5. Approches de l`intégrale stochastique Le but du présent

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5. Approches de l`intégrale stochastique Le but du présent
Approches de l’intégrale stochastique
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5. Approches de l’intégrale stochastique
Le but du présent chapitre est de présenter brièvement la construction de l’intégrale stochastique par
rapport à une martingale comme application des techniques principales étudiées auparavant.
5.1. Martingales en temps continu. (Ω, (Fs )s ≥ 0, F, P ) désigne un espace filtré.
Définition 5.1. Un processus (Ms )s≥0 est dit une martingale si
(i) ∀t, Mt est Ft -intégrable
(ii) ∀t, Mt est intégrable
(iii) ∀s < t, E(Mt /Fs ) = Ms
Bien sûr, on définit les sur et les sous-martingales de même.
Définition 5.2. : On dit qu’une variable aléatoire τ à valeurs [0, +∞] est un temps d’arrêt si et
seulement si ∀s ≥ 0, (τ ≤ s) ∈ Fs .
On a alors
Proposition 5.3. (Mt∧τ )t≥0 est une martingale.
La technique standard pour obtenir des résultats similaires à ceux des martingales à temps discret pour
les martingales à temps continu est la suivante: pour tout n fixé, on considère la suite des dyadiques
( 2kn )k≥0 , alors Mkn = M kn définit une martingale pour chaque n fixé et de plus, par la continuité, la
2
suite de processus constants par paliers [ 2kn , k+1
2n [ converge vers Mt . On arrive ainsi à prolonger les
principaux résultats valables en temps discret. En particulier,
Théorème 5.4. Soit (Mt )t≥0 une martingale L2 c’est à dire telle que sup E(Mt2 ) < ∞. Alors
t≥0
(i) Mt → M∞ , p.s. et dans L2
(ii) Mt = E(M∞ /Ft )
2
(iii) E(sup Mt2 ) ≤ 4E(M∞
)
t≥0
On a aussi le résultat suivant, extension de la décomposition de Doob-Meyer en temps discret.
Théorème 5.5. Soit (Mt )t≥0 une sous-martingale continue. Il existe une unique décomposition Mt =
At + M̃t où (M̃t )t≥0 est une martingale continue et (At )t≥0 un processus croissant tel que A0 = 0.
5.2. Le problème de l’intégration stochastique.
Proposition 5.6. Soit (Mt )t≥0 une martingale continue telle que M0 = 0. Si M est à variations
localement bornées, alors M est nulle.
Preuve: Soit TN = inf{t > 0, Var[0,t] (M ) > N }. Alors (Mt∧TN )t≥0 est une martingale à variations
bornées et on a | Mt∧TN |≤ N et Var[0,∞] (M.∧TN ) ≤ N .
Si on montre que Mt∧TN = 0, comme p.s. TN → +∞, on aura Mt = 0 par passage à la limite. On est
donc ramené à | Mt |≤ K et | Var[0,∞] (M ) |≤ K.
Soit ε > 0. Considérons la suite de temps d’arrêt S0 = 0 et
Si+1 = inf{t > Si , | Mt − MSi |> ε}.
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Notons que (Si ) est croissante: si on avait Si (ω) → s, on aurait pour i assez grand | Ms (ω) −
MSi (ω) (ω) |< 4ε et | Ms (ω) − MSi+1 (ω) (ω) |< 4ε donc | MSi+1 (ω) (ω) − MSi (ω) (ω) |< 2ε ce qui contredit la
définition de Si+1 ; donc nécessairement Si croit p.s. vers +∞.
(Mt )t≥0 martingale bornée, converge dans L2 vers M∞ , et on a
∞
∞
!
!
2
2
E(M∞ ) = E(( (MSi+1 − MSi )) ) = E( (MSi+1 − MSi )2 )
i=0
∞
!
≤ εE(
i=0
i=0
| MSi+1 − MSi |) ≤ εVar[0,∞] (M ) ≤ K.ε.
2 ) = 0 et donc M = E(M /F ) = 0, ∀t.
De ce fait, E(M∞
t
∞
t
Par conséquent, si l’on veut définir d’une façon ou d’une autre
utilisant une intégration de type Stieltjes.
"t
0
Hs dMs , on ne peut le faire en
5.3. Crochet d’une martingale bornée. Une application de la décomposition de Doob-Meyer
donne
Proposition 5.7. Si (Mt )t≥0 est une martingale continue bornée, il existe un unique processus croissant (< M >t )t≥0 tel que < M >0 = 0 et (Mt2 − < M >t )t≥0 est une martingale.
Par polarisation, on peut définir le crochet de deux martingales continues bornées.
Définition 5.8. Soient X et Y deux martingales locales continues, on pose
1
< X, Y >t = (< X + Y >t − < X − Y >t ).
4
Exercice 5.9. Montrer que < X, Y > est l’unique processus continu à variations bornées nul en 0 et
tel que (Xt Yt − < X, Y >t )t≥0 est une martingale.
5.4. Intégrale d’un processus étagé simple.
Définition 5.10. On dit que H(s, ω) est un processus étagé simple si
H(s, ω) = 1]a,b] (s)C(ω)
avec C ∈ Fa et sups,ω | H(s, ω) |< ∞.
Pour M martingale bornée continue, on pose alors
# t
Hs dMs = (H.M )t = C(ω)(Mt∧b − Mt∧a ).
0
Proposition 5.11. Pour tout processus étagé simple, (H.M )t est une martingale
Preuve: On a

