3 - FDV
Transcription
3 - FDV
Fiche à jour au 15 novembre 2011 FIICCHHEE PEEDDAAG GO OG GIIQ QU UE E VIIR RTTU UE ELLLLE E Diplôme : Licence en droit, 3ème semestre Matière : Droit pénal général Web-tuteur : Carine Copain Mise à jour : Akila Taleb SEEAANNCCEE NN°3 – LLAA LLO OII P PE EN NA ALLE ED DA AN NS S LL’E ES SP PA AC CE E SO OM MM MA AIIR RE E I. L’APPLICATION DE LA LOI PENALE FRANÇAISE DANS L’ESPACE .......................................................................................... 3 A. LES HYPOTHESES DE DIFFICULTE D’APPLICATION DE LA LOI PENALE FRANÇAISE ____________________________________________________________ 3 Crim., 28 novembre 1996 ............................................................................................. 3 B. LES REGLES APPLICABLES POUR RESOUDRE CETTE DIFFICULTE _____________ 5 Crim., 4 février 2004 .................................................................................................... 5 Crim., 16 octobre 2001 ................................................................................................. 7 Crim., 31 janvier 2001 .................................................................................................. 8 Crim., 23 octobre 2002 ................................................................................................. 9 A. LE MANDAT D’ARRET EUROPEEN _____________________________________ 11 B. L’EXTRADITION ___________________________________________________ 12 Année universitaire 2004-2005 2 Crim., 18 juin 2003 ..................................................................................................... 12 3 I. L’application de la loi pénale française dans l’espace L’application de la loi pénale dans l’espace est régie par les articles 113-1 et suivants du code pénal. Dans certaines hypothèses, se pose la question de l’application de la loi pénale française à une affaire en raison de l’existence d’un élément d’extranéité. Les hypothèses de difficulté d’application de la loi pénale française Ainsi, dans un cas pratique vous devez lors de la lecture de l’énoncé vous poser les questions suivantes : 1°/ quelle est l’infraction commise ? Quel est son lieu de commission ? Il faut distinguer selon la nature de l’infraction (infraction simple, complexe, ou d’habitude). Crim., 28 novembre 1996 LA COUR, Joignant les pourvois en raison de la connexité ; Vu les mémoires produits en demande et en défense ; Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Géraldine Veschambes, épouse Hilmer, et pris de la violation des articles 690 ancien et 593 du Code de procédure pénale, 689 et suivants nouveaux du même Code, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la prévenue complice des escroqueries prétendument commises sur le territoire espagnol par Claude Wilmaers et par Nathalie Wilmaers, citoyens belges résidant en Espagne ; " alors, d'une part, que, antérieurement au 1er mars 1994, aucun étranger ayant commis sur un territoire étranger un fait qualifié délit par la loi française ne ressortissait aux juridictions françaises ; que, par ailleurs, l'article 690 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable aux faits, portait que celui qui, sur le territoire de la République, s'était rendu complice d'un crime ou d'un délit commis à l'étranger ne pouvait être poursuivi et jugé par les juridictions françaises que si le fait était puni à la fois par la loi étrangère et par la loi française et à la condition que le fait qualifié crime ou délit ait été constaté par une décision définitive de la juridiction étrangère ; qu'en l'espèce il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que les prétendues escroqueries, au sens de la loi française, imputées à Claude Wilmaers ont toutes été commises sur le territoire espagnol où la remise des fonds apportés par ses correspondants français avait lieu ; qu'il n'est établi ni que les faits reprochés à Claude Wilmaers aient été constitutifs d'escroqueries et punis par la loi espagnole, ni qu'il ait été déclaré coupable de ce délit par une décision définitive de la juridiction espagnole ; qu'il s'ensuit que les juridictions pénales françaises, incompétentes pour connaître des faits imputés à Claude et à Nathalie Wilmaers, étaient aussi 4 incompétentes pour connaître des faits de complicité