Musique et astronomie (2)
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Musique et astronomie (2)
Bulletin de la Société Astronomique du Valais Romand Page 10 ________________________________________________________________________________ Musique et astronomie (2) par Pascal Reichler Astronomie et musique dans l'œuvre de Pythagore de Samos L'école pythagoricienne a été active durant cent cinquante ans environ. Elle a porté son effort dans une foule de domaines que son influence imprègne encore: géométrie, mathématiques, astronomie, physique, politique (si tant est qu'il y ait science en ce domaine) et musique entre autres. Sans entrer dans les détails parfois déroutants de l'organisation de l'école pythagoricienne, on peut en diviser les disciples en deux groupes, séparés symboliquement et physiquement par un rideau…d'un côté, les néophytes, les postulants et les "acousmaticiens" qui reçoivent durant huit ans un enseignement oral sans voir le maître, de l'autre côté, les initiés mathématiciens à qui Pythagore expose et démontre de visu ses théorèmes. Il utilise à dessein un langage ésotérique que les acousmaticiens ne peuvent décrypter. De cette séparation, découlera une double orientation de l'école entre sciences physiques et sciences morales. Cette simplification fera grimper aux rideaux du salon tout historien, mais permet de pousser cet article vers le sujet de notre série : astronomie et musique. Un monocorde style Pythagore (en réalité un "bicorde") Préséance de la musique Parmi les héritiers de Pythagore, Archytas, astronome et mathématiciens du Vème siècle avant notre ère, ami de Platon, auquel il transmettra l'héritage de l'école pythagoricienne, considérait que les mathématiciens doivent connaître l'astronomie, la géométrie, l'arithmétique, la sphérique et la musique dégageant ainsi ce qui deviendra le quadrivium des études au Moyen-âge : arithmétique, musique (arithmétique sensible), géométrie, enfin astronomie (géométrie sensible). Il peut sembler curieux de retrouver la musique en si rationnelle compagnie, elle qui est l'art de l'ineffable. Mais pour Pythagore, la musique, sous sa fonction d'harmonie, ordonne l'Univers dont les nombres sont l'essence. Tout est nombre et c'est par le nombre que les choses nous sont intelligibles. Mais, comment Archytas de Tarente Détail de l'instrument avec son chevalet mobile ainsi que la règle pour en mesurer la position s'ordonne cette infinité d'éléments, comment se dégage un cosmos (ordre et beauté) du chaos menaçant ? La réponse pour les pythagoriciens est évidente : c'est par l'harmonie que se règle la marche de l'Univers. Pour démontrer la relation mathématique des notes entre elles et, partant, l'ordre du Monde, Pythagore utilise un monocorde. Cet instrument de musique rudimentaire consiste en une simple corde tendue sur une caisse de résonance. Sous la corde, on déplace un chevalet et l'on fait vibrer les deux parties de la corde séparées par le chevalet. Lorsque les deux notes produites simultanément procurent une sensation agréable à l'auditeur, qu'elles s'accordent entre elles, on mesure à la règle le rapport entre les deux segments de la corde situés de part et d'autre du chevalet. Pythagore en déduit qu'un rapport de 3/2 donne l'intervalle stable de quinte, 2/1 l'octave et 4/3 la Bulletin de la Société Astronomique du Valais Romand Page 11 ________________________________________________________________________________ quarte. Ce seront les intervalles admis comme consonants par le philosophe de Samos et propres à régir l'Univers. Cette idée traversera les siècles et influencera jusqu'à Kepler lui-même. Le mystique anglais Robert Flood imagine le Système solaire comme "un gigantesque monocorde accordé par la main de Dieu. Les distances des planètes au soleil sont proportionnelles à la longueur des cordes nécessaires pour produire des notes déterminées". Le système de Philaloas Place et dynamique de la Terre dans l'Univers Un des successeurs de Pythagore, Philolaos de Crotone (-470/-fin -Ve s.) énonce la proposition suivante : "C'est le Feu qui occupe le milieu". Il y aurait donc une première allusion à l'héliocentrisme, bien avant Copernic .Mais ce Feu central n'est pas le Soleil, il reste invisible, on n'en perçoit la lumière que reflétée par le Soleil, c'est une force physique située au milieu du monde. Un autre pythagoricien, Hicétas de Syracuse (400-335), déclare que "la Terre tourne et pivote sur son axe à très grande vitesse". Alors qu'Ecphantos de Syracuse, disciple d'Hicétas dit que "la Terre, centre du monde [géocentrisme], tourne sur elle-même d'Ouest en Est [rotation]". On le voit, les travaux de l'école pythagoricienne ont mené à des hypothèses audacieuses sur la place et le mouvement de la Terre. Copernic s'en souviendra lorsqu'il rédigera en 1543 sa lettre au pape Paul III, préface à "Des révolutions des orbes célestes". "De revolutionibus orbium caelestium", citant les pythagoriciens : "La terre tourne autour du Feu en un cercle oblique, de même que le Soleil et la Lune. Héraclide du Pont et Ecphantos le Pythagoricien ne donnent pas, il est vrai, à la Terre un mouvement de translation [mouvement autour du Soleil, héliocentrisme]... Partant de là, j'ai commencé, moi aussi, à penser à la mobilité de la Terre". Au retour de son voyage initiatique en Egypte, Pythagore reçut le surnom "Chrysomère", littéralement : cuisse d'or… Des prêtres lui ayant appliqué sur la jambe un disque ailé en or, symbole d'Atoum-Râ. Un lien avec Wolfgang Amadeus Mozart peut sembler un poil tiré par les cheveux du néant, et pourtant … Le troisième prénom de Mozart était Chrysostome : bouche d'or. Je laisse à votre imaginaire le soin de relier ces deux informations sur le mode qui lui convient. Pour conserver la haute teneur de ce bulletin, je m'interdis formellement le genre : de la cuisse à la bouche, il n'y a qu'un pas, que je ne franchirai pas et vous suggère, que dis-je, vous prescrit en soutien à cet effort l'émouvant adagio et fugue (KV 546) en ut mineur de Mozart redécouvrant Bach.