LA REFORME DES REGIMES DE PROTECTION DES MAJEURS

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LA REFORME DES REGIMES DE PROTECTION DES MAJEURS
LA REFORME DES REGIMES DE PROTECTION DES MAJEURS, QUELS SONT
LES CHANGEMENTS ?
LA LOI DU 5 MARS 2007
Plan :
Introduction
- Les principes d’une mesure de protection judiciaire
- Le respect des droits de la personne protégée une priorité
o Amélioration et adaptation des droits du majeur sous protection
o Reconnaissance de nouveaux droits
- Vers une professionnalisation des fonctions de tuteurs
- Du mandat de protection future : l’organisation de sa protection
L’ORGANISATION DES REGIMES DE PROTECTION
- Les grands principes de procédure de mise sous régime de protection
- Les conditions d’ouverture d’une mesure de protection
- Les différents régimes de protection
o La sauvegarde de justice (433 à 439)
o Curatelle et tutelle (articles 440 à 476)
Introduction :
La protection des majeurs vulnérables était organisée par deux lois :
- La loi du 3 janvier 1968 relative aux incapables majeurs ;
- La loi du 18 octobre 1966 relative à la tutelle aux prestations sociales ;
Récemment ce dispositif a été modifié par la loi du 5 mars 2007 portant réforme
de la protection juridique des majeurs.
On peut, d’ores et déjà, noter l’évolution quant aux termes utilisés. En effet, il n’est
plus fait mention de « personnes incapables » mais d’un régime de protection
juridique des majeurs. Au cours des discussions, il a été fait référence à la notion de
« personne vulnérable ». Finalement le 22 février 2007 était, enfin, adopté par le
Parlement le projet de loi portant réforme de la protection juridique des majeurs. Le 5
mars 2007, la loi n°2007-308 était publiée au journ al officiel. Cette loi n’est pas
d’application immédiate, elle le sera à compter du 1er janvier 2009 en raison de
l’attente de la publication de nombreux décrets d’application (sur le mandat de
protection futur, organisation de la profession de tuteur etc.).
L’objet de cette étude est de présenter les principaux aspects de la loi du 5 mars
2007 et notamment les impacts sur les décisions relatives aux soins des personnes
placées sous tutelle.
1. Les principes d’une mesure de protection judiciaire
Les mesures de protection judiciaire doivent impérativement répondre aux
principes suivants:
-
Nécessité : Une personne pourra être placée temporairement sous une
mesure de protection dès lors qu’elle ne peut plus subvenir seule à ses
intérêts en raison de troubles physiques et/ou psychiques. La demande de
mise sous régime de protection ne sera recevable qu’à la condition que l’état
physique et / ou psychique soit constaté par un certificat médical rédigé par un
médecin habilité (Le médecin rédacteur du certificat médical devra être inscrit
sur une liste spécifique).
-
Subsidiarité : préalablement à l’ouverture d’une mesure de protection il doit
être recherché si les règles de droit commun des régimes matrimoniaux ne
répondent pas aux besoins de la personne.
Depuis le décret n°2004-1158 du 29 octobre 2004 por tant réforme de la procédure
en matière familiale (article 13), le juge des tutelles peut être saisi par un époux pour
être autorisé à représenter de manière durable ou à l’occasion d’un acte particulier
son conjoint hors d’état de manifester sa volonté sans qu’une mesure de protection
juridique ne soit ouverte. A partir de janvier 2009, le juge devra vérifier qu’un mandat
de protection future protégeant suffisamment les intérêts de la personne n’a pas été
conclu.
Proportionnalité : la mesure est personnelle et proportionnelle aux besoins
de la personne.
De la sorte, la réforme remet au cœur du dispositif le principe de nécessité et
renforce celui de subsidiarité.
-
2 Le respect des droits de la personne protégée une priorité
Nombreux rapports rappelaient que la réforme devait porter essentiellement sur les
intérêts de la personne.
