droit civil (les personnes, la preuve) - UFR droit

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droit civil (les personnes, la preuve) - UFR droit
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DROIT CIVIL (LES PERSONNES, LA PREUVE)
FICHES DE TRAVAUX DIRIGES
COURS DE MME CHALAS
LICENCE 1
ANNEE 2015/2016
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Thèmes des fiches de travaux dirigés
Fiche n° 1 : Bibliographie, plan de cours, structure des arrêts de la Cour de cassation et méthodologie
de la fiche de jurisprudence
Fiche n° 2 : La durée de la personnalité juridique
Fiche n° 3 : La capacité des personnes physiques
Fiche n° 4 : L’identification des personnes physiques
Fiche n° 5 : Les personnes morales
Fiche n° 6 : Les droits extra-patrimoniaux : le droit au respect de la vie privée
Fiche n° 7 : Les droits extra-patrimoniaux : le droit au respect du corps humain
Fiche n° 8 : La charge de la preuve
Fiche n° 9: Les moyens de preuve
Fiche n°10 : Annales des examens 2014 et 2015
FICHE N° 1 : BIBLIOGRAPHIE, PLAN DE COURS,
STRUCTURE DES ARRETS DE LA COUR DE CASSATION ET
FICHE DE JURISPRUDENCE
Le cahier de travaux dirigés est destiné à compléter et à approfondir certains aspects du cours. Il
vous donne un aperçu pratique des notions théoriques abordées pendant le cours magistral. Sa lecture
attentive est indispensable à la compréhension de la matière et à la réussite de l’examen. Vous
devez avoir ce cahier avec vous pendant le cours, car nous nous y référerons parfois.
I. Bibliographie
Il est important de consulter régulièrement un ouvrage en plus du cours dispensé en Amphi.
Choisissez un ouvrage récent (pas plus de deux ans) car le droit évolue vite et souvent. Avant
d’arrêter votre choix, consultez plusieurs ouvrages pour déterminer celui (ou ceux) qui vous convient
le mieux. Voici une liste, non exhaustive, d’ouvrages d’introduction au droit.
1°) Ouvrages généraux
F. Terré, Introduction générale au droit, Précis Dalloz, 9ème édition, 2012.
J. L. Aubert et Eric Savaux, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, Sirey, 15ème
éd., 2014.
M. Fabre-Magnan, Introduction au droit, PUF, 2ème éd., 2014.
R. Cabrillac, Introduction au droit, Dalloz (coll. Cours), 10ème éd., 2015.
P. Jestaz, Le droit, Dalloz (coll. Connaissance du droit), 9ème éd., 2015.
Ph. Malinvaud, Introduction à l’étude du droit, Litec (coll. Les Manuels), 15ème éd., 2015.
D. Mainguy, Introduction générale au droit, Litec (coll. Objectif droit, cours) 6ème éd., 2013.
P. Malaurie et P. Morvan, Droit civil : introduction générale, Defrénois, 5ème éd., 2014.
G. Goubeaux et P. Voirin, Introduction au droit, personnes, famille, personnes protégées, biens,
obligations, sûretés, L.G.D.J. Manuel, tome 1, 35ème éd., 2015.
2°) Mémentos de révision
P. Courbe, J-S. Bergé, Introduction générale au droit, Mémentos Dalloz, 13éme éd., 2013.
3°) Lexiques et dictionnaires
G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 9ème éd., 2011.
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S. Guinchard et G. Montagnier, Lexique des termes juridiques 2014, Dalloz, 22éme éd., 2014.
S. Bissardon, Guide du langage juridique (vocabulaire, pièges et difficultés), Litec (coll. Objectif
droit, dictionnaire), 4ème éd., 2013.
4°) Méthodologie et exercices pratiques
T. Garré et collectif d’auteurs, Annales Introduction au droit et droit civil : méthodologie et sujets
corrigés 2015, Dalloz, 2014.
I. Defrénois-Souleau, Je veux réussir mon droit Méthodes de travail et clé du succès, Dalloz, 9ème éd.,
2014.
G. Goubeaux et P. Bihr, Les épreuves écrites de droit civil : conseils et modèles,
L.G.D.J, 12ème éd., 2013.
J. Bonnard, Méthodes de travail de l’étudiant en droit, Hachette, 6éme éd., 2013.
5°) Généralités
P. Courbe et C. Dijon-Gallais, Guide des études de droit, Dalloz, 2ème éd., 1996.
C. Atias, Devenir juriste, Le sens du droit, LexisNexis, 2ème éd., 2014.
6°) Recueil de jurisprudence
H. Capitant, F. Terré et Y. Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, Tome 1
(Introduction, personnes, famille, biens, régimes matrimoniaux, successions), 12ème éd., Dalloz, 2006.
Favoreu et Philip, Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, Dalloz, 17ème éd., 2013.
7°) Périodiques
Recueil Dalloz (Le Dalloz), cité D.
Semaine juridique (Juris Classeur Périodique), cité Sem.Jur ou, plus fréquemment, JCP.
Gazette du Palais, citée Gaz. Pal.
Revue Trimestrielle de droit civil, citée Rev.trim.dr.civ (ou RTDC).
Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, chambres civiles (y compris la chambre commerciale
et la chambre sociale), cité Bull.civ.
II. Modalités du contrôle des connaissances
Examen écrit d’une durée de 2h30. Cas pratiques et réalisation d’une fiche d’arrêt. Vous trouverez les
sujets d’examen de 1ère et 2ème session donnés l’an dernier à la fin de ce fascicule.
III. Plan du cours
Titre I La classification des droits subjectifs
Chapitre I Les titulaires des droits subjectifs
Section I Les personnes physiques
Sous-section I La durée de la personnalité juridique
Sous-section II La capacité des personnes physiques
Sous-section III L’identification des personnes et l’état civil
Section II Les personnes morales
Sous-section I La définition des personnes morales
Sous-section II La nature juridique des personnes morales
Sous-section III Les catégories de personnes morales
Chapitre II Les droits des personnes
Section I Les droits patrimoniaux des personnes
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Sous-section I La notion de patrimoine
Sous-section II le lien entre le patrimoine et les personnes
Section II Les droits extra-patrimoniaux des personnes
Sous-section I Le droit au respect de la vie privée
Sous-section II Le droit au respect du corps humain
Chapitre III La source des droits subjectifs
Section I L’acte juridique
Sous-section I Les catégories d’actes juridiques
Sous-section II Le fondement des actes juridiques
Section II Le fait juridique
Sous-section I Les faits de l’homme illicites
Sous-section II Les faits de l’homme licites
Titre II La preuve des droits subjectifs
Chapitre I L'objet de la preuve
Section I La preuve du fait
Section II Les caractères du fait
Chapitre II La charge de la preuve
Section I Le rôle des parties dans la recherche des preuves
Sous-section I Le principe de l'article 1315 du Code civil
Sous-section II Les présomptions légales
Section II Le rôle du juge dans la recherche des preuves
Sous-section I Le caractère accusatoire de la procédure civile
Sous-section II L'élargissement des prérogatives du juge
Chapitre III Les moyens de preuve
Section I L'énumération des modes de preuve
Sous-section I Les preuves préconstituées : les écrits
Sous-section II Les preuves constituées a posteriori
Section II L'utilisation des modes de preuve
Sous-section I La preuve des actes juridiques
Sous-section II La preuve des faits juridiques
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STRUCTURE DES ARRETS DE LA COUR DE CASSATION ET
FICHE DE JURISPRUDENCE
I. Structure des arrêts de la Cour de cassation
Un arrêt de la Cour de cassation est d’une extrême concision. Les faits sont présentés en quelques
mots, et les motifs sont souvent elliptiques, en particulier lorsqu’il s’agit d’un arrêt de cassation.
L’arrêt est rédigé en une phrase unique, dont le sujet figure en tête : « La Cour, ... », et le verbe
(rejette ou casse et annule), à la fin, dans le dispositif. Le sujet et le verbe sont séparés par plusieurs
propositions introduites par la locution : « Attendu que... ». Dans ce cadre, l’arrêt s’articule en
deux parties : la première comporte les motifs dans lesquels sont exposées les raisons qui
justifient la décision; la deuxième, en fin d’arrêt, forme le dispositif qui contient la solution retenue
par la cour de cassation. Par exemple : « Par ces motifs, rejette le pourvoi formé contre l’arrêt
rendu le... » ; « Par ces motifs, casse et annule l’arrêt rendu le... et renvoi devant... ».
Structure type d’un arrêt de rejet
La Cour,
Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt (ou du jugement) attaqué...
Dans cette proposition, seront généralement exposés succinctement les faits de l’espèce,
éventuellement la procédure suivie jusque là, et bien entendu la décision qui a été rendue par l’arrêt
ou le jugement attaqué.
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué (ou Attendu qu’il est reproché à l’arrêt
attaqué...), d’avoir ainsi statué, alors que...
Dans cette proposition sont cités les moyens du pourvoi, c’est-à-dire les arguments, les critiques
formulées par le demandeur au pourvoi à l’encontre de la décision attaquée.
Mais attendu que... à bon droit la Cour d’appel a décidé que...(ou : Mais attendu que suivi
de l’énoncé du principe sur lequel s’appuie la cour de cassation)...d’où il suit que le moyen ne peut
être accueilli (ou que les juges du fond ont ainsi pu décider...);
Dans cette proposition, la cour de cassation réfute les griefs formulés par l’auteur du pourvoi et
donne sa propre opinion. En somme, la cour de cassation se fait le défenseur de la décision
attaquée.
Par ces motifs, rejette le pourvoi formé contre l’arrêt rendu le...
Exemple d’un arrêt de rejet. Il s’agit de l’arrêt Blieck, rendu par l’Assemblée Plénière de la Cour
de cassation, le 29 mars 1991. Cet arrêt a créé un principe général de responsabilité du fait d’autrui
sur le fondement de l’alinéa 1er de l’article 1384 du Code civil.
« La Cour, Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt confirmatif attaqué (Limoges, 23 mars 1989), que Joêl Weevauters,
handicapé mental, placé au Centre d’aide par le travail de Sornac, a mis le feu à une forêt
appartenant aux consorts Blieck; que ceux-ci ont demandé à l’Association des centres éducatifs du
Limousin, qui gère le centre de Sornac, et à son assureur, la réparation de leur préjudice;
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt d’avoir condamné ces derniers à des dommages-intérêts
par application de l’article 1384, alinéa 1er, du code civil, alors qu’il n’y aurait de responsabilité
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du fait d’autrui que dans les cas prévus par la loi et que la cour d’appel n’aurait pas constaté à quel
titre l’association devrait répondre du fait des personnes qui lui sont confiées;
Mais attendu que l’arrêt relève que le centre géré par l’association était destiné à recevoir
des personnes handicapées mentales, encadrées dans un milieu protégé; et que Joêl Weevauters
était soumis à un régime comportant une totale liberté de circulation dans la journée; qu’en l’état de
ces constatations, d’où il résulte que l’association avait accepté la charge d’organiser et de
contrôler, à titre permanent, le mode de vie de ce handicapé, la cour d’appel a décidé, à bon droit,
qu’elle devait répondre de celui-ci, au sens de l’article 1384, al. 1er, du code civil, et qu’elle était
tenue de réparer les dommages qu’il avait causés; d’où il suit que le moyen n’est pas fondé;
Par ces motifs, rejette.
Structure type d’un arrêt de cassation
La Cour,
Vu l’article...
Dans cette proposition que l’on appelle le visa, la cour de cassation vise, c’est-à-dire cite le numéro
de l’article, le titre de la loi ou le principe discuté.
Attendu qu’il résulte de ce texte...
Il s’agit du chapeau de l’arrêt. La cour de cassation cite le texte même de l’article ou formule le
grand principe qu’elle entend appliquer. Parfois, le chapeau figure dans l’attendu précédent le
dispositif.
Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que...;
Dans la première partie de cette proposition, la cour de cassation rappelle les faits.
que...(ou Attendu que...) l’arrêt attaqué a décidé que...
Dans cette deuxième partie de la proposition, la cour de cassation rappelle la décision et les
arguments retenus par la cour d’appel.
Attendu qu’en statuant ainsi (ou : de la sorte), alors que... (autre formule: Attendu
cependant qu’il ne peut... d’où il suit qu’en statuant comme elle l’a fait la Cour d’appel a violé le
texte susvisé).
Dans cette proposition, sont indiquées les raisons pour lesquelles, selon la cour de cassation, l’arrêt
attaqué encourt la cassation. Contrairement aux arrêts de rejet, on ne trouve pas dans les arrêts de
cassation les griefs formulés par l’auteur du pourvoi contre l’arrêt qu’il attaque. Toutefois, on peut
admettre que ses griefs se confondent avec les arguments de la cour de cassation énoncés dans son
arrêt.
Par ces motifs, casse et annule l’arrêt rendu le... et renvoie devant...
II. La fiche de jurisprudence
La fiche de jurisprudence ne constitue ni un commentaire d’une décision, ni une dissertation : il
s’agit d’une simple fiche technique d’analyse d’une décision afin d’en discerner les divers
éléments. Elle doit tenir en moins d’une page et contenir 8 rubriques.
1° Nom et date de la décision. Eventuellement, il convient de mentionner les références des
revues où la décision a été publiée suivies des noms de ceux qui en ont fait le commentaire.
2° Nom des parties. D’abord, le nom du demandeur. Ensuite, le nom du défendeur.
Il est inutile de faire précéder le patronyme des parties des mots : sieur, dame, demoiselle. Les
abréviations : M.; Mme; Mlle, suffisent.
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3° Domaine juridique concerné : Ex. : « Application d’une loi nouvelle aux effets futurs d’un
contrat en cours d’exécution ».
4° Les faits. Il s’agit de résumer succinctement ce qui s’est passé, en respectant l’ordre
chronologique, sans y introduire d’éléments de droit, et en retirant les détails inutiles. Dans les
arrêts de la cour de cassation, les faits sont déjà résumés à l’extrême en une courte phrase qu’il
suffit souvent de recopier. On peut terminer la présentation des éléments de fait par l’énoncé de ce
que l’une des parties réclame à l’autre.
5° La procédure. Il s’agit d’indiquer les différentes phases de la procédure suivie, en commençant
par le début de l’instance. Pour chacune des juridictions saisies, il convient de préciser qui est
demandeur et qui est défendeur. En outre, il convient de préciser en faveur de qui ces juridictions
ont statué. Dans les arrêts de la cour de cassation, la procédure antérieure, en particulier la décision
des premiers juges, est rarement mentionnée. Cependant, si la cour de cassation évoque un arrêt
confirmatif d’une cour d’appel ou, au contraire, un arrêt infirmatif, ces termes suffisent pour
déduire le sens de la décision des premiers juges.
6° Arguments des parties. Il s’agit d’indiquer les arguments ou prétentions de chacune des
parties en commençant par ceux développés par le demandeur, avant d’exposer ceux du défendeur.
Dans les arrêts de la cour de cassation, les arguments du défendeur ne sont pas toujours reproduits,
à la différence de ceux du demandeur qui constituent les moyens du pourvoi. Cependant, on peut
supposer que les arguments du défendeur se confondent avec les motifs de la décision des juges du
fond, du moins lorsque ces motifs sont reproduits dans l’arrêt de la cour de cassation, ce qui n’est
pas toujours le cas.
7° Le (s) problème (s) de droit. Il s’agit de l’exercice le plus difficile. D’abord, il faut souvent
l’identifier. Ensuite, il doit être formulé exactement en une ou deux phrases interrogatives.
Exemple : « Une loi nouvelle d’ordre public s’applique-t-elle systématiquement aux effets futurs
d’un contrat en cours d’exécution ? »
8° La solution du problème. Il s’agit d’indiquer la réponse donnée par la décision au problème de
droit, ainsi que ses motifs. Exemple : « La cour de cassation considère que la circonstance qu’une
loi nouvelle est d’ordre public ne saurait à elle seule justifier son application immédiate aux effets
futurs d’un contrat en cours d’exécution. Pour la cour de cassation, seule une volonté expresse ou
implicite du législateur pour des raisons impérieuses d’uniformité des solutions et d’équilibre social
peut justifier l’application immédiate de la loi nouvelle ».
III. Exercices
Mettez sous la forme d’une fiche de jurisprudence les arrêts suivants :
Cour de cassation, 1ère chambre civile, 13 mars 2007
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Bordeaux, 19 avril 2005), que, malgré l'opposition notifiée le
27 mai 2004 par le procureur de la République du tribunal de grande instance de Bordeaux, le maire de la
commune de Bègles, en sa qualité d'officier d'état civil, a procédé, le 5 juin 2004, au mariage de Monsieur
X... et de Monsieur Y... et l'a transcrit sur les registres de l'état civil ; que cet acte a été annulé, ainsi que la
mention du mariage en marge des actes de naissance des intéressés ;
Sur le second moyen, pris en ses cinq branches :
Attendu que Messieurs. X... et Y... font grief à l'arrêt d'avoir annulé l'acte de mariage dressé le 5 juin
2004, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en retenant que la différence de sexe constitue en droit interne français une condition de l'existence
du mariage, cependant que cette condition est étrangère aux articles 75 et 144 du code civil, que le
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premier de ces textes n'impose pas de formule sacramentelle à l'échange des consentements des époux
faisant référence expressément aux termes "mari et femme", la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
2°/ qu'il y a atteinte grave à la vie privée garantie par l'article 8 de la Convention lorsque le droit interne
est incompatible avec un aspect important de l'identité personnelle du requérant ; que le droit pour chaque
individu d'établir les détails de son identité d'être humain est protégé, y compris le droit pour chacun,
indépendamment de son sexe et de son orientation sexuelle, d'avoir libre choix et libre accès au mariage ;
qu'en excluant les couples de même sexe de l'institution du mariage et en annulant l'acte de mariage
dressé le 5 juin 2004, la cour d'appel a violé les articles 8 et 14 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°/ [supprimé]
4°/ alors que si l'article 12 de la Convention vise expressément le droit pour un homme et une femme de
se marier, ces termes n'impliquent pas obligatoirement que les époux soient de sexe différent, sous peine
de priver les homosexuels, en toutes circonstances, du droit de se marier ; qu'en excluant les couples de
même sexe de l'institution du mariage, et en annulant l'acte de mariage dressé le 5 juin 2004, la cour
d'appel a violé les articles 12 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et
des libertés fondamentales ;
5°/ [supprimé]
Mais attendu que, selon la loi française, le mariage est l'union d'un homme et d'une femme ; que ce
principe n'est contredit par aucune des dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme ;
que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Cour de cassation, 1ère civile, 12 février 2014
Sur le moyen unique :
Vu les articles 21-2, 108 et 215 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., de nationalité algérienne, s'est mariée le 5 mars 2005 avec
M. Y..., de nationalité française ; que le 12 juin 2009, Mme X...a souscrit une déclaration de nationalité
française sur le fondement de l'article 21-2 du code civil, en sa qualité de conjoint d'un ressortissant
français, qui a été rejetée le 3 novembre 2009 au motif que la preuve de la communauté de vie tant
matérielle qu'affective des deux époux n'était pas établie, l'épouse travaillant en région parisienne alors
que son mari habite dans la Creuse ; que par acte délivré le 28 avril 2010, M. et Mme Y...ont assigné le
ministère public aux fins de contester le refus d'enregistrement de la déclaration de l'épouse ;
Attendu que, pour constater l'extranéité de Mme X..., l'arrêt retient que les époux n'ont plus habité
ensemble depuis le 24 avril 2006, date de prise de fonctions de la femme en région parisienne, le mari
restant vivre dans la Creuse, que les époux ont choisi de vivre séparés la plupart du temps et ont accepté
ce mode de vie résultant selon eux de l'impossibilité de trouver un travail à proximité, mais que cette
pratique ne correspond pas à la communauté de vie « tant affective que matérielle » et ininterrompue
exigée par la loi, distincte de la seule obligation mutuelle du mariage ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, pour des motifs d'ordre professionnel, les époux peuvent avoir un domicile
distinct, sans qu'il soit pour autant porté atteinte à la communauté de vie, la cour d'appel a violé les textes
susvisés ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 janvier 2013,
entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état
où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
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Cour de cassation, 1ère chambre civile, 23 novembre 2011
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., née le 17 août 1971, a donné naissance, le 8 août 2006, à un
enfant prénommé Mohamed qu'elle a reconnu ; que M. Y... l'a aussi reconnu le 24 décembre 2008 ;
qu'après huit jours passés à la maternité avec son enfant et sept visites faites au service du placement
familial du Val-de-Marne en septembre, octobre et novembre 2006, Mme X... n'a plus cherché à avoir de
contact avec son fils ; que le mineur a alors été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance le 4
décembre 2006 ; que la mère, hospitalisée en milieu psychiatrique avant la naissance de Mohamed, l'a été,
à nouveau et à plusieurs reprises entre janvier 2007 et janvier 2008, mais aussi après cette date ; que le
président du conseil de Paris a formé, le 22 janvier 2008, une requête en déclaration judiciaire d'abandon ;
Attendu qu'il fait grief à l'arrêt confirmatif (Paris, 30 mars 2010) d'avoir rejeté sa demande ;
Attendu qu'ayant relevé, d'une part, que Mme X... présentait des anomalies mentales atteignant les
sphères intellectuelles, affectives et de la volonté et avait été hospitalisée, durant la période de référence
comprise entre janvier 2007 et janvier 2008, au total soixante et onze jours en milieu psychiatrique,
d'autre part, qu'il ressortait des éléments produits qu'entre ses séjours à l'hôpital, son état de santé
demeurait déficient, la cour d'appel, par une décision motivée, a souverainement estimé que le désintérêt
de la mère ne procédait pas d'un choix délibéré de sa part et d'un comportement conscient et volontaire ;
que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Cour de cassation, 1ère civ., 23 octobre 2013
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 10 février 2012), que Mme X..., qui vivait alors avec Mme Y..., a donné
naissance, le 11 juillet 2005, à Nathan Théo Y... X..., sans filiation paternelle déclarée ; que Mme X... et Mme
Y... ont conclu le 19 décembre 2007 un pacte civil de solidarité qui a été dénoncé le 3 avril 2009, après leur
séparation courant 2008 ; que, par acte du 22 avril 2009, Mme Y... a assigné Mme X... devant le tribunal de
grande instance afin de voir fixer la résidence de l'enfant en alternance au domicile de chacune d'elles et, à titre
subsidiaire, afin d'obtenir un droit de visite et d'hébergement à l'égard de l'enfant ;
Attendu qu’elle fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de droit de visite et d'hébergement ;
Attendu qu’ayant relevé que, quelles qu'en soient les causes et responsabilités, la rupture entre les parties avait
abouti à une rupture des relations entre l'enfant et Mme Y... pendant près de trois ans, que des témoignages
produits faisaient ressortir que Mme Y... était devenue une étrangère pour l'enfant, qu'il avait manifesté une
franche hostilité au fait de devoir la suivre à l'occasion du droit de visite et d’hébergement octroyé par les
premiers juges, avec des manifestations somatiques et des régressions, enfin, que les deux avis de spécialistes
produits, psychologue et psychiatre, motivés et concordants dans leurs conclusions, mettaient en évidence la
« stupéfaction » de l'enfant au sujet de la revendication de Mme Y..., son refus de la voir, son désarroi, et
l’absence d’investissement de cette dernière comme beau-parent, la cour d'appel a souverainement estimé qu'il
n’était pas de l'intérêt actuel de l'enfant de maintenir des liens avec Mme Y... ; qu’elle a ainsi, sans porter atteinte
à la vie privée et familiale de celle-ci, légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Cour de cassation, 1ère civile, 4 novembre 2011
Vu l'article 1133 du code civil selon lequel : " La cause est illicite, quand elle est prohibée par la loi,
quand elle est contraire aux bonnes mœurs ou à l'ordre public";
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Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a souscrit le 10 mai 2007 un contrat de courtage matrimonial,
prévoyant des frais d'adhésion de 8 100 euros TTC, auprès de la société Centre national de recherches en
relations humaines, exerçant sous l'enseigne Eurochallenges (la société) ; que celle-ci l'a assigné en
paiement puis a soulevé la nullité de la convention ;
Attendu que pour annuler le contrat litigieux "aux torts" de M. X... et condamner ce dernier à verser des
dommages-intérêts à la société, l'arrêt retient qu'il s'est présenté, lors de la signature de la convention,
comme divorcé en cochant dans l'acte la case correspondante, bien qu'il ait été alors toujours engagé dans
les liens du mariage puisque le jugement de divorce le concernant n'a été prononcé que le 22 avril 2008,
soit près d'une année plus tard, ajoute que s'il avait avisé la société de sa situation, elle n'aurait pas
manqué de l'informer de l'impossibilité de rechercher un nouveau conjoint en étant toujours marié, puis
énonce que le contrat du 10 mai 2007 doit donc être annulé pour cause illicite comme contraire à l'ordre
public de protection de la personne ainsi qu'aux bonnes mœurs, "un homme encore marié ne pouvant
légitimement convoler en une nouvelle union" ;
Qu'en statuant ainsi alors que le contrat proposé par un professionnel, relatif à l'offre de rencontres en vue
de la réalisation d'un mariage ou d'une union stable, qui ne se confond pas avec une telle réalisation, n'est
pas nul, comme ayant une cause contraire à l'ordre public et aux bonnes mœurs, du fait qu'il est conclu
par une personne mariée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 novembre 2009, entre les parties,
par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se
trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
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FICHE N° 2 : LA DUREE DE LA PERSONNALITE JURIDIQUE
I. Le commencement de la personnalité juridique
1) Le principe : un enfant né vivant et viable
La personnalité juridique commence à la naissance, sous réserve que l'enfant soit né vivant et
viable (C. civ., art. 318, 725 et 906). Lorsque l'intérêt de l'enfant l'exige, on admet que la
personnalité juridique lui soit reconnue dès sa conception, sous réserve qu'il naisse
ultérieurement vivant et viable.
