Recours collectifs La Cour d`appel de l`Ontario renverse la décision

Transcription

Recours collectifs La Cour d`appel de l`Ontario renverse la décision
AOÛT 2007
Actualités – Recours collectifs
À L’INTÉRIEUR
La théorie de la négligence
dans l’application de la loi est
encore malmenée
Une série de requêtes
préliminaires présentées dans le
cadre d’un recours collectif
signalent que les allégations de
négligence dans l’application d’un
règlement constitueront
difficilement un motif d’action.
Forum à venir sur les
recours collectifs
Katherine Kay de notre groupe
des recours collectifs
prononcera une allocution sur
les nouvelles règles en
matière de risque pour les
administrateurs de sociétés
canadiennes dans le cadre de
la conférence intitulée « Class
Action Forum: Pre-Emptive
Business Strategies »
(Conference Board du Canada),
les 2 et 3 octobre 2007 à
Toronto. Kathryn Chalmers,
membre du groupe, siège au
Conseil consultatif de ce forum.
POUR PLUS DE FAITS RÉCENTS
RELATIFS AU GROUPE, VOIR LA PAGE 3
« Cabinet d’avocats
canadien de l’année »
CHAMBERS GLOBAL 2006
Bulletin rédigé par des membres du
groupe des recours collectifs de
Stikeman Elliott.
La Cour d’appel de l’Ontario renverse la
décision des tribunaux inférieurs et autorise
un recours collectif en matière de taux
d’intérêt criminel sur les avances de fonds
Markson v. MBNA Canada Bank, 2007 ONCA 334
PAR : ADRIAN C. LANG ( [email protected]) ET NEIL GUTHRIE ( [email protected] )
La Cour d’appel de l’Ontario a récemment renversé les décisions de deux
tribunaux inférieurs dans le cadre d’une procédure en recours collectif qu’ils
avaient refusé d’autoriser à deux reprises.
Le demandeur, Markson, alléguait que les frais d’opération et le taux d’intérêt
relatifs aux avances de fonds sur les cartes de crédit de MBNA enfreignaient
l’article 347 du Code criminel qui interdit l’imposition d’« intérêt » supérieur à un
taux de 60 % par année. Le Code criminel définit l’« intérêt » très largement
pour comprendre tous les frais payables en contrepartie du capital prêté,
lesquels ne répondent pas à la définition classique d’intérêt. Dans d’autres
décisions, ce concept a également été interprété très largement. Markson
demandait une injonction, des dommages pour rupture de contrat et une
réparation par restitution en raison d’un enrichissement sans cause.
Monsieur le juge Cullity de la Cour supérieure avait refusé d’autoriser le
recours collectif parce que les demandes relatives au contrat et à la restitution
ne soulevaient pas de questions communes et parce qu’un recours collectif
n’était pas la procédure à privilégier. La majorité de la Cour divisionnaire était
d’accord, avec une dissidence exprimée par le juge O’Driscoll (voir
Actualités – Recours collectifs de juin 2007).
En Cour d’appel, le juge Rosenberg a souligné que la question fondamentale
était de savoir si un recours collectif constitue un recours adéquat lorsque tous
les membres du groupe proposé à ce recours sont susceptibles de se voir
prélever de l’intérêt à un taux criminel, mais que ce taux d’intérêt est seulement
prélevé sur une petite partie de ce groupe, et lorsque, dans les faits, certains
membres du groupe, s’ils peuvent continuer à obtenir des avances de fonds sur
les cartes sans restrictions à l’égard du montant des avances ou des modalités
de remboursement, ne se soucient pas d’un tel prélèvement d’intérêt.
En tant que principe général, le juge Rosenberg n’était pas d’accord avec
l’opinion voulant qu’un recours collectif ne devrait pas être autorisé lorsque le
défendeur a causé des dommages à grande échelle, mais que ces dommages
ont des conséquences minimes sur le plan individuel. Dans ce cas, le recours
collectif est idéal, car il peut être la seule voie permettant de réparer le dommage
et d’en tenir son auteur responsable.
RÉDACTEUR : ADRIAN LANG
[email protected]
STIKEMAN ELLIOTT S.E.N.C.R.L., s.r.l. ¦
MONTRÉAL TORONTO OTTAWA CALGARY VANCOUVER NEW YORK LONDRES SYDNEY
www.stikeman.com
Le juge Rosenberg était en accord avec le juge des requêtes sur certains points. La difficulté pour MBNA de
déterminer à quels clients on a prélevé, dans les faits, de l’intérêt à un taux criminel, et les frais associés à cette
détermination, constituent des facteurs pertinents à analyser. Si un grand nombre d’opérations devaient être
examinées individuellement, cela laissait supposer que le recours collectif n’était pas approprié pour traiter les
demandes des clients (cependant, une telle conclusion n’empêche pas l’infraction et, de surcroît, la laisse impunie).
