Et pour quelques DVD de plus…
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Et pour quelques DVD de plus… Juin 2014 n° 8 Si l’existence du cinéma direct doit beaucoup à des équipements plus performants, elle tient aussi à l’audace et au talent de quelques cinéastes. La sortie en DVD ces derniers mois de La bête lumineuse et du Joli mai offre l’occasion de présenter quelques uns de ces cinéastes. Et pour quelques DVD de plus… vous présente les coups de coeur cinéma (nouveautés et rééditions) de la médiathèque de Meudon, ainsi qu’une sélection thématique. Retrouvez également toutes les dernières nouveautés dans la boîte à idées du portail. Au Canada, Pierre Perrault est l’un de ces grands aventuriers du cinéma direct laissant une œuvre riche de plus de 20 longs et courts métrages. Poète de la « parlure vécue », le cinéma est, pour Perrault, la meilleure façon de donner la parole aux gens du Québec et de leur donner l’occasion de définir le « pays ». En 1963, Pierre Perrault réalise son premier long-métrage Pour la suite du monde, coréalisé avec Michel Brault. Ce premier volet de la trilogie de l’Ile-aux-Coudres est un chef d’œuvre bouleversant. Les réalisateurs invitent les habitants de l’île à faire revivre la pratique ancestrale de la pêche aux marsouins disparue depuis une trentaine d’années. Poursuivant dans cette veine culturelle et identitaire, Pierre Perrault filme dans La bête lumineuse, une partie de chasse à l'orignal, animal mythique pour les Québécois. Cette chasse est le prétexte d'un retour à la nature pour un groupe de citadins voulant se mesurer aux éléments. COUP DE PROJECTEUR Le cinéma direct Courant du cinéma documentaire, le cinéma direct voit le jour au Canada et aux Etats-Unis puis en France à la fin des années 50 et au début des années 60. Profitant des améliorations techniques, les cinéastes qui forment ce courant, partent capter sur le vif les gestes et les paroles des personnes qu’ils filment. Les caméras deviennent de plus en plus légères et silencieuses. Les magnétophones portables permettent l’enregistrement simultané du son et de l’image. Ces innovations offrent aux cinéastes la possibilité de se glisser partout en attirant au minimum l’attention. Il en émane ainsi un grand sentiment de réalité et de liberté. Les artifices mis en place par le documentaire (images très cadrées, montage manipulateur, sonorisation de studio, commentaire explicatif) sont rejetés. Le cinéma direct laisse parler les faits présentés sans qu’un guide extérieur indique ce qu’il faut en penser. En France, l’influence du cinéma direct québécois est considérable. Durant l’été 60, Michel Brault tourne Chronique d’un été avec le cinéaste ethnologue Jean Rouch et le sociologue Edgar Morin. Il apporte avec lui sa technique mise au point au Canada. Sorti en 1961, ce film est une enquête sur la vie quotidienne de quelques Parisiens venant de milieux très différents. Elle tente de comprendre leur conception du bonheur. Sur une idée proche à Chronique d’un été, Chris Marker et Pierre Lhomme tournent deux ans plus tard Le joli mai, toujours dans les rues de Paris juste après les accords d’Evian. Les cinéastes sillonnent les rues de la capitale, du quartier de la Mouffe, encore dépositaire d’un esprit populaire et artisanal, aux premières cités d’Aubervilliers, à la recherche d’un air du temps, entre considérations superficielles et plaies encore à vif. Ces deux films constituent des documents passionnants sur la France du début des années 60. Les Etats-Unis découvrent également le cinéma direct. Un mouvement se développe autour des cinéastes Richard Leacock, Robert Drew et D.A. Pennebaker. Ils fondent ensemble la « Drew Associates » qui se signale par un film fameux Primary (1960), sur la campagne de John Kennedy lors des Primaires qui firent de lui le candidat du Parti Démocrate à la présidence des Etats-Unis. Opérateur sur le film, Richard Leacock fut célébré pour sa technique de prise de vue à l’égal de Michel Brault. La pêche aux marsouins filmée par Pierre Perrault et Michel Brault dans Pour la suite du monde (1963) 1 ACTU CINE Coups de coeur nouveautés Omar (2013) Hany Abu-Assad Omar est un jeune combattant de la cause palestinienne à l’avenir bouché. Il résiste et survit au conflit qui déchire sa région grâce à sa petite amie Nadia et à ses deux amis qu’il rejoint régulièrement en franchissant le mur de séparation. Mais un jour, il se retrouve impliqué dans le meurtre d’un soldat israélien. Capturé