Bacs blancs

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Bacs blancs
2 Les mouvements littéraires au XVIII
1 . Les Lumières
e
siècle
A ◗ Esprit critique et ironie
BACBLANC
! page 112 du manuel
Questions
1. Le registre
r
littéraire commun à l’ensemble des textes du corpus est le registre ironique qui permet au locuteur
d’exprimer le contraire de ce qu’il veut faire entendre. Il s’agit d’un registre qui joue d’un procédé de décalage, de
distorsion entre ce qui est explicitement exprimé et ce qui est implicitement signifié. Pour mettre en place un tel
registre, les auteurs doivent s’appuyer sur des procédés précis que le lecteur se doit d’identifier pour accéder au
sens réel du texte.
Ainsi retrouve-t-on, par exemple, dans les textes de Voltaire, Montesquieu et Swift des raisonnements dont la
logique n’est qu’apparente. La forme vient servir la logique alors que le fond est parfaitement incohérent voire
absurde. On retrouve ce fonctionnement dans les nombreuses assertions du texte de Montesquieu ainsi que dans
celui de Voltaire qui construisent leur progression sur une logique énumérative sans fondement.
On trouve aussi des antiphrases : « Il se pourrait dans la suite des temps, que de misé-rables philosophes, sous
le prétexte spécieux, mais punissable, d’éclairer les hommes et de les rendre meilleurs, viendraient nous enseigner des vertus dangereuses dont le peuple ne doit jamais avoir connaissance » (Voltaire, l. 25). Voltaire philosophe, ne peut adhérer à un tel argument et en joue pour mieux faire entendre le contraire. Le même procédé se
voit mis en place dans le premier argument.
L’ensemble du texte de Swift obéit à cette même logique qui se voit renforcée par l’exagération (hyperbole) et la
logique comptable rendant insoutenables et d’autant plus absurdes les arguments employés.
2. Dans le texte de Voltaire, il est évident que la formule de clôture s’ouvrant sur la mention du « palais de la
stupidité » (l. 55) ne peut laisser le lecteur dans le doute quant à la dimension ironique du texte. C’est un procédé
que l’on retrouve dans l’extrait de Swift qui s’achève sur la phrase suivante : « j’en viens donc à exposer humblement mes propres idées qui, je l’espère, ne soulèveront pas le moindre objection » (l. 75), formulation antiphrastique clairement affichée, le texte ne pouvant que révolter si on le prend au premier degré.
Au niveau de l’image du locuteur, il est clair que celui que met en scène Voltaire ne peut être crédible dès lors
qu’il ordonne que « dans toutes les conversations on ait à se servir de termes qui ne signifient rien » (l. 44).
Quant au locuteur du texte de Montesquieu, il emploie le conditionnel, mettant d’emblée à distance le discours
qu’il va tenir, montrant en cela qu’il est impossible d’y adhérer.
Enfin, l’indice commun aux trois textes est bien celui de l’hyperbole, de l’exagération. Dès lors que le texte en
fait trop et montre bien qu’il agit ainsi sciemment, on ne peut logiquement adhérer à son sens premier.
Travaux d’écriture
1. Dissertation
Dans le cadre de l’objet d’étude consacré à l’argumentation, il s’agit de s’intéresser plus particulièrement à
l’utilisation du registre ironique. Cela entraîne, de la part des élèves, une bonne compréhension des formes et
enjeux d’un tel registre mais aussi de ses limites. En effet, le registre ironique implique, de la part de l’auteur, une
volonté d’avoir recours à une forme de langage « détourné » qui a pour procédé privilégié l’antiphrase.
Conséquence : cela implique aussi une certaine exigence vis-à-vis du lecteur qui se doit d’accéder au second
degré pour devenir complice de l’auteur… et non victime.
Il faudrait donc partir du constat suivant : nombreux sont les auteurs (du XVIIIe mais aussi d’autres siècles, à avoir
adopté l’ironie comme « arme » privilégiée : ce qui nous invite à nous interroger sur l’efficacité d’un tel registre
littéraire au sein des textes argumentatifs. Pour autant, il ne faut pas négliger le danger même d’un tel registre
qui suppose une complicité auteur / lecteur qui ne va pas de soi.