Afin d’établir que l’examen individuel des demandes ne serait pas souhaitable dans le cadre d’un recours collectif
(sans affirmer qu’un tel examen serait impossible), le représentant des demandeurs proposés a reformulé la
demande pour inclure une évaluation des dommages-intérêts totaux qui devraient être partagés par le groupe sur
la base d’une somme moyenne ou d’une quote-part, sans qu’il soit nécessaire de prouver qu’une demande
individuelle a été faite. Le juge Rosenberg a admis que cette approche était pratique, puisque seules les
questions de fait ou de droit se rapportant à l’évaluation des mesures de redressement pécuniaire resteraient à
trancher (comme l’exige l’alinéa 24(1)(b) de la Loi de 1992 sur les recours collectifs). À son avis, toute autre
décision permettrait à de grandes institutions de recevoir d’importants profits illégaux provenant de millions de
petites opérations individuelles à l’abri des poursuites intentées par leurs clients. Le droit au redressement
pécuniaire peut dépendre d’évaluations individuelles, mais la certification peut toujours être accordée s’il est
possible d’établir la responsabilité éventuelle à l’échelle du groupe.
Le juge Rosenberg s’est fondé sur l’arrêt Gilbert v. Canadian Imperial Bank of Commerce, [2004] O.J. No. 4260
(C.S.J.), aux termes duquel un recours collectif a été certifié et un règlement approuvé. Dans cette affaire, il y
avait des allégations de frais cachés et non autorisés à l’égard d’opérations de change sur des comptes de cartes
de crédit. Le groupe était constitué de tous les détenteurs de cartes à une date donnée. Le montant du règlement
a été partagé proportionnellement entre les membres du groupe sous forme de versements qui, de l’aveu du
juge, étaient arbitraires et ne rendaient pas compte des frais réellement imposés, et qui, par ailleurs, ne
permettaient pas d’indemniser uniquement les membres du groupe de personnes dont les réclamations étaient
valables; toutefois, l’esprit et l’intention de la Loi de 1992 sur les recours collectifs étaient respectés.
Le juge Rosenberg s’est également penché sur l’argument du défendeur voulant que le caractère volontaire du
paiement d’intérêt à un taux criminel donne ouverture à une exonération de la responsabilité criminelle, la Cour
suprême du Canada ayant conclu, dans deux jugements, que lorsqu’un tel paiement découle d’un acte volontaire du
débiteur (par exemple, un remboursement hypothécaire anticipé), il ne pouvait y avoir de violation1. Le juge Rosenberg
a accepté que la décision d’obtenir une avance de fonds, le moment auquel on la rembourse et la décision d’effectuer
d’autres achats à crédit pourrait être considérée comme un acte volontaire de la part des clients, et que la défense
d’acte volontaire pouvait par conséquent être considérée comme une question commune dans le cadre de ce recours.
En ce qui concerne la procédure à privilégier, le juge Rosenberg a conclu que le fait de refuser d’autoriser ce
recours collectif pouvait priver les clients de MBNA de la possibilité d’obtenir une partie des profits de la banque
qu’ils ne pourraient pas obtenir si le demandeur était forcé d’intenter un recours individuel. L’analyse du meilleur
moyen consiste à examiner les trois avantages des recours collectifs (promouvoir l’économie de ressources
judiciaires, donner accès à la justice et modifier les comportements) à la lumière des questions communes prises
dans leur contexte, des autres recours disponibles et du fait de savoir si un recours collectif est une méthode juste,
efficace et pratique pour faire progresser l’instance, et non, comme le juge des requêtes semble l’avoir fait, à
analyser chacun de ces principes séparément. Dans la présente affaire, la Cour d’appel a conclu que l’analyse du
meilleur moyen dans son ensemble pesait fortement en faveur de la certification.
Malheureusement, la décision ne tranche pas la question de savoir ce qui constitue des frais inadéquats pouvant
être qualifiés de taux d’intérêt criminel. ¦
1
Degelder Construction Co. c. Dancorp Developments Ltd., [1998] 3 R.C.S. 90; Nelson c. C.T.C. Mortgage Corp., [1986] 1 R.C.S. 749.
STIKEMAN ELLIOTT S.E.N.C.R.L., s.r.l.:
2
Faits récents relatifs au groupe
Forum à venir sur les recours collectifs : Katherine Kay de notre groupe des recours collectifs prononcera une
allocution intitulée « The New Rules of Risk for Canadian Corporate Directors » dans le cadre de la conférence intitulée
« Class Action Forum: Pre-Emptive Business Strategies » (Conference Board du Canada), les 2 et 3 octobre 2007 à
Toronto. Kathryn Chalmers, membre du groupe, siège au Conseil consultatif de ce forum.
