement justifié (violation, d'une part, des articles 1101, 1134, 1142 à 1145, 1147 à 1151 du Code civil, relatifs à la responsabilité contractuelle, et, d'autre part, des articles 1382 et 1383 du Code civil, relatifs à la responsabilité quasi délictuelle). Seconde branche La responsabilité d'une partie contractante ne peut être engagée sur le plan extracontractuel du chef d'une faute commise lors de l'exécution du contrat, tant à l'égard de ce cocontractant qu'à l'égard du sous-traitant que celuici se substitue pour l'exécution du contrat, que si les deux conditions suivantes sont remplies cumulativement - (i) la faute imputée doit constituer aussi une faute extracontractuelle, c'est-à-dire soit un manquement à une obligation générale de prudence soit la violation d'une loi ou d'un règlement imposant une règle de conduite ou une abstention ; - (ii) cette faute doit avoir causé un autre dommage que celui résultant seulement de la mauvaise exécution du contrat. En l'espèce, la cour d'appel n'a pas constaté que la faute extra-contractuelle prétendument commise par la demanderesse aurait causé un dommage autre que celui qui aurait résulté de la mauvaise exécution du contrat. Il s'ensuit que l'arrêt n'est pas légalement justifié (violation des articles 1382 et 1383 du Code civil). V. La décision de la Cour Sur la fin de non-recevoir opposée par les défenderesses au moyen, en ses deux branches, et déduite de ce que le moyen n'indique pas contre quelle décision de l'arrêt il est dirigé : Attendu que l'arrêt reçoit l'appel de la demanderesse et, confirmant le jugement entrepris, dit l'appel non fondé et condamne la demanderesse, sur la base de l'article 1382 du Code civil, à payer aux défenderesses différentes sommes, à titre de dommages et intérêts, augmentées des intérêts et des dépens ; Attendu que le moyen précise qu'il est dirigé contre la décision de l'arrêt d'écarter les conclusions d'appel de la demanderesse, qui faisaient valoir qu'en raison du caractère contractuel de la relation qui l'unissait à la première défenderesse, les défenderesses ne pouvaient pas fonder leur action sur les articles 1382 et 1383 du Code civil ; Que le moyen indique ainsi qu'il est dirigé contre toutes les dispositions de l'arrêt que la demanderesse a intérêt à critiquer ; : Que la fin de non-recevoir ne peut être accueillie ; Quant à la seconde branche : Attendu qu'il résulte des constatations de l'arrêt que les défenderesses ont formé contre la demanderesse une demande de dommages et intérêts fondée notamment sur les articles 1382 et 1383 du Code civil ; Attendu que la responsabilité extracontractuelle d'une partie contractante ne peut être engagée à l'égard de son cocontractant ou de l'agent d'exécution de celui-ci que si la faute qui lui est imputée constitue un manquement, non à son obligation contractuelle, mais à l'obligation générale de prudence s'imposant à tous et si cette faute a causé un dommage autre que celui qui résulte de la mauvaise exécution du contrat ; Attendu que l'arrêt considère qu' " en annonçant au transporteur, avec lequel elle traitait, qu'elle demandait l'enlèvement de 'détergents neutres + acides' et en préparant, pour ledit enlèvement, des fûts dont l'un (...) contenait un produit d'une 'extrême acidité', sans prévenir son cocontractant, et le sous-traitant de celuici, de cette situation tout à fait anormale, (la demanderesse) a gravement trompé la légitime confiance de ceux-là et a dès lors commis une faute qui constitue un manquement non pas à ses obligations contractuelles, mais à son obligation générale de prudence " et que " sans cette faute, les dommages litigieux ne seraient pas survenus tels qu'ils sont arrivés "; Attendu qu'il ne résulte ni de ces considérations ni d'aucune autre que la faute de la demanderesse a causé un dommage autre que celui qui résulte de la mauvaise exécution du contrat ; Que, dès lors, l'arrêt ne justifie pas légalement sa décision ; Que le moyen, en cette branche, est fondé ; PAR CES MOTIFS, LA COUR Casse l'arrêt attaqué ; Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;