C. civ., art. 318 : « Aucune action n’est reçue quant à la filiation d’un enfant qui n’est pas né
viable »
C. civ., art. 725 : « Pour succéder, il faut exister à l’instant de l’ouverture de la succession ou,
ayant déjà été conçu, naître viable ».
C. civ., art. 906 : « Pour être capable de recevoir entre vifs, il suffit d'être conçu au moment de
la donation. Pour être capable de recevoir par testament, il suffit d'être conçu à l'époque du
décès du testateur. Néanmoins, la donation ou le testament n'auront leur effet qu'autant que
l'enfant sera né viable ».
2) Le statut de l'embryon et du fœtus
Summa divisio des personnes et des choses. Du point de vue juridique, on ne peut être que
personne ou chose, de sorte que les variations sur la personne humaine potentielle ou en
devenir, la chose personnifiée ou sacrée, voire la personne réifiée (fécondation in vitro) n’y
changent rien (le Comité consultatif national d’éthique, dans un avis du 22 mai 1984, a affirmé
que : « l’embryon ou le fœtus doit être reconnu comme une personne humaine potentielle qui est
ou a été vivante et dont le respect s’impose à tous »). Cette distinction remonte au droit romain.
Notre Code de 1804 a repris cette division dans ses trois Livres (« Des personnes » ; « Des
biens » ; « Des différentes modifications de la propriété »).
« Un produit innomé ». Fidèle à cette distinction, notre législateur s'est bien gardé de qualifier
juridiquement l'embryon et le fœtus. À défaut d’être nés vivants et viables, ils sont tous deux
des choses, peu important qu’ils soient vivants.
La loi du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain n’a donné aucun statut juridique
clair et précis à l'embryon et les lois qui ont révisé la matière le 6 août 2004 et le 7 juillet 2011
n’ont pas examiné cette question. Dans le Code civil, les nouveaux articles issus de loi du 29
juillet 1994, toujours en vigueur, se contentent d’utiliser les concepts d’être ou de corps humain
(V. C. civ., art. 16 et 16-1). Or, nulle part, il n’est précisé si ces concepts comprennent
l’embryon et le fœtus. Aussi existe-t-il, toujours en droit français, un décalage complet entre le
« commencement » biologique de la vie, et le commencement de la personnalité juridique dès la
naissance de l’enfant.
La loi du 6 août 2013 a supprimé du Code de la santé publique (art. L-2151-5) le principe
explicite d’interdiction des recherches sur l’embryon introduit en droit français par la loi du 29
juillet 1994.
3) Code civil : Livre 1, Chapitre II : « Du respect du corps humain » (L. 29 juill. 1994).
Article 16 : « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de
celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie ».
12
Article 16-1 : « Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable. Le
corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial ».
Article 16-1-1 : « Le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. Les restes des
personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation,
doivent être traités avec respect, dignité et décence ».
Article 16-2 : « Le juge peut prescrire toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser une
atteinte illicite au corps humain ou des agissements illicites portant sur des éléments ou des
produits de celui-ci, y compris après la mort ».
Article 16-3 : « Il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité
médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l'intérêt thérapeutique d'autrui. Le
consentement de l'intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend
nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de consentir ».
Article 16-4 : « Nul ne peut porter atteinte à l'intégrité de l'espèce humaine. Toute pratique
eugénique tendant à l'organisation de la sélection des personnes est interdite.
Est interdite toute intervention ayant pour but de faire naître un enfant génétiquement identique
à une autre personne vivante ou décédée.
Sans préjudice des recherches tendant à la prévention et au traitement des maladies génétiques,
aucune transformation ne peut être apportée aux caractères génétiques dans le but de modifier la
descendance de la personne».
…
Art. 16-9 : « Les dispositions du présent chapitre sont d’ordre public ».
II. Homicide involontaire et fœtus
1°) Lisez l’article de J. Sainte-Rose, « Une dépénalisation jurisprudentielle : l’enfant à naître
ne peut jamais être victime d’un homicide », Revue Droit de la famille (Lexis-Nexis) n°10,
octobre 2015, Etude n°13.
2°) Faire une fiche de jurisprudence de l’arrêt ci-dessous :
Ass. plénière de la Cour de cassation, 29 juin 2001
Sur les deux moyens réunis du procureur général près la cour d’appel de Metz et de Mme X... :
Attendu que le 29 juillet 1995 un véhicule conduit par M. Z... a heurté celui conduit par Mme X...,
enceinte de six mois, qui a été blessée et a perdu des suites du choc le foetus qu’elle portait ; que l’arrêt
attaqué (Metz, 3 septembre 1998) a notamment condamné M. Z... du chef de blessures involontaires sur la
personne de Mme X..., avec circonstance aggravante de conduite sous l’empire d’un état alcoolique, mais
l’a relaxé du chef d’atteinte involontaire à la vie de l’enfant à naître ;
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir ainsi statué, alors que, d’une part, l’article 221-6 du
Code pénal réprimant le fait de causer la mort d’autrui n’exclut pas de son champ d’application l’enfant à
naître et viable, qu’en limitant la portée de ce texte à l’enfant dont le cœur battait à la naissance et qui a
respiré, la cour d’appel a ajouté une condition non prévue par la loi, et alors que, d’autre part, le fait de
provoquer involontairement la mort d’un enfant à naître constitue le délit d’homicide involontaire dès lors
que celui-ci était viable au moment des faits quand bien même il n’aurait pas respiré lorsqu’il a été séparé
de la mère, de sorte qu’auraient été violés les articles 111-3, 111-4 et 221-6 du Code pénal et 593 du Code
de procédure pénale ;
Mais attendu que le principe de la légalité des délits et des peines, qui impose une interprétation stricte de
la loi pénale, s’oppose à ce que l’incrimination prévue par l’article 221-6 du Code pénal, réprimant
13
l’homicide involontaire d’autrui, soit étendue au cas de l’enfant à naître dont le régime juridique relève de
textes particuliers sur l’embryon ou le fœtus ;
D’où il suit que l’arrêt attaqué a fait une exacte application des textes visés par le moyen ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.
III. La disparition de la personnalité juridique : la mort
A) L’affaire Vincent Lambert
• 2008 : accident de la route de Vincent Lambert le faisant plonger dans un état de conscience
minimal.
• 2011: première expertise médicale de Vincent Lambert au COMA Science Group de Liège.
• 10 avril 2013 : l'équipe médicale en charge de Vincent Lambert, avec le seul accord de sa femme et
sans prévenir ses parents ni ses frères et sœurs, décide d'engager le processus d'euthanasie passive en
cessant peu à peu de l'alimenter et de l'hydrater.
• 11 mai 2013 : le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, saisi par les parents et une partie
de la fratrie de Vincent Lambert ayant appris « par hasard » qu'il était en train de mourir 17 jours après
le lancement de la procédure, décide de rétablir en urgence une alimentation et une hydratation
normales. Le tribunal justifie sa décision par le fait que les membres de la famille de Vincent Lambert
qui ont saisi la justice n'avaient pas été consultés lors du lancement de la procédure d'euthanasie
passive le 10 avril.
• septembre 2013 : la famille de Vincent Lambert, au complet cette fois, est convoquée par lettre
recommandée avec accusé de réception par l'équipe médicale pour réengager le processus d'euthanasie
passive.
• 9 décembre 2013 : la « procédure collégiale de fin de vie », prévue par la loi Leonetti, est engagée,
contre l'avis des membres de la famille de Vincent Lambert opposés à son euthanasie passive.
• 16 janvier 2014 : le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, à nouveau saisi, ordonne de
ne pas appliquer la nouvelle décision d'euthanasie passive, estimant que « la poursuite du traitement
n'était ni inutile ni disproportionnée et n'avait pas pour objectif le seul maintien artificiel de la vie », et
que le docteur Eric Kariger, à la tête de l'équipe médicale en charge de Vincent Lambert, « a apprécié
de manière erronée la volonté de Vincent Lambert en estimant qu'il souhaiterait opposer un refus à
tout traitement le maintenant en vie ».
• 27 janvier 2014 : cinq frères et sœurs de Vincent n'ayant pas pris part à la procédure judiciaire (ainsi
qu'un neveu déjà impliqué) en appellent à Marisol Touraine, Ministre de la Santé, pour que le CHU
assume ses responsabilités et fasse appel de la décision du tribunal administratif devant le Conseil
d’Etat, plus haute juridiction française de l’ordre administratif.
• 28 janvier 2014 : l'épouse de Vincent Lambert annonce son intention de saisir le Conseil d’Etat.
• 14 février 2014 : le juge du Conseil d'État saisi du sort de Vincent Lambert par son épouse, le CHU
de Reims et un neveu, renvoie la décision à une formation collégiale, au vu de la complexité de la
question soulevée.
• mars/avril 2014 : nouvelle expertise médicale de Vincent Lambert, effectuée par trois spécialistes
reconnus en neuroscience.
• 24 juin 2014 : le Conseil d'État approuve la décision du CHU et réforme le jugement du tribunal
administratif de Chalons en Champagne rendu le 16 janvier 2014, en se basant notamment sur les
souhaits qu'il avait émis et que les opposants à son euthanasie passive n'avaient jusqu'alors pas
contestés, sur l'irréversibilité de ses lésions cérébrales et sur la dégradation de son état (Vincent
Lambert se trouve désormais dans un état végétatif chronique). Quelques heures après, la Cour
Européenne des droits de l’homme, saisie dès le 23 juin par les membres de la famille de Vincent
Lambert opposés à son euthanasie passive, ordonne la suspension provisoire de cette décision avant de
juger le dossier sur le fond, ce qui pourrait prendre plusieurs mois. La Cour interdit également tout
déplacement du patient en vue d'arrêter son alimentation et son hydratation (le mot euthanasie n'est
nulle part mentionné dans les demandes de la Cour faites à la France).
14
• 24 juillet 2014 : cinq frères et sœurs de Vincent Lambert demandent dans une tribune
envoyée à l'AFP à ce que la Cour EDH déclare irrecevable la requête déposée en son nom.
• Le 5 juin 2015 la CEDH rend l’arrêt Lambert et a. c/ France, n° 46043.
Lisez la note de Jean-René Binet dans la revue Droit de la famille (Lexis-Nexis) n°9,
septembre 2015, commentaire n°180. Vous avez accès à cette revue sur le site de la
bibliothèque de l’université Paris 8 (Droit/Bases de données/LexisNexis/Revues).
B) Exercice
En vous inspirant de l’actualité de ces dernières années, rédigez une introduction et un plan
détaillé sur le sujet : « Le droit de mourir ». Rassemblez les éléments du sujet autour d’idées
essentielles, et construisez un plan en deux parties (à la limite trois), comme s’il s’agissait d’un
devoir ou d’un exposé. Utilisez des intitulés explicites. Vous rédigerez intégralement
l’introduction.
Conseil de méthodologie : Comment rédiger une introduction.
Il faut se garder de commencer l’introduction d’un devoir de droit par l’annonce du plan des
parties. Cette annonce doit être livrée en fin d’introduction. Il convient, à partir d’une idée
générale, de resserrer sans cesse l’argumentation, afin de démontrer que l’intérêt du problème
conduit à la division des parties que l’on annonce effectivement en fin de l’introduction.
L’introduction doit réunir plusieurs éléments :
Premièrement : L’énonciation du sujet
Il convient de centrer progressivement l’attention sur le sujet et de le délimiter. En somme, cette
partie de l’introduction doit vous permettre de répondre à la question suivante : De quoi dois-je
parler ?
Vous pouvez amener le sujet au moyen d’une idée générale.
Soit le sujet: « L’application de la loi dans le temps en matière de contrats ». D’emblée, vous
pouvez souligner l’ampleur de la production législative contemporaine et les modifications
successives du régime de situations juridiques déterminées qui en résultent.
Vous devez replacer le sujet dans l’ensemble de la discipline considérée.
Par exemple, pour le sujet précédent, vous évoquez d’abord d’une manière générale les conflits
de lois dans le temps en droit privé, puis, de manière plus précise, en matière de contrats.
Enfin, il faut expliquer la manière dont vous comprenez le sujet. D’abord, en analysant et en
définissant les termes du sujet. Ensuite, en précisant son domaine, c’est-à-dire en expliquant ce
qu’il comprend et éventuellement ce qu’il ne comprend pas. C’est l’occasion de justifier
l’acceptation retenue d’un sujet ambigu ou l’exclusion d’un élément non essentiel du sujet.
Deuxièmement : L’intérêt du sujet
Désormais, il faut faire ressortir l’intérêt du sujet, autrement dit il convient de répondre à la
question suivante : Pourquoi dois-je parler de ce sujet ?
Il faut donc rechercher pourquoi le sujet a été donné. Ces intérêts peuvent être d’ordre pratique
et/ou théorique : actualité législative ; hiatus entre la législation existante et les besoins
pratiques ; aspects sociologiques ; conflit dans les sources du droit ; évolution d’un fondement
du droit…
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Éventuellement, on peut retracer à ce stade l’évolution du sujet dans le temps (historique) et
dans l’espace (droit comparé). Parfois, on réserve les éléments de droit comparé pour la
conclusion.
Troisièmement : La positivité de la question
Il convient de préciser si le sujet relève du droit normatif (lois, réglementation), de la coutume,
de principes généraux du droit non écrits, de la jurisprudence, et/ou de la doctrine. Cependant, il
faut se garder d’entrer dans le détail pour ne pas déflorer le sujet. C’est ainsi que les décisions
de jurisprudence et les opinions doctrinales ne doivent pas être citées à ce stade.
Quatrièmement : L’idée ou les idées directrice(s)
Afin de personnaliser et de rendre dynamique votre devoir, il faut vous approprier le sujet pour
en faire ressortir les idées fortes comme une ambiguïté, une contradiction, un paradoxe, une
sévérité, une libéralisation, une mesure de contrôle, une légalisation, le renforcement d’une
protection, la suppression d’une inégalité, une harmonisation, etc. En somme, cette partie de
l’introduction doit vous permettre de répondre à la question suivante : Comment vais-je parler
du sujet ?
Cinquièmement : L’annonce du plan
Il faut désormais annoncer le plan qui résulte des considérations précédentes. Ce plan va être le
fil conducteur du devoir. Il est commandé par l’idée directrice qui domine le sujet et il doit
s’articuler logiquement autour des éléments qui se rattachent au sujet. Il est souhaitable d’en
justifier le découpage juste avant l’annonce précise qui ne porte que sur les deux (ou trois)
grandes parties. Pour vous aider, voici diverses formules d’annonces dont vous pouvez vous
inspirer :
« Il convient d’abord de préciser la portée de l’article.... sur le droit particulier de... (I), pour
mieux saisir les conséquences de ce texte sur le droit général de... (II).
« Afin de déterminer s’il existe une différence de... entre les deux notions, il convient d’abord
d’analyser le fondement de ces deux notions ((I), avant d’en préciser les effets (II).
« Alors que dans leur domaine les deux notions se ressemblent (I) en revanche, elles s’opposent
nettement dans leur mise en œuvre (II).
« Le double rôle du ... apparaît tant dans les conditions de sa nomination et de sa révocation (I)
que dans ses pouvoirs et sa responsabilité (II).
« L’équilibre entre ces intérêts contradictoires est désormais assuré par le droit positif qui a
formulé deux règles: d’une part,... (I); d’autre part,.... (II).
16
FICHE N° 3. LA CAPACITE DES PERSONNES PHYSIQUES
I. Les mineurs
1°) Audition du mineur : critère du discernement
Cour de cassation, 18 mars 2015, (n°14-11392)
Vu les articles 388-1 du code civil et 338-4 du code de procédure civile ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que, lorsque la demande est formée par le mineur, le refus d'audition ne
peut être fondé que sur son absence de discernement ou sur le fait que la procédure ne le concerne pas ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un juge aux affaires familiales a fixé la résidence de l'enfant A... X..., né
le 16 novembre 2003, chez sa mère et aménagé le droit de visite et d'hébergement du père, l'exercice de
l'autorité parentale étant conjoint ;
Attendu que, pour rejeter la demande d'audition présentée par l'enfant, l'arrêt retient, d'une part, que celuici n'est âgé que de neuf ans et n'est donc pas capable de discernement, d'autre part, que la demande paraît
contraire à son intérêt ;
Qu'en se déterminant ainsi, en se bornant à se référer à l'âge du mineur, sans expliquer en quoi celui-ci
n'était pas capable de discernement, et par un motif impropre à justifier le refus d'audition, la cour d'appel
a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mai 2013, entre les parties, par la
cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où
elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de SaintDenis de la Réunion, autrement composée ;
2°) L’administration légale des biens des mineurs
Code civil. Livre Premier. Titre IX Chapitre II : De l'autorité parentale relativement aux
biens de l'enfant
Article 371-1. L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité
l'intérêt de l'enfant. Elle appartient aux père et mère jusqu'à la majorité ou l'émancipation de
l'enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et
permettre son développement, dans le respect dû à sa personne.
Les parents associent l'enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de
maturité.
Article 382. Les père et mère ont, sous les distinctions qui suivent, l'administration et la
jouissance des biens de leur enfant.
Article 383. L'administration légale est exercée conjointement par le père et la mère lorsqu'ils
exercent en commun l'autorité parentale et, dans les autres cas, sous le contrôle du juge, soit par
le père, soit par la mère, selon les dispositions du chapitre précédent.
La jouissance légale est attachée à l'administration légale : elle appartient soit aux deux parents
conjointement, soit à celui des père et mère qui a la charge de l'administration.
Article 384. Le droit de jouissance cesse :
1° Dès que l'enfant a seize ans accomplis, ou même plus tôt quand il contracte mariage ;
2° Par les causes qui mettent fin à l'autorité parentale, ou même plus spécialement par celles qui
mettent fin à l'administration légale ;
3° Par les causes qui emportent l'extinction de tout usufruit.
17
Article 385. Les charges de cette jouissance sont :
1° Celles auxquelles sont tenus en général les usufruitiers ;
2° La nourriture, l'entretien et l'éducation de l'enfant, selon sa fortune ;
3° Les dettes grevant la succession recueillie par l'enfant en tant qu'elles auraient dû être
acquittées sur les revenus.
Article 386. Cette jouissance n'aura pas lieu au profit de l'époux survivant qui aurait omis de
faire inventaire, authentique ou sous seing privé, des biens échus au mineur.
Article 387. La jouissance légale ne s'étend pas aux biens que l'enfant peut acquérir par son
travail, ni à ceux qui lui sont donnés ou légués sous la condition expresse que les père et mère
n'en jouiront pas.
Exercice. Rédigez une fiche de jurisprudence et proposez un plan de commentaire de cet arrêt
de la 1re Chambre civile de la Cour de cassation du 9 janvier 2008 (Bulletin civil I. n° 7).
Attendu que M. Cédric Y..., né le 24 octobre 1977, a été confié à la garde de sa mère, Mme Z..., par le jugement
de divorce de ses parents du 23 octobre 1984 ;qu’à compter de février 1994, il a travaillé en qualité d’apprenti et
perçu des salaires, des indemnités journalières de la caisse primaire d’assurance maladie, une allocation de
formation professionnelle et un capital rente accident du travail ; que ces revenus ont été déposés sur un compte
bancaire “multilion junior”, ouvert le 19 mai 1994, à son nom, auprès du Crédit lyonnais par sa mère, qui
exerçait seule l’autorité parentale à son égard ; que par acte du 7 juin 2000, M. Cédric Y... a fait assigner sa
mère, le second mari de celle-ci, M. X..., son frère aîné, M. Jean-Cyril Y..., et la banque Crédit lyonnais aux fins
d’obtenir le remboursement d’une somme de 90 300 francs (soit 13 766 euros) correspondant à divers
prélèvements, selon lui abusifs, effectués sur son compte bancaire par sa mère, tant durant sa minorité qu’après
sa majorité, entre mai 1994 et septembre 1997 ;
Sur le premier moyen pris en ses trois branches :
Attendu que M. Cédric Y... fait grief à l’arrêt attaqué de l’avoir débouté de sa demande tendant à la
condamnation de Mme Z... épouse X..., M. X... et M. Jean-Cyril Y... à lui rembourser la somme de 5 863,19
euros prélevée sur son compte bancaire durant sa minorité, outre la somme de 3 048,98 euros en réparation de
son préjudice moral alors, selon le moyen:
- 1°/ que le droit de jouissance des parents sur les biens de leur enfant, ne s’étend pas aux biens que l’enfant peut
acquérir par son travail et cesse dès qu’il a seize ans accomplis ; qu’il résulte de l’arrêt attaqué que Mme Z... a
effectué divers prélèvements sur le compte ouvert au nom de son fils mineur né en 1977 et alimenté par ses
salaires, et ce au moins jusqu’au mois de septembre 1997 ; qu’en déboutant cependant M. Cédric Y... de ses
demandes en remboursement des sommes ainsi prélevées, la cour d’appel a violé les articles 384 et 387 du code
civil ;
- 2°/ que l’obligation alimentaire de l’enfant à l’égard de ses ascendants n’existe qu’à l’égard des ascendants
dans le besoin ; qu’en se bornant à relever la modicité des revenus de Mme Z..., pour en déduire le bien-fondé
des prélèvements effectués sur le compte de son fils, sans constater que Mme Z... et son second mari n’étaient
pas en mesure d’assurer leur subsistance, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article
205 du code civil, ensemble les articles 212 et 214 du même code ;
- 3°/ que l’enfant n’a pas d’obligation alimentaire envers le second mari de sa mère ; qu’en retenant cependant le
bien fondé des prélèvements opérés par Mme Z... sur le compte de son fils au profit de son second mari, la cour
d’appel a violé l’article 205 du code civil ;
Mais attendu d’abord, que l’absence de droit de jouissance légale sur les gains et salaires de l’enfant mineur
n’interdit pas aux administrateurs légaux d’affecter tout ou partie de ces revenus à son entretien et à son
éducation, seul l’excédent devant revenir au mineur ; ensuite, que l’arrêt relève par motifs propres et par une
appréciation souveraine qu’il résulte des différentes pièces versées aux débats que Mme Z..., dont les ressources
étaient modiques et qui hébergeait son fils sous son toit, a effectué divers prélèvements sur le compte ouvert au
nom du mineur afin de satisfaire aux nécessités de son entretien ; que le moyen qui manque en fait en ses deux
dernières branches pour critiquer des motifs du jugement que la cour d’appel n’a pas adoptés, ne peut être
accueilli ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles 371-1, 382, 383, 488 et 1147 du code civil ;
Attendu qu’il résulte de ces textes que l’administration légale des biens de l’enfant mineur par ses parents cesse
de plein droit à sa majorité ; que le banquier ne peut exécuter un ordre de paiement émis par une personne qui
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n’a pas qualité pour représenter le titulaire du compte;
Attendu que pour débouter M. Cédric Y... de sa demande tendant à la condamnation de Mme Z... épouse X..., M.