et interrogé, Omar est relâché contre la promesse d’une trahison. Auteur de Paradise Now, Hany AbuAssad signe avec Omar un autre film passionnant qui refuse tout manichéisme et simplification. Le style nerveux du film emprunte autant au thriller qu’à la fable politique. L’inconnu du lac (2013) Alain Guiraudie En six films, Alain Guiraudie s’est imposé comme l’un des cinéastes français les plus intéressants. Son univers singulier, à la fois fantaisiste et rustique, marque un goût pour la campagne et les fables du terroir. Dans L’inconnu du lac, le cinéaste filme un lac du sud de la France, petit théâtre de drague, fréquenté par des hommes en quête d’amour et d’aventures. Mais dans ce lieu hédoniste, solaire et sensuel, où le temps semble s’être arrêté, rôde un tueur. Entre comédie de mœurs et thriller, Guiraudie signe un film d’une grande élégance qui tire de son dispositif minimaliste une grande beauté plastique. Room 237 (2012) Rodney Ascher En 1980, Stanley Kubrick réalise Shining. Ce film devient très vite un classique du film d’horreur mais aussi l’un des films les plus étudiés et analysés. Ce documentaire, Room 237 (du nom d’une des chambres de l’hôtel dans le film), propose de découvrir des interprétations du film formulées par plusieurs universitaires, critiques de cinéma mais aussi spécialistes de la théorie du complot, des plus intelligentes aux plus délirantes. Au-delà de l’histoire d’un hôtel hanté librement inspirée d’un roman de Stephen King, on découvre que ce film labyrinthe est capable d’accueillir une foule des messages et de significations. The Act of Killing (2012) Joshua Oppenheimer Au milieu des années 60 en Indonésie, à la suite d’un putsch militaire, plus d’un million de personnes accusées entre autres d’être des sympathisants du parti communiste sont torturées et massacrées par des troupes paramilitaires devenant l’un des massacres de masse les plus méconnus du siècle. Cinquante ans plus tard, face à l’impossibilité de faire parler les victimes, le cinéaste Joshua Oppenheimer décide de faire témoigner les bourreaux qui, proches du pouvoir, n’ont jamais été inquiétés. Devant la caméra, les tortionnaires retournent sur les lieux du crime et évoquent leurs souvenirs, semblant sans remords. Ils décident aussi de se mettre en scène dans des séquences surréalistes, rejouant avec délectation et fierté des scènes de tuerie. Ce film documentaire profondément dérangeant est une expérience de cinéma à la fois fascinante et effrayante. Inside Llewyn Davis (2013) Joel et Ethan Coen Seizième film des frères Coen, Inside Llewyn Davis est peut être aussi l’une de leur plus belle réussite. A travers le portrait d’un musicien folk, les frères Coen rendent un bel hommage à la scène folk new-yorkaise du début des années 60 et à la musique merveilleuse de cette période. Le récit suit les pas de Llewyn Davis, musicien talentueux, qui se balade avec sa guitare, ses compositions dont personne ne veut à la recherche d’un succès qui ne viendra jamais. Dans un New-York hivernal gris et froid, les Coen signent une magnifique errance au ton à la fois moqueur et chaleureux, mélancolique et drôle. L’image manquante (2013) Rithy Panh Depuis vingt-cinq ans, le cinéaste Rithy Panh se consacre à un travail de mémoire, évoquant à travers ses documentaires (S21 la machine de mort khmer rouge, Duch, le maître des forges de l’enfer) le génocide cambodgien et la vérité du régime khmer rouge. Dans L’image manquante, son dernier film, Rithy Panh raconte son histoire personnelle et fait revivre son enfance et sa famille détruite par les khmers rouges. Ne disposant plus d’images, sinon celles de propagandes filmées par le régime, le réalisateur a recours à des petites figurines d’argile. Par ce procédé très simple et très beau, il parvient à évoquer avec une émotion puissante et toujours contenue, les souffrances vécues jour après jour, la douleur du survivant, l’amour pour ceux qu’on a perdus. Le congrès (2013) Ari Folman Après Valse avec Bachir sorti en 2008, le cinéaste Ari Folman poursuit avec Le congrès son exploration d’un cinéma dans lequel se mêlent images animées et réelles.. Adaptation libre du Congrès de futurologie de Stanislas Lem, l’auteur de Solaris, le film raconte l’histoire d’une actrice quarantenaire, jouée par Robin Wright, dont la carrière est en perte de vitesse. Un jour, elle accepte la proposition d’un studio de cinéma d’être scannée et de mettre à disposition son avatar animé dans des