J`ai lu avec intérêt le texte d`Annie Duprat que tu as publié dans ton

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J`ai lu avec intérêt le texte d`Annie Duprat que tu as publié dans ton
J’ai lu avec intérêt le texte d’Annie Duprat que tu as publié dans ton blog. Je suis en profond
désaccord avec ce texte qui contient un bon nombre d’approximations, voire de contrevérités.
« Aucun aspect universitaire dans ces futures ESPE » : c’est faux, chaque ESPE est intégrée
dans une université (même si le choix de cette université peut faire problème, à Paris par
exemple). Nous avons d’ailleurs eu confirmation que tout universitaire, y compris membre
d’une UFR, qui fait une partie de son service dans les masters gérés par les ESPE est électeur
de l’ESPE, même s’il est membre d’une autre université. Il semble qu’au départ, les ESPE
devaient être une école professionnelle de l’éducation nationale, sur le modèle de l’école de la
magistrature ; la ministre de l’enseignement supérieur a obtenu que ce soit en université, à
nous de nous en montrer digne.
« Elles ne seront pas des composantes des universités » : c’est faux, je le sais pour mon
université, qui est en train de préparer le dossier d’accréditation de l’ESPE. De ce point
de vue, les ESPE prendront bien la suite des IUFM, dont elles absorberont les personnels.
« Les concours sont très allégés » : je ne vois aucun argument qui permette de dire cela. Les
concours n’ont pas été alourdis avec la mastérisation, et ils ne seront pas allégés dans la
nouvelle formule, qui reste très proche de la précédente ; de toute façon, nous savons que la
difficulté d’un concours se mesure d’abord à son taux de sélection, qui est assez indépendant
de sa place dans le cursus. De plus, la nature des épreuves sera largement déterminée par le
jury, comme dans les années précédentes.
« La professionnalisation n’est pas assurée, les stages en établissements n’étant pas
obligatoires » : c’est dans la forme actuelle que la professionnalisation n’est pas assurée, avec
4 semaines de stage au mieux! Il est clair que la nouvelle formule, avec un stage à mi-temps
sur un an, sera bien plus professionnalisante (certains craignent qu’elle ne le soit trop).
Dans le master que nous mettons en place, le stage sera obligatoire, avec 20 ou 30 crédits
ECTS, et ce devrait être le cas pour tout master accrédité. Je ne vois pas comment on pourrait
avoir son diplôme sans avoir fait de stage, et si c’était le cas, un tel étudiant ne serait pas
titularisé comme professeur.
Ce qui pourrait expliquer cette réaction, c’est qu’Annie Duprat imagine peut-être un
master où tous les étudiants sont pris en M2. Dans mon université, je vais plaider pour une
entrée en M2 fortement sélective : seront pris en M2, d’une part les étudiants reçus au CAPES
en fin de M1 (ils auront donc forcément un stage, et un poste correspondant, quitte peut-être à
devoir changer d’académie, et ils seront fortement incités à prendre ce poste, sinon ils
perdront leur emploi), d’autre part les étudiants présentant un projet professionnel cohérent
avec possibilité de stage en dehors de l’éducation nationale (médiation scientifique, formation
des adultes…). Les étudiants de M1 qui auront raté le CAPES et voudront recommencer
seront autorisés à se réinscrire en préparation aux concours. Nous ne formerons donc pas une
armée de vacataires. Reste à savoir quelles seront les universités qui auront le courage de faire
cela.
« Les étudiants aisés ou habitant des académies où on ne pourra pas les accueillir ne feront
pas ce stage« : je ne vois pas d’où vient cette crainte bizarre, que je n’ai jamais vue
jusqu’ici. Un étudiant qui n’a pas fait de stage perd simplement son emploi; et il est bien
évident que tous les étudiants seront accueillis, puisqu’on aura réservé les postes pour cela.
« On fait donc semblant de considérer que le niveau de formation a été augmenté grâce à la
mastérisation » : ceci ne concerne pas la réforme actuelle, mais le désastre dont nous
sortons.
« Personne n’avoue qu’un volet fondamental est abandonné : la recherche, sans laquelle il
n’est aucune construction de savoir. Les futurs enseignants ne peuvent répéter des
connaissances disciplinaires acquises par simple mémorisation, sans appropriation
profonde» : je ne vois pas ce qui a été abandonné. Il n’y a jamais eu de recherche dans la
formation des enseignants. C’est le type de formule creuse dont se gargarisent un bon nombre
de formateurs, au lieu de réellement mettre en place une formation par la recherche,
comme nous allons le tenter. Quand au cliché de la connaissance acquise par mémorisation, il
commence à être usé, et il faudrait trouver autre chose. Il n’y a pas de contradiction entre la
mémorisation et la compréhension, au contraire.
La réforme de mastérisation voulue par Sarkozy, et dont le seul but était de supprimer les
postes correspondant aux stagiaires, a été un échec total, dont la chute des inscriptions aux
concours est le symptôme le plus criant. Il faut maintenant renflouer ce naufrage : c’est
forcément coûteux et pénible; et comme il y a plusieurs options, on est sûr de faire des
mécontents. Mais peut-être pourrait-on parfois faire un tout petit peu de crédit au ministre? Je
ne pense pas que Vincent Peillon soit totalement indifférent au sort de l’éducation nationale,
et attaché à détruire la recherche, et les universités, IUFM compris, ne sont pas complètement
sans reproche dans ces affaires. On pourrait donc, au lieu de se mettre sans arrêt à crier au
loup, tenter de faire marcher cette réforme en lui évitant quelques écueils évidents. C’est en
tout cas la direction que j’essaie de prendre.