Une des innovations majeures de la loi est de fixer la protection de la personne
comme une priorité.
« Cette protection a pour finalité l’intérêt de la personne protégée. Elle doit être
appliquée dans le respect des droits fondamentaux et de la dignité humaine.
Elle est un devoir des familles et de la nation » (article 419 du projet de loi)
► La protection de la personne ne se limite plus à la gestion de ses biens mais
désormais à lui garantir le respect de ses droits fondamentaux et notamment sa
participation aux décisions la concernant.
2.1 Amélioration et adaptation des droits du majeur sous protection
Mariage : L’autorisation peut être donnée par le juge des tutelles et non plus par le
seul conseil de famille. L’exigence de l’avis du médecin est désormais
supprimée.
PACS : Le majeur sous tutelle peut conclure un PACS selon les modalités fixées
pour le mariage. Le majeur sous curatelle a le droit de conclure un PACS.
L’assistance du curateur est cependant requise pour la signature de la convention.
2
Divorce : Le divorce par consentement mutuel reste impossible au majeur sous
régime de protection.
Santé : Application des dispositions spécifiques. La personne doit toujours être
informée, l’information doit être adaptée aux capacités de la personne. A compter
du 1er janvier 2009, la personne sous protection prend seule les décisions
relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet. Le médecin doit
être en mesure de pouvoir justifier des soins en cas de contestation par la famille ou
du représentant légal. Le tuteur doit être informé des soins mais le tuteur ne prend
pas la décision. S’il existe un conflit entre le majeur sous protection et le tuteur, le
juge des tutelles doit en être informé.
Si la personne avait désignée une personne de confiance avant l’ouverture d’une
mise sous tutelle cette personne peut voir sa mission maintenue. Pour cela, il est
important d’informer le juge via le certificat médical de l’importance de laisser la
personne de confiance pour la patiente en raison des liens, du soutien qu’elle lui
apporte. A partir des éléments mentionnés dans le certificat médical et l’audition de
la patiente, le juge décidera de l’opportunité ou non de maintenir le mandat de la
personne de confiance. La personne de confiance ne verra pas sa mission changée,
elle a une mission d’information auprès du patient et des professionnels de santé
mais elle n’a aucun pouvoir décisionnel concernant la prise en charge de la santé du
patient.
En revanche, lorsqu’une personne est placée sous tutelle elle n’a pas la possibilité
de désigner une personne de confiance. Si elle vient à être hospitalisée et qu’il n’y
aucune personne de confiance qui a été désignée avant la mise sous tutelle, elle n’a
plus la capacité pour le faire.
Droit de vote : La loi modifie les conséquences d’une mesure de protection sur le
droit de vote. Le juge des tutelles doit statuer, lors de l’ouverture ou renouvellement
d’une mesure de protection, sur le maintien ou la suppression du droit de vote de la
personne protégée. Cependant, la loi reste muette sur les critères d’appréciations du
maintient ou retrait du droit de vote. Les critères sont donc laissés à l’appréciation du
juge.
Protection du logement : La protection s’étend à la résidence secondaire.
Il est à noter que l’avis d’un médecin spécialisé est requis dans le cas d’un
placement en institution. Seuls les médecins inscrits sur une liste tenue par le
Procureur sont habilités à rédiger ce certificat. La loi ne précise pas si le médecin doit
se prononcer sur l’opportunité du placement ou d’autre motif.
2.2 Reconnaissance de nouveaux droits
Le droit au maintien des comptes ouverts par le majeur : C’est le respect de
l’expression et de la liberté de la personne. Si la personne a ouvert des comptes
bancaires, son représentant légal ne peut pas les fermer pour regrouper l’ensemble
des comptes sur un seul et même compte (pratique des comptes dits « pivots »). Il
se doit de respecter le choix du majeur et laisser ce compte ouvert.
Il est certain que la gestion des comptes sera plus compliquée à gérer pour les
tuteurs, les représentants légaux. En revanche, traçabilité et transparence sont
garanties.