X... et M. Jean-Cyril Y... “solidairement” avec le Crédit lyonnais à lui rembourser la somme de 7 896,86 euros
prélevée sur son compte bancaire après sa majorité et pour juger que la banque n’avait commis aucune faute, les
juges du fond ont retenu que le compte avait été ouvert par Mme Z..., représentante légale de son fils alors
mineur, que les prélèvements effectués visaient à satisfaire aux nécessités de l’entretien de M. Cédric Y..., que
celui-ci n’avait manifesté aucun désaccord jusqu’à son courrier du 10 septembre 1997 et qu’il n’existait aucune
clause expresse interdisant de faire fonctionner le compte par le représentant légal à partir de la majorité ;
Qu’en statuant par des motifs impropres à justifier sa décision, alors qu’à la majorité de l’enfant, les pouvoirs de
l’administrateur légal avaient cessé, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE,… l’arrêt rendu le 3 juin 2004, entre les parties, par la cour d’appel
d’Aix-en-Provence ;
II. Les majeurs incapables
1°) Impossibilité de placer sous protection une personne en état d’exprimer sa volonté
Cour d’appel de Reims, 12 juin 2015 (n°14/02428)
Résumé : Par infirmation du jugement entrepris ayant mis en place une curatelle renforcée au
profit du majeur, il n'y a pas lieu à l'ouverture d'une mesure de protection. L'intéressé ne
présente aucune altération de ses facultés mentales, mais seulement une altération de ses
facultés physiques en lieu avec la maladie neurologique dont il est atteint. Les constatations
médicales ne permettent pas de mettre en évidence un quelconque empêchement pour le majeur
d'exprimer sa volonté. Au surplus, ce dernier a indiqué à l'audience être favorable à la mise en
place de prélèvements automatiques afin de régler les factures importantes et notamment le
loyer afin d'éviter la création d'une nouvelle dette locative. Par ailleurs, la cour relève que
l'intéressé perçoit l'allocation adulte handicapé et que sa situation pourrait relever d'une mesure
d'accompagnement social personnalisé, à laquelle il ne s'oppose pas.
2°) Curatelle pour « prodigalité »
Cour d’appel de Versailles, 6 mai 2015 (n°14/03499 : JurisData n°2015-010480)
MOTIFS DE LA DECISION
Il ressort du dossier que le 13 janvier 2014 M. Jean-Pierre R. a déposé auprès du juge des tutelles une
requête aux fins de mainlevée de la mesure de curatelle renforcée prononcée à son égard par jugement du
16 juillet 2013. Au soutien de sa demande il a déposé un certificat médical que lui a délivré le 08 février
2014 le Docteur Borris M. D. qui constate que M. Jean-Pierre R. est en possession de ses capacités
intellectuelles, lui permettant ainsi d'assurer et d'assumer les actes de la vie civile.
Le 01 avril 2014, le juge des tutelles de VERSAILLES a procédé à l'audition de M. Jean-Pierre R., assisté
par Me Gaëlle S., et en présence de Mme M.-B. déléguée par l'A.T.F.P.O, en sa qualité de curateur. Il
ressort des propos recueillis que l'association tutélaire est toujours en attente d'une décision de la Banque
de France quant au dossier de surendettement. Il s'avère que le passif principal est une dette de banque
d'environ 20.000 euros, à laquelle s'ajoutent des dettes de loyers et de mutuelle. En outre les relations du
majeur protégé avec sa future épouse et sa famille vivant en Côte d'Ivoire posaient problème. En effet,
cette dernière le sollicitait sans cesse pour qu'il leur envoie de l'argent et un rapport social
avait relaté l'influence subie par M. R. à l'égard d'une compagne installée en Côte d'Ivoire. Ainsi, M.
Jean-Pierre R. a envoyé divers chèques d'un montant de 20.000 euros, de 8.000 euros, de 21.500 euros et
de 11.000 euros, qui sont à l'origine de son surendettement. De plus, il continuait d'emprunter de l'argent à
son entourage, notamment une somme de 600 euros à sa voisine. Mais pour le majeur protégé, sa mesure
de protection est trop sévère car elle l'empêche de vivre financièrement correctement. En effet, il dit que
19
les 60 euros qui lui sont versés pour sa vie courante chaque semaine sont insuffisants.
Au vu de ces différents éléments, le juge des tutelles de VERSAILLES a rejeté le demande de mainlevée
de la mesure de curatelle renforcée, par jugement en date du 04 avril 2014 dont appel. Cette décision est
motivée par l'incapacité de M. Jean-Pierre R. à résister aux sollicitations de sa compagne et de sa famille
installées en Côte d'Ivoire, l'ayant conduit à une situation financière tellement dégradée qu'il a fallu
engager une procédure de surendettement.
Le conseil de M. Jean-Pierre R. a interjeté appel de cette décision. Il demande la mainlevée de la mesure
de curatelle renforcée dont bénéficie son client et soutient que ses relations avec ses connaissances de
Côte d'Ivoire ont évolué car il n'y a plus d'envoi d'argent.
M. R. dit que ses problèmes sont dus à son ex-épouse qui faisait des dettes et ne payait rien. Il précise que
cela est maintenant terminé puisqu'il est divorcé depuis 2012 et qu'il n'y a plus actuellement de
débordements et ce d'autant plus que « la Banque de France lui a tout remis à zéro ».
Cependant l' A.T.F.P.O. indique à l'audience que le budget du majeur protégé est toujours déficitaire et
qu'il y a eu un moratoire de la Commission de surendettement pour un endettement qui s'élève à 52.124
euros. Malgré la mesure de protection l'A.T.F.P.O. ajoute qu' il y a toujours des dépenses qui sont faites,
ce qui aggrave le déficit.
Le 09 février 2015, M. Jean-Pierre R. a communiqué à la Cour un nouveau certificat médical daté du 17
avril 2014, délivré cette fois-ci par le Docteur Taïeb F., médecin spécialiste inscrit sur la liste établie par
le procureur de la République.
Il résulte de ce certificat médical circonstancié que M. Jean-Pierre R. ne souffre d'aucun trouble
neuropsychiatrique identifiable mais présente un profil de personnalité marqué par la suggestibilité,
l'avidité affective et des difficultés de contrôle pulsionnel qui peuvent le mettre en difficulté dans la
gestion, au quotidien, de ses ressources.
Le médecin conclut :
- que M. Jean-Pierre R. présente une fragilité mentale due à un profil particulier de sa personnalité ;
- que l'altération de ses dispositions mentales l'empêche de pourvoir seul à ses intérêts, et ce partiellement
;
- qu'en conséquence, il doit être seulement assisté ou contrôlé dans les actes patrimoniaux et à caractère
personnel de la vie civile.
Il résulte de l'ensemble des ces éléments et des débats que M. R. doit être débouté de sa demande de
mainlevée de sa mesure de protection et le jugement entrepris confirmé en toutes ses dispositions.
[…]
3°) Critère du placement en curatelle renforcée
Cour de cassation, 29 février 2012 (n°10-28822)
Vu l'article 472 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 ;
Attendu que M. X..., placé sous curatelle renforcée, le 15 novembre 2007, et maintenu sous ce régime de
protection, le 28 mai 2009 par le juge des tutelles de Bobigny, a formé un recours contre cette dernière
décision ;
Attendu que, pour confirmer cette mesure, les juges du fond énoncent qu'il ressort du rapport d'expertise
du médecin spécialiste inscrit sur la liste prévue à l'article 493-1 du code civil que M. X... présente, d'une
part, des problèmes physiques, surtout moteurs, liés à l'âge et à des problèmes vertébraux et, d'autre part,
un état dépressif pour lequel il est suivi par un spécialiste et que, sans être incapable d'agir par lui-même,
il a besoin d'être conseillé et contrôlé dans les actes de la vie civile ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si M. X... était ou non apte à percevoir ses revenus et à en
20
faire une utilisation normale, le tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte
susvisé ;
Cour d’appel de Douai, 11 décembre 2014 (n°14/05287)
Résumé : Il convient de maintenir une curatelle renforcée et d'infirmer le jugement ayant
remplacé la curatelle renforcée par une curatelle simple. La majeure, qui présente des séquelles
d'un accident vasculaire cérébral (AVC), n'est pas apte, à ce jour, à percevoir ses revenus et à en
faire une utilisation normale, à savoir, en l'espèce, une utilisation ne mettant pas manifestement
sa santé en danger. En effet, si la majeure dispose de compétences qui lui permettent de faire
seule ses démarches administratives, les choix budgétaires qu'elle a opérés seule au cours des
derniers mois, au titre de l'exécution provisoire du jugement frappé d'appel, ont conduit à une
dégradation de sa situation personnelle. Ainsi, sont établis une augmentation importante des
consommations de tabac et d'alcool ainsi que des comportements alimentaires inadaptés ayant
généré une prise de poids importante, ces comportements entraînant pour la majeure une sévère
réduction de ses capacités d'autonomie et des risques accrus en cas de chute.
4°) Sanction de l’absence du rendu des comptes
Cour de cassation, 28 mai 2015 (n°14-18583 et 14-19823)
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 mars 2014), que Mme Yasmina X..., née le 15 avril 1991, a été
placée sous tutelle, son père, M. Malek X..., étant désigné en qualité de tuteur ; que, par ordonnance du 11
avril 2013, un juge des tutelles a déchargé ce dernier de ses fonctions de tuteur aux biens et désigné un
mandataire judiciaire à cette fin ;
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de confirmer cette décision ;
Attendu qu'après avoir relevé que, malgré les demandes qui lui avaient été adressées, le tuteur n'avait
déposé aucun compte annuel de gestion depuis sa désignation en 2009, qu'il n'avait pas justifié de
l'affectation de la rente mensuelle due à la majeure protégée, versée sur son compte bancaire pendant
plusieurs années, ainsi que des sommes qu'il avait perçues pour le compte de celle-ci au titre de la
réparation de son préjudice, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder aux recherches que ses
constatations rendaient inopérantes, a estimé qu'il était de l'intérêt de la majeure protégée de confier la
gestion de ses ressources et de son patrimoine à un tiers ; que le moyen n'est pas fondé ;
21
FICHE N° 4 : L’IDENTIFICATION DES PERSONNES PHYSIQUES
I. Le nom de famille de l’enfant
Code civil, art. 311-21. « Lorsque la filiation d'un enfant est établie à l'égard de ses deux parents
au plus tard le jour de la déclaration de sa naissance ou par la suite mais simultanément, ces
derniers choisissent le nom de famille qui lui est dévolu : soit le nom du père, soit le nom de la
mère, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux dans la limite d'un nom de famille
pour chacun d'eux. En l'absence de déclaration conjointe à l'officier de l'état civil mentionnant le
choix du nom de l'enfant, celui-ci prend le nom de celui de ses parents à l'égard duquel sa filiation
est établie en premier lieu et le nom de son père si sa filiation est établie simultanément à l'égard
de l'un et de l'autre.
En cas de naissance à l'étranger d'un enfant dont l'un au moins des parents est français, les
parents qui n'ont pas usé de la faculté de choix du nom dans les conditions du précédent alinéa
peuvent effectuer une telle déclaration lors de la demande de transcription de l'acte, au plus tard
dans les trois ans de la naissance de l'enfant.
Lorsqu'il a déjà été fait application du présent article ou du deuxième alinéa de l'article 311-23 à
l'égard d'un enfant commun, le nom précédemment dévolu ou choisi vaut pour les autres enfants
communs.
Lorsque les parents ou l'un d'entre eux portent un double nom de famille, ils peuvent, par une
déclaration écrite conjointe, ne transmettre qu'un seul nom à leurs enfants ».
Exercice. Amar Ego épouse Geneviève Centrique le 1er janvier 2010. Le 1er janvier 2011, la petite
Sabrina voit le jour.
Quel sera le nom de famille de Sabrina ?
Quel sera le nom de famille de la génération suivante dans l’hypothèse où Sabrina garde le nom de
ses deux parents et a un petit garçon avec Charles Henry Poulard-Dubois de Thourotte ?
II. L’imprescriptibilité du nom
En principe, le nom ne peut s’acquérir par usage prolongé. Toutefois, la jurisprudence admet
qu’une famille puisse conserver le nom qu’elle utilise par erreur, sous réserve d’établir une
possession prolongée (plusieurs générations), et la bonne foi de celui qui, à l’origine, avait commis
l’erreur en s’attribuant le nom.
C’est ainsi que Monsieur Louis P. de F. a dû cesser de porter le nom de F., qui avait été pris par sa
mère au lendemain de la seconde guerre mondiale et enregistré comme tel dans les actes de
naissance de ses enfants (Civ. 1ère, 11 juill. 2006).
Cour de cassation, chambre civile 1, 11 juillet 2006 : P.de F.
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu qu’à la requête du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nanterre, les
actes de naissance et de mariage de M. Xavier X... de Y... et les actes de naissance de ses enfants Adèle et
Agathe ont été rectifiés en ce sens que le nom de X... devait se substituer à celui de X... de Y... qui était le
nom donné par son père à son fils Xavier à sa naissance en 1961 ;
Attendu que M. Xavier X... de Y... fait grief à l’arrêt attaqué (Versailles, 24 octobre 2002) d’avoir dit qu’il
se nommait en réalité X..., alors, selon le moyen : 1° qu’en amputant abruptement le patronyme, de
l’adjonction de Y... au seul prétexte inactuel que le principe d’immutabilité du nom aurait empêché le père de
22
l’exposant, né Louis X..., de transmettre en 1961 le nom X... de Y... et en remettant ainsi en cause une
situation personnelle établie depuis 40 ans, où l’exposant a fait usage du nom de X... de Y... et l’a d’ores et
déjà transmis à son épouse et à ses descendants, la cour d’appel a commis une ingérence dans la vie privée et
familiale de M. Xavier X... de Y... manifestement disproportionnée au but poursuivi par l’application du
principe d’immutabilité du nom, en violation de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales ; 2° qu’en appréciant les conséquences du rétablissement de
l’exacte identité patronymique de l’exposant sans tenir compte que le nom qu’il portait était associé à
l’élection de “ Miss France “ événement de grande renommée, et que l’amputation de l’adjonction de Y... lui
serait d’autant plus pénible en raison de la résonnance médiatique et l’exposerait à des sarcasmes, la cour
d’appel a violé le même texte ;
Mais attendu qu’ayant souverainement relevé que les conséquences résultant pour M. Xavier X... de Y... du
rétablissement de l’exacte identité patronymique étaient relatives tant pour lui-même que pour sa famille dès
lors qu’il était notoire que son nom était issu d’un patronyme adopté sciemment par son père dans la
Résistance, que son mariage célébré en 1996 et la naissance de ses filles en 1996 et 2000 étaient récents et
que le risque de déconstruction de la personnalité et de lourdes répercussions psychologiques était peu
sérieux, la cour d’appel, qui a tenu compte des conséquences médiatiques, a pu retenir que, malgré l’atteinte
portée à la vie privée des demandeurs, la rectification de son état civil prévue par la loi s’imposait pour la
protection de l’intérêt général ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; Par ces motifs : REJETTE le pourvoi.
III. Protection du nom en droit civil en cas d’utilisation par un tiers
Cour de cassation, chambre civile 1, 26 mai 1970 : DOP
Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches : attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué,
qu’en 1934, la société “ l’Oréal “ a déposé la marque “ dop... “, destinée a distinguer tous produits de
parfumerie d’hygiène et de beauté; qu’en 1965, François Dop... a assigné cette société a l’effet de s’entendre
interdire sous astreinte l’usage de la marque orthographiée comme son nom patronymique; attendu qu’il est
fait grief aux juges du fond d’avoir rejeté cette demande, alors que le titulaire d’un nom patronymique
dispose du droit de faire obstacle a une appropriation indue de ce nom, sans avoir a justifier d’un risque de
confusion; qu’il est encore soutenu que le nom de dop ne serait ni banal, ni répandu et qu’il importe peu que
les parents du demandeur n’aient pas cru devoir se plaindre avant lui; qu’enfin, la cour d’appel n’aurait pas
répondu aux conclusions faisant ressortir l’imprudence fautive de la société “ l’Oréal “ qui, avant de faire sa
publicité intensive sur le nom de dop... qu’elle ridiculisait, aurait du vérifier que personne ne pouvait être
appelé a en souffrir;
Mais attendu qu’après avoir rappelé à bon droit que le demandeur est tenu de justifier de l’existence d’une
confusion possible a laquelle il a intérêt a mettre fin, lorsque, comme en l’espèce, le nom patronymique est
utilise a des fins commerciales ou publicitaires, les juges d’appel, statuant tant par des motifs propres que par
ceux du jugement entrepris, ont relevé “ que le nom de dop... figure dans les dictionnaires comme nom
commun et que, s’il n’est pas banal comme nom propre, il est cependant porte par plusieurs personnes, non
seulement en France et notamment dans la région parisienne, mais aussi a l’étranger “;
Que l’arrêt constate encore “ que l’emploi de ce mot dans une rengaine fréquemment répétée dans la presse
ou par la radio constitue un procédé habituel et normal de publicité sans que celle-ci ait eu pour résultat
d’avilir le nom de x... au point de le rendre ridicule “; qu’il souligne aussi “ que les parents de Dop... n’ont
pas proteste contre l’utilisation commerciale de leur nom et que lui-même a attendu plus de quatre ans après
sa majorité pour s’aviser de faire défense, par justice, a la société “ l’Oréal “ de se servir de la marque sous
laquelle elle vend ses produits depuis plus de trente ans “;
Que de ces constatations, la cour d’appel a souverainement déduit que l’utilisation de la marque “ Dop... “
par la société “ l’Oréal “ n’avait pas crée un risque de confusion avec François Dop; qu’enfin, répondant aux
conclusions dont elle était saisie, elle a pu estimer “ que rien ni dans le choix, ni dans l’utilisation de la
marque “ Dop... “ par ladite société, ne présente de caractère fautif “;
Qu’ainsi, le moyen ne saurait être accueilli; par ces motifs : rejette le pourvoi forme contre l’arrêt rendu, le 4
juin 1968, par la cour d’appel de paris
23
IV. Indisponibilité de l’état civil et transsexualisme
Cour de cassation, assemblée plénière, 11 décembre 1992 (Bull. n° 13).
Sur le moyen unique : Vu l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales, les articles 9 et 57 du Code civil et le principe de l'indisponibilité de l'état des
personnes ; Attendu que lorsque, à la suite d'un traitement médico-chirurgical, subi dans un but
thérapeutique, une personne présentant le syndrome du transsexualisme ne possède plus tous les caractères de
son sexe d'origine et a pris une apparence physique la rapprochant de l'autre sexe, auquel correspond son
comportement social, le principe du respect dû à la vie privée justifie que son état civil indique désormais le
sexe dont elle a l'apparence ; que le principe de l'indisponibilité de l'état des personnes ne fait pas obstacle à
une telle modification ;
Attendu que M. René X..., né le 3 mars 1957, a été déclaré sur les registres de l'état civil comme étant du
sexe masculin ; que, s'étant depuis l'enfance considéré comme une fille, il s'est, dès l'âge de 20 ans, soumis à
un traitement hormonal et a subi, à 30 ans, l'ablation de ses organes génitaux externes avec création d'un néovagin ; qu'à la suite de cette opération, il a saisi le tribunal de grande instance de demandes tendant à la
substitution, sur son acte de naissance, de la mention " sexe féminin " à celle de " sexe masculin " ainsi qu'au
changement de son prénom ; que le Tribunal a décidé que M. X... se prénommerait Renée, mais a rejeté ses
autres prétentions ; que l'arrêt attaqué a confirmé la décision des premiers juges aux motifs que la conviction
intime de l'intéressé d'appartenir au sexe féminin et sa volonté de se comporter comme tel ne sauraient suffire
pour faire reconnaître qu'il était devenu une femme, et que le principe de l'indisponibilité de l'état des
personnes s'opposait à ce qu'il soit tenu compte des transformations obtenues à l'aide d'opérations
volontairement provoquées ;
Attendu, cependant, que la cour d'appel a d'abord constaté, en entérinant les conclusions de l'expertpsychiatre commis par le Tribunal, que M. X... présentait tous les caractères du transsexualisme et que le
traitement médico-chirurgical auquel il avait été soumis lui avait donné une apparence physique telle que son
nouvel état se rapprochait davantage du sexe féminin que du sexe masculin ; qu'elle a énoncé, ensuite, que
l'insertion sociale de l'intéressé était conforme au sexe dont il avait l'apparence ; d'où il suit qu'en statuant
comme elle l'a fait, elle n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'en déduisaient ;
Par ces motifs : casse et annule l’arrêt rendu le 15 novembre 1990 par la cour d’appel d’Aix-enProvence…
24
FICHE N° 5 : LES PERSONNES MORALES ; LE LIEN ENTRE
LE PATRIMOINE ET LA PERSONNE
I. La nature juridique de la personnalité morale
A) La théorie de la fiction
Selon cette théorie, seules les personnes physiques sont dotées, par nature, de la personnalité
juridique. Il n'en est pas de même pour les personnes morales. En effet, la personnalité juridique
ne saurait être de l'essence d'un groupement, qui ne constitue qu'une entité abstraite. Il
appartient donc à la loi, et à elle seule, de conférer ou non la personnalité juridique à une
catégorie de groupement. À défaut d'une telle reconnaissance, un groupement ne saurait être
doté de la personnalité juridique ou morale. En somme, tout dépend du bon vouloir du
législateur. Seule la loi peut créer, par pure fiction, ces personnes juridiques, et il n'y a pas
d'autres personnes morales que celles décidées par la loi. Quant au juge, il n'a aucun pouvoir
pour compléter la liste légale des personnes morales, puisque cette liste est limitative.
Sociétés. Article 1842 du Code civil : « Les sociétés autres que les sociétés en participation…
jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation ».
Article 1871 du Code civil : « Les associés peuvent convenir que la société ne sera point
immatriculée. La société est dite alors société en participation. Elle n’est pas une personne
morale et n’est pas soumise à publicité. Elle peut être prouvée par tous moyens. Les associés
conviennent librement de l’objet, du fonctionnement et des conditions de la société en
participation, sous réserve de ne pas déroger aux dispositions des articles…. »
Associations. L. 1er juillet 1901 : art. 2 : « Les associations de personnes pourront se former
librement sans autorisation ni déclaration préalable, mais elles ne jouiront de la capacité civile
(ce terme est synonyme de personnalité juridique), qui si elles se sont conformées aux
dispositions de l’article 5 ».
Art. 5 : « Toute association qui voudra obtenir la capacité juridique prévue par l’article 6 devra
être rendue publique par les soins de ses fondateurs. La déclaration préalable en sera faite à la
préfecture ou à la sous-préfecture… où l’association a son siège social ».
