Après la Seconde Guerre mondiale, l`Europe est à reconstruire
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Après la Seconde Guerre mondiale, l`Europe est à reconstruire
Les années 50 en 50 films de l’après-guerre aux Nouvelles vagues Revisiter le cinéma des années 50, c’est forcément commencer par fréquenter la période 1944-45, alors que la Seconde Guerre mondiale n’est pas encore terminée, la réalité des camps à peine rendue publique et l’Europe à reconstruire... Ce flash-back se conclura par l’avènement des Nouvelles vagues et la fin d’un certain classicisme. Lorsque la guerre prend fin, les dégâts sont bien entendu immenses du côté des vaincus. L’Allemagne, pays ayant produit l’une des cinématographies européennes les plus marquantes de l'époque du muet, avait, bien avant le début du conflit, mis son cinéma au service du IIIe Reich. Il ne s’en relèvera que dans la deuxième moitié des années 60. Au Japon, au contraire, la censure américaine est officiellement levée en 1949, alors que l’industrie cinématographique nippone est déjà surpuissante. Le nombre de salles explose et les films japonais envahissent les festivals internationaux. Rashômon d’Akira Kurosawa remporte le Lion d’or du Festival de Venise en 1950, puis un Oscar d’honneur l’année suivante. En 1954, la Porte de l'enfer de Teinosuke Kinugasa décroche la Palme d'or cannoise. On ne jure plus dès lors que par Kurosawa, Mizoguchi ou Ozu (redécouvert véritablement dix ans plus tard en Europe). Un autre pays émerge en Asie. Et l’industrie indienne, que l’on ne dénomme pas encore Bollywood, offre au monde l’un des ses plus beaux fleurons, Satyajit Ray, qui rate de peu la Palme d’Or en 1956 avec la Complainte du sentier . Le film remporte à Cannes un étrange Prix du Meilleur document humain (sic) – récompense disparue depuis. C’est en Italie, autre pays défait, que surgit, dès 1945, l’un des mouvements les plus importants de la décennie, le néoréalisme, avec à sa tête, Roberto Rossellini (Rome ville ouverte, 1945) et Vittorio De Sica (le Voleur de bicyclette, 1948). Ces films mêlent intelligemment fiction et documentaire. Acteurs professionnels et amateurs sont dans la rue pour photographier un pays en ruine. En France, toute une génération de cinéphiles se prend d’admiration pour ce cinéma. Parmi ces jeunes gens, François Truffaut, Jean-Luc Godard, Claude Chabrol, Jacques Rivette et Eric Rohmer – la future Nouvelle vague - ne tardent pas à se joindre à André Bazin, théoricien et critique de cinéma, fondateur de la revue les Cahiers du cinéma au tout début des années 50. La « politique des auteurs » est en marche. Les jeunes loups de la critique considèrent que le véritable auteur d’un film est le réalisateur et non plus le ou les scénaristes. Ils prônent un changement radical de la manière de raconter une histoire et s’en prennent ouvertement à l’académisme des cinéastes installés – les Jean Delannoy, Claude Autant-Lara ou Julien Duvivier. Le néoréalisme est le modèle à suivre. Il faut quitter les studios et filmer la vraie vie… Paradoxalement, les grands auteurs défendus par les Cahiers du cinéma sont également hollywoodiens – cinéastes tout étonnés de cette reconnaissance, tant ils e considèrent eux-mêmes que comme de simples techniciens. Il faut dire que sous l’Occupation, les spectateurs français, et parmi eux la future «bande des Cahiers», sont sevrés de films américains et qu’à la Libération, sont découverts en vrac les premiers films d’Orson Welles (Citizen Kane), des inédits d’Alfred Hitchcock ( Soupçons), John Ford (Qu’elle était verte ma vallée), Ernst Lubitsch (The Shop around the Corner) ou Billy Wilder (Assurance sur la mort). Dans l’euphorie de ces découvertes et de l’après-guerre, les cinéphiles ne comprennent pas immédiatement qu’à Hollywood, c’est la fin d’une époque. Devant la concurrence du nouveau média qu’est la télévision, les producteurs tentent de trouver une riposte et misent sur le spectacle avant tout. Il faut se distinguer du petit écran et en mettre plein la vue au public. Le coût de fabrication des films augmente et commencent les premières délocalisations des tournages (en Europe le plus souvent), mettant ainsi fin à la suprématie des studios. Un exil financier qui rejoint le tristement fameux exil politique, celui initié par la «chasse aux sorcières» du sénateur McCarthy qui contraint de prometteurs réalisateurs (Jules Dassin, John Berry, Joseph Losey…), ou même de plus anciens et consacrés comme Charles Chaplin, à monayer leur talent en Europe… Autre paradoxe de l'époque, c'est dans ce contexte que de grands cinéastes hollywoodiens parviennent à livrer certains de leurs plus beaux films avant, pour certains, de tirer leur révérence et pour d'autres de voir leur carrière décliner : la Folle ingénue pour Lubitsch, Sueurs froides ou la Mort aux trousses pour Hitchcock, Rio Bravo pour Howard Hawks, Certains l'aiment chaud et la Garçonnière pour Billy Wilder, Johnny Guitar et la Fureur de vivre pour Nicholas Ray, etc. En Europe, l'attention se porte sur un jeune réalisateur suédois prolifique, également metteur en scène de théâtre, Ingmar Bergman. Monika en 1953, et surtout les Fraises sauvages quatre ans plus tard, en font le chouchou des cinéphiles. Chez nous, le cinéma pourfendu par les Cahiers vit ses dernières heures. Parmi les vieux cinéastes, seuls quelques noms ont droit à la considération de la nouvelle critique. Jean Renoir, le patron, revenu d'un exil artistique aux Etats-Unis ; Max Ophuls qui, coup sur coup, de la Ronde à Lola Montès en passant par le Plaisir et Madame de..., signe quatre chefs-d'oeuvre ; Jacques Becker qui, avec Casque d'or puis le Trou, nous offre ses plus beaux films ; Robert Bresson et son «cinématographe» tellement unique ; Jean-Pierre Melville ou Jacques Tati, artisans fous... Un documentariste, monteur de formation, va créer un pont entre le monde ancien et le monde à venir. Il a pour nom Alain Resnais et les 30 minutes de Nuit et brouillard seront un véritable pavé dans la mare de l'Histoire de France et du Vieux continent. Ces images viennent démontrer imparablement qu'il existe un avant et un après Auschwitz, rejoignant ainsi les réflexions du philosophe Adorno qui affirmait que la poésie n'était plus possible après le traumatisme de la Shoah.