Recours collectifs La CSC rend son jugement tant attendu dans le

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Recours collectifs La CSC rend son jugement tant attendu dans le
DÉCEMBRE 2007
Actualités – Recours collectifs
La CSC rend son jugement tant attendu
dans le recours collectif de Danier Leather
ADRIAN C. LANG ([email protected] )
ET ANDREW CUNNINGHAM ([email protected] )
À L’INTÉRIEUR
Certification d’un recours
collectif en matière
d’opérations de change
Cassano v. The Toronto-Dominion
La Cour suprême du Canada, dans un jugement très attendu publié le
12 octobre 2007, a confirmé l’arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario. Bien que
la Cour suprême accepte en grande partie les motifs de la Cour d’appel, elle
restreint l’application de la règle de l’appréciation commerciale, conclut que
les prévisions comportaient une déclaration implicite de caractère
objectivement raisonnable et interprète étroitement les « changements
importants » dans le contexte des valeurs mobilières. Fait surprenant pour
certains, la Cour a également condamné aux dépens les demandeurs, dont
le recours collectif a été rejeté.
No 1 en litiges transfrontaliers
Dans son répertoire Guide to the U.S./Canada
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2007, le magazine Lexpert a inscrit 10 avocats de
Stikeman Elliott à la liste des plaideurs de premier
ordre au Canada en litiges transfrontaliers, notamment
deux dans la catégorie des avocats à surveiller
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des recours collectifs et des valeurs mobilières, notre
cabinet arrive en tête pour ce qui est du nombre
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Pour en savoir plus, visitez la page du champ de
pratique Litige et recours collectifs sur note site
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Sommaire des faits
Danier a déposé son prospectus le 6 mai 1998, le
placement devant prendre fin le 20 mai. Au 6 mai,
l’exactitude du prospectus n’était pas mise en doute.
Toutefois, vers la fin de la période du placement, la
direction a pris connaissance de données démontrant
que le temps exceptionnellement chaud affectait
sérieusement les perspectives pour le trimestre en
cours énoncées dans le prospectus. Ce fait n’a été
divulgué que deux semaines après la clôture du
placement. Une déclaration de changement important
a alors été déposée et le cours des actions a chuté.
Cependant, puisque le temps s’est refroidi et que la
société a tenu avec succès une promotion rabais de
50 %, Danier a, au bout du compte, réalisé dans une
large mesure les prévisions du prospectus.
Tribunaux inférieurs
« Cabinet d’avocats
canadien de l’année »
CHAMBERS GLOBAL 2006
IFRL 2007
Bulletin rédigé par des membres du
groupe des recours collectifs de
Stikeman Elliott.
RÉDACTEUR EN CHEF :
ADRIAN LANG
[email protected]
STIKEMAN ELLIOTT S.E.N.C.R.L., s.r.l. ¦
Le juge de première instance a conclu que les prévisions contenaient
certaines déclarations factuelles implicites, notamment celles selon lesquelles
l’auteur des prévisions croyait raisonnablement en celles-ci et ne connaissait
aucun fait susceptible d’en compromettre l’exactitude. Tout en admettant que
le par. 57(1) de la Loi sur les valeurs mobilières de l’Ontario (la « LVMO »)
exige la divulgation des changements importants ultérieurs au dépôt mais non
des faits importants survenus après le dépôt, le juge de première instance a
conclu que Danier avait enfreint le par. 130(1), disposition générale de la
LVMO qui engage la responsabilité en cas de présentation inexacte des faits
MONTRÉAL TORONTO OTTAWA CALGARY VANCOUVER NEW YORK LONDRES SYDNEY
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« au moment de l’achat ». Bien que les dirigeants de Danier aient pu croire que les prévisions étaient
susceptibles d’être réalisées, et même si celles-ci l’ont en fait été dans une large mesure, le juge de première
instance a conclu que cette croyance n’était pas « objectivement raisonnable » au moment crucial.
La Cour d’appel a infirmé la décision du juge de première instance en 2005, jugeant que les prévisions ne
comportaient aucune affirmation implicite de caractère « objectivement raisonnable », que la disposition
générale du par. 130(1) ne devrait pas être interprétée de façon qu’elle déroge à la disposition précise du
par. 57(1) et que les prévisions avaient, quoi qu’il en soit, été objectivement raisonnables à tous moments
importants – conclusion appuyée par l’application de la règle de l’appréciation commerciale.
Cour suprême du Canada
Interprétation harmonieuse de la LVMO
La Cour suprême a confirmé l’arrêt de la Cour d’appel, mais pour des motifs quelque peu différents. Elle a conclu
que l’application en l’espèce de la disposition générale ayant trait à la responsabilité du par. 130(1) oblitérait la
distinction nette prévue au par. 57(1) entre l’exigence de divulgation des faits importants et l’exigence de
divulgation des changements importants. Dans un même ordre d’idées, la Cour a rejeté l’allégation des appelants
selon laquelle Danier avait enfreint les principes de common law relatifs à la présentation inexacte des faits. La
Cour suprême était clairement d’avis que, dans le cas d’une déclaration faite conformément à une exigence de
divulgation prévue par la loi, c’est en vertu de la loi, et non de la common law, qu’on décide si le manquement à
cette exigence donne ouverture à action.