3
La protection des majeurs en matière pénale : La Cour Européenne des droits de
l’Homme avait sanctionné la France pour avoir permis la condamnation pénale d’un
majeur sous curatelle sans que le curateur ait été associé aux différentes étapes de
la procédure.
La loi pose, désormais, le principe « d’assistance obligatoire » par un avocat du
majeur protégé sous protection judiciaire poursuivi pénalement ainsi qu’une expertise
médicale préalable avant tout jugement au fond pour évaluer sa responsabilité
pénale au moment des faits.
Cependant, la loi n’impose pas au juge de rechercher si la personne est placée sous
régime de protection. Ce sont aux personnes chargées de la protection du majeur
qui devront se faire connaître auprès du juge. Ce nouveau dispositif s’appliquera aux
personnes dont il est établi au cours de la procédure qu’elles sont protégées.
Ce sont les avocats, tuteur et curateur qui devront se faire connaître auprès des
instances judiciaires.
Le principe de liberté : L’accomplissement des actes dont la nature implique un
consentement strictement personnel ne peut jamais donner lieu à assistance ou
représentation à savoir déclaration de naissance, déclaration du choix ou du
changement de nom d’un enfant. Il reste à savoir si la liste des actes énumérés à
l’article 458 est limitative ou non.
« Sont réputés strictement personnels la déclaration de naissance d'un enfant, sa
reconnaissance, les actes de l'autorité parentale relatifs à la personne d'un enfant, la
déclaration du choix ou du changement du nom d'un enfant et le consentement
donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant. » article 458 code civil, version
1er janvier 2009.
Choix du lieu de résidence et des relations personnelles : Elle choisit le lieu de
sa résidence et elle entretient librement des relations avec tous tiers parents ou non.
Droit de la personne à être informée : La personne reçoit de la part de la personne
chargée de sa protection, selon des modalités adaptées à son état et sans préjudice,
des informations que les tiers sont tenus de lui dispensés en application de la loi.
L’information doit porter sur les éléments suivants :
- situation personnelle ;
- l’utilité des actes, leur degré d’urgence, leurs effets et les conséquences d’un
refus.
On est proche de l’information médicale à la charge des médecins (utilités du
traitement, critère d’urgence, effets grave et conséquence d’un refus de soins).
Le rôle du curateur ou du tuteur est d’aider la personne à la compréhension par une
information adaptée aux capacités de la personne. Le rôle du curateur ou du
tuteur n’est plus de se substituer à la personne.
Le curateur ou tuteur informe la personne « sur sa situation personnelle, des actes
qui lui sont proposés ou qui sont envisagés, de leur utilité, de leur urgence
éventuelle, de leurs conséquences et conséquences du refus, selon des modalités
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adaptée à sa capacité de compréhension, sans préjudice de l’information délivrée
par la personne qui sollicite le consentement »
Si la personne n’est pas en état de comprendre ou de donner une décision éclairée,
le curateur l’assiste et le tuteur la représente mais toujours avec une information
préalable de la personne.
Le juge des tutelles peut être saisi dans les cas de conflit sur la résidence de la
personne ou sur l’organisation des relations avec ses proches.
Ces dispositions vont dans le sens de la conférence de consensus de novembre
2004 relative « À la liberté d’aller et venir dans les établissements médicaux
sociaux ».
► Ces dispositions font assez penser au devoir d’information à la charge des
professionnels de santé. La responsabilité du curateur ou tuteur pourra-t-elle
être engagée pour manquement à l’obligation d’information ? Dans ce cas
comment le curateur ou tuteur peut-il s’assurer que l’information a bien été
comprise ? Faut-il prévoir un mode de preuve de la bonne exécution de son
devoir d’information ?
