Propagande, patriotisme et cinéma

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Remerciements
Gildas le Roux, Sébastien Degenne, Dana Hastier, Anna Glogowski,
Sophie Poirier Loubert, Bruno Deloye, Joe P. Harris, Serge Garcin,
Bénédicte Mallet, Léonore Lagoutte, Ross Kramer,
et toute l’équipe de La Compagnie des Indes.
Cet ouvrage est adapté du film documentaire
La Guerre d’Hollywood, diffusé par France Télévisions
et produit par La Compagnie des Indes avec la participation
de France 3, France 5 et Ciné +.
© 2013, La Compagnie des Indes.
Éditions de La Martinière
Directeur : Jocelyn Rigault
Directrice éditoriale : Anne Serroy
Éditrices : Anne-Laure Cognet et Isabelle Dartois
Conception graphique : Dune Lunel
Relecture et corrections : Renaud Bezombes
France Télévisions Distribution
Responsable éditorial : Joseph Jacquet
Asistante éditoriale : Ségolène Zaug
Retrouvez-nous sur www.editionsdelamartiniere.fr
www.facebook.com/editionsdelamartiniere
© 2013, Éditions de la Martinière,
une marque de La Martinière Groupe / France Télévisions, Paris.
ISBN : 978-2-7324-6089-5
Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction,
sous quelque forme que ce soit, réservés pour tous pays.
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prologue
À la fin des années 1930, Hollywood vit son âge d’or. Le cinéma est devenu la huitième
industrie du pays et son médium le plus puissant.
Double page précédente : Marlene Dietrich, Bob Hope
et Bette Davis dans le « Hall d’honneur d’Hollywood »,
à la Hollywood Canteen. Sur le mur sont affichées
les photographies des grandes figures du cinéma
américain engagées sous les drapeaux.
Ci-dessus : Audience d’un cinéma de la ville
de Buffalo, dans l’État de New York, en mai 1943.
Page de droite, en haut : Hollywood Boulevard.
Page de droite, en bas : Signature de contrat pour
le film Autant en emporte le vent (Gone with the Wind,
1939) de Victor Fleming, en 1938. De gauche à droite :
Clark Gable, le producteur David O. Selznick et le
patron de la MGM, Louis B. Mayer.
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uatre-vingt-cinq millions
d’Américains en moyenne se rendent
dans les salles chaque semaine pour
admirer leurs stars préférées, Charlie
Chaplin dans Les Temps modernes
(Modern Times, 1936), Errol Flynn dans Les
Aventures de Robin des bois (The Adventures of
Robin Hood, 1938) ou Clark Gable dans Autant
en emporte le vent (Gone with the Wind, 1939).
Trois films sur quatre projetés dans le monde
sont issus des studios californiens !
La menace d’une guerre en Europe se précise
chaque jour. Pourtant, dans le souci de ne pas
se fermer le marché allemand, Hollywood veille
prudemment à ne pas en faire état dans ses
productions. Seuls quelques films indépendants
dénoncent le régime nazi à l’écran,
comme Hitler’s Reign of Terror (1934) et
I Was a Captive of Nazi Germany (1936),
ou le documentaire Inside Nazi Germany (1938)
produit dans le cadre de la série March of Time.
De nombreuses personnalités hollywoodiennes,
cependant, affichent publiquement leurs
convictions antinazies. La Hollywood Anti-Nazi
League, fondée en avril 1936, compte plus
de quatre mille membres, libéraux (Edward
G. Robinson, Melvyn Douglas, Fredric March)
comme conservateurs (John Ford, Joan Bennett,
Dick Powell)1. Ceux-ci dénoncent les crimes
du régime hitlérien, appellent au boycott des
produits allemands, et condamnent les activités
des organisations nazies sur le sol américain.
Ils organisent des meetings, des manifestations,
des émissions de radio. Ils publient également
des revues d’information, comme News of the
World ou Hollywood Anti-Nazi News, où paraît
dès 1936 une carte précisant l’implantation
en Allemagne des camps de concentration.
Le 9 décembre 1938, cinquante-six membres
de la communauté hollywoodienne – dont
James Cagney, Joan Crawford, Henry Fonda,
Groucho Marx et Bette Davis – se rassemblent
chez l’acteur Edward G. Robinson et rédigent
une Declaration of Democratic Independence,
qu’ils envoient au président Roosevelt
et au Congrès : ils réclament que « tout lien
1. Hollywood Left and Right: How Movie Stars Shaped
American Politics, de Steven J. Ross.
10 PROLOGUE
Ci-contre : Jack Warner, fervent partisan de l’entrée en
guerre des États-Unis et producteur de Les Aveux d’un
espion nazi (Confessions of a Nazi Spy, 1939), premier
film ouvertement anti-nazi produit par
un grand studio hollywoodien.
Ci-dessous : Affiche du film.
Page de droite : Une du numéro 1 du journal Anti-Nazi
News (Les Nouvelles antinazies), publié le 20 octobre
1936 par la Hollywood Anti-Nazi League. On peut
notamment lire, au centre de la page, cette
déclaration : « Le régime d’Adolf Hitler est un régime
de massacre et de torture, de fraude et de conspiration
contre le reste du monde. »
économique entre les États-Unis d’Amérique
et l’Allemagne soit rompu, jusqu’à ce que
l’Allemagne démontre sa volonté de réintégrer
la famille des nations conformément aux
principes humains des lois internationales
et de la liberté universelle » .
