Le contexte justifie t`il une loi ? Quelle est la loi

Transcription

Le contexte justifie t`il une loi ? Quelle est la loi
La loi Hadopi
(ou loi Création et Internet) a suivi un parcours
chaotique et rocambolesque depuis plusieurs années. Après bien des péripéties elle est finalement
opérationnelle, du moins en théorie.
A en juger par les graphiques de google Trends, le volume de recherche concernant le mot Hadopi a
considérablement augmenté depuis octobre. La fameuse loi n’est en effet pas très clair et suscite
beaucoup de questions.
Volume de recherche sur le mot Hadopi
Nous allons essayer à travers cet article de l’analyser et de répondre aux diverses interrogations.
Le contexte justifie t’il une loi ?
Un fait ne peut être nié. Nous vivons dans une société capitaliste (ce qui est une bonne ou une
mauvaise chose, le débat n’étant pas là). De ce fait, chacun a le droit de vouloir vendre le fruit de
son travail. C’est la règle du jeu, si celle ci doit être changée, alors il faut qu’elle le soit clairement.
De la même façon qu’un boulanger ne tolérerait pas que la moitié de ses clients viennent se servir
sans payer, un artiste a le droit d’exiger la même chose. C’est du moins le genre d’argument donné
en général, et celui ci a du sens.
Cependant, il faut prendre en compte le fait que la publicité faite pour ces artistes, contrairement au
boulanger, est très agressive, y compris sur le service publique. Les maisons de disques créent un
besoin auprès de personnes n’ayant pas forcément les moyens de le combler (notamment les
jeunes).
Bref tout est nuancé, et le seul moyen d’avancer est la conciliation.
Quelle est la loi ?
La loi est claire. Chacun est responsable de sa ligne Internet. Si un fichier illégal est téléchargé, que
le responsable soit le propriétaire de la ligne, un voisin ou un pirate, la procédure à l’encontre du
propriétaire est enclenchée. L’infraction est donc un « défaut de sécurisation » constaté.
(A noter qu’un logiciel labellisé sensé protéger la ligne devrait voir le jour en 2011)
La procédure judiciaire est la suivante :
1. Les ayants droits constatent une infraction (ils relèvent l’adresse IP d’une ligne Internet
téléchargeant un fichier illégalement) et rédigent un procès verbale
2. Hadopi choisi de donner suite ou non à l’infraction. Si elle ne donne pas suite, les données
sont supprimées au bout de 2 mois.
3. Envoi d’un mail en tant que 1ere recommandation, si aucune autre infraction n’est produite
pendant 6 mois, suppression des données.
4. Les ayants droits constate une nouvelle infraction, un nouveau mail est envoyé, ainsi qu’une
lettre par recommandée avec accusé de réception.
5. En cas de nouvelle constatation, remise d’une nouvelle lettre recommandée, stipulant que le
dossier peut potentiellement être jugé.
6. Hadopi choisi ou non de transmettre le dossier au Parquet.
7. Le juge choisi ou non d’appliquer la sanction.
Quelle est la sanction ?
La sanction est une contravention de cinquième classe, d’un montant maximum de 1 500 euros (7
000 pour une personne morale). Additionnée à l’amende, une coupure de la connexion Internet pour
une durée de un mois pour être prononcée par le juge.
Caractéristique d’une contravention de cinquième classe :
• Le montant maximum de la sanction est 1 500 euros, et 3 000 euros en cas de récidive.
• Inscription de la contravention dans le casier judiciaire (qui n’est donc plus vierge si c’était
le cas avant).
• Une seconde peine peut être attribuée en plus de l’amende (retrait de permis, travaux
d’intérêt général et maintenant coupure de l’accès Internet).
Exemple de contravention de cinquième classe :
• Violences ayant entrainé une ITT
• Mise à mort volontaire et cruelle d’un animal domestique
Quels éléments sont surveillés ?
Seul les échanges Pear to Pear (P2P) sont surveillés. Le téléchargement direct (Via mégaupload,
rapidshare…), de même que le streaming, ne le sont pas.
De même seules les musiques et les films sont répertoriés par Hadopi (les jeux vidéo et les livres ne
le sont pas, pour l’instant du moins).
Quels sont les problèmes liés à la loi Hadopi ?
• La sanction est disproportionnée. Un casier judiciaire non vierge (certes qui peut redevenir
vierge avec le temps) peut avoir de grandes conséquences (problèmes d’embauches, de
visa…).
• De même un mois sans Internet peut s’avérer problématique pour beaucoup de famille, étant
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donné que beaucoup d’actions sont faites Online dans notre société (mail, payer ses impots,
gérer ses comptes, regarder la télévision…), sans compter les personnes se servant d’Internet
pour travailler.
Le fait de mettre au même niveau le meurtre avec cruauté d’un chien et le
téléchargement de 3 chansons est choquant.
La pédagogie sensée accompagner la loi a été mal faite. Les jeunes ne comprennent pas le
contexte, et la plupart des personnes ne comprennent pas l’aspect technologique propre à la
sécurisation d’une ligne.