3 Vers une professionnalisation des fonctions de tuteurs
Les personnes, morales ou physiques, exerçant à titre habituel des mesures de
protection juridique sont appelées : « mandataires de protection juridique » et
devront être inscrites sur une liste établie par le procureur de la République.
La fonction de mandataire de protection juridique des majeurs, exercée par les
associations ou les personnes physiques désignées par le juge des tutelles, lorsque
la famille ou un proche ne pourra prendre en charge la personne en difficulté.
L’accès à cette profession sera soumis à l’agrément du préfet et du procureur
de la République.
Il ait recherché une professionnalisation des personnes chargées des mesures de
protection. Ces dispositions vont dans le sens du souci de garantir les droits
fondamentaux de la personne à protéger.
Les tuteurs et curateurs extérieurs à la famille (mandataires judiciaires) seront
soumis à des règles communes de formation, de contrôle, d’évaluation et de
rémunération. C’est la personne protégée qui subviendra, dans la mesure de ses
moyens, aux frais occasionnés par sa protection. Si nécessaire, la rémunération des
mandataires pourra être assurée par un financement public. Le décret est en attente
il apportera des précisions sur le profil attendu, compétences requises, nature de la
formation.
3 Du mandat de protection future : l’organisation de sa protection
Une des novations de la loi est la possibilité de désigner par déclaration spéciale
devant notaire la personne que l’on souhaite voir désigner comme curateur ou
tuteur dans l’hypothèse où une telle mesure s’avérait nécessaire. Ce choix
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s’impose au juge sauf si la déclaration est contraire aux intérêts de la personne
à protéger.
Les parents d’enfants handicapés disposent également de cette faculté de procéder
par déclaration spéciale devant notaire à la désignation de la personne chargée de
protéger leur enfant handicapé quand les parents ne seront plus aptes à prendre en
charge leurs enfants.
Il s’agit d’un mandat juridique mais ce n’est pas une mesure judiciaire. Il vise à
organiser à l’avance sa protection par contrat.
La loi prévoit la possibilité de désigner par mandat la ou les personnes susceptibles
de le représenter dans l’hypothèse où il ne serait plus en mesure de pourvoir seul à
ses intérêts.
Le mandat doit être conclu par acte notarié.
Le mandat a pour objet la protection de la personne et de ses biens ou l’une
des deux missions.
Lorsque la personne se trouve dans la situation où elle ne peut plus pourvoir à ses
intérêts le mandataire produit au greffe du tribunal de grande instance un certificat
médical attestant que la personne doit faire l’objet d’une représentation. A l'issue de
cette formalité, le mandataire pourra représenter le mandant dans tous les actes
prévus par le mandat. Ainsi, aucune intervention du juge ne sera nécessaire pour
établir ou mettre en œuvre ce mandat.
Formalismes du mandat :
- Acte notarié : l’acceptation du mandataire doit être faîte dans les mêmes formes.
Cette formalité est importante car le mandataire s’engage à respecter ses
engagements et évite tout conflit d’application a posteriori comme un refus de la
mission par la personne désignée par le majeur protégé. Elle est également garante
du respect de la volonté du majeur protégé.
- Acte sous sein privé : Il doit être enregistré devant notaire. L’acceptation de la
mission par le mandat se concrétise par la signature de l’acte par le mandant.
La mise en œuvre du mandat est précédée d’un inventaire des biens de la personne
protégée. Cet inventaire doit être régulièrement actualisé. Chaque année un compte
de gestion doit être établi. Le juge des tutelles peut faire vérifier ce compte. Les
comptes doivent rester à la disposition du juge des tutelles jusqu’à cinq années
après la fin du mandat.
Les actes accomplis par le mandataire pendant l’application du mandat sont
rescindables pour lésion, ou réductibles en cas d’excès. Ces actions appartiennent à
la personne protégée et après son décès, à ses héritiers.
Il convient cependant de préciser, en ce qui concerne le mandat de protection future,
qu’il est d’ores et déjà possible d’en conclure, lorsque le mandataire est une
personne physique. Ces mandats ne pourront toutefois jouer, et donc produire leurs
effets, qu’à compter du 1er janvier 2009.