0≤t≤a
 0,
C(Mt − Ma ), a ≤ t ≤ b
(H.M )t =

C(Mb − Ma ), b ≤ t < ∞
De ce fait, (H.M )t est clairement intégrable et Ft -mesurable. De plus, si a ≤ s < t ≤ b,
E((H.M )t /Fs ) = E(C(Mt − Ma )/Fs ) = C(Ms − Ma ) = (H.M )s .
On vérifie également
Proposition 5.12. Si M et N sont deux martingales continues bornées et H et K deux processus
étagés simples,
# t
< H.M, K.N >t =
Hs Ks d < M, N >s .
0
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Preuve: Soient H = 1]a,b] .C et K = 1]c,d] .D. Comme la relation qu’on veut montrer est linéaire en H
et en K, on se ramène facilement à b ≤ c ou a = c, b = d.
"
1er cas: b ≤ c Alors Hs Ks d < M, N >s = 0 et il faut montrer que (H.M )t (K.N )t est une martingale.
On a

0≤t≤c
 0,
C(Mb − Ma )D(Nt − Nc ), c ≤ t ≤ d
(H.M )t (K.N )t =

C(Mb − Ma )D(Nd − Nc ), d ≤ t < ∞
= (J.N )t avec J = CD(Mb − Ma )1]c,d] (processus étagé simple) qui est donc une martingale.
2ème cas: a = c, b = d. Soient a ≤ t < u ≤ b
E((H.M )u (K.N )u −
#
u
Hs Ks d < M, N >s /Ft )
0
= CDE((Mu − Ma )(Nu − Na )− < M, N >u + < M, N >a /Ft )
= CDE(Mu Nu − < M, N >u −Ma Nu − Na Mu + Ma Na − < M, N >a /Ft )
= CD[Mt Nt − < M, N >t −Ma Nt − Na Mt + Ma Na − < M, N >a ]
# t
= (H.M )t (K.N )t −
Hs Ks d < M, N >s .
0
Corollaire 5.13. Si M et N sont deux martingales bornées et H et K sont des processus étagés
simples,
# t
E((H.M )t (K.N )t ) = E( Hs Ks d < M, N >s ).
0
Par linéarité, on étend évidemment ces résultats à des processus étagés de la forme Hs =
avec (Hsi ) simple étagé. On note Π1 leur ensemble.
En particulier, si H est étagé, on a
E((H.M )2t )
'n
i
i=1 Hs
# t
= E( Hs2 d < M >s ).
0
Nous allons maintenant chercher à étendre la définition de l’intégrale stochastique à une classe plus
large de processus.
5.5. Extension de l’intégrale stochastique. (Mt )t≥0 désigne ici une martingale bornée fixée.
Définition 5.14. On dit qu’un processus H : Ω × R+ → R est prévisible s’il est mesurable par rapport
à la tribu P engendrée par les ensembles de la forme ]s, t] × A avec A ∈ Fs .
# ∞
Soit Π2 (M ) l’ensemble des processus prévisibles H tels que )H)M = E(
Hs2 d < M >s )1/2 < ∞.
0
On a
Proposition 5.15. Si H ∈ Π2 (M ), il existe une suite H n ∈ Π1 telle que )H n − H)M → 0.
Preuve: Si on définit sur (Ω × R+ , P) la mesure
Q(A×]s, t]) = E(1A .(< M >t − < M >s )),
on constate aisément que Π2 (M ) = L2 (Q).
Le résultat est alors l’approximation classique d’une fonction intégrable par une suite de processus
étagés bornés.
Soit M2 l’ensemble des martingales X telles que
)X)2 = sup E(Xt2 )1/2 < ∞.
t≥0
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Proposition 5.16. (M2 , ).)2 ) est complet
n /F ) avec X n ∈ L2
Preuve: Soit (X n )n≥0 une suite de Cauchy dans M2 . On sait que ∀n, Xtn = E(X∞
t
∞
n dans L2 .
et Xtn → X∞
Soit ε > 0. Il existe N tel que si n ≥ N et p ≥ N , sup E((Xtn − Xtp )2 ) < ε alors, passant à la limite
n − X p )2 ) < ε.
t → +∞, E((X∞
∞
n
De ce fait, (X∞ )n≥0 est une suite
On a
t≥0
de Cauchy dans L2 qui converge vers X∞ . Posons Xt = E(X∞ /Ft ).
n
E((Xtn − Xt )2 ) = E(E(X∞
− X∞ /Ft )2 )
n
n
≤ E(E((X∞
− X∞ )2 /Ft )) = E((X∞
− X∞ )2 )
d’où sup E((Xtn − Xt )2 )1/2 → 0.
t≥0
On peut alors énoncer
Théorème 5.17. Soit M une martingale continue et bornée. Soit H ∈ Π2 (M ). Pour toute suite
(H n )n≥0 dans Π1 telle que )H n − H)M → 0, la suite (H n .M )n≥0 est de Cauchy dans M2 . Sa limite
ne dépend que de H et est notée H.M ou encore
# t
(H.M )t =
Hs dMs .
0
C’est l’intégrale stochastique de H par rapport à M . Elle satisfait notemment
# t
E((H.M )t ) = E( Hs d < M >s ).
0
Par la suite, de nombreuses extensions de cette intégrale seront étudiées et approfondies.
Bibliographie
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[4]
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P.Baldi, L.Mazliak et P.Priouret: Martingales et Chaı̂nes de Markov, Coll. Méthodes, Hermann, 2001
P.Billingsley: Probability and measure, Wiley and sons, 1987
P.Billingsley: Convergence of probability measures, Addison-Wesley, 1969
W.Rudin: Real and complex analysis, Mc Graw Hill, 1974