Wal-Mart

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Wal-Mart
WAL-MART
Texte de Léo-Paul Lauzon, professeur au département des sciences comptables et titulaire de la
Chaire d’études socio-économiques de l’Université du Québec à Montréal
OCTOBRE 2009
Selon la compilation 2008 de la revue américaine Fortune, Wal-Mart, avec des revenus totaux de
379 milliards$ US en 2007, était la plus grande compagnie au monde, toutes industries
confondues. En termes de revenus globaux, Wal-Mart est trois fois plus gros que le Canada et
huit fois plus gros que le Québec. Ces multinationales sont plus grosses que la majorité des pays
du monde et ont plus de pouvoir que les gouvernements. Ayant une telle puissance, elles mettent
en concurrence tous les travailleurs, tous les sous-traitants et tous les pays du monde pour le plus
petit commun dénominateur. Avec le type de mondialisation qu’elles ont imposée, elles ont fait
abolir les frontières et les tarifs douaniers des pays, ce qui les rend plus mobiles et plus portées
sur le chantage des déplacements et des fermetures d’usines; elles ont affaibli les lois du travail
afin qu’elles aient plus de «souplesse» et plus de «flexibilité»; elles ont réduit les salaires de
leurs «associés» afin de les exploiter encore plus; elles ont exigé des États des baisses radicales
d’impôts, des grosses subventions, des privatisations, pas de contraintes environnementales et
législatives et, enfin, elles ont mis en place leurs paradis fiscaux pour elles-mêmes et leurs
propriétaires. Voilà le merveilleux monde mondialisé auquel nous sommes conviés. Vraiment
fraternel et emballant pour les générations futures!
Au nom de quel a priori la famille Walton de l’Arkansas aux États-Unis, propriétaire majoritaire
de Wal-Mart, peut détenir et gérer une entreprise de cette envergure alors que pour nous
collectivement, les lucides et les affairistes nous disent que l’on ne peut pas, par le biais de nos
sociétés d’État qui appartiennent et qui profitent à tous? Pour exploiter nos ressources naturelles,
nos services publics et nos grandes entreprises, il va donc falloir, selon leurs dogmes éculés, s’en
remettre uniquement à des individus ou à des familles privées avec leurs valeurs et leurs
principes très particuliers. Il faut dire non à ça. Soyons maîtres de notre destinée et soyons
présents collectivement où l’on veut et quand on le veut, malgré la colère des profiteurs. Ces
gens-là ne sont pas là pour servir mais pour se servir. Saviez-vous, par exemple, qu’en France,
l’État est le principal actionnaire de Renault, de France Télécom, d’Airbus, de Gaz de FranceSuez, d’Électricité de France (EDF), de Transdev, de la Société nationale des chemins de fer
(SNCF), d’Air France, et de beaucoup d’autres grandes entreprises? Le gouvernement français a
bloqué la vente à l’étranger d’entreprises comme la pharmaceutique Aventis, qu’il a obligé à
fusionner avec la française Sanofi, de Danone, de banques, etc.
Pour vous montrer la véritable nature détestable de Wal-Mart, rien de mieux que de prendre le
titre de quelques articles récents. Par exemple, dans le Journal de Montréal du 2 août 2008, il y a
le titre révélateur de cet article : «Wal-Mart : cadres mis en garde. Une victoire d’Obama
favoriserait les syndicats». On croirait entendre les pontifes de l’ADQ. Une haine profonde des
sydnicats afin de transformer les travailleurs en esclaves. En passant, Wal-Mart a réalisé un
profit net de 13 milliards$ US en 2007. Puis, dans le Journal de Montréal du 2 juillet 2008 titré :
«Heures supplémentaires non payées : Wal-Mart condamnée». Un juge du Minnesota a reconnu
coupable Wal-Mart d’avoir enfreint plus de deux millions de fois (sic) le code du travail en
abrégeant la durée des pauses de ses employés et en ne payant pas les heures supplémentaires.
Dans La Presse du 6 septembre 2008, «Wal-Mart au Mexique : des pratiques d’un autre siècle»,
la Cour suprême de ce pays a estimé que Wal-Mart imposait à ses employés des pratiques
«similaires» à celles en vigueur au 19e siècle.
