l`exemple du centre hospitalier des Quatre-Villes

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l`exemple du centre hospitalier des Quatre-Villes
HÔPITAUX EN RÉGION
Coopérations interétablissements :
l'exemple du centre hospitalier
des Quatre-Villes
our les pouvoirs publics, les actions de coopération doivent aujourd'hui se multiplier entre
établissements. Des raisons démographiques et des aspects financiers sont souvent
mis en avant pour mieux répondre aux besoins des usagers. Comment ces actions
ont-elles été conduites au centre hospitalier de Saint-Cloud ? Comment ont-elles été vécues par
les PH ? Les réponses d'Isabelle Pipien aux questions de PHAR. Isabelle Pipien est PH, chef du
service d'anesthésie, réanimation et de prise en charge de la douleur du centre hospitalier des
Quatre-Villes. Cet hôpital intercommunal (Chaville, Saint-Cloud, Sèvres et Ville d'Avray) est issu
de la fusion, le 1er janvier 2006, du centre hospitalier de Saint-Cloud (CHSC) et du centre hospitalier intercommunal Jean Rostand, situé à Sèvres.
P
PHAR : Comment la nécessité d'une coopération
médicale du CHSC s'est montrée rapidement favorable à cette
entre ces établissements est-elle née ?
fusion, mais à des conditions précises. Elles ont été matériaIsabelle Pipien : Il faut d'abord se souvenir de la difficile
lisées par une motion votée à l'unanimité par la CME en juin
création, en 1999, du groupement d'intérêt économique
2005, qui reste, aujourd'hui encore, notre fil conducteur. Il y
(GIE) entre le CHSC et le centre René Huguenin. Celle-ci était
est affirmé un objectif de maintien de l'offre de soins de l'éla conséquence d'une injonction tutélaire logique, puisque les
tablissement en tant qu'hôpital de proximité polyvalent,
deux établissements voisins avaient des
incluant la chirurgie, la médecine aiguë,
blocs opératoires, vétustes et hors norme,
l'alcoologie, la maternité et les urgences.
Cette motion votée à
à reconstruire. Un contrat d'objectifs et
Notre combat a principalement porté sur
l'unanimité guide
de moyens avait alors été mis en place
le maintien de l'activité de chirurgie, qui
pour la construction d'un bloc opératoire
semblait à certains « peu rentable » en
aujourd'hui
commun aux deux structures, mais la gesde nouvelle tarification et dans le
la communauté médicale termes
tion unique de cette opération n'ayant
contexte de l'offre de soins locale avec
pas été acceptée par le centre privé, un pour s'équilibrer de façon une forte concurrence du privé.
GIE a été créé. Parallèlement à cette cons- solidaire dans la nouvelle
PHAR : Comment le projet médical
truction, nous nous sommes trouvés
gouvernance.
et architectural s'est-il organisé ?
confrontés à une situation budgétaire
IP : Une fusion médicalement rationprésentée comme cataclysmique. Une
nelle nécessitait, en effet, le regroupement sur un seul site
menace de fermeture planait sur l'activité chirurgicale du
des services de soins aigus. Nous avons finalement abouti
CHSC qui présentait un déficit annoncé de 5 millions
au projet de destruction de bâtiments, pour reconstruire
d'euros. L'hôpital de Sèvres, quant à lui, était en déficit majeur
et accueillir, d'une part, une réanimation, une maternité de
de ressources humaines, et notamment de PHAR, ce qui
plus de 3 500 accouchements, des urgences de proximité,
représentait une menace de fermeture imminente du serune médecine réorganisée, une chirurgie pérennisée, d'auvice d'obstétrique (1 900 accouchements/an). Cette situation
tre part, des soins de suites, un service d'alcoologie modera conduit les tutelles et les directions à proposer la fusion de
nisé et un long séjour gériatrique.
ces deux établissements.
Les discussions budgétaires avec les tutelles et la gestion des
PHAR : Les PH ont-ils été consultés ? Comment
ressources humaines ont fait ressurgir craintes et inquiétuont-ils réagi à cette proposition ?
des de la communauté médicale quant au maintien de
IP : Les praticiens de Sèvres étaient assez réticents et
l'activité de chirurgie. Néanmoins, des réflexions commuanxieux, redoutant, par cette fusion, la mort annoncée de
nes, des compromis et, surtout, une grande solidarité de tous
leur établissement. Cette perception était d'autant plus
dans le désir de sauver notre mission de service public, nous
compréhensible qu'il n'était pas acquis que l'activité des
ont permis de voter à l'unanimité un projet architectural (interurgences et de la maternité soit pérennisée. La communauté
médiaire et final) avec l'ensemble des PH des deux sites.