B) La théorie de la réalité
Avec cette théorie, la personnalité morale des groupements est une réalité inhérente aux
groupements de personnes ou de biens, de la même manière que la personnalité juridique est
inhérente aux personnes physiques. Autrement dit, les personnes morales ne sont plus des êtres
fictifs, des créations artificielles de la loi : ce sont des êtres réels. Chaque fois que l'on est en
présence d'un groupement animé d'une volonté collective, voire d'une « organisation défendant
des intérêts collectifs », le juge, même dans le silence de la loi, doit reconnaître la personnalité
morale d'un tel groupement, puisque c'est une réalité.
Cour de Cassation, Chambre civile 2, 28 janvier 1954
Sur le moyen unique pris en sa seconde branche : Vu les articles 1er paragraphe 2 et 21 de l'ordonnance
législative du 22 février 1945, 1er du décret du 2 novembre 1945;
Attendu que la personnalité civile n'est pas une création de la loi ; qu'elle appartient, en principe, à tout
groupement pourvu d'une possibilité d'expression collective pour la défense d'intérêts licites, dignes, par
25
suite, d'être juridiquement reconnus et protégés ; Que, si le législateur a le pouvoir, dans un but de haute
police, de priver de la personnalité civile telle catégorie déterminée de groupements, il en reconnaît, au
contraire, implicitement mais nécessairement, l'existence en faveur d'organismes créés par la loi ellemême avec mission de gérer certains intérêts collectifs présentant ainsi le caractère de droits susceptibles
d'être déduits en justice ;
Attendu qu'après avoir, en son article 1er, institué des comités d'entreprises dans toutes les entreprises
qu'elle énonce, l'ordonnance susvisée dispose : "le comité d'entreprise coopère avec la direction à
l'amélioration des conditions collectives du travail et de vie du personnel, ainsi que des règlements qui s'y
rapportent" ; "Le comité d'entreprise assure ou contrôle la gestion de toutes les œuvres sociales établies
dans l'entreprise au bénéfice des salariés ou de leurs familles ou participe à cette gestion ... dans les
conditions qui seront fixées par un décret pris en Conseil d'Etat" ; "Le décret déterminera notamment les
règles d'octroi et l'étendue de la personnalité civile des comités d'entreprises" ;
Attendu que l'article 21 de la même ordonnance est ainsi conçu : "Dans les entreprises comportant des
établissements distincts, il sera créé des comités d'établissements dont la composition et le
fonctionnement seront identiques à ceux des comités d'entreprises définis aux articles ci-dessus, qui
auront les mêmes attributions que les comités d'entreprises dans la limite des pouvoirs confiés aux chefs
de ces établissements ; "Le comité central d'entreprise sera composé de délégués élus des comités
d'établissements" ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable l'action intentée contre le sieur X..., en remboursement du prix
d'un marché de vêtements prétendu non exécuté par le Comité d'établissement de Saint-Chamond de la
Compagnie des Forges et Aciéries de la Marine et d'Homécourt, représenté par son Président, le sieur
Y..., l'arrêt attaqué énonce qu'un groupement n'a la personnalité civile que si celle-ci lui a été
expressément attribuée ; que le silence de la loi relativement aux comités d'établissements dans une
matière ou une disposition expresse est indispensable ne peut s'interpréter que comme étant l'expression
de la volonté de n'attribuer la personnalité civile qu'aux seuls comités d'entreprises, l'existence et le
fonctionnement des comités d'établissements devant se confondre avec la personnalité des comités
centraux d'entreprises et les comités d'établissements ne pouvant contracter ou agir en justice que par
l'intermédiaire de ces derniers ;
Mais, attendu que, d'après l'article 21 précité, la composition et le fonctionnement des comités
d'établissements sont identiques à ceux des comités d'entreprises et ont les mêmes attributions que ces
derniers dans les limites des pouvoirs confiés aux chefs de ces établissements ; Et attendu que si les
dispositions de l'article 1er du décret du 2 novembre 1945, prises en application de l'article 2, alinéa 2 de
l'ordonnance législative, ne visent expressément que les comités d'entreprises, elles impliquent
nécessairement reconnaissance de la personnalité civile des comités d'établissements, celle-ci n'étant pas
moins indispensable à l'exercice d'attributions et à la réalisation de buts identiques, dans le champ d'action
qui leur est dévolu par ladite ordonnance elle-même ; D'où il suit qu'en déclarant, pour les motifs qu'elle a
admis, l'action dudit comité d'établissement irrecevable, la Cour d'appel a faussement appliqué, et par
suite, violé les articles invoqués au moyen ;
PAR CES MOTIFS : CASSE et ANNULE l'arrêt rendu entre les parties par la Cour d'Appel de Lyon, et
les renvoie devant la Cour d'Appel de Riom.
II. Le lien entre la personne et le patrimoine
A) La conception française classique du patrimoine
Le patrimoine est-il dissociable ou non des personnes juridiques. En clair, le patrimoine peut-il
exister indépendamment d'une personne ? La conception française classique du patrimoine le
refuse. Pour Aubry et Rau, auteurs du XIXème siècle, le patrimoine est une émanation de la
personnalité : il ne se crée pas. Par nature, toute personne, physique ou morale, est dotée d'un
patrimoine : le patrimoine est inné à la personne juridique, il fait corps avec elle, il en est
indissociable. Aubry et Rau en déduisent trois conséquences : seules les personnes juridiques
ont un patrimoine ; toute personne a nécessairement un patrimoine; toute personne n'a qu'un
patrimoine. Il résulte de cette unité du patrimoine qu’une personne ne peut fractionner son
patrimoine en plusieurs patrimoines distincts dont chacun aurait son actif et son passif. On dit
26
encore que le patrimoine est indivisible. Aussi lorsqu’une personne envisage d’exercer une
activité économique sous la forme d’une exploitation individuelle, et qu’elle y affecte une partie
de ses biens, elle ne donne pas naissance à un nouveau patrimoine : cette personne n’a toujours
qu’un patrimoine, dont l’actif répond désormais des dettes de l’affaire. Pour contourner la
conséquence de l'unité du patrimoine, il suffit alors de créer une personne morale, telle une
société, dont l'objet est l'activité économique envisagée par ses fondateurs. Cette personne
morale, comme toute personne juridique, a un propre patrimoine, distinct de celui de chacun des
associés.
Code civil, art 2284 : « Quiconque s'est obligé personnellement, est tenu de remplir son
engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir ».
Art. 2285 : « Les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers ; et le prix s'en
distribue entre eux par contribution, à moins qu'il n'y ait entre les créanciers des causes
légitimes de préférence ».
Cour de cassation, 1ère civile, 10 septembre 2014
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 5 février 2013), que le 2 septembre 1993, les locaux de la société
Erdi France, propriété de Henri X... et son épouse Simone Y..., ont été détruits par un incendie volontaire
; que durant sa garde à vue le 4 septembre 1993, Mme Z..., comptable de la société Erdi France, a reconnu
en être l'auteur ; que par acte du 22 novembre 1995, Mme Z... a consenti à son fils M. A..., la donation de
la nue-propriété de parcelles de terres indivises et d'une maison d'habitation avec garage et terrain attenant
; que par jugement du 20 mars 2007, confirmé par arrêt du 24 juin 2008, elle a été condamnée par le
tribunal correctionnel d'Evry, notamment à verser une indemnité de 400 000 euros aux époux X... ;
qu'exerçant l'action paulienne, les époux X... ont assigné Mme Z... et M. A... en « annulation » de la
donation ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que Mme Z... et M. A... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré inopposable aux époux X... la donation
consentie le 22 novembre 1995, alors, selon le moyen, que la créance invoquée par le demandeur à
l'action paulienne doit être antérieure à l'acte attaqué ; que s'agissant d'une créance de somme d'argent,
elle doit être liquidée à la date de cet acte ; que, dès lors en décidant que les époux X... pouvaient se
prévaloir d'une créance indemnitaire liquidée par un jugement du 20 mars 2007 pour attaquer un acte de
donation du 22 novembre 1995, la cour d'appel a violé l'article 1167 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que les faits qui ont donné naissance à la créance des époux X... étaient
antérieurs à l'acte de donation, la cour d'appel en a exactement déduit qu'à la date de cet acte, Mme Z...,
auteur de l'incendie volontaire, connaissait dans son principe l'existence de son obligation ; que la cour
d'appel a légalement justifié sa décision ;
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Attendu que Mme Z... et M. A... font le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que le demandeur à
l'action paulienne doit prouver la fraude à ses droits commise à la date de l'acte attaqué ; que le 22
novembre 1995, date de l'acte de donation, Mme Z... ne pouvait pas avoir conscience de porter préjudice
à Henri X... qui était mis en examen pour complicité de l'infraction pénale pour laquelle elle était
poursuivie ; qu'en ne caractérisant pas la fraude commise en 1995 par Mme Z... au préjudice de Henri
X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1167 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, que dès l'enquête préliminaire Mme Z...
s'était reconnue l'auteur de l'incendie et que l'immeuble incendié était également la propriété de Simone
X..., la cour d'appel a retenu qu'en transférant sans contrepartie la nue-propriété du bien qui constituait
l'essentiel de son patrimoine, Mme Z... savait qu'elle devenait insolvable, privant ses créanciers du
principal de leur gage général sur son patrimoine ; qu'elle a ainsi caractérisé la fraude à leurs droits ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
27
B) La consécration du patrimoine d’affectation
La conception classique du patrimoine s’oppose à la conception du patrimoine d’affectation.
Cette conception admet l'existence d'un patrimoine sans sujets de droits. Pour créer un
patrimoine, dans lequel l'actif répond du passif, il suffit d'affecter certains biens à un but
commun. Et, conséquence même de l'indissociabilité de l'actif et du passif, les biens affectés à
cette activité répondent seuls des dettes nées de l’activité. En somme, un entrepreneur pourrait
constituer autant de patrimoines distincts que d'activités économiques différentes sans avoir à
créer de personnes morales nouvelles ni engager son patrimoine personnel originel.
Pendant, longtemps, le législateur a été réticent à admettre le patrimoine d’affectation.
Aujourd’hui, plusieurs séries de dispositions montrent qu’il a quasiment mis en œuvre cette
théorie.
1°. L’insaisissabilité des biens immobiliers de l’entrepreneur individuel
En raison du principe de l’indivisibilité du patrimoine, un exploitant individuel, comme toute
personne physique, n’a qu’un seul et unique patrimoine dont les éléments actifs répondent du
passif, y compris celui généré par son activité professionnelle.
Pourtant, depuis la loi de Modernisation de l’Economie, du 4 août 2008, l’entrepreneur
individuel peut faire échapper la plupart de ses biens immobiliers à une saisie, à l’exception de
ceux affectés à son usage professionnel (L. 526-1, al. 1er). Il en est ainsi de sa résidence
principale et de tout bien foncier bâti ou non qu’il n’a pas affecté à son usage professionnel.
Cependant, le chef d’entreprise peut renoncer à cette insaisissabilité au profit de créanciers
déterminés, dont les créances sont nées à l’occasion de l’affaire (L. 526-3, al. 4). On notera que
cette mesure, toujours en vigueur malgré la loi du 15 juin 2010 instituant l’entreprise
individuelle à responsabilité limitée, ne fait qu’élargir le domaine de l’actif insaisissable de
l’entrepreneur individuel qui avait été précédemment posé par une loi du 1er août 2003 (L. 5261 à L. 526-4). En effet, cette loi donnait déjà la possibilité à l’entrepreneur individuel de rendre
insaisissables ses droits sur l’immeuble destiné à sa résidence principale, par une simple
déclaration notariée publiée à la Conservation des hypothèques.
Cour de cassation, chambre commerciale, 13 mars 2012
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 23 septembre 2010), que, le 2 juillet 2004, M. et Mme X... ont
acquis un immeuble constituant leur résidence principale ; que, par acte notarié du 5 avril 2005, M. X... a
procédé à une déclaration d'insaisissabilité de cet immeuble, publiée au bureau de la conservation des
hypothèques le 11 avril 2005 ; que, le 17 février 2006, M. X... a été mis en liquidation judiciaire, la
société Duquesnoy & associés, aux droits de laquelle vient la société Depreux, étant désignée liquidateur
(le liquidateur) ; que, le 17 janvier 2007, le liquidateur a saisi le juge-commissaire d'une demande visant à
voir ordonner la vente aux enchères publiques de cet immeuble, lequel s'est déclaré incompétent au profit
du tribunal ;
Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'il n'a pas qualité pour agir en réalisation de
l'immeuble constituant la résidence principale de M. et Mme X..., alors, selon le moyen, que la
déclaration d'insaisissabilité de la résidence principale prévue par l'article L. 526-1 du code de commerce
n'est opposable qu'aux créanciers «dont les droits naissent postérieurement à la publication (de cette
déclaration), à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant» ; que ce bien entre en revanche dans le
gage commun des créanciers antérieurs à cette publication et des créanciers non professionnels ; qu'en cas
de liquidation judiciaire, ces créanciers ne peuvent agir individuellement en vente forcée de l'immeuble
pour obtenir le paiement de leur créance sur le patrimoine du débiteur ; que le liquidateur judiciaire a seul
qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif ; qu'en l'espèce, l'immeuble de M. X..., qui avait fait
l'objet d'une déclaration d'insaisissabilité, entrait dans le gage commun des créanciers antérieurs à la
publication et des créanciers non professionnels qui étaient également créanciers de la liquidation
judiciaire ; que le liquidateur judiciaire de M. X... avait qualité pour agir, peu important que seuls ces
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créanciers soient ensuite susceptibles d'être appelés à une répartition du prix de vente ; qu'en affirmant le
contraire, la cour d'appel a méconnu l'étendue des pouvoirs du liquidateur judiciaire et le principe de
suspension des poursuites individuelles, violant ainsi les articles L. 641-3 et L. 641-4, alinéa 3, renvoyant
aux articles L. 622-20 et L. 622-21 du code de commerce, ensemble l'article L. 526-1 du même code ;
Mais attendu que le débiteur peut opposer au liquidateur la déclaration d'insaisissabilité qu'il a effectuée,
en application de l'article L. 526-1 du code de commerce, avant qu'il ne soit mis en liquidation judiciaire ;
que l'arrêt retient que, sauf à priver ce texte de toute portée, une déclaration d'insaisissabilité
régulièrement publiée ne permet pas aux organes de la procédure collective d'incorporer l'immeuble
concerné dans le périmètre de la saisie des biens appartenant au débiteur ; que, par ces seuls motifs, la
cour d'appel en a déduit à bon droit que le liquidateur n'avait pas qualité pour agir en réalisation de
l'immeuble affecté par la déclaration d'insaisissabilité, régulièrement publiée, effectuée par M. X... avant
l'ouverture de sa liquidation judiciaire ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
2°. Le patrimoine fiduciaire
L’institution de la fiducie. Créée par une loi du 19 février 2007, et renforcée par petites
touches successives par la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, et deux
ordonnances du 18 décembre 2008 et du 30 janvier 2009, la fiducie permet à une personne, le
constituant, de confier des actifs (biens, droits, sûretés) à une autre personne, le fiduciaire (du
latin fiducia : confiance), à charge pour celle-ci de les rétrocéder, après un certain temps, à un
bénéficiaire (C. civ., art. 2011) ; ce dernier pouvant être aussi bien un vrai tiers que le
constituant ou le fiduciaire (C. civ., art. 2016).
Toute personne physique ou morale peut recourir à la fiducie en tant que constituant. Les
particuliers et les entrepreneurs individuels peuvent ainsi utiliser ce mécanisme pour pallier des
problèmes de santé. En outre, seuls peuvent exercer les fonctions de fiduciaire les
établissements de crédit, les entreprises d’investissement et d’assurances, La Banque postale, la
Caisse des dépôts et consignations, et même les avocats (C. civ., art. 2015, al. 2), les notaires
étant curieusement écartés.
Une condition, qui n’existe pas dans le mécanisme équivalent du trust anglo-saxon, limite
l’usage de la fiducie: l’opération doit répondre à un but déterminé étranger à toute intention
libérale (C. civ., art. 2013). On ne peut donc y recourir à des fins successorales (fiducielibéralité). En revanche, elle peut permettre à une entreprise d’isoler des actifs dans un
patrimoine autonome afin de garantir le remboursement d’un crédit (fiducie-sûreté). Cette
fiducie-sûreté fait l'objet des articles 2372-1 à 2372-6 du Code civil, issus d'une ordonnance du
30 janvier 2009. La fiducie peut aussi permettre d’assurer la gestion d’actifs suivie de leur
transmission au profit d’un bénéficiaire (fiducie-gestion). Cette fiducie ne fait pour l'instant
l'objet d'aucune disposition autonome dans le Code civil.
L’insaisissabilité du patrimoine fiduciaire. Les actifs transférés au fiduciaire sont séparés des
patrimoines propres du constituant et du fiduciaire (C. civ., art. 2011). Ils ne peuvent donc être
saisis ni par les créanciers du fiduciaire, ni par ceux du constituant soumis à une procédure
collective (C. civ., art. 2024). De cette façon, la fiducie peut être utilisée par des entreprises pour
mettre des actifs à l’abri des actions de leurs créanciers.
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3°. L’entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL)
Le Big-Bang du droit français. Une loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 relative à l’EIRL a opéré
une révolution du droit français reléguant au musée des antiquités juridiques la théorie d'Aubry
et Rau. Cette loi, applicable depuis le 1er janvier 2011, consacre un patrimoine affecté à
l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel, séparé de son patrimoine personnel (C.
com., art. L. 526-6, al. 1er). L’EIRL est ouverte aux commerçants, artisans, agriculteurs et
éleveurs, ainsi qu’aux personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante,
y compris libérale (médecin, avocat…). Elle leur permet d’être titulaires de deux patrimoines :
l’un personnel et l’autre affecté à l’exercice de l’activité professionnelle, sans avoir à créer une
personne morale ad hoc (à compter du 1er janvier 2013, un même entrepreneur individuel
pourra constituer plusieurs patrimoines affectés). Il suffit à l’entrepreneur individuel de déclarer
la constitution du patrimoine affecté dans un registre de publicité légale, en joignant l’évaluation
par un professionnel des actifs en nature d’une valeur déclarée supérieure à 30 000 euros (C.
com., art. R. 526-5). Les biens affectés à ce patrimoine constituent aussitôt le seul gage général
des créanciers de l’affaire (C. com., art. L. 526-12). En revanche, les biens personnels, meubles
et immeubles, de cet entrepreneur échappent à toute saisie des créanciers de l’affaire. Certes, les
entrepreneurs peuvent obtenir un résultat similaire en adoptant le cadre juridique de l’EURL ou
de la SASU, dont ils sont l’associé unique. Toutefois, ils évitent ces structures sociétaires qui, à
la différence de l’EIRL, sont régies par une réglementation complexe et ne les mettent pas l’abri
de poursuites pour abus de biens sociaux.
On notera que le statut de l’EIRL peut être combiné avec celui de l’auto-entrepreneur, sous la
forme du statut de l’auto-entrepreneur à responsabilité limitée (AERL). Ainsi les autoentrepreneurs peuvent-ils cumuler les avantages de l’auto-entreprise (formalités de constitution
d’une grande simplicité), et ceux de l’EIRL (séparation du patrimoine personnel et du
patrimoine de l’affaire). Ce statut est accessible aux mineurs de 16 ans, créateurs d’entreprises,
dans les conditions fixées par les articles 389-8 et suivants du Code civil (voir dossier n° 6).
L’entrepreneur sans risque. L’EIRL repose sur une pensée libérale de limitation du risque
entrepreneurial. Cette doctrine d'une autre époque méconnaît que la sécurité absolue du chef
d’entreprise n’est guère compatible avec la pérennité de l’affaire. L’absence de fonds propres et
la déresponsabilisation du chef d’entreprise fragilisent l’affaire. D’un côté, les banques sont
réticentes à fournir du crédit aux personnes qui organisent leur insolvabilité. De l’autre, les
fournisseurs, premiers dispensateurs de crédits aux entreprises avec des délais de paiement, en
principe, de deux mois maximum (L. 441-6), ont intérêt à exiger un paiement au comptant. Pis,
cette réforme ne porte aucun intérêt au sort des créanciers qui, pour récupérer le montant de
leurs créances, ne trouveront quasiment rien dans le patrimoine de l’EIRL. Au demeurant, tous
les créanciers ne seront pas victimes de l’EIRL. Les établissements de crédit sont suffisamment
avisés pour subordonner leurs financements à des garanties personnelles du chef d’entreprise.
En revanche, les clients qui avancent de l’argent à l’entrepreneur pour des travaux, des biens et
des services qu’ils ne verront jamais, n’auront aucune chance d’être remboursés. Cela est
d’autant plus regrettable que les difficultés des entreprises ne sont pas toujours la conséquence
d’un contexte économique difficile dont serait victime le chef d’entreprise, mais souvent de ses
fautes de gestion.
Désillusions. Au 1er janvier 2012, soit un an après l’entrée en vigueur du statut de l’EIRL,
l’administration faisait état de seulement 1 300 déclarations d’affectation ! Sans doute parce que
l’étiquette d’entrepreneur « irresponsable » accolée à l’EIRL est nuisible à l’égard de ses
créanciers.
Exercice. Il vous est demandé de faire une recherche en bibliothèque ou sur les bases de
données de la BU pour recenser les articles consacrés à l’EIRL dans les principales revues
juridiques et d’établir une liste d’éléments favorables et/ou défavorables soutenus par les
auteurs. A partir de cette recherche, forgez-vous une opinion et, selon celle-ci, rédigez
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entièrement l’introduction d’un devoir sur « L’EIRL et la protection du patrimoine
personnel de l’entrepreneur », avec l’annonce du plan de celui-ci. Pour le contenu, vous vous
limiterez à poser les intitulés expressifs des parties et des sous parties en énumérant pour
chacune d’entre elles les éléments qui les justifient.
Code de commerce : Chapitre VI : De la protection de l'entrepreneur individuel et du
conjoint.
Article L. 526-1. Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, une personne physique
immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité
professionnelle agricole ou indépendante peut déclarer insaisissables ses droits sur l'immeuble
où est fixée sa résidence principale ainsi que sur tout bien foncier bâti ou non bâti qu'elle n'a pas
affecté à son usage professionnel. Cette déclaration, publiée au bureau des hypothèques ou, dans
les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, au livre foncier, n'a d'effet qu'à
l'égard des créanciers dont les droits naissent, postérieurement à la publication, à l'occasion de
l'activité professionnelle du déclarant.
Lorsque le bien foncier n'est pas utilisé en totalité pour un usage professionnel, la partie non
affectée à un usage professionnel ne peut faire l'objet de la déclaration que si elle est désignée
dans un état descriptif de division. La domiciliation du déclarant dans son local d'habitation en
application de l'article L. 123-10 ne fait pas obstacle à ce que ce local fasse l'objet de la
déclaration, sans qu'un état descriptif de division soit nécessaire.
Article L. 526-2. La déclaration, reçue par notaire sous peine de nullité, contient la description
détaillée des biens et l'indication de leur caractère propre, commun ou indivis. L'acte est publié
au bureau des hypothèques ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut Rhin et de la
Moselle, au livre foncier, de sa situation.
Lorsque la personne est immatriculée dans un registre de publicité légale à caractère
professionnel, la déclaration doit y être mentionnée.
Lorsque la personne n'est pas tenue de s'immatriculer dans un registre de publicité légale, un
extrait de la déclaration doit être publié dans un journal d'annonces légales du département dans
lequel est exercée l'activité professionnelle pour que cette personne puisse se prévaloir du
bénéfice du premier alinéa de l'article L. 526-1.
L'établissement de l'acte prévu au premier alinéa et l'accomplissement des formalités donnent
Lieu au versement aux notaires d'émoluments fixes dans le cadre d'un plafond déterminé par
décret.
Article L. 526-3. En cas de cession des droits immobiliers désignés dans la déclaration initiale,
le prix obtenu demeure insaisissable à l'égard des créanciers dont les droits sont nés
postérieurement à la publication de cette déclaration à l'occasion de l'activité professionnelle du
déclarant, sous la condition du remploi dans le délai d'un an des sommes à l'acquisition par le
déclarant d'un immeuble où est fixée sa résidence principale.