des escroqueries commises prétendument par les consorts Wilmaers imputés à la prévenue dès lors qu'il ne résulte d'aucune des énonciations de l'arrêt attaqué que la double condition de l'article 690 ait été remplie ; qu'en la retenant cependant dans les liens de la prévention du chef de complicité commise sur le territoire de la République d'escroqueries commises sur le territoire espagnol, les juges correctionnels ont outrepassé leur compétence et prononcé une déclaration de culpabilité illégale ; " alors, d'autre part, qu'à supposer que Claude Wilmaers ait fait paraître dans plusieurs journaux diffusés sur l'ensemble du territoire français des annonces proposant des prêts à des taux avantageux au nom d'une société domiciliée en Espagne, cette circonstance ne pouvait être constitutive d'une manoeuvre frauduleuse faisant ressortir l'escroquerie qui lui était reprochée à la juridiction correctionnelle française que si ces publications étaient ellesmêmes françaises ; qu'en effet la simple distribution sur le territoire français de publications étrangères n'est pas de nature à caractériser à son encontre une manoeuvre frauduleuse commise sur le territoire français ; que, faute d'avoir précisé la "nationalité" des publications dans lesquelles les annonces litigieuses avaient paru, la cour d'appel n'a pas caractérisé un élément constitutif de l'escroquerie commis sur le territoire français, seule circonstance qui pouvait permettre de poursuivre la prévenue du chef de complicité de ladite escroquerie ; qu'ainsi la déclaration de culpabilité de ce chef prononcée à son encontre est au moins privée de base légale " ; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Claude Wilmaers, citoyen belge établi en Espagne, se présentant faussement comme le fondé de pouvoir de la société Torwood Engineer Limited et le représentant de prêteurs espagnols, a, avec l'aide de sa fille, Nathalie Wilmaers, proposé des prêts à des taux avantageux, généralement inférieurs à 7 % ; que, par ailleurs, sous le couvert de la société Baskam Investments Limited, il a offert à sa clientèle des placements financiers consistant dans la souscription de bons d'achat différés anonymes portant sur des objets d'art supposés être revendus avec un bénéfice de 25 à 27 % ; que de nombreux particuliers, recrutés par des intermédiaires rémunérés à la commission, ont versé des frais de constitution de dossier de prêt et ont souscrit des bons d'achat, sans obtenir aucune contrepartie ; Attendu que, pour condamner Claude Wilmaers pour escroquerie, Nathalie Wilmaers et les intermédiaires pour complicité de ce délit, les juges relèvent notamment que la remise des fonds, obtenue grâce à des annonces publiées dans divers journaux diffusés sur le territoire national, a été faite en France par les candidats emprunteurs aux intermédiaires qui ont transporté les fonds en Espagne ; Attendu qu'en l'état de ces constatations la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ; Qu'en effet, selon l'article 693 du Code de procédure pénale, dont les dispositions, reprises dans l'article 113-2 du Code pénal, ne font aucune référence à la loi étrangère, il suffit, pour que l'infraction soit réputée commise sur le territoire de la République et soit punissable en vertu de la loi française, qu'un de ses faits constitutifs ait lieu sur ce territoire ; D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ; […] 2°/ quelle est la nationalité de l’auteur des faits ? 3°/ quelle est la nationalité de la victime ? Dès lors que vous constatez un élément d’extranéité lors de la réponse à l’une de ces questions, il existe un problème d’application de la loi 5 pénale française dans l’espace. La question est alors de savoir si la loi pénale française sera ou non applicable (et en conséquence, en vertu du principe de solidarité ou d’unité des compétences législatives et juridictionnelles, si les juridictions françaises sont ou non compétentes pour juger l’affaire). A. Les règles applicables pour résoudre cette difficulté *CLE = Conflit de lois dans l’espace Nationalités (appréciée au moment des faits ou au plus tard au moment du jugement) Faits commis en tout ou partie en France (ou assimilés) Auteur = français Victime = française Application de la loi française (pas de CLE) Auteur = français