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HÔPITAUX EN RÉGION
PHAR : En dehors de votre propre bilan, une
évaluation extérieure est-elle prévue ?
IP : L'évaluation extérieure est donnée par l'ARH, dans le cadre
de la nouvelle gouvernance, par les contrats pluriannuels
d'objectifs et de moyens. Clairement, aujourd'hui, cette évaluation n'est que financière… Notre dernier bilan, en juin, montrait
une situation positive, le contrat n'a donc pas été revu par les
instances. Une inspection d'accompagnement pour la fusion
semble avoir relevé certains dysfonctionnements organisationnels et a émis des suggestions. Certains constats m'ont paru
injustes ; une démarche qualité est en cours.
PHAR : Comment l'organisation en pôles se met-elle
en place dans ce contexte ? Y tenez-vous un rôle
à réunions mensuelles, qui représente un point fondamentransversal ?
tal pour le fonctionnement du pôle. De plus, une culture du
IP : Le pôle femme/enfant regroupe les services de gyné« travailler ensemble » se développe : les IADE avec les IDE
cologie-obstétrique des deux sites. Il est dirigé par le
des deux sites (Sèvres, St-Cloud), participent ensemble au
chef de service d'obstétrique de Sèvres et a pour
comité de lutte contre le douleur. Elles élaborent des procadre sage-femme celui du service de Saint-Cloud. Le
jets avec les sages-femmes des deux secteurs (gestion de
responsable de l'unité de pédiatrie commune est à
la douleur en post-partum, etc.). Les projets élaborés en
mi-temps sur les deux sites. Un dialogue intelligent
commun leur permettent de se rendre compte que leurs
et constructif a pu être mis en place.
métiers sont les mêmes sur les deux sites, avec les mêmes
Le pôle « BARC » (blocs opératoires, anesthésiestatuts et la même mission de service public. Le métier
réanimation et toutes chirurgies hors gynécologique)
fédère plus que les injonctions institutionnelles…
est sous ma responsabilité,
: Tenez-vous un rôle
mais chaque chef de service
Sans passer sous silence les PHAR
transversal dans cette organia gardé ses prérogatives. Le
pôle doit pouvoir fonctionner conflits et les difficultés qu'il ne sation ?
même si la ressource n'est
faut pas sous-estimer, on ne IP : Je suis membre du conseil éxécutif et vice-présidente de la CME. Le
pas sur place. En pratique,
cela se traduit par des colla- peut pas être indifférent au fait caractère transversal par nature de
notre spécialité, ainsi que l'expérience
borations en ressources
d'avoir le sentiment d'avoir
des conseils de bloc, donnent aux
matérielles et humaines. Par
« bien travaillé » et de
anesthésistes un regard relativement
exemple : un microscope
peut faire la navette entre les participer à la sauvegarde de la global et leur permettent aussi de se
mobiliser pour les autres.
deux sites, des médecins
mission de service public.
anesthésistes travaillent à miPHAR : Vos fonctions sont-elles
temps sur chaque site, il y a
rattachées à des moyens ?
un partage des IBODE et IADE, si besoin.
IP: Hélas, non ! Et cela ne peut pas durer car c'est la
Le pôle médecine, soins de suites, gériatrie a été
structure d'anesthésie-réanimation qui supporte cet effort,
confronté à une réorganisation plus conflictuelle,
l'ensemble des PHAR subissant le contre-coup de ma baisse
aboutissant à la démission et au non-remplacement
d'activité clinique. Je réclame, bien sûr, que tous les
de son responsable. Le combat est en cours, face à
équivalents temps plein qui nous manquent depuis la RTT
la menace de fermeture du service de gastromédicale nous soient donnés. De plus, s'intégrer dans la
entérologie. Ce conflit alimente l'idée d'une direction
nouvelle gouvernance nécessite une formation à des outils
favorable à la disparition de certains services et
de gestion et de management, ainsi qu'une vraie connaisdonne l'impression aux PH d'être les seuls à vouloir
sance de la politique de santé et des enjeux économiques.
défendre l'existence d'un hôpital public qui garde
Cela représente du temps, qu'il va bien falloir valoriser
toutes ses composantes…
en équivalents- temps-plein. Cela pose d'autant plus de
PHAR : Comment, dans votre pôle, le personnel
problèmes que l'uniformisation de traitement entre les PH
vit-il ces « placements » ? Qui instaure le dialogue
des sites de Sèvres et de Saint-Cloud a abouti à ce que les
nécessaire à ces choix ?
plages additionnelles ne soient plus payées : une économie
IP : Les cadres prennent en charge la gestion humaine et
le dialogue. Nous avons aussi une tradition de conseil de bloc,
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CORRESPONDANCE
Un directeur général
d’hôpital s’exprime
vant l’été, PHAR 41 a publié le témoignage d’un « ex-futur PH » qui exprimait sans
détour les raisons de son départ pour le secteur libéral. La Rédaction a souhaité que
l’un des 29 directeurs généraux de CHU expose son point de vue. C’est librement que
PHAR donne aujourd’hui la parole à Joël Martinez, directeur général du CHU de Caen depuis
février 2007, qui s’exprime ici à titre personnel.
