Dieu est un enfant ou comment retrouver le langage

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Dieu est un enfant ou comment retrouver le langage
Extrait de la Revue Nord’ N°51 – André Stil – www.revue-nord.com
Dieu est un enfant ou comment
retrouver le langage de l’enfance
Paul RENARD
Stil a 58 ans quand il publie en 1979 Dieu est un enfant. Il vit alors à Camélas dans les
Pyrénées orientales. Toujours communiste, il n’est plus membre du Comité central depuis
1970. Sa carrière de romancier et de nouvelliste est bien remplie et couronnée de succès ;
il a obtenu en 1952 le Prix Staline pour le premier roman de la trilogie Le Premier Choc et
le Prix Populiste en 1967 pour l’ensemble de son oeuvre ; depuis 1977 il siège à
l’Académie Goncourt. Dieu est un enfant représente un tournant dans son inspiration : il
s’y éloigne, en effet, du réalisme socialiste, qu’il pratiquait jusqu’alors avec une certaine
liberté, pour écrire un récit d’enfance, qui se situe aux marges de l’autobiographie et qui
attache une importance primordiale au langage.
Un récit d’enfance
Dieu est un enfant se présente en deux parties de taille disproportionnée : « L’enfant
ouaté » (170 pages), qui raconte l’enfance de Bernard depuis sa naissance jusqu’à sa
réussite en 1932 au concours des bourses, à l’âge de 11 ans et « L’enfant nu » (69
pages), qui narre d’abord ses premières années de lycée, puis, après un brutal saut
temporel, sa participation en 1944 à la Résistance, alors qu’il est déjà marié et père d’un
enfant.
Une distribution thématique
On voit donc que le récit suit un ordre chronologique, mais celui-ci est subordonné à un
classement thématique. « L’enfant ouaté » se subdivise en chapitres, sans titres,
consacrés aux comportements pédagogiques des parents, aux occupations de Bernard
(jeux, parfois dangereux, rapports avec les filles et avec son ami Wadeck), aux rites
familiaux (repas, maladies, sorties festives) et, surtout, aux sensations de l’enfant
(contacts solitaires avec la nature, rêves éveillés et endormis). Les rares événements ne
surgissent que pour illustrer un thème. Ainsi, un développement sur la liberté se conclut
par le récit d’un massacre d’arbres perpétré par Bernard et par ses camarades, qui
veulent imiter les bûcherons ; ou encore, les amours tardives de la tante Eva, vierge « à
plus de soixante ans » et catholique austère, et d’Henri, l’accordéoniste anticlérical et mal
embouché, illustrent le thème de la « vibration » musicale.
Vers la fin de « L’enfant ouaté », le récit prend le pas sur les thèmes. À partir du moment
où Bernard fréquente « la classe des grands », « la ouate s’entrouvre ». Il se fait
surprendre la braguette ouverte par son instituteur ; au retour de la fête en l’honneur de
son succès au concours des bourses, il sauve sa mère de la mort, en l’empêchant d’être
écrasée par un tramway. « L’enfant nu » est construit, de manière plus classique, sur le
mode du récit : brimades subies par le jeune lycéen de la part de l’administration, puis
participation du jeune adulte à la Résistance…