En 1939, enfin, sort sur les écrans Les Aveux
d’un espion nazi (Confessions of a Nazi Spy),
réalisé par Anatole Litvak, le premier
film de fiction ouvertement antinazi produit
par un grand studio (Warner Bros). D’autres
lui succèdent rapidement, et Hollywood
devient la cible des mouvements isolationnistes
qui s’opposent à tout message pouvant motiver
le peuple américain à prendre part au conflit.
Mais l’attaque japonaise sur Pearl Harbor
le 7 décembre 1941 met fin à toute polémique,
et l’usine à rêves s’engage massivement
aux côtés du gouvernement. La « guerre
d’Hollywood » vient de commencer…
De nombreuses personnalités
hollywoodiennes
affichent publiquement
leurs convictions
antinazies.
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LE NERF DE LA GUERRE 15
La participation des États-Unis à la Seconde Guerre mondiale bouleverse
en profondeur l’organisation de la société civile. Toute l’économie du pays se concentre
désormais sur l’effort de guerre, et un véritable front intérieur se met en place.
Page de gauche, en haut : La foule attend les stars
de la Hollywood Victory Caravan lors de leur passage
à Minneapolis en 1942 pour la vente de bons
de guerre.
Page de gauche, en bas : L’actrice Carole Landis signe
des autographes dans une jeep de l’armée à New York
le 4 janvier 1944. Elle vient recruter des volontaires
pour une tournée organisée à l’occasion du quatrième
emprunt d’État pour la guerre.
Ci-dessus : Mirna Loy et Kaye Francis servent
du café et des gâteaux à des marins sur un stand
de la Croix-Rouge.
C
’est une guerre totale», précise
le Manuel d’information adressé
par le gouvernement à l’industrie
du cinéma, «cela implique la
participation de chaque Américain.
Les films peuvent rendre un service important
en aidant les civils à comprendre le pourquoi
et le comment de leur participation à l’effort
de guerre». Le rôle d’Hollywood se révèle
déterminant, qui mobilise talents et moyens
pour encourager la population à participer
au financement de la guerre et à observer
les directives gouvernementales. Les plus
grandes stars participent à des rassemblements
populaires, et toute une production de
documentaires et de courts et longs-métrages
de fiction est initiée, dont les scénarios
entretiennent l’esprit patriotique des
spectateurs. Ces films rappellent le sens
et l’importance des mesures de restriction,
et la nécessité d’accepter de nouveaux emplois,
notamment dans l’industrie. Comme
le souligne le manuel du gouvernement:
«Les spectateurs s’identifient avec
les personnages qu’ils voient sur l’écran.
Si ces personnages sont présentés comme
s’identifiant eux-mêmes avec l’effort
de guerre, alors le message passera.»
16 LE NERF DE LA GUERRE
DES BONS
POUR LA
GUERRE
Pour financer la guerre, le gouvernement doit rassembler des fonds dans un délai
extrêmement court. Les impôts sont augmentés et les dessins animés de Walt Disney,
The New Spirit (1942) et Spirit of 43 (1943), avec Donald Duck, rappellent à chacun
le devoir de s’en acquitter. Plusieurs grands emprunts d’État sont également lancés
entre 1941 et 1945 auprès de la population, qui est encouragée à consacrer 10 %
de ses revenus à l’achat de « bons de guerre ». Ceux-ci rapporteront à eux seuls
la somme de 185 700 milliards de dollars !
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Page de droite : Joan Crawford pose devant le poster
« For Defense: Buy United Saving Bonds » (Pour la
Défense : Achetez des bons d’épargne américains).
ollywood multiplie les actions
pour assurer la promotion des bons
de guerre. Ils sont vendus jour et nuit
dans les halls de cinémas, alors qu’un
message publicitaire leur étant dédié
apparaît sur l’écran à la fin de chaque projection.
Des programmes spécifiques sont réalisés,
comme un clip d’Abbott et Costello pour les
actualités Universal en 1941, le court-métrage
The Present with a Future (1943) de Vincent
Sherman avec Bette Davis, le dessin animé
Any Bonds Today? (1942) de Bob Clampett avec
Bugs Bunny… Plusieurs stars, comme Carole
Landis, Gene Tierney ou Dorothy Lamour,
apparaissent en couverture des magazines
de cinéma brandissant des bons de guerre.
D’autres mettent aux enchères un objet
personnel, à acquérir sous forme de bons:
un violon pour Jack Benny, des bas pour
Betty Grable ou des chaussons de danse pour
Ginger Rogers. La plupart d’entre elles, enfin,
se déplacent à travers le pays pour intervenir
directement auprès du public, signer des
dédicaces et offrir des spectacles. De grandes
tournées sont même organisées, comme
la Hollywood Victory Caravan en 1942: à bord
d’un train spécialement affrété, une troupe de
stars – parmi lesquelles Bob Hope, Cary Grant,
Laurel et Hardy, James Cagney, Bing Crosby,
Groucho Marx et Claudette Colbert – visite
durant trois semaines quatorze grandes villes
américaines et récolte 800 millions de dollars!

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