Alan D'Silva sera le coprésident et Patrick O'Kelly prononcera une allocution dans le cadre de la conférence intitulée
« Protecting Directors & Officers from Liability » de l’Institut Canadien, les 15 et 16 octobre 2007 à Toronto.
Un article corédigé par Alan D’Silva et Patrick O’Kelly, aidés par Ellen Snow, a été publié dans le magazine LAWPRO.
L’article, intitulé « Double Trouble: Assessing the Risks and Limiting the Liability of Lawyers Acting as Directors », se
penche sur les conséquences, pour les avocats et leurs cabinets de l’acceptation des postes d’administrateurs de leurs
clients qui sont des sociétés.
Rendez vous sur la page du groupe des recours collectifs, à l’adresse www.stikeman.com pour avoir accès à de plus
amples renseignements sur les conférences et les articles.
La théorie de la négligence dans l’application de la loi est
encore malmenée par une décision récente
PAR : PATRICK J. O’KELLY ([email protected] )
Dans une série de requêtes préliminaires présentées dernièrement dans le cadre d’un recours collectif, la Cour
supérieure de justice de l’Ontario a confirmé qu’il est difficile d’alléguer la négligence dans l’application de la loi
en tant que cause d’action. La Cour a également confirmé que le demandeur doit avoir un lien direct avec le
fabricant défendeur pour qu’un recours contre ce dernier soit autorisé.
Kevan Drady a présenté un recours collectif éventuel en Ontario contre Santé Canada. Drady alléguait que Santé
Canada avait été négligente dans l’application de la loi et que, par conséquent, il avait subi des dommages
découlant de l’implantation d’un bloc ou d’une feuille de silicone dans sa mâchoire. L’implant, que Drady avait
reçu en 1981, a été retiré en 1999. Comme il ne pouvait pas identifier le fabricant de l’implant, Drady alléguait la
responsabilité de la Couronne en raison des fautes commises par ses préposés.
Santé Canada a présenté une défense contre ce recours et a mis en cause six fabricants possibles du bloc de
silicone pouvant avoir été fourni à Drady en 1981 afin d’obtenir une contribution et une indemnisation dans le
cadre du recours de Drady.
Avant d’entendre une requête en certification, la Cour a accepté d’entendre les quatre requêtes préliminaires.
Dans le cadre de la première requête, Santé Canada a réussi à faire radier la déclaration parce qu’elle n’avait
aucune obligation légale lui imposant un devoir de diligence de droit privé envers Drady. Le juge Cullity a conclu
que les dispositions de la Loi sur les aliments et drogues, S.R. 1952-53, c. 38 et le Règlement sur les instruments
médicaux du 2 septembre 1976, adopté aux termes de cette loi, ne visent pas à protéger les intérêts privés de
certaines personnes, mais plutôt que les obligations imposées (implicitement) dans la Loi sur les aliments et
drogues visent à réglementer l’intérêt public2. Par cette conclusion, le juge Cullity a accepté le raisonnement du
juge Winkler dans l’arrêt Attis v. Her Majesty the Queen in the Right of Canada [2007], dans lequel il a refusé
d’autoriser un recours en négligence dans l’application de la loi en matière d’implants mammaires, notamment
parce qu’il n’existait aucun devoir de diligence de droit privé envers Attis.
Le demandeur a tenté de faire valoir qu’un devoir de diligence de droit privé pouvait découler de la façon dont
Santé Canada s’est acquittée de son devoir envers le public dans un cas en particulier. Toutefois, Drady ne
pouvait identifier le produit précis qui lui avait été implanté. Le juge Cullity a conclu qu’un lien causal entre le
demandeur, le produit et son vendeur est essentiel pour créer un lien de proximité entre le demandeur et la
Couronne3. Drady a fait valoir qu’il était incapable d’identifier l’implant en raison de l’omission de la Couronne
STIKEMAN ELLIOTT S.E.N.C.R.L., s.r.l.:
3
d’exiger que tous les implants soient dûment étiquetés. Le juge Cullity a rejeté cet argument en concluant qu’au
plus, cette omission aura entraîné la violation d’un devoir envers le public. À son avis, la violation d’un devoir
envers le public ne peut constituer l’exigence essentielle servant à établir un lien de proximité4. Par conséquent,
le juge Cullity a conclu qu’il n’existait aucune cause raisonnable d’action en négligence, aucune violation du
devoir fiduciaire en violation de l’article 7 de la Charte et il a rejeté la demande dans son intégralité.
