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LILLE
08/11/2007
Jonathan Veira (Mustafà) Allyson McHardy (Isabella) Nicholas Phan (Lindoro)
Riccardo Novaro (Taddeo) (2e plan)
© Frédéric Iovino
On dirait le sud
Tout commence par un rêve. L’idée n’est pas nouvelle. La Gazza ladra présentée à Pesaro en août
dernier partait du même principe et Laurent Pelly au Châtelet quatre ans auparavant faisait de La
Belle Hélène une ménagère frustrée qui, pour échapper la nuit aux ronflements de son mari, imaginait
sa propre histoire…
Le Mustafa de Sandrine Anglade marche sur ses brisées. Pour se délivrer d’une épouse acariâtre, il
se réfugie par la pensée dans un orient idéal qu’il occupe de ses fantasmes : une italienne pulpeuse
selon le modèle d’Anita Edberg dans La dolce vita. L’épouse abhorrée (et enrhumée) devient Elvira et
le majordome Lindoro. Peu de turqueries dans cet univers imaginaire ; seule la présence d’hommes
habillés en femmes – les eunuques – peut évoquer l’atmosphère des sérails à moins qu’il ne s’agisse
là encore d’un caprice de l’inconscient. Pas d’orientalisme donc mais des accessoires de tous les
jours : des polochons, des mouchoirs en papier et des portes ! Beaucoup de portes comme d’ailleurs
dans Otello mis en scène par Giancarlo Del Monaco à Pesaro cet été. Pesaro encore mais quand on
traite de son cygne existe-t-il meilleure référence ?
De toute façon, L’Italienne à Alger ne s’accompagne pas forcément de discours ; la musique, l’une
des plus cocasses qu’ait composée Rossini, se suffit à elle-même pour peu qu’elle soit jouée autant
qu’interprétée. L’attention portée par Sandrine Anglade à la direction d’acteurs, en concordance avec
la partition, en assure ici l’effet comique. On sourit, on rit : la partie est gagnée.
Bernarda Bobro (Elvira) Svetlana Lifar (Zulma) Jean-Luc Ballestra (Haly)
Le Choeur de l'opéra de Lille (2e plan)
© Frédéric Iovino
L’Italienne à Alger, c’est aussi Isabella, le rôle titre, l’un des plus torrides du répertoire avec sa
tessiture profonde et sa façon affriolante de rouler les r dont certaines cantatrices usent jusqu’à
l’excès (« Cruda sorte », « Per lui che adoro », « turco, turco », « che muso, che figura »). Allyson
McHardy n’a pas besoin d’abuser de l’artifice pour séduire. Il ne lui manque ni la rondeur du son, ni la
couleur, ni l’abattage, ni l’art de l’ornementation. On l’aimerait juste un peu plus sonore dans les
ensembles et un peu plus assurée au premier acte. Elle reprend confiance dans le second après avoir
enfilé la petite robe rouge d’Anita Edberg et, lien de cause à effet ou non, s’impose dans un « Per lui
che adoro » à l’intonation gourmande, au phrasé caressant, mieux que suggestif : érotique. Et
irrésistible. Jonathan Veira, d’ailleurs n’y résiste pas. Le chanteur, désopilant en pyjama et bien peu
terrifiant, n’a alors d’autre solution pour s’affirmer que de recourir à la bouffonnerie. Et même s’il se
voulait plus autoritaire, plus bey que pacha, ses ressources vocales ne le lui permettraient pas. Le
contre sol de « Pappataci », les coloratures de « Delle donne l’arroganza » sont hors de portée. Il lui
reste l’essentiel, la vis comica, qu’il utilise avec science et intelligence pour contourner les obstacles
de la partition.
L’Italienne à Alger, c’est enfin, pour celui qui aime les ténors rossiniens, le personnage de Lindoro,
inconsistant d’un point de vue dramatique (d’ailleurs, si l’envie lui prenait d’exister, Isabella aurait vite
fait de le remettre au pas) mais richement pourvu de deux airs d’une incroyable difficulté. A la
virtuosité de « Contenta quest’alma » et de « Oh come il cor di giubilo », Nicholas Phan préfère la
grâce de « Languir per una bella », magnifié par la beauté du timbre et la conduite du souffle, deux
qualités qui donnent envie d’entendre le chanteur dans d’autre rôles moins aigus : Mozart peut-être
plutôt que Rossini.
Le Taddeo de Riccardo Novaro, amusant mais presque trop altier, la pimpante Elvira de Bernarda
Bobro et l’Haly de Jean-Luc Ballestra, luxueux pour un personnage doté d’une seule aria, qui plus
est, di sorbetto, les chœurs nourris et virils (ce sont les fameux eunuques), la direction bienveillante
de Pascal Verrot parachèvent une production que ne renierait pas le festival de Pesaro (Elle s’avère
en tout cas supérieure à celle que proposait Dario Fo en 2006).
Pesaro, on y revient toujours. L’italienne Lilloise en réveille le souvenir, mieux encore, le prolonge.
Christophe RIZOUD
Gioacchino ROSSINI (1792 – 1868)
L’ITALIENNE A ALGER
Dramma giocoso en 2 actes
créé le 22 mai 1813 au Teatro San Benedetto de Venise
Livret d’Angelo Anelli
coproduction Théâtre de Caen
Maison de la culture d'Amiens
Mise en scène, Sandrine Anglade
Décor et costumes, Claude Chestier
Lumières, Eric Blosse
Chorégraphie, Pascaline Verrier
Chef de chant, Emmanuel Olivier
Allyson McHardy, Isabella
Nicholas Phan, Lindoro
Riccardo Novaro, Taddeo
Jonathan Veira, Mustafà
Bernarda Bobro, Elvira
Svetlana Lifar, Zulma
Jean-Luc Ballestra, Haly
Chœur de l'Opéra de Lille
Chef de chœur, Yves Parmentier
Orchestre de Picardie
Direction musicale, Pascal Verrot
Opéra de Lille, le 8 novembre 2007, 20h00