LIM - Nicole Darmon

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LIM - Nicole Darmon
Les profils nutritionnels des aliments :
Définition, développement, validation et perspectives
d’application
[email protected]
U476 Inserm/ 1260 Inra, Faculté de Médecine de la Timone
1. Profils nutritionnels des aliments : définition
Concept nouveau, introduit dans le règlement européen du
20 Décembre 2006* sur les allégations nutritionnelles ou de santé
9 Objectif immédiat : restriction de l’accès aux allégations
- éviter que les allégations induisent les consommateurs en erreur lorsqu’ils
s’efforcent de faire des choix sains dans le cadre d’une alimentation équilibrée
- seuls les produits ayant un profil jugé favorable pourront faire l’objet d’allégations
9 Implique un jugement de valeur sur les aliments
- estimation de la capacité de chaque aliment à favoriser l’équilibre alimentaire
- expression synthétique de la qualité nutritionnelle de chaque aliment
9 Implique un classement des aliments les uns par rapport
aux autres
* Réglementation CE 1924/2006
Points importants du règlement
9 Il est stipulé que les profils devront :
- être fondés sur des données scientifiques reconnues
- prendre en compte la place de l’aliment (ou de la catégorie
d’aliments) dans le régime alimentaire global
- prendre en compte les différences d’habitudes alimentaires
- permettre l’innovation
2. Profils nutritionnels des aliments : développement
Comment établir le profil nutritionnel d’un aliment ?
Pas de méthode consensuelle
Plusieurs proposées, une seule retenue début 2009 au niveau Européen
Plusieurs choix méthodologiques :
- approche transversale ou par catégories d’aliments ?
- nutriments seulement ou nutriments et ingrédients ?
- combien de nutriments ?
- quels nutriments ? négatifs seulement ou négatifs et positifs ?
- pondérations ? compensation négatif par positif ?
- base de référence pour les aliments : 100g, 100kcal, 1 portion ?
- base de référence pour les nutriments : ANC, BNM, AJR, apports observés ?
- quel mode de calcul : linéaire (score), discontinu (seuils), scores puis seuils
Parmi les approches existantes :
le SAIN et le LIM,
une proposition française, basée sur des indicateurs
initialement développés pour analyser le rapport entre
la qualité nutritionnelle des aliments et leur prix*.
* Darmon, Darmon, Maillot, Drewnowski, JADA, 2005
Mailllot, Darmon, Darmon, Lafay, Drewnowski, J Nutr, 2007
1 système transversal, 2 indicateurs :
SAIN : Score d’Adéquation Individuel des aliments aux
recommandations Nutritionnelles
™ aspects favorables de l'aliment (nutriments qualifiants)
™ exprimé pour 100 kcal : c’est une Densité Nutritionnelle
=> % moyen d’adéquation avec les apports nutritionnels conseillés
LIM : Score de composés à LIMiter sur le plan nutritionnel
™ aspects défavorables de l’aliment (nutriments disqualifiants)
™ exprimé pour 100 g : teneurs en Na, AGS, GSajoutés
=> % d’excès moyen par rapport aux valeurs maximales recommandées
Formule du SAIN
Quantité de nutriment
dans 100g comestibles
(
Prot
+
Fib
+
Vit C
+
ANCProt ANCFib ANCVit C
SAIN =
Apport Nutritionnel
Conseillé
Ca
+
Fe
)
ANCCa ANCFer
5
X
100
X
100
énergie
Densité
Energétique,
en kcal/100g
comestibles
Expression
pour 100kcal
Pourcentage
d’adéquation
¾ SAIN = Densité nutritionnelle moyenne en 5 nutriments qualifiants,
exprimée par rapport aux apports nutritionnels conseillés
(NB : possibilité de “nutriments optionnels”, lipidiques notamment)
Formule du LIM
LIM =
(
Na
AGS sucres ajoutés
3153 + 22 +
50
3
)
X
100
Na = quantité de Na (en mg) dans 100 g d’aliment
3153 mg <de Na correspondent à un maximum de 8 g de sel par jour
AGS = quantité d’AGS (en g) dans 100 g d’aliment
22 g d’AGS correspondent à un maximum 10% de 2000kcal
Sucres ajoutés = quantité de sucres ajoutés (en g) dans 100 g d’aliment
50g de sucres correspondent à un maximum 10% de 2000kcal
¾ LIM = Teneur moyenne en 3 nutriments disqualifiants,
exprimée par rapport aux valeurs maximales recommandées
Proposition AFSSA (rapport sous presse)
100
SAIN
Faible LIM et Fort SAIN :
Accès possible aux allégations
nutritionnelles et de santé
Fort LIM : pas
d’accès possible
aux allégations
10
5
Faible LIM mais Faible SAIN
Accès possible aux allégations
nutritionnelles seulement
1
0,1
7,5
1,0
LIM
10,0
100,0
Le SAIN et le LIM
Un système transversal qui permet :
¾ d’évaluer séparément les aspects positifs (SAIN) et négatifs (LIM)
de chaque aliment
¾ de comparer les aliments au sein d’une même catégorie ou d’une
catégorie à l’autre
¾ de comparer chaque aliment par rapport à des valeurs repères
(SAIN>5; LIM<7,5)
Un système encore en évolution :
¾ tests de faisabilité
¾ création de catégories (liquides, graisses ajoutées, fr. oléagineux)
3. Profils nutritionnels des aliments : validation
Objectifs
- Fondamental : valider le concept même de profil
nutritionnel
⇒ démontrer qu’il est possible, à l’aide d’un classement
basé sur la composition des aliments en un nombre
limité de nutriments, de prédire leur capacité à
favoriser (ou à entraver) l’équilibre nutritionnel global
- Appliqué : valider le système qui sera choisi pour l’accès
aux allégations au niveau Européen
Validation des profils nutritionnels
à partir de tables de composition
™ Corrélation des profils entre eux et avec l’avis d’experts :
Corrélations élevées mais pas parfaites
Azais-Braesco, Goffi, Labouze, Pub Health Nutr, 2006
=> Beaucoup d’aliments sont classés différemment selon les systèmes
™ Corrélation avec d’autres caractéristiques des aliments :
Indicateurs très corrélés à la densité énergétique
Drewnowski, Maillot, Darmon, Eur J Clin Nutr, 2008
=> Va-t-on au-delà des calories avec ces systèmes de profilage ?