Dans le cadre d’une deuxième série de requêtes, Santé Canada et les fabricants mis en cause ont fait valoir avec
succès que le défaut de Drady d’identifier le fabricant de son bloc ou de sa feuille de silicone vouait son recours à
l’échec. Le juge Cullity a convenu que cette affaire n’était pas différente de l’affaire Attis v. Canada (2003), 29 C.P.C.
(5th) 242 dans laquelle le juge Winkler a conclu que les allégations de négligence dans l’application d’un règlement
devaient viser un produit et un fabricant précis. Attis était un recours collectif éventuel à l’égard d’implants mammaires
dans le cadre duquel les représentants des demandeurs avaient identifié Dow Corning comme fabricant de leurs
implants. Par conséquent, dans l’affaire Attis, Santé Canada n’avait pu mettre en cause aucun autre fabricant à
l’exception de Dow. Dans l’affaire Drady, le juge Cullity a expréssement suivi l’arrêt Attis et a conclu qu’il ne peut exister
aucun droit d’action valable contre Santé Canada pour négligence découlant de l’omission de réglementer à l’égard
d’un produit lorsque le demandeur n’établit pas de lien factuel avec un produit précis. L’application éventuelle de la
théorie des parts de marché (qui suppose que, si un demandeur ne peut identifier le fabricant précis d’un produit, tous
les fabricants potentiels d’un produit identique pourraient être tenus responsables en fonction de leur part de marché) a
été soulevée au cours des plaidoiries, mais le juge Cullity ne l’a pas appliquée et il ne l’a pas mentionnée dans ses
motifs. Par conséquent, le juge Cullity a également rejeté la demande dans son intégralité sur ce motif distinct.
Une troisième requête a été présentée pour rejeter les demandes de mises en cause en raison du fait que Drady
s’était contenté de poursuivre Santé Canada sur le fondement de la responsabilité individuelle de celle-ci et que,
par conséquent, les demandes de contribution et d’indemnisation de Santé Canada contre les fabricants mis en
cause n’étaient pas fondées. Le juge Cullity a accepté la prétention selon laquelle, si la demande avait été
rédigée afin d’être clairement circonscrite, alors la requête aurait été défendable. Toutefois, il a finalement conclu
que la déclaration modifiée de Drady ne limitait pas suffisamment clairement sa demande contre Santé Canada à
la responsabilité individuelle de celle-ci.
En ce qui concerne la quatrième requête, le juge a indiqué, en obiter, qu’il aurait accueilli la requête du
demandeur de suspension des demandes de mises en cause jusqu’à la certification si les autres requêtes
n’avaient pas éliminé sa portée pratique. À cet égard, il n’aurait pas ordonné une suspension permanente ou
exigé qu’un recours en contribution soit entendu séparément comme le voulait le demandeur.
L’affaire Drady confirme par conséquent le principe de l’affaire Attis v. Canada selon lequel les organismes de
réglementation ne sont pas soumis à un devoir de diligence de droit privé envers les citoyens. De plus, l’affaire
Drady rappelle que de telles demandes doivent être présentées par un représentant de demandeurs qui ont reçu
un produit donné identifiable. Enfin, l’affaire Drady soutient qu’un demandeur peut, dans une demande
correctement rédigée, circonscrire sa demande afin que soit uniquement engagée la responsabilité individuelle
d’un défendeur et d’éviter que la procédure ne soit retardée en raison de demandes de mises en cause pour
contribution et indemnisation. ¦
2
3
4
Voir paragraphe 20
Voir paragraphe 24
Voir paragraphe 25
Pour plus d’information au sujet d’un article dans le présent bulletin, veuillez communiquer avec votre
représentant de Stikeman Elliott, l’auteur présenté ci-dessus ou le rédacteur, Adrian C. Lang
([email protected]). Vous pouvez aussi communiquer avec tout autre avocat en recours collectifs dont les
coordonnées figurent au www.stikeman.com
Pour vous abonner au présent bulletin ou vous désabonner de celui-ci, veuillez communiquer avec nous à [email protected].
Cette publication ne vise qu’à fournir des renseignements généraux et ne doit pas être considérée comme un avis juridique.
© Stikeman Elliott S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Documents pareils

Recours collectifs La CSC rend son jugement tant attendu dans le

Recours collectifs La CSC rend son jugement tant attendu dans le Le fait qu’une évaluation totale des dommages-intérêts en vertu du par. 24(1) de la Loi de 1992 sur les recours collectifs (la « Loi de 1992 ») puisse être acceptée à titre de question commune est ...

Plus en détail