Mme Michèle CUTAJAR Juge des Tutelles au Tribunal d`Instance de
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Mme Michèle CUTAJAR Juge des Tutelles au Tribunal d`Instance de
INNOVATION DE LA LOI DU 5 MARS 2007 REFORME DES TUTELLES MAJEURS ASPECT PRATIQUE : LES PRINCIPALES INNOVATIONS Michèle CUTAJAR Juge des Tutelles au tribunal d’instance de Toulon I/ CRITERES D’INTERVENTION DU JUGE En affirmant le principe de subsidiarité des régimes de protection judiciaire, le législateur donne une définition nouvelle du champ d’intervention du juge : La protection judiciaire doit intervenir en dernier recours, lorsque d’autres protections ont échoué ou s’avèrent insuffisantes parce que les régimes judiciaires sont des régimes incapacitants. Le corollaire de la protection, c’est la diminution –voire la privation- de certaines libertés en matière patrimoniales et personnelles. Le champ de l’intervention judiciaire est déterminé par l’article 425 du Code civil dans sa nouvelle rédaction : « Toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté peut bénéficier d'une mesure de protection juridique prévue au présent chapitre. S'il n'en est disposé autrement, la mesure est destinée à la protection tant de la personne que des intérêts patrimoniaux de celle-ci. Elle peut toutefois être limitée expressément à l'une de ces deux missions ». Dans l’hypothèse où les conditions de l’article 425 du Code civil ne sont pas remplies, il faut avoir recours aux autres types de protection : • Les régimes matrimoniaux • Le mandat de protection future • Les nouvelles mesures d’accompagnement mises en œuvre par le Conseil général (Mesures d’Accompagnement Social Personnalisé : MASP) et les Mesures d’ Accompagnement Judiciaire (MAJ) II/ LE NOUVEAU ROLE DU JUGE DANS LE CADRE DE LA PROTECTION DE LA PERSONNE Si la protection du patrimoine du majeur protégé a toujours été le domaine d’intervention du juge, la loi innove en institutionnalisant la protection de la personne. Le silence de la loi de janvier 1968 donnait lieu à des discussions doctrinales et des pratiques différentes. Désormais, l’appréhension globale de la protection permet ou oblige le juge à intervenir dans le champ de la vie du majeur protégé : Appréciation de la question du droit de vote en régime de tutelle ; Autorisation du juge pour les actes les plus graves déterminés par l’article 459 du code civil qui dispose : « Hors les cas prévus à l'article 458, la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet. Lorsque l'état de la personne protégée ne lui permet pas de prendre seule une décision personnelle éclairée, le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué peut prévoir qu'elle bénéficiera, pour l'ensemble des actes relatifs à sa personne ou ceux d'entre eux qu'il énumère, de l'assistance de la personne chargée de sa protection. Au cas où cette assistance ne suffirait pas, il peut, le cas échéant après l'ouverture d'une mesure de tutelle, autoriser le tuteur à représenter l'intéressé. Toutefois, sauf urgence, la personne chargée de la protection du majeur ne peut, sans l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, prendre une décision ayant pour effet de porter gravement atteinte à l'intégrité corporelle de la personne protégée ou à l'intimité de sa vie privée. La personne chargée de la protection du majeur peut prendre à l'égard de celuici les mesures de protection strictement nécessaires pour mettre fin au danger que son propre comportement ferait courir à l'intéressé. Elle en informe sans délai le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué ». • • Autorisation en matière médicale Intervention (à des degrés différents selon le régime de protection) en matière de mariage et de PACS. Arbitrage dans les conflits opposant le majeur protégé et son entourage ou avec le curateur ou le tuteur sur les questions concernant son projet de vie (par exemple et surtout le choix de sa résidence) Obligation pour les autorités de poursuite, d’instruction et de jugement d’informer le tuteur ou le curateur de la procédure pénale pour leur permettre de participer aux actes de procédure. III/ LA MISE EN ŒUVRE CONCRETE DE LA REFORME Le nouveau rôle du Parquet : le juge des Tutelles ne se saisit plus que pour les requêtes déposées par la famille ou la personne elle-même.Tous les professionnels doivent saisir le Procureur de la République qui dispose de l’opportunité de saisir ou non le juge. La requête est adressée au Tribunal du lieu de résidence du majeur protégé. A peine d’irrecevabilité, il doit être transmis un examen médical effectué par un praticien inscrit sur la liste établie par le Procureur de la République. Il doit être circonstancié, décrire la pathologie, donner un avis sur la capacité à voter et décrire l’évolution prévisible de la pathologie au regard des données actuelles de la science. La requête doit comporter l’identité et les adresses postales des proches du majeur et une enquête sociale s’il s’agit d’un signalement institutionnel. La loi affirme le principe du contradictoire lors de l’instruction du dossier (convocation de l’intéressé, du requérant, des proches) Volonté de créer un professionnalisation des missions de protection : le tuteur ou le curateur, s’il n’est membre de la famille, est un mandataire judiciaire auquel incombe une obligation de formation. Innovation quant au choix des mesures : à côté de la mesure de tutelle ou curatelle, la loi crée la sauvegarde de justice, mesure introduisant plus de souplesse. Les mesures de protection sont prises pour une durée déterminée : 5 ans au départ de la mesure. Elles sont renouvelables après nouvel examen médical. Elles sont révisables à tout moment.