Les droits sur la résidence principale nouvellement acquise restent insaisissables à la hauteur
Des sommes réemployées à l'égard des créanciers visés au premier alinéa lorsque l'acte
d'acquisition contient une déclaration de remploi des fonds.
La déclaration de remploi des fonds est soumise aux conditions de validité et d'opposabilité
prévues aux articles L. 526-1 et L. 526-2.
La déclaration peut, à tout moment, faire l'objet d'une renonciation soumise aux mêmes
conditions de validité et d'opposabilité. La renonciation peut porter sur tout ou partie des biens ;
elle peut être faite au bénéfice d'un ou plusieurs créanciers mentionnés à l'article L. 526-1
désignés par l'acte authentique de renonciation.
Lorsque le bénéficiaire de cette renonciation cède sa créance, le cessionnaire peut se prévaloir
de celle-ci.
Les effets de la déclaration subsistent après la dissolution du régime matrimonial lorsque le
déclarant est attributaire du bien. Le décès du déclarant emporte révocation de la déclaration ».
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FICHE N° 6. LES DROITS EXTRA-PATRIMONIAUX : LE DROIT AU
RESPECT DE LA VIE PRIVEE
Code civil
art. 9 : « Chacun a droit au respect de sa vie privée.
Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures,
telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de
la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé »
art. 16 : « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et
garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie ».
Conv. EDH : article 8. Droit au respect de la vie privée et familiale
1 Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa
correspondance.
2 Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant
que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société
démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique
du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la
santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.
I. Johnny Hallyday c/ Hachette Filipacchi
1. Cour de Cassation, 1ère Chambre civile, (Bull. n° 167) : affaire Johnny Hallyday c/ Hachette
Filipacchi
(Les faits de l’arrêt sont parfaitement présentés dans le communiqué du greffier de la Cour EDH ciaprès reproduit).
Sur le premier moyen, pris en sa première branche : Vu l’article 9, alinéa 1er, du Code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande de M. X..., fondée sur la publication de photographies le représentant,
réalisées à des fins publicitaires, pour illustrer un article paru dans Ici Paris Magazine critiquant sa carrière et
son mode de vie, l’arrêt attaqué énonce que, si ces photographies illustrent un texte critique sur les choix
opérés par l’intéressé, de vendre son image sur des produits très divers, elles n’ont pas été détournées de leur
objectif publicitaire, autorisé par l’intéressé, dès lors qu’elles traduisent en images l’activité commerciale
qu’il a développée ;
Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors qu’il résultait de ces énonciations que la publication des
photographies ne respectait pas la finalité visée dans l’autorisation donnée par l’intéressé, la cour d’appel a
violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen, pris en sa quatrième branche : Vu l’article 9, alinéa 1er, du Code civil ; Attendu que
pour débouter M. X... de sa demande, fondée sur la violation du respect dû à sa vie privée par la publication
d’informations relatives à sa situation de fortune, l’arrêt attaqué affirme que le patrimoine ne relève pas de la
sphère étroite de la vie privée, et que l’intéressé lui-même a publié ces informations dans un livre
autobiographique ;
Attendu qu’en statuant ainsi, alors que les informations publiées portaient non seulement sur la situation de
fortune, mais aussi sur le mode de vie et la personnalité de M. X..., sans que leur révélation antérieure par
l’intéressé soit de nature à en justifier la publication, la cour d’appel a, derechef, violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 6 mars 1998, entre
les parties, par la cour d’appel de Paris.
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2. Cour européenne des Droits de l’homme, 23 juill. 2009 : aff. Hachette Filipacchi c. France
(requête no 12268/03). Communiqué du greffier (ce communiqué résume l’arrêt qui est très long et
consultable en ligne).
La Cour européenne des droits de l’homme a communiqué par écrit son arrêt de chambre dans
l’affaire Hachette Filipacchi Associés (« Ici Paris ») c. France (requête no 12268/03). La Cour
conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention
européenne des droits de l’homme en raison de la condamnation en 2002 de la requérante, une
maison d’édition, suite à la publication en 1996 d’un article concernant le chanteur Johnny
Hallyday. En application de l’article 41 (satisfaction équitable) de la Convention, la Cour alloue à
la requérante 26 000 euros (EUR) pour dommage matériel - soit le montant de sa condamnation par
le juge français - ainsi que 10 000 EUR pour frais et dépens.
1. Principaux faits
La requérante, Hachette Filipacchi Associés, est une société en nom collectif de droit français,
ayant son siège social à Levallois-Perret (France). Le 13 novembre 1996, l’hebdomadaire Ici Paris,
édité par la société requérante, publia un article intitulé « S’il faisait un bide à Las Vegas ? Johnny
l’angoisse ! ». L’article faisait notamment état des difficultés financières supposées du chanteur
Johnny Hallyday, de son vrai nom M. Smet, et de ses goûts dispendieux. Quatre photographies du
chanteur illustraient l’article, l’une le représentant sur scène et les autres, à caractère publicitaire,
vantant des produits pour lesquels il avait autorisé l’usage de son nom et de son image. Le 4 mars
1997, le chanteur assigna la société éditrice aux fins de la voir condamnée pour violation du droit
au respect de sa vie privée. Il fut quasi-intégralement débouté devant le tribunal de grande instance
de Paris (2 juillet 1997) puis la cour d’appel de Paris (6 mars 1998), au motif notamment que le
magazine litigieux s’était borné à reprendre des éléments connus du patrimoine et du mode de vie
financier de Johnny Hallyday, révélés par lui-même à de nombreuses reprises et notamment dans
son autobiographie. Après cassation, l’affaire fut renvoyée devant la Cour d’appel de Versailles
qui, le 9 octobre 2002, condamna Hachette Filipacchi Associés au paiement de 20 000 EUR à titre
de dommages-intérêts, ainsi qu’au paiement de frais et dépens. La cour d’appel estima, d’une part,
que la publication des photographies ne respectait pas l’objectif publicitaire pour lequel le chanteur
avait donné son autorisation d’utiliser son image et, d’autre part, que les informations données sur
le mode de vie de Johnny Hallyday violaient le droit au respect de la vie privée. La Cour de
cassation rejeta définitivement le pourvoi en cassation de la société requérante le 23 septembre
2004.
La requête a été introduite devant la CEDH le 4 avril 2003.
2. Résumé de l’arrêt
Grief. Hachette Filipacchi Associés estimait que sa condamnation pour atteinte à la vie privée
violait son droit à la liberté d’expression au sens de l’article 10 de la Convention.
Décision de la Cour. La Cour écarte l’argument du Gouvernement selon lequel le litige serait privé
et échapperait au contrôle de l’Etat : la condamnation litigieuse constitue manifestement une
ingérence d’autorités publiques dans le droit d’Hachette Filipacchi Associés à la liberté
d’expression. Cette ingérence, prévue par la loi, visait le but légitime de protéger le droit du
chanteur au respect de la vie privée. La Cour est amenée à trancher un conflit de droits
fondamentaux entre ce droit, d’une part, et celui de la société éditrice à la liberté d’expression,
d’autre part.
La Cour attache une importance particulière à la nature publicitaire des clichés publiés, ce qui
distingue cette affaire de celles dans lesquelles les photographies litigieuses procèdent de
manœuvres litigieuses ou clandestines, ou s’immiscent dans l’intimité des personnes.
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La révélation antérieure, par Johnny Hallyday lui-même (dans son autobiographie), des
informations litigieuses concernant la manière dont il gérait et dépensait généreusement son argent,
est également un élément essentiel de l’analyse de la Cour. Les révélations du chanteur
affaiblissent le degré de protection à laquelle il pouvait prétendre au titre de sa vie privée. Ce
critère déterminant aurait dû être pris en compte par le juge français dans l’appréciation de la faute
reprochée à la société d’édition, ce qui ne fut pas le cas.
Enfin, l’article, bien que pouvant paraître négatif à l’égard de Johnny Hallyday, ne contenait
aucune expression offensante ou volonté de lui nuire. Les limites attachées à l’exercice de la liberté
journalistique dans une société démocratique n’ont pas été dépassées. Le juste équilibre entre les
intérêts concurrents en jeu n’ayant pas été ménagé, la Cour conclut à la violation de l’article 10.
II. Le prince Albert de Monaco
Cour de cassation, 1ère Chambre civile, 27 février 2007 (Bull. n° 85)
« Attendu que dans son numéro 2920 daté du 5 mai 2005, l’hebdomadaire Paris-Match a publié, en ses pages
50 à 59, un entretien avec Mme X..., consacré à la révélation de la naissance d’un garçon prénommé
Alexandre, et présenté comme issu de ses relations intimes avec Albert Y..., prince de Monaco ; que le texte
est illustré de plusieurs photographies représentant celui-ci avec celui-là ; que ces développements sont
annoncés en gros caractères dès la couverture, sous le titre “Albert de Monaco : Alexandre, l’enfant secret,
Nicole, sa mère raconte leur longue histoire” ; que le prince Albert, arguant d’atteinte à ses droits sur sa vie
privée et son image, a assigné la société Hachette Filipacchi (la société), éditrice du journal, et Mme A...,
directrice de la publication ; que l’arrêt confirmatif attaqué, accueillant la demande, a condamné la société au
paiement de dommages-intérêts et à la publication de la décision ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu’il est fait grief à la cour d’appel (Versailles, 24 novembre 2005) d’avoir violé l’article 6 de la
Conv. EDH sa décision ne visant pas une note en délibéré produite par la société après que le ministère
public eut pris la parole le dernier ;
Mais attendu que la disposition visée n’exige pas qu’une note en délibéré, déposée en réponse aux
conclusions du ministère public partie jointe au procès civil, conformément aux articles 443 et 445 du
nouveau code de procédure civile, soit mentionnée par la décision à s’ensuivre ; qu’il résulte des pièces de la
procédure que l’audience publique s’est tenue le 27 octobre 2005, que la note adressée par la société est
arrivée au secrétariat-greffe de la cour de Versailles le 2 novembre 2005, que l’arrêt a été rendu le 24
novembre suivant ; qu’il en résulte que la pièce est bien parvenue au juge dans le cours du délibéré ; qu’il
n’est pas établi que celui-ci aurait été tenu pour définitivement clos dès avant son arrivée, de sorte que le
moyen n’est pas fondé ;
Et sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu qu’il est aussi fait grief à l’arrêt d’avoir violé les articles 9 du code civil et 10 de la Conv. EDH, dès
lors que la révélation dans l’article incriminé de la paternité d’Albert de Monaco, souverain régnant depuis
avril 2005 sur une principauté pratiquant la transmission héréditaire du pouvoir, concernait la vie publique en
raison des fonctions de l’intéressé, et était ainsi justifiée par les nécessités de l’information et le droit du
lectorat sur celle-ci, sans que l’on puisse reprocher par ailleurs ni des digressions diverses, anodines et
seulement destinées à mettre la nouvelle en perspective, ni l’adjonction de photographies, remises par Mme
X..., prises au soutien de l’événement, et en relation directe avec lui ;
Mais attendu que toute personne, quel que soit son rang, sa naissance, sa fortune, ses fonctions présentes ou à
venir a droit au respect de sa vie privée ; que l’arrêt relève d’une part que, à la date de la parution de l’article,
l’existence et la filiation de l’enfant étaient inconnues du public, que d’autre part, la Constitution de la
principauté exclut que, né hors mariage, il puisse accéder au trône, situation que, du reste, les conclusions de
la société ne soutenaient ni être en débat dans les sociétés française ou monégasque, ni être étudiée par la
publication litigieuse, et, enfin, que l’article comportait de nombreuses digressions sur les circonstances de la
rencontre et de la liaison de Mme X... et du prince Albert, les réactions de celui-ci à l’annonce de la grossesse
et son comportement ultérieur à l’égard de l’enfant ; qu’au vu de ces constatations et énonciations, la cour
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d’appel a exactement retenu l’absence de tout fait d’actualité comme de tout débat d’intérêt général dont
l’information légitime du public aurait justifié qu’il fût rendu compte au moment de la publication litigieuse ;
que par ailleurs, la publication de photographies représentant une personne pour illustrer des développements
attentatoires à sa vie privée porte nécessairement atteinte à son droit au respect de son image ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi… »
III. Le préfet Erignac
Cour de cassation, 1ère Chambre civile, 20 déc. 2000 (Bull. n° 341).
1. Principaux faits. Ce résumé des faits est emprunté au dossier de la même affaire jugée
postérieurement par la Cour EDH, le 14 juin 2007, rédigé par le greffe de cette juridiction. La Cour
EDH a alors confirmé la décision de la Cour de cassation ci après reproduite, jugeant que l’art. 10
de la Conv. EDH, qui garantit la liberté de la presse et le droit d’informer, n’avait pas été méconnu
par la Cour de cassation française.
La société requérante, Hachette Filipacchi Associés, est une personne morale de droit français. Elle
édite notamment l’hebdomadaire Paris-Match. L’affaire concerne la condamnation de la société
requérante en raison de la publication par Paris-Match d’une photographie du corps du préfet
Erignac juste après son assassinat à Ajaccio en février 1998. Dans le numéro de Paris-Match daté
du 19 février 1998, fut publié un article intitulé « La République assassinée » relatant l'assassinat
du préfet Erignac, survenu le 6 février 1998. L'article était illustré par une photographie du corps
du préfet gisant sur la chaussée, le visage tourné vers l’objectif et portait notamment le
commentaire « Sur ce trottoir d'Ajaccio, vendredi 6 février à 21 h 15, Claude Erignac, préfet de
Corse, a écrit de son sang une page tragique de notre histoire. ».
La veuve et les enfants du préfet Erignac assignèrent en référé plusieurs sociétés dont Hachette
Filipacchi Associés, afin d’obtenir notamment la saisie des exemplaires de tout magazine, tel
Paris-Match et VSD, comprenant la photo de la dépouille du préfet et l'interdiction de leur vente
sous astreinte. Selon eux, la publication de la photographie du corps ensanglanté et mutilé de leur
proche n'était, en aucune façon, utile à l'information du public mais répondait à des fins purement
mercantiles et constituait une atteinte particulièrement intolérable au droit au respect de leur vie
privée.
Le 12 février 1998, le juge des référés, sur le fondement de l'article 809 du nouveau code de
procédure civile condamna de la société Hachette Filipacchi à publier à ses frais dans Paris-Match
un communiqué spécifiant que la photographie représentant le corps du préfet Erignac publiée par
Paris Match avait causé un trouble grave à Madame Erignac et à ses enfants. La société Hachette
Filipacchi fit appel de cette décision, faisant valoir que la photographie litigieuse était l'image
sombre et atténuée d'un événement historique et ne pouvait à ce titre constituer une atteinte à la vie
privée de la famille Erignac.
Le 24 février 1998, la cour d'appel de Paris confirma l'ordonnance du juge des référés après avoir
notamment relevé que la publication de ladite photographie, au cours de la période de deuil des
proches parents de Claude Erignac, constituait, dès lors qu'elle n'avait pas reçu l'assentiment de
ceux-ci, une profonde atteinte à leurs sentiments d'affliction, donc à l'intimité de leur vie privée. La
cour d’appel estima qu’une telle photographie était attentatoire à la dignité humaine et condamna la
société Hachette Filipacchi à publier à ses frais dans Paris-Match un communiqué spécifiant que la
publication de cette photographie avait été faite sans l'assentiment de la famille Erignac, qui estime
qu'une telle publication porte atteinte à l'intimité de sa vie privée.
Le 20 décembre 2000, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de la société requérante :
« Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
35
Attendu que les sociétés Cogedipresse et Hachette Filipacchi font grief à l’arrêt attaqué (Paris, 24 février
1998) d’avoir ordonné l’insertion dans les hebdomadaires Paris-Match et VSD, dont elles sont éditrices, d’un
communiqué faisant état de l’atteinte à l’intimité de la vie privée de la famillle X... du fait de la publication
d’une photographie du corps de X..., préfet de la République, assassiné à Ajaccio le 6 février 1998 ; qu’il est
fait grief à la cour d’appel :
1° de ne pas avoir constaté l’urgence exigée par l’article 9 du Code civil ;
2° de ne pas avoir relevé une atteinte à l’intimité de la vie privée, en ne retenant qu’une atteinte aux “
sentiments d’affliction “ de la famille ;
3° alors que la publication litigieuse répondait aux exigences de l’information et était donc légitime au
regard de la liberté fondamentale consacrée par l’article 10 de la Convention européenne ;
Mais attendu que la seule constatation d’une atteinte aux droits de la personne caractérise l’urgence, au sens
de l’article 9 du Code civil ;
Et attendu qu’ayant retenu que la photographie publiée représentait distinctement le corps et le visage du
préfet assassiné, gisant sur la chaussée d’une rue d’Ajaccio, la cour d’appel a pu juger, dès lors que cette
image était attentatoire à la dignité de la personne humaine, qu’une telle publication était illicite, sa décision
se trouvant ainsi légalement justifiée au regard des exigences tant de l’article 10 de la Convention européenne
que de l’article 16 du Code civil, indépendamment des motifs critiqués par la deuxième branche du moyen ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE
IV. Exposition « Our body » et dignité de la personne humaine
Cour de cassation, 1ère Chambre civile, 16 septembre 2010, Société Encore Events c.
Association Ensemble contre la peine de mort et autres (n° 09-67.456, FS P+B+R+I).
« LA COUR - (...)
Attendu que la société Encore Events (la société) avait organisé, dans un local parisien et à partir du 12
février 2009, une exposition de cadavres humains "plastinés", ouverts ou disséqués, installés, pour certains,
dans des attitudes évoquant la pratique de différents sports, et montrant ainsi le fonctionnement des muscles
selon l'effort physique fourni ; que les associations "Ensemble contre la peine de mort" et "Solidarité Chine",
alléguant un trouble manifestement illicite au regard des articles 16 et suivants du code civil, L. 1232-1 du
code de la santé publique et 225-17 du code pénal, et soupçonnant par ailleurs au même titre un trafic de
cadavres de ressortissants chinois prisonniers ou condamnés à mort, ont demandé en référé la cessation de
l'exposition, ainsi que la constitution de la société en séquestre des corps et pièces anatomiques présentés, et
la production par elle de divers documents lui permettant de justifier tant leur introduction sur le territoire
français que leur cession par la fondation ou la société commerciale dont elle prétendait les tenir ; (...)
Et sur le second moyen du même pourvoi : (...)
Attendu que la société fait grief à l'arrêt attaqué (CA Paris, 30 avr. 2009) d'avoir dit y avoir lieu à référé et de
lui avoir fait interdiction de poursuivre l'exposition des corps et pièces anatomiques litigieuse, alors, selon le
moyen : (...)
Mais attendu qu'aux termes de l'article 16-1-1, alinéa 2, du code civil, les restes des personnes décédées
doivent être traités avec respect, dignité et décence ; que l'exposition de cadavres à des fins commerciales
méconnaît cette exigence ;
Qu'ayant constaté, par motifs adoptés non critiqués, que l'exposition litigieuse poursuivait de telles fins, les
juges du second degré n'ont fait qu'user des pouvoirs qu'ils tiennent de l'article 16-2 du code civil en
interdisant la poursuite de celle-ci ; que le moyen n'est pas fondé ; (...)
Par ces motifs, rejette les pourvois principal et incident ; (...) »
V. L'employeur ne peut utiliser les fichiers de la messagerie d’un salarié, non identifiés
comme personnels, pour le sanctionner le salarié dès lors qu’ils relèvent de sa vie privée
Cass. soc., 5 juillet 2011, n° 10-17284
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Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 11 mars 2010), que M. X..., qui était employé depuis le 1er février
1990 par la société Gan Assurances IARD en dernier lieu en qualité de responsable de domaine assurances de
dommages, a été licencié le 17 octobre 2007 pour avoir détenu dans sa messagerie professionnelle des
messages à caractère érotique et entretenu une correspondance intime avec une salariée de l'entreprise ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à payer une indemnité pour
licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :
1) - Que les dossiers et fichiers créés ou conservés par le salarié grâce à l'outil informatique mis à sa
disposition sont présumés avoir un caractère professionnel de sorte que l'employeur peut y avoir librement
accès à moins qu'ils aient été identifiés ou classés comme personnels ; qu'en estimant, après avoir constaté
que les messages électroniques échangés entre M. X... et Mme Y... ne comportaient aucun objet ni référence,
qu'ils devaient être considérés comme personnels de sorte que l'employeur ne pouvait consulter leur contenu,
la cour d'appel a violé les articles 9 du Code de procédure civile et 1315 du Code civil, ensemble les articles
L1232-1 et L1235-1 du Code du travail ainsi que les articles 9 du code civil et 8 de la Convention européenne
de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
2) - Que, pour les mêmes raisons, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1315 du
Code civil ;
3) - Qu'est fautif le comportement du salarié cadre supérieur qui laisse délibérément à la vue de l'une de ses
subordonnées des messages électroniques ainsi que des clichés érotiques relatant sa vie intime et que cette
faute peut être sanctionnée sans qu'il soit nécessaire qu'il fût résulté, pour la salariée concernée, un préjudice
psychologique médicalement constaté, dès lors que la gravité d'une faute n'est pas nécessairement
conditionnée par l'existence d'un préjudice effectif en résultant ; qu'en écartant le grief mentionné par la lettre
de licenciement, pris de ce que M. X... avait laissé délibérément des messages intimes et des clichés érotiques
à la vue de Mme Z..., au seul motif que le trouble psychologique subi par celle-ci n'était pas démontré, la
cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a violé les articles L1232-1 et L1235-1 du Code du travail ;
4) - Qu'il en va d'autant plus ainsi que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat à l'égard de
ses salariés, a l'obligation d'intervenir lorsqu'un cadre dirigeant fait preuve d'un comportement inconvenant à
l'égard de l'une de ses subordonnées, sans attendre qu'un trouble psychologique soit médicalement constaté ;
qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L1221-1 et L4121-1 du Code du travail ;
5) - Que constitue une faute le fait, de la part d'un salarié et à plus forte raison d'un cadre dirigeant de
l'entreprise, d'utiliser de façon régulière, pour sa correspondance privée et en contradiction avec les règles
internes de l'entreprise, le matériel informatique mis à sa disposition par l'employeur ; qu'en statuant comme
elle l'a fait sans rechercher si la fréquence de l'utilisation privée du matériel informatique de l'entreprise ne
révélait pas que le salarié consacrait une partie substantielle de son temps de travail à des tâches autres que
celles pour lesquelles il était rémunéré, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles
L1221-1, L1232-1, L1232-6 et L1235-1 du Code du travail ;
6) - Enfin et en toute hypothèse, que constitue une faute le comportement du salarié cadre supérieur qui
entretient une correspondance intime régulière avec une salariée de l'entreprise en utilisant pour ce faire, en
violation des règles internes en vigueur dans l'entreprise, le matériel informatique mis à sa disposition par
l'employeur ; qu'à cet égard, est indifférent le fait que la majorité des messages fussent émis par son
interlocutrice dès lors qu'il lui appartenait, en tant que cadre supérieur, de mettre un terme à ce manquement
caractérisé au règlement intérieur de la société ; qu'en retenant, pour dire que les faits litigieux ne présentaient
pas un caractère fautif, que la plupart des messages électroniques avaient été envoyés à l'initiative de Mme
Y..., la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a ainsi violé, pour cette raison supplémentaire, les
articles L1221-1, L1232-1 et L1235-1 du Code du travail ;
Mais attendu que le salarié a droit, même au temps et au lieu du travail, au respect de l'intimité de sa vie
privée ; que si l'employeur peut toujours consulter les fichiers qui n'ont pas été identifiés comme personnels
par le salarié, il ne peut les utiliser pour le sanctionner s'ils s'avèrent relever de sa vie privée ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a relevé que les messages d'ordre privé échangés par le salarié avec une
collègue de l'entreprise étaient pour la plupart à l'initiative de celle-ci, notamment celui contenant en pièce
37
jointe non identifiée des photos érotiques, et que l'intéressé s'était contenté de les conserver dans sa boîte de
messagerie sans les enregistrer ni les diffuser, a, nonobstant le motif erroné critiqué par les deux premières
branches et répondant ainsi à la recherche prétendument omise, légalement justifié sa décision ; que le moyen
n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi ;
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FICHE N°7. LES DROITS EXTRA-PATRIMONIAUX : LE DROIT AU
RESPECT DU CORPS HUMAIN
I. Les textes : Code civil Livre 1 :
Chapitre II : « Du respect du corps humain »
Article 16 : « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci
et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie ».