Au Québec, c’est aussi pire avec, en prime, le consentement enthousiasme de nos élus. En 2005,
six mois après la syndicalisation de ses 190 «associés», Wal-Mart a fermé cavalièrement son
magasin de Jonquière à cause des demandes «excessives», aux dires mêmes des dirigeants, soit
des employés qui voulaient obtenir un salaire d’environ 10$ l’heure. Oh, que l’ancien premier
ministre «social-démocrate» du Québec, le péquiste Bernard Landry, fut vraiment fâché, comme
le rapporte le titre de cet article du Journal de Montréal du 11 février 2005 : «Plus question de
mettre les pieds chez Wal-Mart, dit Bernard Landry». Clisse, il aurait pu en profiter pour
condamner sans équivoque cette transnationale et affirmer qu’il faudrait absolument renforcer les
lois de travail au Québec comme dans le cas des fermetures sauvages d’entreprises et d’usines!
Ben non, le monsieur, qui pète tout le temps plus haut que le trou, a juste affirmé : «Je n’irai plus
chez Wal-Mart pour un certain temps». À remarquer qu’il a dit pour «un certain temps»
seulement. Me semble de le voir faire son magasinage chez Wal-Mart, avec sa conjointe Chantal
Renaud et leur petit couple d’amis formé de Pauline Marois et de Claude Blanchet. Tout à fait
grotesque. Le monsieur a manqué une autre fois une belle occasion de se taire. Mais, c’est plus
fort que lui, une ânerie n’attend pas l’autre comme le sublime ex-ministre des Finances du PLQ
et ex-président de la Chambre de commerce de Québec, Michel Audet, qui avait dit que «le Code
du travail ne peut empêcher une entreprise de fermer un établissement». Salament, on pourrait
faire comme en Europe et améliorer le Code du travail afin d’interdire ce genre de fermeture
sauvage. Ben pire, l’ex ministre libéral du travail, Laurent Lessard, avait été jusqu’à encenser
Wal-Mart, tel que rapporté dans Le Devoir du 3 mars 2005, en faisant allusion aux
investissements de la compagnie et de la création d’emplois. Des emplois sous-payés dignes des
«working poors», mais l’important pour ce cabanon intellectuel est la création d’emplois à tout
prix, peu importe les conditions de travail.
C’est drôle, mais même aux États-Unis, pays de la libre entreprise et pays d’origine de la
transnationale, il est signalé dans un article de La Presse du 29 mars 2007 intitulé : «Wal-Mart
jette l’éponge à New-York», que Wal-Mart a été bloquée dans plusieurs des grandes villes
américaines, dont New-York, à cause, selon les dirigeants de Wal-Mart, de «contraintes et
mesures coûteuses et compliquées». C’est beaucoup plus facile au Québec, où les entreprises
peuvent faire n’importe quoi, n’importe quand et être subventionnées en plus de ça. L’ex
ministre libéral Laurent Lessard, grand admirateur devant l’Éternel de Wal-Mart, s’est vanté
d’avoir fait le caniche afin que Wal-Mart ouvre un magasin dans sa circonscription à Thetford
Mines. On a les politiciens que l’on mérite!
Puis, le Journal de Montréal du 17 octobre 2008 titrait : «Après Jonquière, Gatineau! Wal-Mart
ferme son atelier de mécanique (nouvellement) syndiqué de Gatineau», où les employés,
déraisonnables comme toujours, auraient vu leurs salaires horaires passés de 8,75$ à 11,36$
l’heure. Coudonc, y veulent-tu mettre l’entreprise en faillite? «Deux mois après l’imposition (par
la justice) d’une convention collective : Wal-Mart ferme un garage syndiqué» qu’avait aussi titré
La Presse du 17 octobre 2008. Encore une fois, l’État n’y peut supposément rien. Nos politiciens
sont complices de notre exploitation. Continuez à voter pour les libéraux, les péquistes, les
adéquistes et les conservateurs. Une lueur pointe toutefois à l’horizon : la venue de Québec
Solidaire au parlement du Québec et l’élection d’Amir Khadir dans le comté de Mercier à
Montréal.