Les piètres résultats ne constituent pas un « changement important »
Subsidiairement, les appelants ont fait valoir que les résultats intratrimestriels constituaient un changement
important, et non seulement un fait important comme l’avait conclu le juge de première instance. La Cour
suprême a statué pour sa part qu’un changement dans les résultats ne constitue tout simplement pas « un
changement dans [l]es activités commerciales, [l]’exploitation ou [le] capital [d’un émetteur] », comme l’exige la
définition pertinente de la loi. Il peut refléter un tel changement – en cas de restructuration par exemple – mais ne
constitue pas en soi un changement important.
Déclaration implicite de caractère raisonnable au moment du dépôt, mais non après le dépôt
La Cour a également conclu que les prévisions ne comportaient aucune déclaration implicite de caractère
objectivement raisonnable après le dépôt. En revanche, elle partage l’opinion du juge de première instance (et
non celle de la Cour d’appel) selon laquelle une telle déclaration était implicite jusqu’à la date du dépôt – ce qui
n’aide aucunement les appelants dans les circonstances.
L’appréciation commerciale ne peut avoir préséance sur la divulgation
La question de savoir si la règle de l’appréciation commerciale s’appliquait (comme l’a conclu la Cour d’appel)
était sans intérêt pratique dans les circonstances. Toutefois, à l’inverse de la Cour d’appel, la Cour suprême ne
croit pas qu’une déférence judiciaire à l’égard de l’appréciation commerciale soit de mise dans le cas de
différends en matière de divulgation. Comme l’a déclaré le juge Binnie : « bien que les prévisions soient une
question d’appréciation commerciale, la divulgation est une question d’obligation légale » et « les exigences de
divulgation de la Loi ne doivent pas être subordonnées à l’appréciation commerciale ».
La Cour a noté que les bases fondamentales de l’appréciation commerciale – l’« expertise relative » du conseil ou
de la direction et la nécessité de favoriser la prise de risques raisonnables – ne s’appliquent pas aux décisions en
matière de divulgation. On peut s’attendre à ce que ces critères soient à l’avenir invoqués pour ou contre les
arguments d’« appréciation commerciale ».
Dépens
Tout comme la Cour d’appel, le juge Binnie a estimé le représentant des demandeurs redevable des dépens. En
appel, le « représentant des demandeurs » avait fait valoir le contraire, puisque de nouvelles questions étaient
soulevées ou que l’affaire constituait une cause type. Les deux juridictions ont rejeté l’argument, au motif que les
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appelants disposent de moyens financiers importants et que la présente « affaire constitue un litige boursier (Bay
Street) qui a été bien géré et bien financé de part et d’autre ». ¦
Le présent article paraîtra dans le Class Action Defence Quarterly publié par LexisNexis.
Certification d’un recours collectif en matière d’opérations
de change
La Cour d’appel de l’Ontario certifie un recours collectif dans l’affaire Cassano v. The Toronto-Dominion Bank
ADRIAN C. LANG ([email protected] )
Le fait qu’une évaluation totale des dommages-intérêts en vertu du par. 24(1) de la Loi de 1992 sur les recours
collectifs (la « Loi de 1992 ») puisse être acceptée à titre de question commune est maintenant plus fermement
ancré dans la jurisprudence en raison de la récente décision de la Cour d’appel de l’Ontario de certifier un
recours collectif dans l’affaire Cassano v. The Toronto-Dominion Bank.
Présentée pour le compte des titulaires de cartes de crédit à qui la Banque TD a imposé des frais à l’égard
d’opérations de change sur leurs cartes de crédit, la demande allègue que la banque avait omis de divulguer
deux de ces frais – les « frais de conversion » et les « frais d’émetteur » – ce qui constitue un manquement aux
conventions bancaires conclues avec les titulaires de cartes. La banque a fait valoir que les conditions des
conventions bancaires lui donnaient un pouvoir discrétionnaire étendu de fixer les taux de change devant être
appliqués. En première instance, le juge Cullity a rejeté la motion en certification parce que, selon lui, la
procédure proposée ne remplissait pas la condition du « meilleur moyen » (la question commune quant aux
dommages-intérêts n’a pas non plus été certifiée).
Le juge Cullity a conclu que les demandeurs cherchaient à obtenir uniquement des dommages-intérêts
compensatoires (qui visent à rendre aux demandeurs ce qu’ils auraient eu, si ce n’avait été du manquement)
au lieu de dommages-intérêts de restitution (qui prévoient la restitution des profits par la partie en défaut et qui
ne sont accordés que lorsque les dommages-intérêts compensatoires sont inadéquats). Étant donné que
l’établissement des dommages-intérêts compensatoires nécessiterait l’analyse de ce qui se serait produit « si
ce n’avait été du manquement », le juge Cullity a accepté l’allégation du défendeur selon laquelle il serait
nécessaire d’évaluer ce que chaque titulaire de carte aurait fait s’il avait été au courant des frais. Il a conclu
que les titulaires de cartes n’ont été privés que de la valeur du choix à l’égard de l’utilisation de leur carte de
crédit s’ils avaient été informés et préoccupés des frais.