Article 16-1 : « Chacun a droit au respect de son corps.
Le corps humain est inviolable.
Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial.
Article 16-1-1 : « Le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. Les restes des
personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent
être traités avec respect, dignité et décence ».
Article 16-2 : « Le juge peut prescrire toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser une
atteinte illicite au corps humain ou des agissements illicites portant sur des éléments ou des
produits de celui-ci, y compris après la mort ».
Article 16-3 : « Il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité
médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l'intérêt thérapeutique d'autrui. Le
consentement de l'intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire
une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de consentir ».
Article 16-4 : « Nul ne peut porter atteinte à l'intégrité de l'espèce humaine. Toute pratique
eugénique tendant à l'organisation de la sélection des personnes est interdite.
Est interdite toute intervention ayant pour but de faire naître un enfant génétiquement identique à
une autre personne vivante ou décédée.
Sans préjudice des recherches tendant à la prévention et au traitement des maladies génétiques,
aucune transformation ne peut être apportée aux caractères génétiques dans le but de modifier la
descendance de la personne»
Article 16-5 : « Les conventions ayant pour effet de conférer une valeur patrimoniale au corps
humain, à ses éléments ou à ses produits sont nulles ».
Article 16-6 : « Aucune rémunération ne peut être allouée à celui qui se prête à une
expérimentation sur sa personne, au prélèvement d’éléments de son corps ou à la collecte des
produits de celui-ci ».
Article 16-7 : « Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui
est nulle ».
Article 16-8 : « Aucune information permettant d'identifier à la fois celui qui a fait don d'un
élément ou d'un produit de son corps et celui qui l'a reçu ne peut être divulguée. Le donneur ne peut
connaître l'identité du receveur ni le receveur celle du donneur ».En cas de nécessité thérapeutique,
seuls les médecins du donneur et du receveur peuvent avoir accès aux informations permettant
l'identification de ceux-ci.
Art. 16-9 : « Les dispositions du présent chapitre sont d’ordre public ».
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Chapitre III : « De l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne et de
l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques »
Article 16-10 : « L'examen des caractéristiques génétiques d'une personne ne peut être entrepris
qu'à des fins médicales ou de recherche scientifique.
Le consentement exprès de la personne doit être recueilli par écrit préalablement à la réalisation de
l'examen, après qu'elle a été dûment informée de sa nature et de sa finalité. Le consentement
mentionne la finalité de l'examen. Il est révocable sans forme et à tout moment. »
Article 16-11 (modifié par la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011).
« L'identification d'une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée que :
1° Dans le cadre de mesures d'enquête ou d'instruction diligentées lors d'une procédure judiciaire ;
2° A des fins médicales ou de recherche scientifique ;
3° Aux fins d'établir, lorsqu'elle est inconnue, l'identité de personnes décédées.
En matière civile, cette identification ne peut être recherchée qu'en exécution d'une mesure
d'instruction ordonnée par le juge saisi d'une action tendant soit à l'établissement ou la contestation
d'un lien de filiation, soit à l'obtention ou la suppression de subsides. Le consentement de l'intéressé
doit être préalablement et expressément recueilli. Sauf accord exprès de la personne manifesté
de son vivant, aucune identification par empreintes génétiques ne peut être réalisée après sa
mort *.
Lorsque l'identification est effectuée à des fins médicales ou de recherche scientifique, le
consentement exprès de la personne doit être recueilli par écrit préalablement à la réalisation de
l'identification, après qu'elle a été dûment informée de sa nature et de sa finalité. Le consentement
mentionne la finalité de l'identification. Il est révocable sans forme et à tout moment.
Lorsque la recherche d'identité mentionnée au 3° concerne soit un militaire décédé à l'occasion
d'une opération conduite par les forces armées ou les formations rattachées, soit une victime de
catastrophe naturelle, soit une personne faisant l'objet de recherches au titre de l’article 26 de la loi
n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité et dont la mort
est supposée, des prélèvements destinés à recueillir les traces biologiques de cette personne peuvent
être réalisés dans des lieux qu'elle est susceptible d'avoir habituellement fréquentés, avec l'accord
du responsable des lieux ou, en cas de refus de celui-ci ou d'impossibilité de recueillir cet accord,
avec l'autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance. Des
prélèvements aux mêmes fins sur les ascendants, descendants ou collatéraux supposés de cette
personne peuvent être également réalisés. Le consentement exprès de chaque personne concernée
est alors recueilli par écrit préalablement à la réalisation du prélèvement, après que celle-ci a été
dûment informée de la nature de ce prélèvement, de sa finalité ainsi que du caractère à tout moment
révocable de son consentement. Le consentement mentionne la finalité du prélèvement et de
l'identification.
Les modalités de mise en œuvre des recherches d'identification mentionnées au 3° du présent
article sont précisées par décret en Conseil d'Etat ».
* Dans une décision du 30 septembre 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la
Constitution la dernière phrase du cinquième alinéa de l’article 16-11 du code civil, relative à
l’interdiction de recourir à l’identification par les empreintes génétiques sur une personne
décédée dans le cadre d’actions en matière de filiation (Cons. const., 30 sept. 2011, n° 2011173 QPC).
Article 16-12 : « Sont seules habilitées à procéder à des identifications par empreintes génétiques
les personnes ayant fait l'objet d'un agrément dans des conditions fixées par décret en Conseil
d'Etat. Dans le cadre d'une procédure judiciaire, ces personnes doivent, en outre, être inscrites sur
une liste d'experts judiciaires ».
Article 16-13 : « Nul ne peut faire l’objet de discrimination en raison de ses caractéristiques
génétiques ».
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Chapitre IV : « De l'utilisation des techniques d'imagerie cérébrale »
Article 16-14 (créé par la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011).
« Les techniques d'imagerie cérébrale ne peuvent être employées qu'à des fins médicales ou de
recherche scientifique, ou dans le cadre d'expertises judiciaires. Le consentement exprès de la
personne doit être recueilli par écrit préalablement à la réalisation de l'examen, après qu'elle a été
dûment informée de sa nature et de sa finalité. Le consentement mentionne la finalité de l'examen.
Il est révocable sans forme et à tout moment ».
II. L’interdiction des conventions de mère porteuse
Code civil, art. 6 : « On ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui
intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs »
Code civil, art. 1128 : « Il n’y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l’objet
des conventions »
C’est sur le fondement des articles 6 et 1128 du Code civil que la Cour de cassation avait affirmé,
le 31 mai 1991, le caractère illicite du contrat de mère porteuse par lequel une femme s’engage, fûtce à titre gratuit, à concevoir et porter un enfant pour l’abandonner à sa naissance (Ass. plén.,
31 mai 1991, Bull. n° 4 ). Depuis la loi de 1994, la maternité pour autrui fait l’objet d’un texte
autonome : « Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui
est nulle » (C. civ., art. 16-7). La loi du 7 juillet 2011 n’a apporté aucune modification en la
matière.
Cour de cassation, Assemblée plénière 31 mai 1991
Vu les articles 6 et 1128 du Code civil, ensemble l’article 353 du même Code ;
Attendu que, la convention par laquelle une femme s’engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un
enfant pour l’abandonner à sa naissance contrevient tant au principe d’ordre public de l’indisponibilité du
corps humain qu’à celui de l’indisponibilité de l’état des personnes ;
Attendu selon l’arrêt infirmatif attaqué que Mme X..., épouse de M. Y..., étant atteinte d’une stérilité
irréversible, son mari a donné son sperme à une autre femme qui, inséminée artificiellement, a porté et mis au
monde l’enfant ainsi conçu ; qu’à sa naissance, cet enfant a été déclaré comme étant né de Y..., sans
indication de filiation maternelle ;
Attendu que, pour prononcer l’adoption plénière de l’enfant par Mme Y..., l’arrêt retient qu’en l’état actuel
des pratiques scientifiques et des mœurs, la méthode de la maternité substituée doit être considérée comme
licite et non contraire à l’ordre public, et que cette adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant, qui a été
accueilli et élevé au foyer de M. et Mme Y... pratiquement depuis sa naissance ;
Qu’en statuant ainsi, alors que cette adoption n’était que l’ultime phase d’un processus d’ensemble destiné à
permettre à un couple l’accueil à son foyer d’un enfant, conçu en exécution d’un contrat tendant à l’abandon
à sa naissance par sa mère, et que, portant atteinte aux principes de l’indisponibilité du corps humain et de
l’état des personnes, ce processus constituait un détournement de l’institution de l’adoption, la cour d’appel a
violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement dans l’intérêt de la loi et sans renvoi, l’arrêt
rendu le 15 juin 1990 par la cour d’appel de Paris.
III. L’inscription sur les registres de l’état civil des enfants nés de mères porteuses à
l’étranger : la saga en trois actes
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1°) Acte I : L’interdiction
Depuis plus de dix ans, Sylvie et Dominique Mennesson mènent un combat judiciaire
pour inscrire leurs jumelles, nées en 2000, en Californie, d’une mère porteuse américaine. Ce
couple dont la stérilité ne pouvait être surmontée par la voie d’une aide médicale à la
procréation (AMP), aussi appelée procréation médicale assistée, s’était rendu dans cet État
américain qui autorise la gestation pour autrui, contrairement à la France. Moyennant un
dédommagement financier, la mère porteuse avait reçu des embryons issus de spermatozoïdes
de Dominique Mennesson et d’un don d’ovocytes d’une amie du couple. À leur retour en
France, le couple Mennesson s’était heurté au refus des autorités françaises de transcrire sur les
registres de l’état civil les actes de naissance des jumelles établis en Californie.
Dans cette affaire, la Cour de cassation, avait cassé un arrêt de la Cour d’appel de Paris, en date
du 27 octobre 2007, ayant admis, contre l’avis du ministère public, l'inscription à l'état civil
français des enfants nés d'une mère porteuse avec laquelle deux époux français avaient passé
contrat, au motif qu’elle était contraire à l’ordre public (Cour de cassation, première Chambre
civile, 17 décembre 2008, Bulletin civil n° 289). La Cour de cassation avait alors renvoyé
l’affaire devant la cour d'appel de Paris qui, le 18 mars 2010, avait certes confirmé la filiation
des jumelles avec leurs parents français, mais refusé d'inscrire leurs actes de naissance à l'état
civil. L’on attendait avec grand intérêt, dans la même affaire, à ce nouvel arrêt de la Cour de
cassation, du 6 avril 2011, en raison de l’avis formulé par son parquet général. En effet, à la
surprise générale, le parquet général près la Cour de cassation avait requis la cassation de l’arrêt
de la Cour d’appel de Paris du 18 mars 2010, en se fondant sur l’article 8 de la Convention
européenne des droits de l’homme. Cet article reconnaît à toute personne « le droit au respect
de sa vie privée et familial ». Or, pour le parquet, l’absence d’état civil reconnu en France à ces
enfants portait atteinte à leur droit à une vie familiale normale. La Cour de cassation n’a pas
voulu prendre en compte cet avis et modifier sa jurisprudence.
Cour de cassation, Civ. 1ère, 6 avril 2011
La Cour,
Attendu que Z... est né le 30 mai 2001, à Fosston (Minnesota, Etats-Unis), après qu'une personne eut
accepté de porter l'embryon issu des gamètes de M. X... et de Mme Y..., son épouse ; qu'un jugement du 4
juin 2001 du tribunal de Beltrami (Minnesota) a prononcé l'adoption en leur faveur de l'enfant après avoir
constaté par décision du même jour son abandon par sa mère ; que l'acte de naissance délivré le 6 juin
2001 à Fosston, mentionne les noms de M. X... et de Mme Y..., épouse X..., en qualité de père et mère de
l'enfant ; que cet acte a été transcrit le 11 juillet 2003 sur les registres de l'état civil du consulat général de
France à Chicago, puis enregistré par le service central de l'état civil de Nantes ; que sur assignation du
procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, qui avait limité sa demande à
l'annulation de la transcription relative à la seule filiation maternelle de l'enfant, l'arrêt confirmatif attaqué
(Paris, 26 février 2009) a dit que Mme Y... n'était pas la mère de Z... et a annulé dans la transcription de
l'acte de naissance de l'enfant, la mention relative à Mme Y... ;
[…]
Sur le second moyen :
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande, alors, selon le moyen :
1°/ que pour déclarer inopposable en France un jugement étranger, les juges du fond sont tenus de
constater l'incompétence du juge étranger, la contrariété à l'ordre public international ou la fraude à la loi
française ; que la conception française de l'ordre public international ne se confond pas avec celle de
l'ordre public interne en ce qu'elle n'intervient que pour écarter l'application normale du droit étranger en
cas d'incompatibilité avec certains principes fondamentaux ou valeurs considérées comme absolues par la
société française ; qu'en se bornant, pour remettre en cause le lien de filiation maternelle établi par deux
jugements américains d'abandon et d'adoption de l'enfant Z... et annuler la transcription de ces jugements
dans le registre français d'état civil, à déduire de la contrariété à l'ordre public interne du recours à la
gestation pour autrui, sur le fondement des articles 16-7 et 16-9 du code civil, la contrariété à la
conception française de l'ordre public international, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
42
2°/ que le respect de la vie privée et de la vie familiale impose le maintien d'un lien de filiation établi
depuis plusieurs années permettant le développement et l'intégration familiale de l'enfant ; qu'en
conséquence, l'annulation de la transcription, dans le registre français, de l'acte d'état civil étranger
établissant un lien de filiation maternelle plus de six ans après son autorisation initiale a pour
conséquence de priver l'enfant de tout lien de filiation maternelle et est donc contraire au respect de la vie
privée et familiale de l'enfant ; qu'en retenant, en l'espèce, que le statut d'enfant adultérin constituait une
atteinte moins grave au respect dû à sa vie privée que celle obtenue par la falsification de son état, la cour
d'appel a violé l'article 9 du code civil, ensemble l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
3°/ qu'en retenant, dans un premier temps, que le respect de la vie privée et de la vie familiale impose la
primauté de la transparence soit, en d'autres termes, la conformité de l'état civil avec les conditions dans
lesquelles l'enfant est venu au monde, sur l'inscription de la filiation maternelle avec la mère d'intention
et, dans un second temps, qu'il convenait d'annuler la transcription des jugements étrangers dans le
registre français d'état civil, conférant ainsi à l'enfant issu d'une gestation pour autrui à laquelle ont eu
recours deux époux, soit l'enfant génétique d'un couple marié, un statut d'enfant adultérin qui ne
correspond pas avec la réalité de sa venue au monde, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs
contradictoires et a ainsi méconnu l'article 455 du code civil ;
4°/ que le principe de primauté de l'intérêt supérieur de l'enfant, qui trouve son fondement dans l'article 31 de la convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, impose au juge de
rechercher concrètement si l'intérêt de l'enfant guide la mesure qu'il ordonne ; qu'en se bornant à affirmer
que l'annulation de la transcription des jugements d'abandon et d'adoption étrangers dans les registres
français d'état civil ne conduisaient pas à une méconnaissance de l'intérêt supérieur de l'enfant, la cour
d'appel n'a pas motivé sa décision, ou, à tout le moins, s'est prononcée par des motifs insuffisants à
justifier légalement sa décision et ainsi privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
5°/ qu'en tout état de cause, l'intérêt supérieur de l'enfant impose que le maintien d'un lien de filiation
établi depuis plusieurs années permettant le développement et l'intégration familiale de l'enfant et, en
conséquence, que sa filiation maternelle établi par deux jugements étrangers et transcrits dans le registre
français d'état civil depuis plus de six ans ne soit pas remise en cause ; qu'en disant en 2007 que Mme X...
n'est pas la mère de l'enfant Z... né en 2001 et en ordonnant la transcription de ces mentions dans les
registres d'état civil, lui conférant ainsi en France le statut d'enfant adultérin, la cour d'appel a violé
l'article 3-1 de la convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
Mais attendu qu'est justifié le refus de transcription d'un acte de naissance établi en exécution d'une
décision étrangère, fondé sur la contrariété à l'ordre public international français de cette décision, lorsque
celle-ci comporte des dispositions qui heurtent des principes essentiels du droit français ; qu'en l'état du
droit positif, il est contraire au principe de l'indisponibilité de l'état des personnes, principe essentiel du
droit français, de faire produire effet, au regard de la filiation, à une convention portant sur la gestation
pour le compte d'autrui, qui, fût-elle licite à l'étranger, est nulle d'une nullité d'ordre public aux termes des
articles 16-7 et 16-9 du code civil ;
Que, dès lors, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que dans la mesure où ils donnaient effet à une
convention de cette nature, les jugements "américains" du 4 juin 2001 étaient contraires à la conception
française de l'ordre public international, en sorte que l'acte de naissance litigieux ayant été établi en
application de ces décisions, sa transcription sur les registres d'état civil français devait être, dans les
limites de la demande du ministère public, rectifiée par voie de suppression de la mention de Mme Y... en
tant que mère ; qu'une telle rectification, qui ne prive pas l'enfant de sa filiation paternelle, ni de la
filiation maternelle que le droit de l'Etat du Minnesota lui reconnaît, ni ne l'empêche de vivre avec les
époux X... en France, ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale de cet enfant au
sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, non plus qu'à son intérêt supérieur
garanti par l'article 3 §1 de la Convention internationale des droits de l'enfant ; que le moyen n'est pas
fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
La Cour de cassation a étendu sa jurisprudence « Mennesson » aux cas où l’enfant né
d’une GPA à l’étranger est déclaré né de son père biologique français et de sa mère porteuse
indienne. Autrement dit, même lorsque l’acte de naissance correspond à la vérité biologique de
43
la filiation de l’enfant, la Cour de cassation refuse la transcription (mais sa jurisprudence
changera sûrement à l’avenir à la suite de l’arrêt de la Cour EDH). Le fondement du refus se
trouve dans la fraude que les parents réalisent en pleine connaissance de cause en allant
chercher à l’étranger, dans un pays avec lequel ils n’ont aucun lien, un enfant qu’il ne pourrait
pas « obtenir » en France et dont ils revendiquent ensuite la reconnaissance en France.
Cour de cassation, 1ère civile, 19 mars 2014
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Vu les articles 16-7 et 16-9 du code civil, ensemble l'article 336 du même code ;
Attendu qu'en l'état du droit positif, est justifié le refus de transcription d'un acte de naissance fait en pays
étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays lorsque la naissance est l'aboutissement, en fraude
à la loi française, d'un processus d'ensemble comportant une convention de gestation pour le compte
d'autrui, convention qui, fût-elle licite à l'étranger, est nulle d'une nullité d'ordre public selon les termes
des deux premiers textes susvisés ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'enfant Cylian est né le 2 juin 2010 à Mumbai (Inde), de Mme X... et
M. Y... lequel, de nationalité française et résidant en France, l'a reconnu ; que le 23 juillet 2010, ce dernier
a demandé la transcription de l'acte de naissance de l'enfant sur les registres français de l'état civil,
demande à laquelle le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes s'est
opposé ;
Attendu que, pour ordonner cette transcription, la cour d'appel a énoncé, d'une part, que la régularité de
l'acte de naissance n'était pas contestée, ni le fait que M. Y... et Mme X... fussent les père et mère de
l'enfant, de sorte que l'acte était conforme aux dispositions de l'article 47 du code civil, d'autre part, que la
fraude à la loi invoquée par le ministère public pouvait ouvrir à celui-ci, le cas échéant, l'action en
contestation prévue par l'article 336 du code civil, mais ne conduisait pas pour autant à juger que l'acte de
naissance était, par lui-même, contraire à l'ordre public ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que les éléments réunis par le ministère public établissaient
l'existence d'une convention de gestation pour le compte d'autrui entre M. Y... et Mme X..., caractérisant
ainsi un processus frauduleux dont la naissance de l'enfant était l'aboutissement, ce dont il résultait que
l'acte de naissance de celui-ci ne pouvait être transcrit sur les registres de l'état civil français, la cour
d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 janvier 2013, entre les parties, par
la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient
avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
2°) Acte II : La condamnation de la France par la Cour EDH et le revirement de
jurisprudence
La Cour EDH, saisie par les époux Mennesson pour violation de l’article 8 de la CEDH en
raison du refus de transcription de la filiation des enfants nés pas GPA aux Etats-Unis, a
condamné la France pour violation du droit à la vie privée des enfants.
CEDH, 26 juin 2014 (n° 65192/11) Mennesson c/ France
Communiqué de presse du greffier de la Cour :
La Cour dit que l’article 8 trouve à s’appliquer dans son volet « vie familiale » comme dans son
volet « vie privée ». En effet, d’une part, il ne fait aucun doute que les époux Mennesson
s’occupent de leurs jumelles comme des parents depuis leur naissance, et que tous les quatre
vivent ensemble d’une manière qui ne se distingue en rien de la « vie familiale » dans son
acception habituelle. D’autre part, la Cour rappelle que le droit à l’identité fait partie intégrale
44
de la notion de vie privée et qu’il y a une relation directe entre la vie privée des enfants nés
d’une gestation pour autrui et la détermination juridique de leur filiation.
La Cour constate que l’ingérence dans le droit au respect de la vie privée et familiale des
requérants que constitue le refus des autorités françaises de reconnaître leur lien de filiation
était « prévue par la loi » au sens de l’article 8.
Ensuite, la Cour admet que l’ingérence litigieuse visait deux des buts légitimes énumérés dans
l’article 8 : la « protection de la santé » et « la protection des droits et libertés d’autrui ». Elle
relève que le refus de la France de reconnaître le lien de filiation entre les enfants nés d’une
GPA à l’étranger et les couples ayant eu recours à cette méthode procède de la volonté de
décourager ses ressortissants de recourir hors de France à une méthode de procréation qu’elle
prohibe sur son territoire dans le but, selon sa perception de la problématique, de préserver
les enfants et la mère porteuse.
La Cour examine ensuite si cette ingérence était « nécessaire dans une société démocratique
». Elle souligne que les Etats doivent se voir accorder une ample marge d’appréciation dans
leurs choix liés à la gestation pour autrui, au regard des délicates interrogations éthiques qu’ils
suscitent et de l’absence de consensus sur ces questions4 en Europe. Cette marge
d’appréciation doit néanmoins être réduite dès lors qu’il est question de la filiation, car cela
met en jeu un aspect essentiel de l’identité des individus. Par ailleurs, il incombe à la Cour de
rechercher si un juste équilibre a été ménagé entre les intérêts de l’Etat et ceux des individus
directement touchés, eu égard notamment au principe essentiel selon lequel, chaque fois que
la situation d’un enfant est en cause, l’intérêt supérieur de celui-ci doit primer.
Concernant la vie familiale des requérants, la Cour observe qu’elle est nécessairement affectée
par le défaut de reconnaissance en droit français du lien de filiation entre les jumelles et les
époux Mennesson. Elle constate, cependant, que les requérants ne prétendent pas que les
obstacles auxquels ils se sont trouvés confrontés étaient insurmontables et ne démontrent pas
qu’ils se sont trouvés empêchés de bénéficier en France de leur droit au respect de leur vie
familiale. Elle relève en effet qu’ils ont pu s’établir tous les quatre en France peu de temps
après la naissance des enfants, qu’ils y vivent ensemble dans des conditions globalement
comparables à celles dans lesquelles vivent les autres familles et qu’il n’y a pas lieu de penser
qu’il y a un risque que les autorités décident de les séparer en raison de leur situation au
regard du droit français. En outre, c’est à l’issue d’un examen concret de la situation que les
juges français ont estimé que les difficultés pratiques rencontrées par les requérants ne
dépassaient pas les limites qu’impose le respect de la vie familiale. Par conséquent, un juste
équilibre a été ménagé entre les intérêts des requérants et ceux de l’État, pour autant que cela
concerne leur droit au respect de leur vie familiale.
