LE CHANT DES PARTISANS La conquête des libertés

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LE CHANT DES PARTISANS La conquête des libertés
LE CHANT DES PARTISANS
La conquête des libertés
PRESENTATION DE L’ŒUVRE
«Elle fit de son talent une arme pour la France » : cette phrase de Charles De Gaulle à propos d’Anna Marly
résume l’œuvre de celle que l’on surnomma « le troubadour de la Résistance ». Depuis Londres, cette artiste
d’origine russe composa la musique de l’hymne officieux de la France libre. Le 30 mai 1943, depuis un hôtel de
la banlieue londonienne, Joseph Kessel et son neveu Maurice Druon vinrent poser leurs textes sur la mélodie : le
Chant des Partisans fut interprété le soir même dans la capitale britannique.
Cette «Marseillaise de la Résistance» a été commandée par le réseau Libération et son chef Emmanuel d’Astier de
la Vigerie au motif que l’on «ne gagne la guerre qu’avec des chansons». Diffusé clandestinement en France, le
texte est médiatisé par les émissions de la BBC faites sous l’indicatif « Honneur et Patrie ». Parachuté par les
aviateurs britanniques et transmis par la bouche à oreille, cette ode à la liberté sera chantée par les résistants
dans les prisons ou au moment de leur exécution. Le manuscrit original de cet hymne emblématique de la
Résistance et de la Libération (trois feuillets d’un cahier d’écolier où le chant est rédigé à l’encre bleue) est depuis
2006 classé comme monument historique, une œuvre marquante de notre patrimoine immatériel.
CONTEXTE HISTORIQUE GENERAL
A Londres, où se retrouvent de nombreux responsables de la Résistance, tels que Fernand GRENIER, Emmanuel
d'ASTIER de la VIGERIE, on cherche un indicatif musical pour l'émission "Honneur et Patrie" , diffusée par la BBC...
Or, Anna MARLY a mis à son tour de chant une complainte qu'elle interprète en langue russe au Petit Club Français :
il y est question d'un "corbeau". Ce chant se termine par ces mots : "Nous repousserons les forces du mal ; que le
vent de la liberté ensable nos tombes". Cet air existait déjà au moment des périodes de soulèvements bolcheviques
en Russie.
Le 30 mai 1943, dans un hôtel de la banlieue de Londres : Germaine SABLON a mis en forme la partition sur un
cahier d'écolier ; Joseph KESSEL tend un texte à Anna MARLY : "Il ne reste de l'original que l'idée, la coupe et les
corbeaux. Mais le texte est beau, il s'emboîte dans ma musique". "Les Partisans : chant de la Libération" est né.
Il est enregistré le lendemain même au studio d'Ealing. Jusqu'au 2 mai 1944, ses premières notes seules ouvrent
l'émission de la BBC. D'ASTIER rentre en France avec les paroles, qui paraissent dans les Cahiers Clandestins édités
par Louis MARTIN-CHAUFFIER ; le texte, repris par des feuilles clandestines, parachuté par les aviateurs
britanniques, transmis de bouche à oreille, devient "Le Chant des Partisans", hymne de la résistance. Il est vrai que
ces corbeaux incarnent, pour chaque résistant, les uniformes allemands qui les pourchassent ...
Le Chant des partisans connaît un immense succès, se répandant immédiatement tant en France qu'ailleurs dans les
milieux de la Résistance et des Forces françaises de l'intérieur. On choisit alors de siffler ce chant, car la mélodie
sifflée reste audible malgré le brouillage de la BBC effectué par les Allemands.
DESCRIPTION ET ANALYSE ARTISTIQUE DE L’ŒUVRE
Les paroles originelles, dues à Anna Marly sont à peu près les suivantes :
De forêt en forêt / La route longe / Le précipice
Et loin tout là-haut / Quelque part vogue la lune / Qui se hâte
Nous irons là-bas / Où ne pénètre ni le corbeau / Ni la bête sauvage
Personne, aucune force / Ne nous soumettra / Ne nous chassera
Vengeurs du peuple / Nous mettrons en pièces / La force mauvaise
Dût le vent de la liberté / Recouvrir / Aussi notre tombe...
Nous irons là-bas / Et nous détruirons / Les réseaux ennemis
Qu'ils le sachent, nos enfants / Combien d'entre nous sont tombés / Pour la liberté !
Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?
Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu'on enchaîne ?
Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c'est l'alarme.
Ce soir l'ennemi connaîtra le prix du sang et les larmes.
Montez de la mine, descendez des collines, camarades !
Sortez de la paille les fusils, la mitraille, les grenades.
Ohé, les tueurs à la balle et au couteau, tuez vite !
Ohé, saboteur, attention à ton fardeau : dynamite...
C'est nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères.
La haine à nos trousses et la faim qui nous pousse, la misère.
Il y a des pays où les gens au creux des lits font des rêves.
Ici, nous, vois-tu, nous on marche et nous on tue, nous on crève...
Ici chacun sait ce qu'il veut, ce qu'il fait quand il passe.
Ami, si tu tombes un ami sort de l'ombre à ta place.
Demain du sang noir sèchera au grand soleil sur les routes.
Chantez, compagnons, dans la nuit la Liberté nous écoute...
Ami, entends-tu ces cris sourds du pays qu'on enchaîne ?
Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?
Oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh...
INTERPRETATION DE L’ŒUVRE
Le succès du Chant des partisans se prolonge dans de nombreuses interprétations postérieures à la guerre, dont
celle d'Yves Montand est une des plus célèbres, mais aussi Jacques Brel ou Jean Ferrat. Il sera relancé par André
Malraux, ministre de la culture, lors de la cérémonie d’entrée des cendres de Jean Moulin au Panthéon de Paris le
19 décembre 1964.
En 1997, pour le compte de l’association Tactikollectif, le groupe Zebda adapte la chanson dans l’album
« Motivés ». L’idée du disque était de remettre au goût du jour des chants de lutte. C’est un succès populaire
avec 200 000 exemplaires vendus. Ce disque est militant puisqu’il est produit en collaboration avec la Ligue
Communiste Révolutionnaire, un parti d’extrême-gauche dont le nom est depuis 2009 le Nouveau Parti
Anticapitaliste. Le chant des partisans transcende les époques et les sensibilités politiques. Ode à la liberté et à
l’insoumission, il peut devenir un chant de lutte politique et de contestation sociale. Un morceau de notre
patrimoine national qu’il convient de connaître et d’étudier.

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