Victime = étrangère CLE : principe de territorialité (article 113-2CP). Pas les conditions de non bis in idem ni de la double incrimination ni de l’article 113-8. Csq : application de la loi française Auteur = étranger Victime = française CLE : principe de territorialité (idem) Auteur = français ou étranger Victime = française ou étrangère CLE : principe de territorialité (idem). Auteur = français ou étranger Victime = française ou étrangère CLE : principe de territorialité (idem). Crim., 4 février 2004 Bull. n°32 (principe de territorialité) […] Faits commis à l’étranger CLE : Compétence personnelle active ou passive : conditions = non bis in idem + double incrimination pour les délits + conditions de procédure de l’article 113-8CP). Csq : application de la loi française CLE : compétence personnelle active (article 113-6CP). Conditions = auteur de nationalité française + non bis in idem + double incrimination (sauf agressions sexuelles sur mineur et mercenaire) + conditions de procédure de l’article 113-8. Csq : application de la loi française CLE : compétence personnelle passive (article 113-7CP). Conditions : victime de nationalité française + Crime ou délit puni d’emprisonnement + non bis in idem + double incrimination + conditions de procédure de l’article 113-8CP). Csq = application de la loi française CLE : Si atteinte aux intérêts fondamentaux de la France = compétence réelle (article 113-10 : cf liste d’infractions). Pas d’autre condition. Csq= application de la loi française CLE : si atteinte aux intérêt communs des Etats = compétence universelle (articles 689 et 689-1 CPP qui renvoient aux conventions internationales). Conditions = auteur arrêté en France + principe non bis in idem (et c’est tout). Csq = application de la loi française. 6 Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 24 février 1998, au cours d'une perquisition effectuée au domicile de Joseph X..., de nationalité française, ont été découverts des vidéogrammes à caractère pornographique enregistrés, notamment, en Thaïlande, sur lesquels celui-ci était filmé ayant des relations sexuelles avec de jeunes asiatiques âgées de moins de quinze ans ; que, le 4 mars 1998, une information judiciaire a été ouverte sur ces faits, pour lesquels Joseph X... a été mis en examen le 17 mars 2000 ; qu'il a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour atteintes sexuelles aggravées et enregistrement d'images de mineurs à caractère pornographique, en vue de leur diffusion ; En cet état ; […] Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article préliminaire du Code de procédure pénale, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, des articles 6 et 7 de la Convention européenne précitée, des articles 112-1, 112-6 et 113-8, 227-23 et 227-26 du Code pénal pris dans sa rédaction applicable au moment des faits, atteinte à la présomption d'innocence, atteinte au droit au procès équitable, au principe "pas de peine sans loi", défaut de motifs et manque de base légale ; "aux motifs que "sur le délit de captation en vue de leur diffusion d'images, à caractère pornographique, de mineurs" : que, si Joseph X... réfute toute commercialisation de clichés ou films mettant en scène des mineurs, il a cependant été découvert chez lui des cassettes pornographiques mettant en scène des mineures en sa compagnie ; que l'enquête établit en outre que Francis A..., gérant d'une société "Vanessa Production", spécialisée dans la distribution de cassettes pornographiques, a signé un contrat d'exclusivité le 31 mai 1994 pour une durée de 5 ans, portant sur la distribution des produits de la société de Joseph X... "Cinéma Vidéo Production" ;que, dans son audition, Francis A... explique avoir refusé de distribuer une cassette où Joseph X... apparaissait en présence d'une jeune fille asiatique qui lui est apparue très jeune ; qu'il affirme avoir pris cette précaution bien qu'il n'ait eu aucune certitude sur la minorité de la partenaire de Joseph X... ;qu'il ajoute que Joseph X... commercialisait lui-même ses produits dans les sex-shops ; que le visionnage à l'audience de première instance des cassettes mettant en scène Joseph X... avec des mineures met en évidence le souci permanent de celui-ci de rechercher l'oeil de la caméra, notamment lorsqu'il positionne à plusieurs