Égalité hommes/femmes : où est le rapport - WK-RH

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Égalité hommes/femmes : où est le rapport - WK-RH
Le point sur...
L’égalité, notamment en matière de rémunération, n’étant
pas atteinte, l’Union européenne lance une compagne.
Vous ne le saviez pas ? Et au
niveau de votre entreprise, que
dit le rapport sur la situation
comparée des femmes et des
hommes ? Vous ne le connaissez pas ? Alors cet article va
vous intéresser.
Égalité hommes/femmes :
où est le rapport ?
O
par
Agnès Toppino
Juriste en droit social
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Les Cahiers Lamy du CE
n° 83 - Juin 2009
ù est-il ce fameux rapport sur la situation comparée des femmes et des hommes ? Ce rapport,
obligatoire, qui doit être soumis pour avis au CE…
Ne le cherchez pas trop longtemps car seules
32 % des entreprises l’avaient établi en 2004. Il n’y a pas
de chiffres plus récents mais il semblerait que la situation du
rapport comme celle des intéressés (les hommes mais surtout les femmes) n’ait pas non plus beaucoup évolué ! Le
sujet est pourtant d’actualité notamment à la Cour de cassation qui a rendu de nombreuses décisions concernant
l’égalité de traitement entre salariés permanents et intérimaires (Cass. soc., 4 févr. 2009, n° 07-42.125), du privé et
du public (Cass. ass. plén., 27 févr. 2009, n° 08-40.059) et
entre salariés français et étrangers (Cass. crim., 20 janv. 2009,
n° 08-83.710).
La situation est d’autant plus regrettable car, comment faire
avancer les choses si aucun indicateur précis sur l’égalité
entre les sexes n’est disponible dans l’entreprise ?
L’ÉGALITÉ FEMMES-HOMMES
En Europe
Tous secteurs confondus, les femmes gagnent en moyenne
17,4% de moins que les hommes dans l’Union européenne.
Pourtant, « À travail égal, salaire égal » est un des principes
fondateurs de l’Union européenne (UE) inscrit dans le traité
de Rome de 1957 ! Face à ce constat, la Commission européenne a lancé début mars une (discrète) campagne de
lutte contre l’écart des rémunérations. Lutte qui était déjà
une priorité du Pacte européen pour l’égalité entre les femmes
et les hommes signé par les dirigeants européens en 2006,
et déjà comprise dans le « Cadre d’actions pour 2006 » sur
l’égalité hommes-femmes adopté en 2005 par les partenaires sociaux de l’UE. Et si l’objectif n’est pas encore atteint,
la Hollande, le Luxembourg, la Belgique et l’Irlande ont mis
en place des institutions censées prendre les mesures nécessaires… Pour en savoir plus sur cette campagne, voir
http://ec.europa.eu/equalpay.
Et en France
En 2006, dans les entreprises françaises de 10 salariés ou
plus du secteur concurrentiel, le salaire horaire brut total des
femmes était inférieur de 16 % à celui des hommes (Dares,
Premières informations, n° 44-5, 31 oct. 2006). En France,
l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes dans
le travail implique le respect de plusieurs principes par l’employeur : interdictions des discriminations en matière d’embauche, absence de différenciation en
matière de déroulement de carrière,
mise en place de mesures de prévention du harcèlement sexuel et des obligations vis-à-vis des représentants du
personnel, comme l’élaboration d’un
rapport écrit et la mise en œuvre de
négociation avec les délégués syndicaux (DS)…
mation, de promotion professionnelle, de qualification, de
classification, de conditions de travail, de rémunération effective et d’articulation entre l’activité professionnelle et l’exercice de la responsabilité familiale. En outre, le rapport recense les mesures prises au cours de l’année écoulée
en vue d’assurer l’égalité professionnelle, les objectifs
prévus pour l’année à venir et la définition qualitative et
quantitative des actions à mener à ce titre ainsi que l’évaluation de leur coût (C. trav., art. 2323-57).
Dans les entreprises de moins de 300 salariés, ces éléments
font partie du rapport sur la situation économique de l’entreprise établi par l’employeur (C. trav., art. 2323-47).
Ce rapport est longtemps resté lettre morte. Son contenu,
au départ une simple analyse chiffrée qui n’offrait qu’une
photographie figée sans commentaire ainsi que des données collectées et dénuées de fil conducteur, était notamment considéré comme inexploitable. La loi n° 2001-397
du 9 mai 2001 a introduit une analyse de la situation sur la
base d’indicateurs pertinents (voir C. trav., art. D. 2323-12 ;
D. n° 2008-838, 22 août 2008, JO 24 août) reposant notamment sur des éléments chiffrés et éventuellement complétés par des indicateurs tenant compte de la situation
particulière de l’entreprise. La loi n° 2006-340 du 23 mars
2006 a inclus dans le rapport des informations en matière
d’articulation entre l’activité professionnelle et l’exercice de la responsabilité familiale. Il s’agit d’indicateurs
sur les congés maternité, adoption, paternité et de données sur l’organisation du temps de travail dans l’entreprise
(temps partiel choisi, services de proximité, etc.). •••
LE RAPPORT SUR LA
SITUATION COMPARÉE
Un rapport confidentiel
Chaque année, le chef d’entreprise
doit soumettre au CE, ou à défaut
aux DP, un rapport écrit sur la situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des
femmes et des hommes dans l’entreprise. Ce document doit comporter une analyse chiffrée permettant
d’apprécier pour chaque catégorie
professionnelle les situations respectives en matière d’embauche, de for-
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Le point sur...
ort
Égalité hommes/femmes : où est le rapp
••• On peut aussi imaginer des informations en termes
d’aménagements ou de réduction d’horaires, de places de
crèche d’entreprise ou interentreprises, d’aides financières
à la garde d’enfants, etc.
lors des négociations annuelles obligatoires dans l’entreprise.