En revanche en ce qui concerne le droit des jumelles au respect de leur vie privée, la Cour note
qu’elles se trouvent dans une situation d’incertitude juridique : sans ignorer qu’elles ont été
identifiées ailleurs comme étant les enfants des époux Mennesson, la France leur nie
néanmoins cette qualité dans son ordre juridique. La Cour considère que pareille contradiction
porte atteinte à leur identité au sein de la société française. De plus, bien que leur père
biologique soit français, elles sont confrontées à une troublante incertitude quant à la
possibilité de se voir reconnaître la nationalité française, une indétermination susceptible
d’affecter négativement la définition de leur propre identité. La Cour relève en outre qu’elles
ne peuvent hériter des époux Mennesson qu’en tant que légataires, les droits successoraux
étant alors calculés de manière moins favorable pour elles ; elle voit là un autre élément de
l’identité filiale dont elles se trouvent privées. Ainsi, les effets de la non-reconnaissance en
droit français du lien de filiation entre les enfants conçus par GPA à l’étranger et les couples
45
ayant eu recours à cette méthode ne se limitent pas à la situation de ces derniers : ils portent
aussi sur celle des enfants eux-mêmes, dont le droit au respect de la vie privée, qui implique
que chacun puisse établir la substance de son identité, y compris sa filiation, se trouve
significativement affecté. Se pose donc une question grave de compatibilité de cette situation
avec l’intérêt supérieur des enfants, dont le respect doit guider toute décision les concernant.
Selon la Cour, cette analyse prend un relief particulier lorsque, comme en l’espèce, l’un des
parents est également géniteur de l’enfant. Au regard de l’importance de la filiation biologique
en tant qu’élément de l’identité de chacun, on ne saurait prétendre qu’il est conforme à
l’intérêt supérieur de l’enfant de le priver d’un lien juridique de cette nature alors que la
réalité biologique de ce lien est établie et que l’enfant et le parent concerné revendiquent sa
pleine reconnaissance. Or, non seulement le lien entre les jumelles et leur père biologique n’a
pas été admis à l’occasion de la demande de transcription des actes de naissance, mais encore
sa consécration par la voie d’une reconnaissance de paternité ou d’une adoption ou par l’effet
de la possession d’état se heurterait à la jurisprudence prohibitive établie sur ces points par la
Cour de cassation. En faisant ainsi obstacle tant à la reconnaissance qu’à l’établissement de
leur lien de filiation à l’égard de leur père biologique, l’Etat français est allé au-delà de ce que
lui permettait sa marge d’appréciation. La Cour conclut que le droit des enfants au respect de
leur vie privée a été méconnu, en violation de l’article 8.
Cour de cassation, Assemblée plénière, 3 juillet 2015
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 16 décembre 2014), que Y... X..., reconnue par M. X...le 1er
février 2011, est née le 30 mai 2011, à Moscou ; que son acte de naissance, établi en Russie, désigne M.
Patrice X..., de nationalité française, en qualité de père, et Mme Lilia Z..., ressortissante russe, qui a
accouché de l'enfant, en qualité de mère ; que le procureur de la République s'est opposé à la demande de
M. X...tendant à la transcription de cet acte de naissance sur un registre consulaire, en invoquant
l'existence d'une convention de gestation pour autrui conclue entre M. X...et Mme Z... ;
Attendu que le procureur général fait grief à l'arrêt d'ordonner la transcription, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en l'état du droit positif, il est contraire au principe de l'indisponibilité de l’état des personnes,
principe essentiel du droit français, de faire produire effet, au regard de la filiation, à une convention
portant sur la gestation pour le compte d'autrui, qui, fût-elle licite à l'étranger, est nulle d'une nullité
d'ordre public aux termes des articles 16-7 et 16-9 du code civil, tel qu'affirmé par la jurisprudence de la
Cour de cassation ;
2°/ qu'est justifié le refus de transcription d'un acte de naissance établi en exécution d'une décision
étrangère, fondé sur la contrariété à l'ordre public international français de cette décision. Cette solution,
qui ne prive pas l'enfant de sa filiation paternelle, ni de la filiation maternelle que le droit de l'État
étranger lui reconnaît, ni ne l'empêche de vivre au foyer de M. Patrice X..., ne porte pas atteinte au droit
au respect de la vie privée et familiale de cet enfant au sens de l'article 8 de la Convention européenne des
droits de l'homme, non plus qu'à son intérêt supérieur garanti par l'article 3 § 1 de la Convention
internationale des droits de l'enfant ;
Mais attendu qu'ayant constaté que l'acte de naissance n'était ni irrégulier ni falsifié et que les faits qui y
étaient déclarés correspondaient à la réalité, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la convention de
gestation pour autrui conclue entre M. X...et Mme Z... ne faisait pas obstacle à la transcription de l'acte de
naissance ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
46
FICHE N° 9 : LA CHARGE DE LA PREUVE
I. Le principe de l’article 1315 du Code civil
C. civ., art. 1315 : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit
l’extinction de son obligation ».
Aux termes de l’alinéa premier, il appartient à celui qui réclame l’exécution d’une obligation
d’en rapporter la preuve. Ainsi la charge de la preuve repose-t-elle sur le demandeur.
Généralement, le demandeur à la preuve est le demandeur à l’instance. Par conséquent, celui qui
se prévaut d’un contrat de bail devra en prouver l’existence. De même, celui qui désire faire
annuler un acte pour dol devra prouver le vice.
A) La charge de la preuve incombe au demandeur : l’exemple de l’obligation de sécurité
d’une colonie de vacances.
Civ., 1ère, 10 février 1998 (Bull. n° 57).
Sur le moyen unique : Attendu que Mme X... a été victime le 31 juillet 1983 d’un accident de baignade
alors que, âgée de 14 ans, elle se trouvait dans un camp de vacances organisé par le Comité central
d’entreprise de la Compagnie IBM France, employeur de son père ;
Attendu que Mme X..., soutenant que l’accident s’était produit lorsque plongeant depuis le plongeoir, elle
a heurté la jeune Frédérique Y..., âgée de sept ans, qui se trouvait dans l’eau, fait grief à l’arrêt attaqué
(Paris, 27 février 1996) de l’avoir déboutée de sa demande tendant à voir déclarer le Comité central
d’entreprise de la Compagnie IBM France responsable du préjudice par elle subi du fait de l’accident,
alors, selon le moyen, qu’il appartenait aux responsables du camp de vacances d’assurer la sécurité des
baigneurs, d’une part, en interdisant aux nageurs de s’aventurer dans l’aire de plongeon et en faisant
respecter cette interdiction, d’autre part, en exerçant sur l’utilisation du plongeoir, par nature dangereuse,
une surveillance d’autant plus attentive qu’il s’agissait d’adolescents, que la cour d’appel, qui constatait
qu’il n’était pas interdit de se baigner aux abords du plongeoir et que les moniteurs qui surveillaient
depuis le ponton l’ensemble de l’aire de baignade, mais pas spécialement le plongeoir, n’étaient
intervenus ni pour éloigner la jeune Frédérique Y..., ni pour interdire à Mme X... d’utiliser le plongeoir
pendant que Frédérique Y... évoluait dessous, n’aurait pas tiré de ses constatations les conséquences qui
s’en évinçaient légalement en décidant que n’était établie aucune faute du Comité central d’entreprise
d’IBM ou des ses préposés, et aurait ainsi violé l’article 1147 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d’appel a exactement retenu que l’obligation pesant sur les responsables d’une
colonie de vacances étant une obligation de moyens, il appartenait à Mme X... de prouver la faute des
organisateurs ou celle des moniteurs, leurs préposés ; qu’elle a relevé qu’il est constant que l’espace de
baignade où s’est produit l’accident est bordé d’un ponton d’une trentaine de mètres de longueur situé à
1,50 mètre au-dessus de l’eau et que le plongeoir est aménagé 50 centimètres au-dessous de ce ponton,
qu’il n’est pas contesté que, compte tenu d’une telle topographie des lieux, des moniteurs surveillaient
depuis le ponton l’ensemble de l’aire de baignade et que d’ailleurs Mme X... a reconnu que ces moniteurs
sont immédiatement intervenus après l’accident, et qu’il s’agissait d’un camp sportif proposant
notamment le canoë-cayak en eaux vives, des descentes de rivières, des randonnées à cheval, du camping
sauvage, de sorte que les organisateurs pouvaient légitimement penser que des adolescents de plus de 14
ans participant à un tel camp s’assureraient avant de plonger que l’espace de réception de l’eau était libre
; qu’elle a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.
B) L’alternance de la charge de la preuve : l’exemple des factures de téléphone ou d’eau.
L’alinéa 2 de l’article 1315 ajoute : « réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier
le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ». Ainsi celui qui se prétend
libéré a pour charge d’en rapporter la preuve. Or il est rare qu’une personne saisisse le juge afin
47
de voir constater sa libération. Le plus souvent une personne assignée en justice en paiement
soutient qu’elle n’est plus débitrice ou qu’elle a cessé de l’être. Par exemple, le demandeur à
l’instance a prouvé l’existence d’un contrat, d’un vice affectant la validité d’un acte juridique,
d’une faute ; c’est alors le défendeur à l’instance, qui devenant « demandeur à la preuve » va
devoir prouver, s’il veut échapper à la condamnation, par exemple qu’il a déjà exécuté le
contrat, que le vice n’entraîne pas la nullité... A travers l’article 1315 du Code civil se dessine le
dialogue entre les parties qui caractérise le procès civil.
Civ., 1ère, 30 mars 1999 (Bulletin civil 1999. I n° 113).
Sur le moyen unique : vu l’article 1315, alinéa 2, du Code civil ;
Attendu que la Compagnie générale des eaux a assigné M. X... en paiement de la somme de 11 415,88
francs représentant le montant d’une facture impayée ; que M. X... a payé la somme de 5 000 francs
soutenant qu’il n’avait jamais eu de factures pour un montant aussi élevé et qu’aucune fuite n’avait été
décelée dans son installation ;
Attendu que le Tribunal d’instance de Montpellier a énoncé, le 25 novembre 1996, que la Compagnie
générale des eaux doit apporter la preuve, pour justifier le montant élevé de sa facture, que des
modifications substantielles sont intervenues dans la consommation d’eau de M. X... ou qu’une fuite
d’eau après compteur existait sur les installations ;
Qu’en se déterminant ainsi, alors qu’il incombait à M. X... d’établir le fait ayant produit l’extinction de
son obligation, le Tribunal a inversé la charge de la preuve et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 25
novembre 1996, entre les parties, par le tribunal d’instance de Montpellier ;
II. Les exceptions au principe de l’article 1315 du Code civil
A. Les présomptions simples ou réfragables
Par exception, la charge de la preuve n’incombe pas au demandeur. Celui-ci peut bénéficier
d’une présomption qui permet d’inverser le fardeau de la preuve. En cas de présomption, la
preuve doit alors être rapportée par le défendeur. La présomption est simple lorsque l’obligation
contractuelle du débiteur est une obligation de résultat allégée. Le débiteur d’une telle
obligation peut écarter sa responsabilité en prouvant n’avoir commis aucune faute.
Beaucoup de professionnels (vendeur, établissement de crédit, assureur, avocat, notaire…), sont
ainsi tenus, de par la loi ou la jurisprudence, à des obligations d’information et de mise en garde.
L’obligation d’information, au sens strict, consiste en la délivrance neutre et objective
d’éléments permettant au client de s’engager en connaissance de cause. L’obligation de mise en
garde consiste en la délivrance d’informations centrées sur un aspect négatif ou désavantageux
du contrat pour un client en particulier. Autrement dit, l’obligation d’information est
impersonnelle, alors que les devoirs de conseil et/ou de mise en garde sont personnels. Dans les
deux cas, il appartient au professionnel de prouver qu’il s’est acquitté de ses obligations (par
ex. : Cass. ch. mixte, 29 juin 2007 : Bull. civ., n° 7, prêt d’argent consenti par une banque ; Civ.
1ère, 28 oct. 2010, n° 09-16913, Bull. n° 215, vendeur professionnel de matériaux de
construction). Pour se constituer une telle preuve, le professionnel peut notamment faire signer
au client une attestation par laquelle il reconnaît avoir été informé ou mis en garde, ou encore
porter à sa connaissance par lettre recommandée avec accusé de réception les éléments
d’information ou de mise en garde (par ex : Com., 16 mars 2010, n° 09-66144, pour une banque
plaçant des contrats d’assurance de groupe).
48
L’exemple du devoir d’information du vendeur de carrelage pour le pourtour d’une
piscine (Civ. 1ère, 28 oct. 2010, n° 09-16913, Bull. n° 215).
La Cour,
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu les articles 1147 et 1315 du code civil ;
Attendu que M. et Mme X... ont acheté à la société Ateliers de la terre cuite (la société ATC) divers lots
de carrelage ; qu’ayant constaté la désagrégation des carreaux qui avaient été posés autour de leur piscine,
ils en ont informé la société ATC qui a procédé à un remplacement partiel du carrelage ; que le
phénomène persistant, les époux X... ont obtenu la désignation d’un expert dont le rapport a fait
apparaître que les désordres étaient liés à l’incompatibilité entre la terre cuite et le traitement de l’eau de
la piscine effectué selon le procédé de l’électrolyse au sel, puis, afin d’être indemnisés, ils ont assigné le
vendeur qui a attrait en la cause son assureur, la société Generali assurances ;
Attendu que pour rejeter la demande fondée sur l’article 1147 du code civil, la cour d’appel a énoncé que
s’il appartient au vendeur professionnel de fournir à son client toutes les informations utiles et de le
conseiller sur le choix approprié en fonction de l’usage auquel le produit est destiné, en s’informant si
nécessaire des besoins de son client, il appartient également à ce dernier d’informer son vendeur de
l’emploi qui sera fait de la marchandise commandée puis a retenu qu’il n’était pas établi que le vendeur
eût été informé par les époux X... de l’utilisation spécifique, s’agissant du pourtour d’une piscine, qu’ils
voulaient faire du carrelage acquis en 2003, de même type que celui dont ils avaient fait précédemment
l’acquisition ;
Qu’en statuant ainsi alors qu’il incombe au vendeur professionnel de prouver qu’il s’est acquitté de
l’obligation de conseil lui imposant de se renseigner sur les besoins de l’acheteur afin d’être en mesure de
l’informer quant à l’adéquation de la chose proposée à l’utilisation qui en est prévue, la cour d’appel a
violé les textes susvisés ;
Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la première branche, casse et annule dans toutes ses
dispositions, l’arrêt rendu le 17 mars 2009, par la Cour d’appel de Nîmes.
Devoir de mise en garde des banques à l’égard de leurs clients profanes quant à
l’inadaptation éventuelle de prêts à leur situation personnelle (Cass., Chbre mixte, 2 arrêts :
29 juin 2007, n° 05-21104, Bull. n° 7). Il s’agit d’une présomption simple (ou obligation
contractuelle allégée) car la banque peut écarter sa responsabilité en prouvant n’avoir commis
aucune faute. Elle peut ainsi rapporter la preuve de l’exécution de son obligation, par exemple,
au moyen d’un questionnaire rempli par le client et la signature par celui-ci de documents types.
On précisera que depuis ces deux arrêts de la Chambre mixte du 29 juin 2007, la Cour de
cassation a précisé que le banquier n’était pas tenu d’une obligation de mise en garde lorsque le
crédit consenti était adapté aux capacités financières de l’emprunteur non averti (Civ., 1ère 19
nov. 2009, n° 08-13601, Bull. civ. I, n° 232).
La Cour, Vu l’article 1147 du code civil ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre-Est (la caisse) a
consenti à M.X... pour les besoins de son exploitation agricole, entre 1987 et 1988, puis entre 1996 et
1999, seize prêts ; que des échéances étant demeurées impayées, la caisse a assigné en paiement M.X...
qui a invoqué un manquement du prêteur à ses obligations ;
Attendu que pour écarter ses prétentions, l’arrêt retient que la caisse avait accepté les dossiers de crédit
après avoir examiné les éléments comptables de l’exploitation et l’état du patrimoine de M.X..., dont il
ressortait que ce dernier était, au 30 juin 1998, propriétaire d’un cheptel d’une valeur dépassant le
montant total des emprunts, qu’il était acquis que les trois prêts octroyés en 1987 et 1988 avaient été
régulièrement remboursés jusqu’en 2000 et 2001 et qu’en dépit de la multiplicité des crédits accordés
entre 1997 et 1998 qui n’était pas significative dès lors qu’elle résultait du choix des parties de ne
financer qu’une seule opération par contrat, il n’était pas démontré que le taux d’endettement de M.X...
qui avait d’ailleurs baissé, ait jamais été excessif, l’entreprise n’étant pas en situation financière difficile,
que M.X... ne rapporte pas la preuve que les crédits auraient été disproportionnés par rapport à la capacité
financière de l’exploitation agricole et que l’établissement bancaire qui consent un prêt n’est débiteur
49
d’aucune obligation à l’égard du professionnel emprunteur ;
Qu’en se déterminant ainsi, sans préciser si M.X... était un emprunteur non averti et, dans l’affirmative,
si, conformément au devoir de mise en garde auquel elle était tenue à son égard lors de la conclusion du
contrat, la caisse justifiait avoir satisfait à cette obligation à raison des capacités financières de
l’emprunteur et des risques de l’endettement né de l’octroi des prêts, la cour d’appel a privé sa décision de
base légale ;
Par ces motifs, casse et annule l’arrêt du 15 septembre 2005 de la cour d’appel de Dijon…
B. Les présomptions absolues ou irréfragables
La présomption est dite irréfragable ou absolue lorsqu’elle ne peut être combattue par aucune
preuve contraire (C. civ., art. 1352).
Il en est ainsi en matière contractuelle, lorsque l’obligation du débiteur est une obligation de
résultat aggravée. Dans ce cas, non seulement le créancier est déchargé du fardeau de la
preuve, mais le débiteur ne peut détruire la présomption qui pèse sur lui en prouvant n’avoir
commis aucune faute. L’hypothèse type est celle du transporteur de personnes qui, aux termes
du contrat de transport, assume une obligation de sécurité de résultat à l’égard des passagers
(Civ. 21 nov. 1991, D. 1913. 1. 249). Dans la mesure où il est présumé responsable de tous les
accidents survenus à ses passagers pendant le voyage, il ne peut écarter sa responsabilité en
prouvant, par exemple, qu’il conduisait de manière attentive. Plus précisément, il ne peut écarter
sa responsabilité qu’en invoquant une cause étrangère qui ne lui est pas imputable, comme la
faute exclusive du passager présentant les caractères de la force majeure (Civ. 1ère, 26 juin
1990 : Bull. n° 181).
Il en est de même en matière délictuelle et quasi délictuelle, avec la responsabilité du fait des
choses (C. civ., art. 1384, al. 1), la responsabilité du fait des commettants (C. civ., art. 1384, al.
5), ou la responsabilité des parents du fait de leurs enfants ( C. civ., art. 1384, al. 4).
L’exemple de la responsabilité des parents du fait de leurs enfants
C. civ., art. 1384 : al. 1. « On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par
son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit
répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde »
Al. 4. « Le père et la mère, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale, sont solidairement
responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ».
Al. 7. « La responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les père et mère… ne prouvent qu’ils
n’ont pu empêcher le fait qui donne lieu à réparation ».
Jusqu’à l’arrêt Bertrand de la Cour de cassation, du 19 février 1997, la responsabilité des
parents du fait des dommages causés par leur enfant mineur vivant avec eux, engagée sur le
fondement de l’article 1384 alinéa 4 & 7 du code civil, reposait sur une présomption simple de
faute. Il en résultait que les parents pouvaient s’exonérer de leur responsabilité en rapportant la
preuve qu’ils n’avaient commis aucune faute de surveillance et/ou d’éducation de leur enfant.
Avec son arrêt du 19 février 1997, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence
en décidant que les parents ne pouvaient plus s’exonérer de leur responsabilité que par la seule
force majeure ou la faute de la victime elle-même. A contrario, la Cour de cassation excluait la
possibilité pour les parents de s’exonérer de leur responsabilité par la preuve de leur absence de
faute dans la garde ou l’éducation de leur enfant. En somme, depuis cet arrêt, la responsabilité
des parents repose sur un mécanisme de présomption de responsabilité, aussi appelé
responsabilité objective ou responsabilité de plein droit.
Civ. 2ème, 19 février 1997, (Bertrand c/Domingues et autres), Bull. civ. II, n° 56
La Cour (extraits); Attendu, selon l’arrêt attaqué (CA Bordeaux, 4 octobre 1994)), qu’une collision est
survenue le 24 mai 1989 entre une bicyclette conduite par Sébastien Bertrand, âgé de 12 ans, et la
50
motocyclette de M. Domingues; que celui-ci blessé, a demandé réparation de son préjudice à M. JeanClaude Bertrand, père de l’enfant, comme civilement responsable de celui-ci;
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt d’avoir retenu la responsabilité de M. Jean-Claude Bertrand, alors
que la présomption de responsabilité des parents d’un enfant mineur prévue par l’article 1384, alinéa 4,
du code civil, peut être écartée non seulement en cas de force majeure mais encore lorsque les parents
rapportent la preuve de n’avoir pas commis de faute dans la surveillance et l’éducation de l’enfant; qu’en
refusant de rechercher si M. Jean-Claude Bertrand justifiait n’avoir pas commis de défaut de surveillance
au motifs que seule la force majeure ou la faute de la victime pouvait l’exonérer de la responsabilité de
plein droit qui pesait sur lui, la cour d’appel a violé l’article 1384, alinéa 4 C. civ.
Mais attendu que l’arrêt ayant exactement énoncé que seule la force majeure ou la faute de la victime
pouvait exonérer M. Jean-Claude Bertrand de la responsabilité de plein droit encourue du fait des
dommages causés par son fils mineur habitant avec lui, la cour d’appel n’avait pas à rechercher
l’existence d’un défaut de surveillance du père; d’où il suit que le moyen n’est pas fondé;
Par ces motifs, rejette...
Commentaire guidé de l’arrêt :
1. Quelle est la juridiction qui a rendu cette décision ?
2. A quelle date ?
3. Dans quelle matière ?
4. Quels sont les faits ?
5. Qui est le demandeur au procès ? Qui est le défendeur ?
6. Quel est l’objet de la demande ?
7. Qui a obtenu gain de cause en première instance ?.
8. Quelles voies de recours ont été exercées ? Par qui ?
9. Quelle est, d’après la Cour d’appel, la force de la présomption de responsabilité des parents
du fait de leurs enfants ? Quel est le motif formulé par la Cour d’appel pour justifier sa
solution ? Quel est le texte en cause ?
10. Qui s’est pourvu en cassation ?
11. Quels sont les griefs formulés par l’auteur du pourvoi à l’encontre de l’arrêt de la Cour
d’appel ?
12. A qui la Cour de cassation donne-t-elle raison ? A l’auteur du pourvoi ou à la Cour d’appel ?
13. Pourquoi la Cour de cassation ne revient-elle pas sur les circonstances de l’accident ?
14. Quelle est l’interprétation donnée par la Cour de cassation du texte en cause ?
15. La présomption retenue par la Cour de cassation est-elle simple ou irréfragable ?
16. La solution retenue par la Cour de cassation constitue-t-elle un revirement de
jurisprudence ?