Validation des profils nutritionnels
à partir de consommations observées
™ Cohérence entre profils des aliments et qualité
globale de l’alimentation telle que consommée
1. D’après une étude française (Volatier et al, Eur J Nutr, 2007) :
les aliments spécifiquement consommés par les « bons
mangeurs » (score global Eurodiet) sont en majorité bien classés
par les systèmes de profilage MAIS :
- il existe peu d’aliments marqueurs d’une bonne alimentation
- certains aliments marqueurs ont un mauvais profil
- grande variabilité des résultats selon pays et systèmes de profilage
=> Biais méthodologique dû au fait que certains aliments
sont consommés en association (ex: pain, beurre, confiture)
2. D’après une étude anglaise (Arambepola et al, Pub Health Nutr 2007) :
Apport énergétqiue (kcal)
Qualité nutritionnelle des aliments (système FSA) :
2500
2000
1500
1000
500
0
Qualité globale
du régime (DQI) : Excellente
Bonne
Correcte
Faible
=> Pas de différence de conso. des aliments de bon profil
=> Or le profilage doit avant tout permettre d’identifier les
aliments de bon profil (i.e. susceptibles de porter une allégation)
Pour valider le concept de profil nutritionnel,
nécessité de standards externes :
9 plus objectifs que les avis d’experts
9 moins biaisés que les choix alimentaires individuels
=> Proposition d’une approche par modélisation
Validation des profils nutritionnels
à partir de rations modélisées
Principe de la modélisation de rations
- A partir d’une liste d’aliments disponibles (composition nutr, portion…)
- Sélectionner des combinaisons d’aliments (i.e. des paniers
d’aliments) qui respectent un ensemble de recommandations
nutritionnelles
Intérêt spécifique dans le cadre de la validation
des profils nutritionnels
Tester la cohérence entre profils nutritionnels des aliments et qualité
nutritionnelle globale de l’alimentation :
- en évitant les biais liés à l’association de la consommation de certains aliments
- en maîtrisant le réalisme des rations (contraintes d’acceptabilité)
- en tenant compte si besoin des habitudes alimentaires (pop. ou individu)
™ Exemple de rations modélisées à faible coût
Profil nutritionnel médian
des aliments sélectionnés
(score SAIN/LIM)
2
1.5
1
0.5
0
A
B
C
Niveau croissant de contraintes nutritionnelles
Maillot, Ferguson, Drewnowski, Darmon,J Nutr, 2008
=> Plus le niveau global d’exigence nutritionnelle est élevé,
meilleur est le profil nutritionnel des aliments sélectionnés par
l’ordinateur pour être intégrés aux rations modélisées
™ Validation du système AFSSA par modélisation
SAIN
Darmon, Vieux, Maillot, Volatier, Martin soumis
En sélectionnant uniquement
des aliments éligibles :
1. C’est possible de respecter toutes les
recommandations nutritionnelles
2. C’est impossible d’avoir une alimentation
totalement déséquilibrée
LIM
™ Validation du système AFSSA par modélisation
SAIN
Darmon, Vieux, Maillot, Volatier, Martin soumis
En sélectionnant uniquement
des aliments non éligibles :
1. C’est impossible de respecter toutes les
recommandations nutritionnelles
2. C’est possible d’avoir une alimentation
totalement déséquilibrée
LIM
4. Profils nutritionnels des aliments :
perspectives d’application
Une notion aux contours encore mal définis,
mais qui sera utile pour :
- le législateur (accès allégations et publicité, fiscalité, étiquetage)
- les acteurs de santé publique (suivi des chartes d’engagements du PNNS,
développement de recommandations basées sur les aliments, information des
consommateurs au moment de l’achat)
- les technologues (standards nutritionnels pour suivre l’amélioration des produits)
- les professionnels de la restauration/distribution (choix des références)
- les professionnels de santé (conseil aux patients)
Idéalement, plusieurs systèmes de profilage
devraient être développés, chacun adapté un
objectif donné :
¾ Accès aux allégations
Système capable d’identifier les aliments les plus favorables à l’équilibre
global => système simple car applicabilité terrain nécessaire
¾ Taxation et/ou interdiction de publicité
Système capable d’identifier les aliments les plus défavorables à
l’équilibre global => système simple
¾ Éducation nutritionnelle
Système capable de synthétiser le plus fidèlement possible les
caractéristiques nutritionnelles de chaque aliment => système complexe
(objectif : combler le vide entre les recommandations basées sur les nutriments (type ANC) et les
recommandations basées sur les groupes d’aliments (types repères PNNS))
Conclusion
Les profils nutritionnels :
™ Une notion controversée
- mais dont la validité scientifique commence à être établie
™ Une nécessité face à
- une offre alimentaire de plus en plus complexe
- une pression publicitaire de plus en plus forte