L’analyse du document doit se faire avec celle du bilan social ou d’autres données comme la situation de l’emploi, le
plan de formation…
Les indicateurs pertinents
Moyens du CE si on ne lui communique pas
Les indicateurs sont classés en quatre thèmes :
– conditions générales d’emploi (répartition par catégorie socio-professionnelle selon les différents contrats de travail, pyramide des âges par catégorie socioprofessionnelle, répartition des effectifs selon la durée du travail, etc.) ;
– rémunérations (éventail des rémunérations, rémunération
mensuelle moyenne, etc.) ;
– formation (répartition par catégories professionnelles selon la participation aux actions de formation, etc.) ;
– conditions de travail (exposition à des risques professionnels, etc.).
Ces informations seront le plus souvent présentées sous forme
de tableaux, mais elles peuvent également l’être sous d’autres
formes (courbes, diagrammes, etc.). Bien entendu, la précision des éléments «chiffrés» indiqués doit prévaloir.
Le rapport recense également les mesures prises au cours
de l’année écoulée en vue d’assurer l’égalité professionnelle,
les objectifs prévus pour l’année à venir et la définition qualitative et quantitative des actions à mener à ce titre, ainsi que,
l’évaluation de leur coût. Il indique aussi les conditions de leur
mise en œuvre, les contraintes qu’elles ont pu engendrer
pour l’entreprise et pour les intéressés, et enfin les coûts
qu’elles ont générés et les gains qu’elles ont permis de réaliser (C. trav., art. 2323-58).
Ce rapport, nous l’avons dit, ne fait pas partie des best-sellers des entreprises. Alors que faire face à un employeur qui
refuse de vous transmettre le rapport ?
Tout d’abord, inscrire ce point à l’ordre du jour d’une prochaine réunion de CE. Si l’employeur refuse cette inscription, vous pouvez tenter de passer par une réunion extraordinaire. S’il refuse encore, il vous sera toujours possible de
saisir la formation de référé du tribunal de grande instance.
Parallèlement, une action de communication organisée de
concert avec les organisations syndicales, s’il en existe dans
l’entreprise, doit être menée. Elle vous permettra ainsi de sensibiliser l’ensemble du personnel et constituera un moyen de
pression important vis-à-vis de l’employeur auquel on pourrait
reprocher de mener une politique discriminatoire.
Enfin l’employeur indique les objectifs prioritaires et la manière dont ils peuvent être définis ou l’ont été, et les mesures à mettre en œuvre pour les atteindre. Par exemple, le
recrutement préférentiel des femmes pour des postes qu’elles
n’occupent pas habituellement ou leur formation prioritaire
pour qu’elles puissent y accéder.
À qui est-il destiné ?
Ce rapport doit parvenir aux membres du comité 15 jours
avant la réunion. Il est éventuellement modifié pour tenir compte de l’avis motivé des représentants du personnel, puis il est communiqué aux délégués syndicaux, et
mis à la disposition de tout salarié qui en fait la demande.
Par ailleurs, l’employeur n’est plus tenu de le transmettre à
l’inspecteur du travail mais doit désormais simplement le tenir à sa disposition, avec le PV de la réunion du CE, dans les
15 jours qui suivent la séance (C. trav., art. L. 2323-47 ;
C. trav., art. L. 2323-58 ; C. trav., art. L. 1143-1). Aux élus ensuite de traquer le manque d’équité derrière des classifications et salaires différents par exemple pour un même travail. Le CE a donc un rôle moteur à jouer en ce domaine afin
que le rapport soit effectivement élaboré et soumis à sa
consultation. N’oublions pas en effet qu’il constitue la base
sur laquelle les organisations syndicales pourront s’appuyer
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N’hésitez pas non plus à associer les membres de la commission égalité professionnelle lorsqu’elle existe. Elle est
obligatoire dans les entreprises de 200 salariés et plus doit aider le CE à préparer les délibérations relatives à ce rapport (C.
trav., art. L. 2323-57). Ainsi, avec ses membres, l’un de vous
peut tout à fait organiser une réunion d’échange avec les salariés. Vous devez aussi signaler ce fait à l’inspection du travail, le refus de délivrer ce rapport constituant un délit d’entrave, pénalement sanctionné (C trav. art. L. 2328-1).
Néanmoins, la menace d’aller devant les tribunaux doit comme
à chaque fois être utilisé avec prudence.
LA NÉGOCIATION ANNUELLE
Le CE doit d’autant plus veiller à ce qu’on lui communique
le rapport que celui-ci constitue la base sur laquelle les
organisations syndicales pourront s’appuyer lors des négociations annuelles sur ce thème avec l’employeur.
Ce dernier, en effet, est tenu d’engager chaque année une
négociation sur les salaires effectifs qui vise également à définir et programmer les mesures permettant de supprimer
les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes
avant le 31 décembre 2010 (C. trav., L. 2242-7 ; C. trav., art.
L. 2242-8). Des sanctions pourront intervenir si l’employeur
ne supprime pas ces écarts, à terme, et notamment l’instauration d’une contribution à la charge de l’employeur.
Autre thème que doit aborder annuellement l’employeur
avec les DS : celui, plus vaste, de l’égalité professionnelle
entre les femmes et les hommes portant sur les conditions
d’accès à l’emploi, la formation et la promotion professionnelle, les conditions de travail et d’emploi et l’articulation
entre la vie professionnelle et les responsabilités familiales
(C. trav., L. 2242-8). I