reprises la mineure sur le lit ; que cet élément, associé au témoignage de Francis A..., permet d'établir l'intention de Joseph X... de diffuser et de commercialiser ses ébats sexuels avec des mineures ; qu'il convient donc de retenir à son encontre le délit de captation en vue de leur diffusion d'images à caractère pornographique de mineures" ; "1 ) alors que l'article 227-23 du Code pénal réprime "le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d'enregistrer ou de transmettre l'image d'un mineur, lorsque cette image présente un caractère pornographique" ; que ce texte, dans les dispositions applicables à l'espèce, ne dérogeait pas aux dispositions des articles 113-6 et 113-8 du Code pénal pour les infractions commises à l'étranger, l'article 227-26 du même Code n'y dérogeant que pour l'atteinte sexuelle s'accompagnant d'une rémunération sans viser le délit de captation d'images, en sorte que cette infraction n'était punissable que si, bien que commise à l'étranger, les faits étaient punis par les législations du pays d'origine où ils auraient été commis et à condition que la poursuite du délit ait été précédée d'une plainte de la victime ou d'une dénonciation officielle par l'autorité du pays où les faits ont été commis ; qu'en l'espèce, la captation des images à caractère pornographique de mineurs a été réalisée en Thaïlande, en sorte que l'un des éléments constitutifs du délit, le fait de fixer, d'enregistrer l'image de mineures - à supposer que les jeunes filles fussent bien mineures - a été réalisé à l'étranger et qu'ainsi, ce délit ne pouvait être poursuivi en France qu'à la condition que de tels faits fussent punissables par la loi thaïlandaise et que, de surcroît, une plainte de la victime ou une 7 dénonciation officielle des autorités thaïlandaises eussent existé préalablement aux poursuites ; qu'en statuant ainsi, sans constater l'existence de ces conditions, l'arrêt attaqué n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle et a violé les textes visés au troisième moyen de cassation" ; "2 ) alors que, à supposer que le délit, prévu à l'article 227-23 du Code pénal, imputé à Joseph X..., puisse effectivement être poursuivi sur le territoire national compte tenu de l'époque des faits, le fait d'avoir en vue de diffuser l'image pornographique d'un mineur, qui constitue l'un des éléments matériels de l'infraction, implique d'avoir en vue la diffusion de l'image déterminée d'un mineur ; que la circonstance que Francis A... aurait signé un contrat de diffusion de cassettes pornographiques le 31 mai 1994 avec Joseph X..., ni le fait qu'il aurait refusé de distribuer une cassette de Joseph X... apparaissant en présence d'une jeune fille asiatique qui lui paraissait très jeune, ne réalise pas l'un des éléments matériels de l'infraction, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une des jeunes filles figurant sur les cassettes litigieuses, étant d'ailleurs observé que la minorité de la jeune fille n'est pas davantage établie, en sorte qu'un autre élément matériel fait défaut et que la circonstance que Joseph X... aurait recherché l'oeil de la caméra lorsqu'il positionne la mineure sur le lit ne justifie pas davantage la commission de l'un des éléments matériels du délit, étant rappelé que le fait d'enregistrer l'image d'un mineur, fût-ce avec un souci de cadrage, ne constitue pas en soi un délit ; qu'ainsi, l'un des éléments matériels du délit fait défaut et la cassation certaine" ; Attendu que, pour déclarer Joseph X... coupable du délit prévu à l'article 227-23, alinéa 1er, du Code pénal, les juges rappellent, d'une part, qu'ont été retrouvées, à son domicile, des cassettes pornographiques mettant en scène des mineurs et, d'autre part, qu'il avait signé un contrat assurant à une société tierce l'exclusivité de la distribution de ces vidéogrammes ; qu'il est indifférent que le gérant de cette dernière ait renoncé à assurer cette diffusion lorsqu'il a constaté la présence de jeunes enfants sur les supports incriminés ; Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision ; Qu'en effet, selon l'article 693 du Code de procédure pénale, devenu l'article 113-2, alinéa 2, du Code pénal, il suffit, pour que l'infraction soit réputée commise sur le territoire de la République et soit punissable en