A
La revue PHAR a plusieurs fois rapporté le témoignage
de médecins anesthésistes ayant décidé de quitter le
service public hospitalier pour rejoindre le secteur privé.
Dans ma carrière de chef d’établissement, et sur des
postes au Nord de la Loire et en dehors de Paris, j’ai,
hélas, très (trop !) souvent eu à échanger avec des
médecins m’informant d’une telle décision et l’exprimant
sur un mode de désenchantement.
Par tempérament personnel, dans un premier
mouvement, j’ai toujours tenu à exprimer que ce choix
était le bon, et respectable, puisque c’était le leur…
Mais, outre l’aggravation de la pénurie de temps
médicaux, il est toujours demeuré une insatisfaction
devant un choix exprimé comme l’étant par défaut :
« Dites-moi qu’elle(il) est partie pour un autre que moi
et pas à cause de moi… » chante Michel Jonasz… Il
faudrait davantage de lignes pour analyser les raisons de
ces départs et comment y remédier.
LES DÉPARTS : ÉCHEC
INSTITUTIONNEL, PROFESSIONNEL,
DÉSENCHANTEMENT PERSONNEL... ?
Les situations sont diverses et toujours intriquées.
Plusieurs raisons motivent ces défections : pénibilité
de la charge (les gardes…), manque de reconnaissance
...
Coopérations interétablissements : l’exemple du centre hospitalier des Quatre-Villes
(suite de la page 9)
sèche pour l'établissement ! Alors que, dans le même temps,
les PHAR doivent faire face à une surcharge de travail et une
présence particulièrement importante. Il va donc falloir
répondre à ces attentes.
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PHAR : Au total, comment qualifieriez-vous cette
expérience ?
IP : « Exténuante » est le premier terme qui me vient à
l'esprit, car je suis complètement submergée par le fonctionnement du centre hospitalier et toutes les problématiques
sur lesquelles il faut être en permanence en appui, en
conseil, en écoute, vigilante. Je regrette tout particulièrement de ne pas avoir de temps pour savoir ce qui se passe
ailleurs, en allant ne serait-ce qu'aux congrès de la SFAR ou
de la SRFL. Les échanges d'expériences avec d'autres
responsables me manquent…
Mais, finalement, je dirais aussi « expérience remarquablement enrichissante », surtout devant un récent bilan annuel
réellement positif avec une augmentation d'activité en
chirurgie, une médecine et un pôle femme/enfant équilibrés
budgétairement et un déficit de l'établissement qui a
quasiment disparu.
Propos recueillis par A. le Masne
COMMENTAIRE DE LA RÉDACTION
Le succès de la mission semble avoir reposé sur un gros
investissement personnel de quelques-uns, dont le Dr Pipien.
Il faut saluer ici son sens du service public, sa connaissance
du terrain, la confiance de ses collègues, qui ont contribué à
l'aboutissement de cette fusion d'établissements. Mais, on peut
déplorer que l'investissement de chacun n'ait apparemment
pas reçu une reconnaissance suffisante ou visible pour être
« exemplaire » et donner l'envie à d'autres de s'y essayer. Si l'on
veut multiplier ce genre de regroupement, il faut sans aucun
doute investir en termes de financement, de formation et de
reconnaissance pour les médecins sollicités. Sinon, c'est se
leurrer que croire que les médecins participeront pleinement à
la gestion et au devenir des structures. Car il s'agit, pour eux,
d'un deuxième métier, qui s'ajoute à leur métier de médecin,
tandis que pour les directeurs, c'est leur métier à 100 % qui
continue de s'exercer. Il y a là « une inégalité des moyens pour
faire face aux devoirs » qui, si elle perdure, risque d'aboutir à
une démotivation généralisée.
Le SNPHAR suit de près ces expériences de rationalisation de
l'offre de soin. Il est demandé aux PHAR qui y sont impliqués
de rapporter leur expérience auprès de leurs délégués régionaux.