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II L’ORGANISATION DES REGIMES DE PROTECTION
L’organisation des régimes de protection n’a pas changé. Il existe toujours trois
niveaux de régimes : La sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle étant le
régime le plus lourd. La procédure a peu changé dans l’ensemble.
1 Les grands principes de procédure de mise sous régime de protection
L’obligation pour le juge d’entendre la personne concernée est plus solennelle. Il a
toujours l’obligation d’auditionner la personne préalablement à l’ouverture d’une
mesure de protection.
La seule exception à la règle : l’état psychique de la personne. En effet, si l’audition
est susceptible de nuire à la santé de la personne le juge des tutelles peut
décider de ne pas l’auditionner mais dans cette hypothèse la décision doit être
motivée.
A défaut, la non audition de la personne devient une cause de nullité du jugement
d’ouverture.
La réforme insiste particulièrement sur la motivation des jugements, dans le but de :
- faciliter l’analyse du tuteur ou du curateur
- permettre de déterminer des priorités ou des urgences d’action à mener
2 Les conditions d’ouverture d’une mesure de protection
Conditions de mise sous protection d’un majeur : Art. 425. − Toute personne
dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération,
médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés
corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté peut bénéficier d’une
mesure de protection juridique prévue au présent chapitre.
« S’il n’en est disposé autrement, la mesure est destinée à la protection tant de la
personne que des intérêts patrimoniaux de celle-ci. Elle peut toutefois être limitée
expressément à l’une de ces deux missions. »
Saisine du juge : La demande d’ouverture de la mesure peut être présentée au juge
par :
-
La personne qu’il y a lieu de protéger
par son conjoint, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité
ou son concubin, à moins que la vie commune ait cessé entre eux,
par un parent ou un allié,
une personne entretenant avec le majeur des liens étroits et stables,
la personne qui exerce à son égard une mesure de protection juridique.
Elle peut être également présentée directement soit d’office par le procureur de la
République, soit à la demande d’un Tiers. Dans une situation d’urgence pour la
personne ou l’ordre public le procureur de la république peut se saisir et saisir à son
tour le juge des tutelles ou transmettre la demande d’une tierce personne au juge
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des tutelles s’il estime la demande bien fondée (nécessité d’ouvrir une tutelle par
exemple pour cesser toute malveillance, toute pression à l’égard d’une personne
vulnérable en situation de maltraitance.)
Conditions de recevabilité de la demande : Art. 431. − La demande est
accompagnée, à peine d’irrecevabilité, d’un certificat circonstancié rédigé par un
médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République.
« Le coût de ce certificat est fixé par décret en Conseil d’Etat. »
Le médecin peut solliciter l’avis du médecin traitant pour de plus amples
renseignements sur l’état de santé de la personne à protéger.
3 Les différents régimes de protection
Ils sont au nombre de trois. La différence majeure porte sur le fait que ces mesures
sont limitées dans le temps.
3.1 La sauvegarde de justice (433 à 439)
D’une part, il s’agit de la mesure la plus légère et d’autre part, elle est temporaire
(renouvelable un an une seule fois).
Conditions de fond : Altération temporaire des facultés personnelles pour des
personnes dont le besoin de protection se limite à la nécessité de conclure un
acte juridique ou des personnes faisant l’objet d’une demande de curatelle ou de
tutelle.
Conditions de forme : Une requête motivée justifiant la nécessité de la mesure et
certificat médical circonstancié. La personne est obligatoirement entendue par le juge
sauf urgence.
Effets de la mesure : La personne conserve l’exercice de ses droits mais les actes
passés peuvent faire l’objet d’une action en réduction ou en annulation si les actes
conclus lui sont défavorables.