vertu de la loi française, qu'un de ses faits constitutifs ait eu lieu sur ce territoire ; Que, tel est le cas en l'espèce, dès lors qu'il est établi que des actes avaient été effectués en France en vue de la diffusion des cassettes pornographiques enregistrées en Thaïlande ; D'où il suit que le moyen, qui, en sa seconde branche, se borne à remettre en question l'appréciation souveraine des faits par les juges du fond, ne peut être admis ; […] Crim., 16 octobre 2001 Bull. n°209 (compétence personnelle active : article 113-6. l’indifférence au principe de non bis in idem) Vu les articles 113-6 et 113-9 du Code pénal ; Attendu qu'il résulte de ces textes qu'un Français, définitivement jugé à l'étranger pour un crime commis hors du territoire de la République, peut être poursuivi en France pour les mêmes faits si la peine prononcée par la juridiction étrangère n'est pas prescrite ; 8 Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Z..., poursuivi pour un viol commis dans l'Etat d'Ohio le 21 décembre 1977 sur la personne de X..., épouse Y..., a été reconnu coupable par une décision des autorités judiciaires américaines devenue définitive le 25 avril 1980 par le rejet du recours de l'intéressé qui a pris la fuite alors qu'il exécutait sa peine ; que, le 31 mars 1981, le juge de l'État de l'Ohio a décerné contre lui mandat d'arrêt ; Attendu qu'ayant appris que Z... s'était réfugié en France et serait de nationalité française, les autorités judiciaires des Etats-Unis ont dénoncé les faits aux autorités françaises ; que le procureur de la République, après avoir vérifié la nationalité de l'intéressé, a requis, le 8 janvier 1999, l'ouverture d'une information ; Attendu que, par ordonnance du 31 mars 1999, le juge d'instruction a constaté l'extinction de l'action publique en raison de la prescription décennale ; Attendu que, pour confirmer cette décision, la chambre d'accusation retient qu'aucun acte interruptif de prescription n'est intervenu entre la condamnation, devenue définitive le 25 avril 1980, et la dénonciation officielle des faits à la France, le 4 octobre 1990 ; Mais, attendu qu'en prononçant ainsi alors que la prescription de la peine n'était pas acquise lors de la dénonciation des faits, la chambre d'accusation a méconnu les textes susvisés et le principe sus-énoncé ; Crim., 31 janvier 2001 Bull. n°31 (compétence personnelle passive. Article 113-7. la notion de victime) Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 55 de la Constitution, 113-7 du Code pénal, 2, 3, 591, 593, 689 et 693 du Code de procédure pénale, 6, 13 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale : " en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de refus d'informer prononcée pour incompétence des juridictions françaises ; " aux motifs que l'assassinat du président de la République du Niger, de nationalité nigérienne, a été commis hors du territoire de la République française, par un ou des auteurs étrangers de sorte que la loi pénale française n'est pas applicable, la victime étant dépourvue de la nationalité française, sa femme et ses enfants, parties civiles, n'ayant pas la qualité de victime, au sens de l'article 113-7 du Code pénal ; qu'en outre, les articles 6 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'attribuent aucune compétence universelle aux juridictions françaises pour connaître des faits ; " 1° alors que les articles 6 et 14 de la Convention susvisée garantissent le justiciable contre toute discrimination liée à l'origine nationale ; qu'en donnant une interprétation de la loi interne permettant aux ayants droit français et résidents en France de se constituer partie civile à la suite d'un crime commis à l'étranger par un étranger contre une personne de nationalité française tandis que ce droit est refusé si la victime immédiate est de nationalité étrangère, la chambre d'accusation a méconnu la Convention susvisée ; " 2° alors que toute personne lésée, de nationalité française qui se prévaut d'un préjudice matériel, corporel ou moral, directement et personnellement 9 issu d'une infraction commise à l'étranger par des personnes étrangères, a la qualité de victime pénale au sens de l'article 113-7 du Code pénal et doit bénéficier de la loi pénale française même si la victime immédiate n'a pas, quant à