films dont elle n’aura plus le contrôle. Clairement divisé en deux parties, l’une en prises de vues réelles et l’autre en animation, ce film fou, inclassable, mêle avec brio et originalité science-fiction et drame familial. Cartel (2013) Ridley Scott Souvent adapté au cinéma (No country for old man, La route), le romancier Cormac McCarthy signe avec Cartel son premier scénario. D’un pessimisme absolu, l’histoire raconte la descente aux enfers d’un avocat qui vient de se lancer dans le trafic de drogues. Cette situation classique est le prétexte pour McCarthy d’élaborer une intrigue volontairement complexe aux dialogues mystérieux qui réjouit et déroute. De cette noirceur totale, Ridley Scott tire des scènes extrêmes (la décapitation d’un motard par un filin tendu) d’une grande puissance. 2 REEDITIONS ET POUR QUELQUES BO DE PLUS Le cinéma du patrimoine réédité en DVD et en Blu-ray. Inside Llewyn Davis (2013) Joel et Ethan Coen Musique produite par T Bone Burnett Dans O’Brother, sorti en 2000, les frères Coen revisitaient les musiques traditionnelles du sud des Etats-Unis, country et bluegrass. Dans Inside Llewyn Davis, c’est à la scène folk new-yorkaise de Greenwich Village qu’ils rendent un bel hommage. Ce revival folk, né au début des années 60, a vu pendant quelques années émerger de nombreux musiciens dont Bob Dylan. Pour le film, le musicien et producteur T Bone Burnett a sélectionné plusieurs chansons de cette époque : des airs traditionnels du répertoire folk, comme le déchirant Hang me, oh hang me, et des titres plus connus (Five hundred miles du groupe à succès Peter, Paul & Mary). Ces titres sont superbement réinterprétés par les acteurs eux-mêmes (Oscar Isaac et Justin Timberlake notamment) et joués en intégralité durant le film. Coup de coeur (1982) Francis Ford Coppola Quatre ans après le tournage épique et éprouvant d’Apocalypse now, Francis Ford Coppola réalise Coup de cœur entièrement en studio. Si le sujet est plus intime (la séparation d’un couple, une nuit à Las Vegas) le film reste très ambitieux. Coppola reconstitue un Las Vegas de rêve et rend un bel hommage aux grandes comédies musicales de Broadway. Formellement éblouissant, Coup de Cœur bénéfice aussi d’une magnifique musique originale composée par le chanteur Tom Waits. La grande parade (1925) King Vidor Rare et méconnu, La grande parade est pourtant l’un des meilleurs films de King Vidor (L’homme qui n’a pas d’étoile, Guerre et paix) mais aussi l’une des œuvres majeures du cinéma muet américain. Grande fresque épique sur la Grande Guerre, La grande parade témoigne de l’art de King Vidor à mêler l’intime, la relation qui va se nouer entre un jeune engagé américain et une jolie fermière française, et le spectaculaire. Comme William A. Wellman dans Les Ailes (1926), Vidor évoque l’héroïsme des troupes et signe d’inoubliables séquences de batailles. Fedora (1978) Billy Wilder Réalisé avec presque trente années d’écart, Fedora entretient avec Boulevard du crépuscule, déjà réalisé par Billy Wilder, une même réflexion sur le star system hollywoodien et son mythe de la jeunesse éternelle. William Holden y incarne un producteur sur le déclin qui tente de convaincre une star légendaire à la retraite, Fedora, d’effectuer un come-back. Lui même au crépuscule de sa carrière, Billy Wilder se sert de ce personnage de producteur vieillissant pour dresser un constat ironique et désabusé sur le cinéma américain des années 70 et les jeunes « génies barbus » du Nouvel Hollywood. La sentinelle des maudits (1977) Michael Winner Cinéaste anglais, Michael Winner est l’auteur aux Etats-Unis d’une poignée de très bons films, rudes, violents et sans concessions, la plupart avec Charles Bronson (Les collines de la terreur, Le flingueur, Un justicier dans la ville). La sentinelle des maudits est sa première incursion dans le genre horreur et l’un de ses meilleurs films. Sorti en 1977, le film fait partie de cette vague de films d’horreur démoniaque initiée par Rosemary’s Baby dix ans plus tôt. Le thème du film est d’ailleurs très proche de film de Roman Polanski : une jeune femme fragile psychologiquement emménage dans un nouvel appartement à New York et découvre des voisins étranges. Oscar Isaac dans Inside Llewyn Davis Tous ces films sont disponibles à la médiathèque. A noter : vous pouvez retrouver les nouveautés DVD Science-Fiction et Fantastique dans la lettre d’info « Mondes imaginaires ». N’hésitez pas à vous inscrire auprès des bibliothécaires. 3