Une partie des artistes avouent, volontairement ou pas, avoir téléchargé illégalement
des fichiers, à l’instart de Michel Sardou ayant téléchargé Iron man 2. De même Thierry
Lhermitte (actionnaire de Trident Media Guard (TMG), une société chargée de traquer les
pirates et de transmettre les IP à Hadopi) a également avoué avoir téléchargé illégalement.
Une grande partie des acteurs du net ne soutiennent pas la loi
La loi augmente la fracture entre les consommateurs et les majors
Les infractions sont constatées par des sociétés privées, et non par des policiers ou des
gendarmes.
L’IP n’est pas une preuve fiable à 100%, et peut facilement être falsifiée sur le net (réseau
TOR par exemple).
Seul le P2P est surveillé, or la majorité des téléchargements illégaux se font via d’autres
moyens de nos jours (streaming, newsgroup, direct download…).
L’offre légale n’est pas suffisamment développée. De même certains choix des majors vont à
l’encontre de ce que veux une partie du public. Par exemple les films en 3D ne font pas
l’unanimité. Plus cher, obligeant le port de lunettes qui assombrissent l’écran, n’apportant
pas grand chose au final (selon une étude la technologie ne marche pas chez 12% des
personnes), la 3D est une véritable incitation au piratage (l’offre légale arrivant bien plus
tard).
La majorité des personnes ne savent pas sécuriser une ligne Internet. Et le logiciel proposé
par Hadopi n’existe pour l’instant tout simplement pas. De plus celui ci ne servira à rien
puisqu’il ne garanti pas auprès du juge l’innocence du propriétaire. A quoi bon payer un
logiciel facilement contournable dans ce cas là ?
Historique de la loi :
• 2006 : La loi DADVSI est votée. Son rôle est de protéger les verrous anticopies. Cependant
la riposte graduée associée à cette loi ne fut pas validée par le conseil constitutionnel.
Résultat pour un téléchargement illégal : D’après la loi cela s’apparente à de la contrefaçon,
puni de 3 ans de prison et 300 000 euros d’amende.
• Septembre 2007 : Instauration de la mission Oliviennes, présidée par le PDG de la Fnac.
Cette mission sensée sensibiliser le grand public est un échec pour deux raisons
principalement :
• Elle est présidée par une personne non neutre.
• Elle utilise des raccourcis qui décrédibilise toute l’argumentation. Il est en effet sous
entendu qu’une musique ou un film téléchargé aurait été acheté si le téléchargement
avait été impossible, ce qui est faux.
• Novembre 2007 : Fin de la mission Olivienne. Le rapport déçoit, les solutions sont peu
crédibles, et le développement de l’offre légale à peine abordé.
• Juin 2008 : Le projet Hadopi 1, établi à la suite du rapport de la mission Olivienne, est
présenté en conseil des ministres. Le texte stipule que chaque personne est responsable de sa
ligne Internet. Le texte passe très mal auprès de la quasi totalité des acteurs du web : La
CNIL, la quadrature du net, les FAI…
• Octobre 2008 : Le texte est adopté par le Sénat. Une procédure d’urgence est également
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instaurée par le gouvernement.
Avril 2009 : Le texte est adopté par le sénat, mais refusé par les députés (l’ump ayant été en
majeur parti absent lors du vote)
Mai 2009 : Le texte est adopté par les députés et le sénat.
Juin 2009 : Refus du texte Hadopi par le conseil constitutionnel. La raison est l’occultation
du juge dans la décision de couper l’accès Internet d’une personne.
Septembre 2009 : Le nouveau texte est de nouveau validé par l’assemblée
Octobre 2009 : Validation du texte par le conseil constitutionnel, à l’exception d’un article,
qui permettait aux ayants droit de demander réparation.
Novembre 2009 : Le parlement européen accepte la coupure Internet mais fixe des règles.
Décembre 2009 : La CNIL refuse la loi Hadopi
Janvier 2010 : Hadopi commence ses travaux
Juin 2010 : La CNIL, ultime rempart contre Hadopi, donne son accord
Juin 2010 : Orange tente de surfer sur la mode Hadopi, et tente de vendre à ses clients un
outil de protection contre le téléchargement illégal. Cet outil n’étant pas reconnu par Hadopi,
il est de ce fait totalement inutile. Orange le retirera des ventes quelques jours plus tard.
Octobre 2010 : Ouverture du site Hadopi.fr
Octobre 2010 : Les premiers mails partent. Free, qui s’était opposé au relaiement des mails
dans un premier temps, rentre dans le rang.
Conclusion
La nécessité d’une loi ne doit pas impliquer le passage en force. En procédant de la sorte, personne
ne trouve son compte, ni le gouvernement qui perd des électeurs, ni les majors et les artistes qui
s’éloignent de leur public, ni les Internautes qui ne comprennent pas d’être accusés de pirate ou de
voleur.
D’autres solutions existaient, il est dommage de ne pas les avoir étudiées plus sérieusement...
Source : http://blog.artenet.fr/2010/10/22/la-loi-hadopi/