Durée de la mesure : Un an renouvelable une fois. Cependant, s’il s’avère que les
capacités de la personne à protéger ne sont pas susceptibles d’amélioration eu
égard aux données de la science, le juge, sur avis conforme du médecin et décision
motivée, peut prévoir une période plus longue qu’il fixe dans sa décision.
A tout moment, le juge peut prononcer la main levée de la décision. Si à l’issue d’un
an aucune décision n’a été rendue, la mesure de sauvegarde est caduque c'est-àdire elle ne peut plus s’appliquer du fait que le renouvellement n’a pas été demandé.
Apport de la loi : le juge pourra confier au mandataire la possibilité de réaliser un
acte de disposition (comme la vente d’un bien immobilier) afin d’éviter l’ouverture
d’une mise sous curatelle ou tutelle inutile juste pour la réalisation de l’acte. En effet,
les dispositions actuelles permettent la réalisation d’un tel acte que par l’ouverture
d’une mesure de protection durable.
Cependant, il convient de s’assurer que les intérêts du majeur placé sous
sauvegarde de justice soient bien respectés ; le revers de la médaille de faciliter la
réalisation des actes de dispositions peut aller à l’encontre des intérêts de la
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personne protégée. D’autant plus si on se rappelle les raisons pour lesquelles jusque
là un tel acte était interdit : la protection des biens du majeur protégé.
3.2 Curatelle et tutelle (articles 440 à 476)
La curatelle est prononcée pour les personnes qui ont besoin d’être conseillées et
contrôlées dans les actes de la vie civile. La curatelle est mise en place qu’à partir du
moment où la sauvegarde de justice n’est pas suffisante pour pourvoir à ses intérêts.
La tutelle s’adresse aux personnes dont leur état de santé nécessite qu’elles soient
représentées de façon continue même si elles présentent quelques intervalles de
lucidité. Pour l’ouverture d’un régime de tutelle, la sauvegarde de justice et la
curatelle doivent être insuffisants pour répondre aux besoins de la personne.
Durée de la mesure : Le juge fixe la durée de la mesure sans qu’elle puisse excéder
cinq ans. Cependant, s’il s’avère que les capacités de la personne à protéger ne sont
pas susceptibles d’amélioration eu égard aux données de la science, le juge, sur avis
conforme du médecin et décision motivée, peut prévoir une période plus longue qu’il
fixe dans la décision.
Désignation du tuteur ou curateur : Le juge désigne le curateur ou le tuteur.
Préalablement à la désignation de la personne chargée de la protection, le juge
devra tenir compte des souhaits du majeur, de la famille et de ses proches.
En l’absence de déclaration spéciale, le juge désigne en priorité la personne vivant
avec la personne à protéger (conjoint, PACS, concubin) sauf s’il existe une cause
empêchant cette désignation. Sinon, il peut désigner un membre de la famille, un
proche.
► Priorité est donnée à la cellule familiale qui est entendue dans son sens le
plus large.
Dans les cas d’empêchement ou de conflit au sein de la famille le juge désigne un
membre extérieur.
La loi prévoit également la possibilité que le curateur ou tuteur soit assisté d’un
subrogé curateur ou subrogé tuteur dans un souci de bonne organisation et gestion
des mesures de protection.
Le juge peut organiser la tutelle avec un conseil de famille si les nécessités de la
protection de la personne ou la consistance de son patrimoine le justifient et si la
composition de sa famille et de son entourage le permet.
« Le juge désigne les membres du conseil de famille en considération des
sentiments exprimés par la personne protégée, de ses relations habituelles, de
l’intérêt porté à son égard et des recommandations éventuelles de ses parents et
alliés ainsi que de son entourage.
« Le conseil de famille désigne le tuteur, le subrogé tuteur et, le cas échéant, le
tuteur ad hoc »
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Quelles conséquences pour le personnel soignant d’une tutelle ou d’une curatelle ?
