S`appuyer sur un expert libre - Wk-rh

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S`appuyer sur un expert libre - Wk-rh
Droit du CE
en pratique
En dehors de l’expertcomptable et de l’expert en
technologies dont les interventions sont prévues par la
loi, le CE peut se faire assister par d’autres experts, dits
« libres ». Cette terminologie
ne signifie pas qu’il n’y a pas
de règles à respecter bien au
contraire ! Le CE doit être très
scrupuleux et précis dans sa
démarche.
S’appuyer
sur un expert libre
C’EST QUOI UN EXPERT LIBRE ?
par
Marianne
Deniau
Codirectrice du Lamy
Comité d’entreprise
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Les Cahiers Lamy du CE
n° 94 - Juin 2010
On parle d’expert « libre » du CE par opposition à l’expert
légal dont les cas de recours sont prévus par la loi et dont
la mission est rémunérée par l’employeur.
L’expert légal c’est par exemple l’expert-comptable auquel peut faire appel le CE dans des cas de figure très
précis que sont (C. trav., art. L. 2325-35) : l’examen annuel des comptes, l’examen des documents comptables
dans la limite de deux fois par exercice, des opérations de
concentration, l’exercice du droit d’alerte économique, le
licenciement économique de 10 salariés ou plus dans une
même période de 30 jours, l’examen du rapport annuel
sur la réserve de participation ou enfin l’assistance de la
commission économique.
C’est aussi l’expert en nouvelles technologies auquel peut
faire appel le CE dans une entreprise de 300 et plus, en
accord avec l’employeur, à l’occasion de tout projet important
d’introduction de nouvelles technologies, lorsque celles-ci
sont susceptibles d’avoir des conséquences notamment sur
l’emploi (C. trav., art. L. 2325-38).
En revanche l’expert-libre peut être sollicité par le CE
pour d’autres missions (analyse des activités sociales et
culturelles, les ASC, expertise d’un projet de cession au
titre de l’article L. 1224-1, comptabilité du CE, etc.). Il est
rémunéré sur ses budgets en fonction de la mission qui lui
est confiée et il a moins de moyens d’information envers
l’employeur que l’expert légal.
Le Code du travail est quasiment muet sur l’expert libre
puisqu’il ne prévoit qu’une disposition : « le CE peut faire
appel à tout expert rémunéré par ses soins pour la préparation de ses travaux. Le recours à un expert donne lieu à
délibération du comité. L’expert choisi par le comité dispose
des documents détenus par celui-ci. Il a accès au local du
comité et, dans des conditions définies par accord entre
l’employeur et la majorité des membres élus du comité,
aux autres locaux de l’entreprise » (C. trav., art. L. 2325-41).
On trouve également deux autres dispositions sur ce type
d’expert : d’abord le fait que l’expert comptable du CE, en
cas de projet de licenciement de 10 salariés ou plus dans
une même période de 30 jours, rémunéré par l’employeur,
peut être assisté par un « expert technique » payé par le CE
(C. trav., art. L. 1233-34) et par ailleurs le fait que le CE
peut faire appel à un expert qu’il rémunère lorsque l’entreprise est la cible d’une offre publique d’acquisition (C. trav.,
art. L. 2323-23).
Enfin il ne faut pas confondre l’expert libre avec les salariés
experts ou techniciens que le CE peut adjoindre à certaines
commissions et choisis en dehors du comité (C. trav., art.
L. 2325-22).
Voici maintenant de quoi aider le CE à faire appel à son
expert libre dans les règles !
COMMENT FAIRE APPEL
À UN EXPERT LIBRE ?
Tout comité (CE, comité d’établissement, comité central
d’entreprise, délégation unique du personnel) peut faire appel
à un expert libre dès lors qu’il a les moyens de le rémunérer,
l’employeur ne pouvant pas s’y opposer.
Il faut pour cela une délibération du CE qui peut être faite en
réunion ordinaire ou extraordinaire (C. trav., art. L. 2325-41) :
aucun membre du CE, pas même le secrétaire, ne saurait,
à sa seule initiative, confier une telle mission, la décision
devant nécessairement être prise collégialement par le
CE (Circ. DRT no 12, 30 nov. 1984, no 3-4-3, BO Travail,
no 84/8 bis, p. 156).
La décision de recourir à un expert correspond à une résolution. Elle doit donc être décidée à la majorité des membres
présents à la réunion du CE (seuls les titulaires ou les suppléants appelés à remplacer un titulaire votent). Quant à
l’employeur il ne prend pas part au vote puisque l’expert
intervient pour assister la délégation salariale (JO AN CR, 2
oct. 1982, p. 5348).
La décision prise par le comité ne peut pas être remise en cause
par une décision de justice, sauf si la désignation a été irrégulière.
QUI CHOISIR ?
Aucune condition précise n’est édictée par le Code du
travail quant à la personne que peut choisir le comité. Mais
bien évidemment il doit s’agir d’une personne compétente
dans le domaine où le CE est amené à intervenir ! Dans le
cas contraire, le CE pourrait se voir reprocher l’usage ainsi
fait de ses budgets.
SA RÉMUNÉRATION
Les experts libres sont rémunérés par le CE soit avec la
subvention de fonctionnement, soit avec son budget ASC.
L’imputation sur l’un ou l’autre des budgets dépend de la
nature de la mission confiée à l’expert.
Exemple : un CE qui veut revoir sa politique sociale et culturelle peut faire appel à un expert pour réaliser un sondage et
procéder à son dépouillement ; les frais sont alors prélevés
sur le budget des ASC. En revanche si c’est un expert pour
l’éclairer sur un projet de vente d’une filiale, cela relève de
son budget de fonctionnement.