elle, la nationalité française ; que la circonstance selon laquelle la partie civile serait irrecevable à se constituer du chef du préjudice subi par son auteur ne la prive pas du droit de demander réparation de son préjudice direct et personnel ; qu'en l'espèce, l'épouse et les enfants du président assassiné, tous de nationalité française, qui se sont constitués partie civile à la suite de l'assassinat de leur mari et père de nationalité nigérienne, commis à l'étranger, par des personnes étrangères, revendiquent également comme personnes directement lésées par le crime une indemnisation de leur préjudice personnel et direct ; qu'en s'abstenant de déduire de cette qualité la compétence des juridictions françaises, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés " ; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Clémence X..., veuve Y..., de nationalité française, agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'administratrice légale de ses quatre enfants mineurs, également de nationalité française, a déposé plainte avec constitution de partie civile contre Daouda Mallam Z..., chef de l'Etat du Niger, et tous autres, pour assassinat, en exposant les circonstances du décès de son époux, Ibrahim Maînassara Y..., de nationalité étrangère, survenu le 9 avril 1999 dans le même pays, dont il était alors Président de la République ; Attendu que, pour confirmer l'ordonnance de refus d'informer rendue par le juge d'instruction, la chambre d'accusation se prononce par les motifs partiellement repris au moyen ; Attendu qu'en se déterminant ainsi, la chambre d'accusation a fait l'exacte application de la loi dès lors que, d'une part, seule la qualité de Français de la victime directe de l'infraction commise à l'étranger attribue compétence aux lois et juridictions françaises sur le fondement des articles 113-7 du Code pénal et 689 du Code de procédure pénale, et que, d'autre part, les stipulations des articles 6 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme ne sauraient s'interpréter comme étant de nature à remettre en cause les règles relatives à la compétence internationale des lois et juridictions pénales françaises ; […] Confirmé par l’arrêt Crim, 21 janvier 2009 Crim., 23 octobre 2002 Bull. n°195 (compétence universelle : articles 689s CPP. Indifférence de la loi d’amnistie étrangère) Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, lors d'affrontements ethniques survenus sur le territoire mauritanien durant les années 1990 et 1991, Ely X..., alors qu'il était lieutenant de l'armée de terre et participait, en qualité d'officier de renseignements, à une commission chargée d'interroger des militaires soupçonnés d'avoir fomenté un coup dEtat, se serait rendu coupable de tortures ou actes de barbarie et de complicité de ces crimes ; que l'intéressé a été interpellé le 1er juillet 1999, à l'Ecole du commissariat de l'armée de terre de Montpellier où il effectuait un stage, à la suite d'une plainte déposée par la Fédération internationale des Ligues des droits de l'homme et de la Ligue des droits de l'homme ; En cet état : Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 222-1 du Code pénal, 303 et 309 du Code pénal abrogé, 1, 2, 4, 5, 6 et 7 de la Convention de New-York du 10 décembre 1984 ratifiée par la loi n° 85-1173 10 du 12 novembre 1985 entrée en vigueur le 26 juin 1987, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 689, 689-1, 689-2, 692 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué a mis Ely X... en accusation des chefs de tortures et actes de barbarie, ainsi que de complicité de tortures et actes de barbarie, et l'a renvoyé devant une cour d'assises de ces chefs ; "aux motifs que, selon l'article 689 du Code de procédure pénale, la loi française est applicable chaque fois que les tribunaux français sont compétents ; que, dans son article 7.2, la Convention de New-York précise que "les autorités compétentes prennent leur décision dans les mêmes conditions que pour toute infraction de droit commun de caractère grave en vertu du droit de cet Etat" ; qu'au regard du principe de l'application de la loi nationale, seule peut être prise en considération l'amnistie décidée par les autorités françaises sauf à priver de toute portée le principe de la compétence universelle ; "alors, d'une