2. Les mouvements littéraires au XVIIIe siècle 1
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I. UNE EFFICACITÉ INDÉNIABLE
1. Un outil indéniable contre la censure (Voltaire, Montesquieu, Beaumarchais)
2. Un moyen de mettre le lecteur de son côté par le rire
3. Une mobilisation constante de la raison et de l’intelligence
Cependant, par la mobilisation même qu’elle demande, par son exigence vis-à-vis du lecteur, l’ironie est aussi
une arme à double tranchant qui peut, à tout moment, se retourner contre l’ironiste lui-même et lui faire perdre
la complicité avec le lecteur qui faisait sa force.
II. LES DANGERS DE L’IRONIE
1. Les ambiguïtés du discours ironique : les antiphrases qui ne se laissent pas percevoir comme telles (ici,
l’analyse du texte de Montesquieu, De l’esclavage des nègres, p. 102 du manuel, peut se révéler particulièrement efficace)
2. L’ironie se fait toujours au détriment de quelqu’un : la violence des attaques peut sembler injustifiée,
excessive et donc retourner ses destinataires. (Les excès de Voltaire dans Candide ou le Dictionnaire philosophique.
3. Raison et sentiments : les limites de l’acceptable (voir Swift et sa Modeste Proposition : en allant trop
loin, l’ironie ne perd-t-elle pas sa justification, sa noblesse ?
2. Commentaire
L E S L U M I È R E S A. Esprit critique et ironie
Le commentaire portera sur les lignes 1 à 35 du texte.
Le commentaire doit bien sûr s’appuyer sur une forte contextualisation afin de montrer dans quelle logique, historique et littéraire, s’inscrit le texte de Voltaire qui, utilisant le détour de la fiction orientale, joue à la fois de la
distance et de l’ironie afin de dénoncer l’attitude absurde du locuteur pour mieux faire l’éloge de la culture et du
savoir inhérents aux Lumières.
I. LA STRATÉGIE ÉNONCIATIVE
1. Un locuteur ridiculisé
2. Un auteur omniprésent
3. L’ironie au service de la complicité entre auteur et lecteur
II. UNE ARGUMENTATION ABSURDE
1. Une parodie de texte de lois (forme et progression du texte)
2. Des arguments sans fondements
3. L’amplification au service de l’absurdité
BACBLANC
III. UN PAMPHLET AU SERVICE DE L’ÉLOGE DU SAVOIR
1. Un pamphlet sans concession
2. L’antiphrase au service d’un éloge du savoir
2. Les mouvements littéraires au XVIIIe siècle
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3. Écriture d’invention
L’intitulé du sujet invite clairement à rédiger un texte qui constituerait un pastiche de celui de Montesquieu
respectant donc la forme et le registre (ironique) du support initial. Pour autant, il ne s’agit pas d’une répétition
pure et simple et les copies doivent faire preuve d’originalité dans le fond (variété des arguments) et dans la
forme (travail des tournures).
L’élève doit donc prêter une attention particulière :
• à l’énonciation qui instaure une relation explicite entre destinateur et destinataire avec un jeu possible sur les
questions oratoires.
• à la juxtaposition simple des arguments qui doit souligner leur absurdité.
• à l’emploi du présent de vérité générale qui, tout en venant souligner la logique assertive, produit, par décalage
avec l’absurdité des arguments, l’ironie.
• à l’emploi de formules à valeur générale, de formules impersonnelles : « il est vrai » ; « il est évident »,
« il faut »…
• à la variété des arguments (empruntés par exemple à l’histoire, à la géographie, à l’analyse des sociétés, à
la physionomie des hommes.
• à l’emploi de l’antiphrase, de l’hyperbole qui sont des figures privilégiées du registre ironique.
• à respecter un certain niveau de langue.
2. Les mouvements littéraires au XVIIIe siècle 3