La rémunération des experts libres est fixée contractuellement entre le comité et l’expert. Il n’existe malheureusement pas de barème en la matière mais en cas de litige
avec l’expert, c’est le TGI qui est compétent.
SES MOYENS
L’expert libre a accès aux locaux dépendants du CE et
notamment au local CE. En revanche, il ne peut pas se
déplacer n’importe où dans l’entreprise : il ne dispose d’une
liberté de circulation dans les locaux de l’entreprise que si
la majorité des membres élus du CE et l’employeur l’ont
autorisée (C. trav., art. L. 2325-41).
Il dispose des documents détenus par le CE et que le
secrétaire ou le trésorier aura archivés (procès-verbaux,
documents comptables, documents remis par l’entreprise,
etc.).
À NOTER
D’autres dispositions plus favorables peuvent être prévues
avec l’accord de l’employeur soit dans un accord collectif soit
dans le règlement intérieur du CE (accès à d’autres locaux,
documents supplémentaires, modalités d’accès, etc.). ll faut
donc le vérifier.
L’expert peut assister à la réunion du comité portant sur le
thème sur lequel il a établi un rapport, si la majorité des
membres le souhaite et si l’employeur ne s’y oppose pas
(Cass. soc., 22 nov. 1988, no 86-13.368 ; Cass. crim., 26 avr.
1988, no 86-95.566). Le règlement intérieur du CE peut
aussi prévoir les conditions de présence de l’expert libre aux
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réunions portant sur le thème de son expertise.
Les Cahiers Lamy du CE
n° 94 - Juin 2010
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Droit du CE en pratique
S’appuyer sur un expert libre
SA MISSION
À la fin de sa mission, l’expert doit rendre compte de ses
travaux dans les délais qui lui ont été impartis.
Son contenu
Comme c’est le CE qui décide de recourir à un expert libre
quand il l’estime utile au regard de ses travaux, sa mission
peut donc consister à permettre au CE d’exercer plus efficacement ses attributions économiques et socio-économiques
ou de gérer au mieux ses ASC.
Il peut par exemple l’aider à préparer des réunions plénières
importantes, aider le CE à proposer au personnel des prestations sociales dans le cadre d’une politique sociale cohérente, auditer la négociation d’un accord d’intéressement,
de prévoyance, vérifier les comptes relatifs aux ASC et/ou
au budget de fonctionnement, gérer la comptabilité du CE,
approuver les comptes du comité, donner un avis sur un
problème juridique, dépouiller un sondage sur les ASC, etc.
L’expert peut donc être, selon les missions, juriste, financier,
comptable, expert-comptable, économiste, expert en stress
au travail, en aménagement de locaux, en déménagement
d’entreprise, ergonome, ingénieur, etc.
NOTRE POINT DE VUE
Le CE doit faire attention dans ce domaine
compte tenu du coût financier de certains experts, et parfois de la faible utilité de l’éclairage
et des informations que ces experts peuvent
parfois apporter…
La mission de l’expert doit être précisément fixée (délais, documents remis par le CE, résultat d’analyse écrit,
nombre de réunion avec le CE en préparation ou plénière,
facturation et acomptes, confidentialité, clause de retour des
documents, etc.).
Elle doit l’être soit par une délibération du CE prise dans le
cadre de la réunion décidant de faire appel à lui, soit par le
secrétaire du comité après la réunion et conformément à ce
qui a été décidé en CE. Ce n’est pas le secrétaire seul qui
décide du contenu de sa mission.
Elle doit faire l’objet d’une lettre de mission qui fixe ainsi
le contenu de l’expertise, la liste des documents à transmettre,
le délai imparti, le montant du devis, etc.
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Les Cahiers Lamy du CE
n° 94 - Juin 2010
Sa durée
Le Code du travail ne prévoit rien sur ce point que ce soit une
durée minimale ou maximale ; ce sera donc au CE et à l’expert
d’un commun accord de déterminer la durée de sa mission.
L’employeur doit accorder au CE un délai suffisant pour
prendre connaissance des informations transmises en vue
de sa consultation, mais il n’est pas obligé de prolonger ce
délai pour les convenances de l’expert (Cass. crim., 6 avr.
1993, no 92-80.864). Ce n’est que si le retard de l’expert
est imputable à l’attitude de l’employeur que celui-ci peut
allonger la durée dont il dispose pour rendre son rapport,
par exemple si l’employeur tarde à remettre les documents
au CE, décalant d’autant l’analyse qui peut en être faite par
l’expert libre (Cass. soc., 19 oct. 1994, no 92-21.547 : rendue à propos d’un expert comptable mais dont le principe
peut par extension s’appliquer à un expert libre). Le choix
d’un expert qui dot être de qualité tout en respectant des
délais courts est donc primordial. La rédaction du contenu
de la mission et des délais à respecter doit faire l’objet d’une
attention toute particulière du CE.
IL EST TENU AU SECRET PROFESSIONNEL
L’expert libre est tenu aux mêmes règles que les membres
du CE sur le secret professionnel en ce qui concerne les
procédés de fabrication sur l’obligation de discrétion à
l’égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par l’employeur (C. trav.,
art. L. 2325-42).
À NOTER
Concernant l’obligation de discrétion, certaines informations
sont par nature confidentielles et l’employeur n’a donc pas
obligatoirement à les présenter comme telles pour que l’obligation de discrétion soit respectée.
Si l’expert appartient à une profession réglementée, il sera
également tenu au secret professionnel. ■

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