Un patient sous curatelle conserve le plein exercice de ses droits c'est-à-dire
c’est lui et lui seul qui prend les décisions portant sur son état de santé. Le curateur
n’est pas habilité à recevoir des informations médicales (principe du secret médical)
et encore moins à prendre des décisions. Si le patient sous curatelle venait à prendre
des décisions qui mettrait en danger sa santé, il est préférable selon l’urgence de
contacter soit le juge des tutelles (solliciter un changement du régime de protection
pour le placer sous tutelle si besoin) soit le procureur de la république.
Un patient sous tutelle : l’article L1111-4 du code de santé publique n’est pas très
explicite malheureusement et c’est bien pour cette raison que nombre de
professionnel se trouve parfois confronté à des situations bien complexe ou à une
absence de réponse d’un tuteur. Il ait acquis que préalablement à tous soins,
l’information est donnée au patient, cette information doit être adaptée à ses
capacités de compréhension. L’intérêt majeur est de rechercher son adhésion au
traitement. Si le patient n’est pas en mesure d’exprimer son consentement, le
représentant légal est alors amené à donner son consentement c'est-à-dire le tuteur.
Si l’équipe n’arrive pas à joindre le tuteur elle doit alors saisir le juge des tutelles qui
siège au tribunal de grande instance. Il est important de noter que le professionnel
de santé est en droit de donner les soins sans consentement préalable du tuteur
dans les situations d’urgence.
Attention à compter du 1er janvier 2009 : La personne prend seule les décisions
relatives à sa personne donc sa santé dans la mesure où son état le permet.
Si elle n’est pas en mesure de prendre une décision seule et éclairée, le juge peut
prévoir qu’elle sera assistée dans ce cas par la personne qui assure sa protection.
EN CONCLUSION : La loi ne se limite plus à la protection des biens de la personne
mais fixe comme priorité le respect et la protection de la personne.
Il est à noter que le ministère de la santé s’attache au même souci : le respect des
libertés et de la volonté des personnes fragiles. En janvier, l’HAS a rendu des
recommandations sur ce point et continue la réflexion sur la protection de la volonté
des personnes fragiles, comment les faire participer à la prise de décision. Il pourrait
être intéressant de regrouper l’ensemble des travaux.
Nathalie LELIEVRE
Juriste spécialisée en droit de la santé
AEU droit médical, DESS droit de la santé
Certificat d'aptitude à la profession d'Avocat Lyon
Chargée de conférence
Comité Rédaction Infirmiers.com
[email protected]
BIBLIOGRAPHIE :
-
La loi du 18 octobre 1966 relative à la tutelle aux prestations sociales inscrite
dans le code de la sécurité sociale ;
10
-
-
La loi du 3 janvier 1968 relative à la réforme du droit des incapables majeurs
inscrit dans le code civil ;
Conférence de consensus du 24 et 25 novembre 2004 « liberté d’aller et
venir dans les établissements sanitaires et médico-sociaux et obligation de
soins et de sécurité » ;
Loi du 5 mars 2007 n°2007-308 portant réforme de la protection juridique des
majeurs
Ministère de la justice, « projet de loi portant réforme de la protection des
majeurs vulnérables », 18 janvier 2005.
Dossier la réforme des tutelles, actualité juridique famille n°4/2007
RESUME : Le régime des incapacités est en pleine mutation et va dans le sens du
respect de la personne à protéger. La priorité n’est plus de protéger les biens de la
personne mais les intérêts mêmes de la personne en respectant ses volontés et la
nécessité de la faire participer à la prise de décision. Les trois grands principes
relatifs au régime de protection sont : nécessité de la mesure, proportionnalité et
subsidiarité de la mesure. Il sera également possible d’organiser son régime de
protection via le mandat de protection future.
L’ensemble de ces propositions va dans le sens du respect de la dignité de la
personne et d’une bonne organisation et gestion des régimes de protection.
MOTS CLES : protection de la personne, tutelle, mesures d’accompagnement social
et budgétaire de la personne, mandat de protection future
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