En conséquence, le juge Cullity a statué que la certification ne serait appropriée que si les dommages-intérêts
pouvaient être établis à l’échelle du groupe, ce qui, selon lui, était impossible (à son avis, ils ne pouvaient pas non
plus faire l’objet d’une évaluation totale en vertu du par. 24(1) de la Loi de 1992), puisque, pour déterminer la
perte de chaque membre du groupe, il faudrait prouver comment chacun aurait utilisé sa carte de crédit s’il avait
été au courant des frais qui s’appliquaient aux opérations de change.
La Cour divisionnaire a maintenu la décision du juge Cullity et a refusé de certifier la procédure. Plus
particulièrement, elle a accepté la conclusion du juge Cullity selon laquelle l’évaluation des dommages-intérêts
découlant de la rupture de contrat présumée exigerait l’analyse individuelle de ce que chaque membre du groupe
aurait fait s’il avait été informé des frais.
La Cour d’appel de l’Ontario, dans un arrêt rédigé par le juge en chef Winkler, a renversé les décisions des
tribunaux inférieurs et a certifié le recours collectif. Le juge Winkler s’est déclaré en désaccord avec l’allégation de
la banque selon laquelle les questions communes quant aux dommages-intérêts étaient insuffisantes et, par
extension, selon laquelle un recours collectif ne serait pas le meilleur moyen de les régler. Tout d’abord, il a
estimé problématique que la conclusion du juge Cullity quant à l’évaluation des dommages-intérêts s’appuie sur
la jurisprudence en droit contractuel qui établit que, en cas de pluralité des modes d’exécution, la partie en défaut
a le droit de présumer que l’autre partie aurait choisi le mode d’exécution le plus avantageux pour la partie en
défaut. Dans la présente affaire, la Cour d’appel a conclu qu’il n’y avait en fait qu’un seul mode d’exécution.
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Le juge en chef a ensuite examiné le récent arrêt de la Cour d’appel dans l’affaire Markson v. MBNA Canada Bank
(dont il était question dans notre bulletin Actualités – Recours collectifs d’août 2007), dans lequel la Cour a accepté
que le par. 24(1) de la Loi de 1992 soit utilisé pour l’établissement des dommages-intérêts à titre de question
commune et pour ainsi éviter toute problématique d’évaluation individuelle. Le par. 24(1) énonce certaines
conditions qui doivent être remplies avant qu’un juge puisse « établir la totalité ou une partie de la responsabilité
d’un défendeur envers les membres du groupe et rendre un jugement en conséquence ». L’une de ces conditions
prévoit ce qui suit : « la totalité ou une partie de la responsabilité du défendeur envers certains membres ou tous les
membres du groupe peut raisonnablement être établie sans que des membres du groupe aient à en faire la preuve
individuellement ». Le juge Winkler s’est fié à la proposition découlant de l’affaire Markson v. MBNA Canada Bank
selon laquelle, du moment que cette condition est raisonnablement susceptible d’être remplie, la Cour peut
considérer l’établissement des dommages-intérêts comme question commune. Il a rejeté d’emblée l’argument du
défendeur selon lequel le coût lié à la production des données requises pour prouver les dommages-intérêts serait
prohibitif et a ajouté que la Cour pourrait invoquer l’art. 23 pour permettre l’échantillonnage dans le but d’établir les
dommages-intérêts moyens, au lieu de recourir à une évaluation individuelle.
Le juge Winkler a également conclu que, même si les dommages-intérêts devaient être évalués pour chaque
membre du groupe, le recours collectif constituerait néanmoins le meilleur moyen de régler les questions
communes, puisqu’il assurerait un meilleur accès à la justice et permettrait de faire des économies de ressources
judiciaires. De plus, une décision confirmant la rupture de contrat ferait grandement progresser les demandes des
membres du groupe. Le juge Winkler a en outre noté que la Loi de 1992 est un mécanisme procédural puissant
en litige et que le fait que les dommages-intérêts ne puissent faire l’objet d’une évaluation totale ne devrait pas
empêcher la certification, puisque la Loi de 1992 permet de procéder au besoin à une évaluation individuelle des
dommages-intérêts.
Bien que Cassano se distingue des autres affaires où l’on demande l’évaluation totale des dommages-intérêts en
raison de la nature du contrat en cause et du fait que les frais payés par chaque titulaire de carte pourraient être
facilement établis par la banque, il reste que l’application continue du par. 24(1) de la Loi de 1992 pour obtenir la
certification demeure troublante. Tant que la Cour suprême du Canada ne se sera pas prononcée sur la question,
il semble presque impossible pour les défendeurs d’invoquer l’arrêt de la Cour d’appel dans l’affaire Chadha v.
Bayer Inc. en ce qui concerne l’interprétation du par. 24(1) – arrêt dans lequel la Cour d’appel a restreint
l’application de ce paragraphe à l’étape de la certification. ¦
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avec votre représentant de Stikeman Elliott, l’auteur présenté ci-dessus ou le rédacteur en chef, Adrian C. Lang
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