part, que l'article 689 du Code de procédure pénale déduit la compétence des juridictions françaises, pour juger l'auteur d'une infraction commise hors du territoire français, de l'applicabilité de la loi française, et non l'inverse ; qu'il s'ensuit que la compétence des tribunaux français, déduite en l'espèce d'une convention internationale donnant compétence aux juridictions françaises pour connaître de l'infraction, ne saurait entraîner automatiquement l'application de la loi française ; qu'en affirmant néanmoins que, selon l'article 689 du Code de procédure pénale, la loi française serait applicable en cas de compétence des tribunaux français, la chambre de l'instruction a violé ce texte ; "alors, d'autre part, que la règle de l'article 7.2 de la Convention de NewYork du 10 décembre 1984 est une règle de procédure, qui définit uniquement les conditions dans lesquelles peut s'exercer l'action publique, et n'attribue pas compétence à la loi interne du pays dont les juridictions seraient compétentes pour juger l'auteur de l'infraction ; qu'en affirmant que ce texte consacrerait le principe de l'application de la loi française pour juger l'auteur de l'infraction, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ; "alors, de troisième part, que, en l'absence de tout critère de rattachement de l'affaire à la compétence de la loi française, ni l'article 7.2 de la Convention de New-York, ni aucun texte français interne ne posant le principe de l'application de la loi française pour juger l'auteur étranger d'une infraction commise hors du territoire français sur des victimes étrangères, lorsque les juridictions françaises sont compétentes exclusivement sur le fondement de cette convention internationale, la loi applicable qui, conformément au principe de la légalité des délits et des peines, doit être prévisible pour l'auteur de l'infraction, est nécessairement celle du lieu de la commission de l'infraction et de la résidence de l'auteur présumé et des victimes ; qu'en refusant l'application de la loi mauritanienne, et notamment celle de la loi d'amnistie mauritanienne du 14 juin 1993, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ; « alors, enfin, que le but de la Convention internationale de New-York, permettant de poursuivre sur le sol français, sous certaines conditions, l'auteur étranger de tortures commises hors du territoire français sur des victimes étrangères, n'est pas incompatible avec la volonté de l'Etat dans lequel les faits ont été commis, d'appliquer, après une démocratisation et l'adoption d'une nouvelle Constitution, une politique de réconciliation par le vote d'une loi d'amnistie concernant ces faits ; qu'il s'ensuit que l'application de la Convention de New-York n'excluait pas nécessairement l'application de la loi d'amnistie mauritanienne ;qu'en énonçant que l'application de cette loi reviendrait à violer les obligations internationales auxquelles la France a 11 souscrit, et à priver de toute portée la compétence universelle, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés" ; Attendu que, pour retenir la compétence de la juridiction française, l'arrêt attaqué relève, d'une part, que les articles 689-1 et 689-2 du Code de procédure pénale donnent compétence aux juridictions françaises pour poursuivre et juger, si elle se trouve en France, toute personne qui, hors du territoire de la République, s'est rendue coupable de tortures au sens de l'article 1er de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée à New-York le 10 décembre 1984 et entrée en vigueur en France le 26 juin 1987 et, d'autre part, que, selon l'article 689 du Code précité, en vigueur depuis le 1er mars 1994 mais dont les dispositions ne font que reprendre le droit antérieur, la loi française est applicable chaque fois que les tribunaux français sont compétents ; que les juges ajoutent que la loi mauritanienne du 14 juin 1993 portant amnistie ne saurait recevoir application sous peine de priver de toute portée le principe de la compétence universelle ; Attendu qu'en l'état de ces motifs la chambre de l'instruction a justifié sa décision ; Qu'en effet, l'exercice par une juridiction française de la compétence universelle emporte la compétence de la loi française, même en présence d'une loi étrangère portant amnistie ; D'où il suit que le moyen doit être écarté ; II. L’entraide judiciaire En application des règles qui viennent d’être exposées, il arrive donc que la loi française ne soit pas applicable. Afin d’éviter l’impunité de l’auteur des faits en cause, l’entraide judiciaire s’est donc peu à peu développée. La loi du 9 mars 2004 ajoute des moyens à la disposition des Etats en la matière et notamment intègre en droit interne le mandat d’arrêt européen. A. Le mandat d’arrêt européen Les autorités judiciaires d’un Etat membre de l’Union Européenne pourront y avoir recours sous certaines conditions énumérées par les articles 695-11 et suivants du CPP et notamment la règle de la spécialité. Voir pour une application de la règle de la spécialité Crim. 13 octobre 2004, Pourvoi n°04-85701. 12 B. L’extradition Lorsque l’une des conditions exigées pour l’émission et l’exécution d’un mandat d’arrêt européen est absente, les Etats doivent avoir recours à la procédure de l’extradition désormais régie non plus par la loi de 1927 abrogée par la loi du 9 mars 2004, mais par les articles 696-1 et suivants du CPP. Par exemple : Crim., 18 juin 2003 Bull. n°128. Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 4, 14 de la loi du 10 mars 1927, 2, 5, 9, 10, 12 de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, des réserves de la France à ladite Convention, 63 de la Convention de Schengen de 1990, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué a donné un avis favorable à l'extradition d'Enrico X... au profit des autorités italiennes, pour l'exécution : - d'une ordonnance de détention provisoire délivrée le 31 mai 2002 pour association de malfaiteurs, fraude fiscale, faux et usage de faux, abus de biens sociaux, escroquerie, faits commis de 1991 à 2002, et : - d'une ordonnance de détention délivrée le 11 avril 2002 du chef de corruption de fonctionnaires, faits commis courant 1998 et 1999 ; uniquement pour les faits postérieurs au 4 octobre 1993 ; "aux motifs que, la Cour se réfère expressément aux éléments qui l'ont conduite, dans le cadre d'une autre procédure relative à une première demande d'extradition, à considérer que la prescription avait été valablement interrompue pour l'ensemble des faits à compter du 4 octobre 1993 ; qu'elle se réfère expressément aux éléments déjà retenus en matière d'extradition en matière fiscale ; que l'Etat requis est tenu de se prononcer sur l'ensemble des chefs de poursuite visés dans la procédure complémentaire ; 1 ) - "alors que, la contradiction interne du dispositif doit entraîner la nullité de l'arrêt qui ne répond pas en la forme aux conditions de son existence légale ; que l'arrêt attaqué, qui donne un avis favorable à la fois pour des "faits commis de 1991 à 2002" et "uniquement pour les faits postérieurs au 4 octobre 1993", est entaché d'une irréductible contradiction qui doit entraîner sa nullité ; 2 ) - "alors que, la motivation par voie de référence est interdite, et que toute décision de justice doit se suffire à elle- même ; qu'en motivant son avis presque exclusivement par référence aux motifs d'une autre décision rendue dans une autre procédure, la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'un véritable défaut de motifs ; 3 ) - "alors, en toute hypothèse, que, dès lors que la chambre de l'instruction présente son arrêt comme la suite nécessaire de son arrêt n° 18 du 6 mars 2003, la cassation de ce dernier arrêt entraînera nécessairement celle de l'arrêt présentement attaqué" ; Vu les articles 16 de la loi du 10 mars 1927 et 593 du Code de procédure pénale ; Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence; 13 Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que les autorités italiennes ont présenté successivement deux demandes d'extradition à l'égard d'Enrico X... ; Attendu que, donnant un avis favorable à la seconde demande, la chambre de l'instruction, pour fixer le point de départ de la prescription des faits et pour écarter l'argumentation du demandeur sur l'absence d'échange de lettres en matière d'infractions fiscales, se borne à se référer aux motifs de l'arrêt ayant statué sur la première demande ; Mais attendu qu'en statuant ainsi, l'arrêt attaqué ne satisfaisait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ; D'où il suit que la cassation est encourue.