17. Que pensez-vous de cette solution ?
51
FICHE N° 9 : LES MOYENS DE PREUVE ET LA METHODOLOGIE
DU CAS PRATIQUE
I. LES MOYENS DE PREUVE
A) L’écrit exigé à titre de preuve et l’écrit exigé à titre de validité
L’exemple du contrat de prêt avec intérêt : Civ. 1ère, 14 février 1995. Pour comprendre cet
arrêt, commencez par lire les explications qui suivent relatives aux formalités ad validitatem et
ad probationem, et au contrat réel.
LA COUR,
Sur le premier moyen : Attendu que M. Y... fait grief à l’arrêt attaqué de l’avoir condamné à
payer à Mme X... la somme de 200 000 francs en remboursement d’un prêt, en se bornant à
constater que Mme X... disposait d’une telle somme à l’époque de l’établissement de la
reconnaissance de dette - produite en photocopie - alors que, s’agissant d’un contrat réel, le
prêteur devait apporter la preuve de la remise matérielle des fonds ;
Mais attendu que la cour d’appel a retenu comme commencement de preuve par écrit du prêt
allégué la photocopie de la reconnaissance de dette écrite et signée par M. Y..., qui ne contestait
ni l’existence de l’acte ni la conformité de la photocopie à l’original, selon lui détruit ; qu’ayant
en outre relevé que les circonstances de la cause établissaient que Mme X... avait
matériellement disposé de la somme indiquée dans l’acte, elle a ainsi pu donner effet à la
stipulation de cet acte mentionnant la remise des fonds à l’emprunteur ; que le moyen n’est donc
pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l’article 1907, alinéa 2, du Code civil ;
Attendu qu’aux termes de ce texte, le taux de l’intérêt conventionnel doit être fixé par écrit ; que
cette règle est prescrite pour la validité de la stipulation du taux d’intérêt ;
Attendu que pour condamner M. Y... au paiement des intérêts du prêt au taux de 20 %, l’arrêt
attaqué énonce que la photocopie de la reconnaissance de dette comporte la stipulation d’un tel
intérêt ;
Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que cet acte ne pouvait concerner que la preuve, la
cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a condamné M. Y... au
paiement des intérêts au taux de 20 %, l’arrêt rendu le 2 avril 1992, entre les parties, par la cour
d’appel de Caen
Formalités ad validitatem et formalités ad probationem. Il faut se garder de confondre les
formalités qui sont requises pour la validité même du contrat solennel avec celles exigées pour
se constituer une preuve de l'existence du contrat. Lorsque l'écrit est exigé à titre de validité du
contrat, son absence empêche le contrat d'être valable : il est atteint de nullité absolue. Lorsque
l'écrit, authentique ou sous seing privé, est exigé comme moyen de preuve, il ne transforme pas
le contrat consensuel en contrat solennel. À défaut du respect des formes, le contrat reste valable
par le seul échange des volontés des parties. Certes, il sera difficile d'en établir l'existence en
justice ou de l'opposer aux tiers, mais il sera possible de recourir à d'autres moyens de preuve,
même moins performants que l'écrit. Par exemple, la vente d'un bien de consommation
courante, en dehors de toute réglementation particulière, constitue un contrat consensuel,
valable de par le seul échange des volontés des parties, même sous la forme de simples paroles.
Les contrats réels sont des contrats dont la formation nécessite, outre l’accord des volontés des
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parties, la remise matérielle de la chose qui en est l’objet. Cette catégorie a toujours été discutée
en doctrine, et elle ne cesse de s’amenuiser. C’est ainsi que deux des exemples les plus
significatifs de contrats réels n’ont plus lieu d’être. D’une part, la Cour de cassation a décidé
que le prêt consenti à un particulier par un professionnel du crédit n’était pas un contrat réel
(Civ. 1re, 27 mai 1998, Bull. n° 186 ; 14 janv. 2010, n° 08-13160). Il s’agit donc désormais d’un
contrat consensuel synallagmatique, formé dès l’accord des volontés des parties. D’autre part,
depuis la réforme du droit des sûretés, issue d’une ordonnance du 23 mars 2006, le gage n’est
plus un contrat réel (C. civ., art. 2336 : « Le gage est parfait dès l’établissement d’un écrit
[…] »). Il ne reste donc plus comme contrats réels que le dépôt, le don manuel (don de faible
valeur, dispensé du formalisme de l’acte authentique : Civ. 1re, 11 juill. 1960 : D. 1960.702), et
le prêt conclu entre particuliers ou entre professionnels (Civ. 1re, 19 juin 2008, n° 1975327).
B) Les présomptions de fait : le problème des enregistrements et des SMS
Le respect du principe de loyauté. Certains procédés de preuve peuvent être déclarés
irrecevables en justice en raison de leur déloyauté sur des fondements les plus divers (article 9
du Code civil relatif au respect de la vie privée ; article 9 du Code de procédure civile relatif aux
faits nécessaires à la solution du litige ; article 6 de la Conv. EDH qui définit le droit à un procès
équitable ; article 226-1 du Code pénal qui réprime des atteintes à la vie privée, en particulier
par des enregistrements d’une personne sans son consentement).
Ainsi ont été écartés du procès civil des enregistrements de conversations téléphoniques
réalisés par une partie, à l’insu de l’auteur des propos tenus (Com., 3 juin 2008, n° 07-17147), y
compris dans le cadre de l’entreprise (Soc. 14 mars 2000 : Bull. n° 101, pour qui ce mode de
preuve n’est valable que si les salariés ont été dûment avertis du recours à des écoutes
téléphoniques). Il en est de même de l’alternative qui consiste à demander à un tiers de
retranscrire le contenu d’une conversation téléphonique à laquelle il assistait. Dans ce cas, la
Cour de cassation considère que le procédé est déloyal : «… est déloyal le fait de permettre à
un tiers d’écouter une conversation téléphonique à l’insu de l’un des interlocuteurs afin de
conduire ce tiers à retranscrire les termes de cette conversation dans une attestation… » (Com.,
13 oct. 2009, n° 08-19525).
En revanche, la preuve rapportée par SMS est admise car leurs auteurs ne peuvent ignorer
qu’ils sont conservés sur le téléphone du destinataire (Soc. 23 mai 2007, Bull. n° 85). Dans les
affaires de divorce, l’épouse peut produire un SMS recueilli en mettant la main sur le portable
de son conjoint, à condition qu’il ait été obtenu sans violence et sans fraude (Civ. 1ère, 17 juin
2009, n° 07-21796).
1°) Preuve par enregistrements de conversations :
Cour de cassation, Assemblée plénière, 7 janvier 2011
La Cour, siégeant en Assemblée plénière,
Vu l'article 9 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde
des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe de loyauté dans l'administration de la
preuve ;
Attendu que, sauf disposition expresse contraire du code de commerce, les règles du code de
procédure civile s'appliquent au contentieux des pratiques anticoncurrentielles relevant de l'Autorité de la
concurrence ; que l'enregistrement d'une communication téléphonique réalisé à l'insu de l'auteur des
propos tenus constitue un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de preuve ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, 3 juin 2008,
Bull. 2008, IV, n° 112), que la société Avantage-TVHA a saisi le Conseil de la concurrence (devenu
l'Autorité de la concurrence), de pratiques qu'elle estimait anticoncurrentielles sur le marché des produits
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d'électronique grand public, en produisant des cassettes contenant des enregistrements téléphoniques
mettant en cause les sociétés Philips France et Sony France ; que ces sociétés ont demandé au Conseil de
la concurrence d'écarter ces enregistrements au motif qu'ils avaient été obtenus de façon déloyale ;
Attendu que pour rejeter leur recours formé contre la décision du Conseil de la concurrence qui a
prononcé une sanction pécuniaire à leur encontre, l'arrêt retient que les dispositions du code de procédure
civile, qui ont essentiellement pour objet de définir les conditions dans lesquelles une partie peut obtenir
du juge une décision sur le bien-fondé d'une prétention dirigée contre une autre partie et reposant sur la
reconnaissance d'un droit subjectif, ne s'appliquent pas à la procédure suivie devant le Conseil de la
concurrence qui, dans le cadre de sa mission de protection de l'ordre public économique, exerce des
poursuites à fins répressives le conduisant à prononcer des sanctions punitives ; qu'il retient encore que,
devant le Conseil de la concurrence, l'admissibilité d'un élément de preuve recueilli dans des conditions
contestées doit s'apprécier au regard des fins poursuivies, de la situation particulière et des droits des
parties auxquelles cet élément de preuve est opposé ; qu'il ajoute enfin que si les enregistrements opérés
ont constitué un procédé déloyal à l'égard de ceux dont les propos ont été insidieusement captés, ils ne
doivent pas pour autant être écartés du débat et ainsi privés de toute vertu probante par la seule
application d'un principe énoncé abstraitement, mais seulement s'il est avéré que la production de ces
éléments a concrètement porté atteinte au droit à un procès équitable, au principe de la contradiction et
aux droits de la défense de ceux auxquels ils sont opposés ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés ;
PAR CES MOTIFS CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 avril
2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris
2°) Preuve par SMS :
Chambre sociale de la Cour de cassation : 23 mai 2007
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Agen,5 avril 2006), rendu sur renvoi après cassation (chambre sociale,20
avril 2005, pourvoi n° Y 3 41-916), que Mme X..., négociatrice immobilière à la SCP Y..., Z... et A...
devenue SCP Y..., A..., B..., titulaire d’un office notarial, a été licenciée pour faute grave le 23 août 2000 ;
qu’elle a saisi le conseil de prud’hommes en contestant son licenciement et en faisant état d’un
harcèlement sexuel ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la SCP notariale fait grief à l’arrêt d’avoir décidé que le licenciement ne reposait pas sur une
faute grave, alors, selon le moyen, que commet une faute grave le salarié d’un office notarial qui abuse de
ses fonctions, à des fins personnelles, au préjudice des clients de l’étude ; qu’en l’espèce, ayant constaté
que la salariée, négociatrice immobilière chargée de commercialiser un terrain, avait proposé au vendeur
de l’acheter pour son propre compte en déclarant faussement vouloir y établir son habitation, avait tenté
dans le même temps de le revendre à un tiers à un prix très supérieur et avait ainsi utilisé son poste pour
tenter de réaliser une opération à son seul profit contrairement à l’éthique de sa profession, la cour
d’appel devait en déduire que le licenciement de cette salariée était justifié par une faute grave ; qu’en
décidant au contraire que seule une cause réelle et sérieuse devait être retenue, elle n’a pas tiré les
conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé les articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 1229 du code du travail.
Mais attendu que la cour d’appel, qui a retenu que le fait reproché à la salariée n’avait suscité aucune
remarque de la part de l’employeur, a pu en déduire que son comportement n’empêchait pas son maintien
dans l’entreprise pendant la durée du préavis et ne constituait pas une faute grave ; que le moyen n’est pas
fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la SCP notariale et M. Y... font grief à l’arrêt d’avoir déclaré établi le harcèlement sexuel de
la salariée et de lui avoir alloué une somme à ce titre, alors selon le moyen :
1° / que l’enregistrement et la reconstitution d’une conversation ainsi que la retranscription de messages,
lorsqu’ils sont effectués à l’insu de leur auteur, constituent des procédés déloyaux rendant irrecevables en
justice les preuves ainsi obtenues ; que, dès lors, en se fondant sur des messages téléphoniques d’août
1998 reconstitués et retranscrits par un huissier à l’insu de leur auteur et sur l’enregistrement d’un
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entretien d’avril 2000 effectué par la salariée sur une microcassette à l’insu de son employeur, la cour
d’appel a violé les articles 9 du nouveau code de procédure civile et 6 de la Convention de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
2° / qu’en imposant à M. Y... de rapporter la preuve qu’il n’était pas l’auteur des messages envoyés à
partir de son téléphone portable, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et violé l’article 1315 du
code civil ;
3° / que le juge ne peut statuer par voie de pure affirmation ; que, dès lors, en se fondant sur ce que les
pressions de M. Y... s’étaient “ traduites par un état dépressif de la salariée “, “ qu’à compter de la mi-juin
elle a été informée qu’elle n’avait plus de bureau “ et que le harcèlement avait eu des “ conséquences sur
les conditions de travail de la salariée et son état de santé “, sans analyser ni même préciser les pièces
dont elle déduisait ces affirmations, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau code de procédure
civile ;
Mais attendu que si l’enregistrement d’une conversation téléphonique privée, effectué à l’insu de l’auteur
des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue, il n’en
est pas de même de l’utilisation par le destinataire des messages écrits téléphoniquement adressés, dits S.
M. S., dont l’auteur ne peut ignorer qu’ils sont enregistrés par l’appareil récepteur ;
Et attendu qu’abstraction faite du motif surabondant tiré de l’enregistrement d’une conversation
téléphonique ultérieure, la cour d’appel a constaté, par une appréciation souveraine, que les messages
écrits adressés téléphoniquement à la salariée le 24 août 1998 et les autres éléments de preuve soumis à
son examen établissaient l’existence d’un harcèlement ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
C) La liberté de la preuve d’un acte juridique en présence d’un commencement de preuve par
écrit
Aux termes de l’article 1347 du Code civil, une partie n’est pas tenue de prouver un acte
juridique par un écrit, dès lors qu’elle produit un commencement de preuve par écrit. Il s’agit de
tout écrit émanant de celui contre lequel la demande est formée et qui rend vraisemblable le fait
allégué (le commencement de preuve par écrit n’est cependant pas suffisant pour prouver l’acte
juridique. La partie sur laquelle pèse la charge de la preuve doit utiliser ensuite tout moyen de
preuve pour parfaire l’indice résultant de cet acte).
Cass. 1ère civ., 11 avril 1995
Sur le moyen unique : Vu l’article 1347 du Code civil ;
Attendu que, pour valoir commencement de preuve, l’écrit doit émaner de la personne à laquelle il est
opposé et non de celle qui s’en prévaut ;
Attendu que M. Debarge a émis au bénéfice des époux Ribes un chèque de 70 000 francs qu’ils ont
encaissé et qui représentait, selon lui, le montant d’un prêt qu’il leur aurait consenti ;
Attendu que pour faire droit à l’action en paiement de cette somme formée contre les époux Ribes par
Mme Lize et Mlle Debarge, aux droits de leur père décédé, l’arrêt retient que le chèque émis par M.
Debarge constituait un commencement de preuve par écrit du contrat de prêt qu’il invoquait à l’encontre
des bénéficiaires de ce chèque ;
Qu’en statuant ainsi la cour d’appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE
l’arrêt rendu le 13 janvier 1993 par la cour d’appel d’Aix
D) La preuve du paiement
L’une des parties à un acte ou un tiers (souvent un héritier de l’une des parties ayant conclu
l’acte), conteste parfois la réalité du paiement effectué par l’autre partie, tel qu’il est
éventuellement mentionné dans l’acte constatant l’opération juridique.
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Traditionnellement, la jurisprudence considérait que le paiement était un acte juridique (Cass.
1ère civ., 19 mars 2002 : Bull civ. I, n° 101). Il en résultait au moins deux conséquences.
D’abord, la charge de la preuve incombait à celui qui se prétendait libéré de son obligation (C.
civ., art. 1315, al. 2). Il appartenait donc à cette personne de prouver le paiement. Ensuite,
lorsque le contrat était civil entre les deux parties, la preuve littérale du paiement était exigée
au-delà de 1 500 euros, et elle pouvait être rapportée par tous moyens en deçà. Autrement dit, à
partir de 1500 euros, une personne pour prouver qu’elle avait remboursé une dette qu’elle avait
contractée à l’égard d’un tiers ne pouvait produire des témoignages ou des présomptions de fait
l’attestant. Il en était de même pour un contrat mixte, à l’égard de la partie civile. En revanche, à
l’égard d’un commerçant, et a fortiori dans un contrat commercial pour les deux parties, la
preuve pouvait être rapportée par tous moyens, même à partir de 1 500 euros.
Cependant, la jurisprudence a abandonné cette solution traditionnelle pour admettre que le
paiement constitue non plus un acte juridique, mais un fait juridique (en dernier lieu : Civ. 1ère,
16 sept. 2010, n° 09-13947). Désormais, pour la Cour de cassation « la preuve du paiement, qui
est un fait, peut être rapportée par tous moyens » (Civ. 1ère, 30 avr. 2009, n° 08-13.705, inédit).
Dans ce dernier arrêt, une personne assignée par un particulier en paiement d’une certaine
somme, qui détenait une reconnaissance de dette de sa part, a ainsi pu rapporter la preuve
qu’elle avait déjà réglé en espèces la somme qui lui était réclamée, et ce grâce aux témoignages
de deux personnes présentes lors du règlement.
Cour de cassation, première Chambre civile, 30 avril 2009 (inédit)
Sur le moyen unique : Vu l’article 1341 du code civil ; Attendu que la preuve du paiement, qui est un fait,
peut être rapportée par tous moyens ;
Attendu que se fondant sur une reconnaissance de dette du 10 mai 2005, Mme X... a assigné M. Y... en
paiement d’une certaine somme ; que M. Y... s’est opposé à cette demande en faisant valoir que le 21
février 2004 il avait réglé en espèces la somme qui lui était réclamée ainsi qu’il le justifiait par deux
témoignages ;
Attendu que pour accueillir la demande, le jugement attaqué retient que la prohibition de l’article 1341 du
code civil ne s’applique pas à la preuve de simples faits qui n’impliquent eux-mêmes ni obligation ni
libération, ce que n’est pas un paiement qui implique nécessairement la libération du débiteur, de sorte
que la preuve testimoniale n’est pas recevable pour contester les reconnaissances de dettes ;
Qu’en statuant ainsi le tribunal a violé, par fausse application, le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE le jugement rendu le 23 avril 2007 par le tribunal d’instance
de Périgueux ;
III. LE CAS PRATIQUE
1. Conseils de méthodologie
Le cas pratique repose sur l’exposé d’une situation de fait et implique la recherche des règles
applicables au problème posé. Il permet de démontrer une ou plusieurs solutions proposées au
moyen d’un raisonnement juridique. Les solutions proposées doivent donc être expliquées,
motivées et étayées par les règles de droit, la jurisprudence et, éventuellement, la doctrine.
Une fois mis en évidence les divers problèmes de droit qui se posent, il faut éviter de recopier
des tranches de cours en relation avec ces problèmes sans plus se préoccuper des faits de
l’énoncé. Il ne s’agit pas d’une dissertation juridique ou d’une question de cours. Autrement dit,
il convient d’alterner habilement les exposés théoriques avec les applications pratiques.
I. LA PHASE D’APPROCHE
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A. L’analyse des données de fait
Cette étape consiste à analyser les circonstances de fait. Leur examen va permettre d’éliminer
les détails superflus ou inutiles. Eventuellement, ce travail permet de replacer les faits dans
l’ordre chronologique. Ce travail va également permettre de supposer d’autres données, lorsque
certains faits font défaut ou sont incomplets, ce qui n’est pas systématique.
B. La qualification juridique des faits
Il convient désormais de rapprocher les faits d’une ou de plusieurs règles de droit pour déduire
si celles-ci leur sont applicables.
Transcription des faits en termes juridiques. En premier lieu, il faut traduire en termes de
droit les mots et les concepts utilisés dans le cas pratique. Ces derniers sont souvent empruntés
au langage courant, sans signification juridique précise.
Détermination du problème juridique. Il convient maintenant de déterminer le(s) problème(s)
de droit qui se pose(nt) et à le(s) formuler en des termes juridiques. Il faut souvent l’identifier et
le formuler aussi simplement et exactement que possible.
C. La recherche des règles de droit applicables. Cette étape consiste à rechercher les règles
de droit nécessaires pour résoudre les questions. Il convient de justifier les réponses au
problème de droit posé au moyen des textes, de la jurisprudence et, éventuellement, de la
doctrine. Lors d’un examen écrit, à défaut de pouvoir effectuer des recherches en bibliothèque,
les éléments de réponses sont souvent limités à ce qui a été étudié en cours ou dans les manuels.
En revanche, si le cas pratique est préparé chez soi, il faut élargir le champ des recherches bien
au delà des notes de cours.
D. La solution
Raisonnement. Désormais, il faut raisonner à partir de la règle de droit retenue pour proposer
une ou plusieurs solutions. La démonstration doit se présenter sous la forme d’un syllogisme. Il
s’agit d’une méthode de raisonnement qui consiste à partir des faits pour aller à la règle de droit
qui paraît être la plus appropriée, puis à rapprocher les conditions d’application de cette règle
aux faits pour en déduire la solution. Cette méthode s’articule donc autour de trois éléments
dont le dernier est la conséquence des deux autres : d’une part, les données de fait, c’est-à-dire
l’énoncé du cas pratique (la mineure); d’autre part, la règle de droit applicable (la majeure);
enfin, la solution qui est déduite de la confrontation des conditions exigées par la règle de droit
aux éléments de fait (la conclusion).
Il convient au préalable d’analyser la règle de droit que l’on suppose formulable sous une forme
conditionnelle réunissant l’hypothèse (ou présupposition), qui exprime les conditions
d’application de la règle, et l’effet juridique que l’on est autorisé à en déduire. Pour y parvenir,
il suffit généralement de réécrire la règle de la manière suivante : 1) Si telles conditions sont
réunies (hypothèse); 2) alors on doit en déduire telle conséquence (effet juridique).
Lorsque l’application de la règle suppose plusieurs conditions, il est conseillé de reprendre
chacune d’elles en expliquant pourquoi elle est remplie. Si une seule de ces conditions fait
défaut, on peut la réserver pour la fin, ce qui permet d’exposer une argumentation complète.
Proposition d’une solution. Il ne suffit pas de citer le texte ou la règle, puis d’énoncer une
solution sans explication. La solution doit être motivée. Vous devez donc démontrer que votre
solution s’impose parce qu’elle n’est rien d’autre que la déduction logique des conséquences qui
résultent de l’application de la règle de droit à la situation de fait envisagée dans le cas pratique.
Solution non motivée : « En principe une loi n’est pas rétroactive. Monsieur Merlin ne peut
donc obtenir de la banque les intérêts perçus par elle, au delà de 6 % entre le 15 octobre 2002
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et le 15 octobre 2003 ». Bien que la réponse soit bonne, l’enseignant mettra 0 car elle n’est pas
motivée.
Solution motivée : « L’article 2 du code civil énonce le principe selon lequel la loi ne dispose
que pour l’avenir; elle n’a point d’effet rétroactif. Ce principe dit de la non rétroactivité de la
loi se justifie par le besoin de sécurité des parties. Pour cette raison, il concerne aussi bien les
situations légales que les situations contractuelles. Dans ce double domaine, il trouve encore à
s’appliquer dans deux hypothèses. D’une part, l’hypothèse des situations juridiques qui ont déjà
épuisé tous leurs effets. D’autre part, l’hypothèse des effets déjà passés d’une situation
juridique en cours. Or, précisément, à la date de la loi nouvelle, à savoir le 15 octobre 2003, le
contrat de prêt souscrit par Monsieur Merlin était en cours d’exécution, puisqu’il a été conclu
le 15 octobre 2002 pour une durée de cinq années. Il en résulte que Monsieur Merlin ne peut
bénéficier du taux d’intérêt fixé par cette loi nouvelle pour la période antérieure à celle-ci ».
Proposition de plusieurs solutions. Il est possible de proposer plusieurs solutions, même
contradictoires. Seulement, il faudra, chaque fois, recenser, d’une part, les arguments
favorables, d’autre part, ceux défavorables. Bien entendu, il conviendra d’expliquer pourquoi
les uns doivent primer les autres.
Primauté du raisonnement sur la réponse supposée. Il ne faut pas être obnubilé par la
recherche de la rectitude de la solution. Ce qui prime ce n’est pas la solution trouvée, mais le
raisonnement logique qui vous permet de défendre la solution. Si le raisonnement est solide, la
solution s’impose. A la limite, une solution différente de celle escomptée par l’enseignant qui a
créé le cas pratique peut faire une bonne copie si elle est bien justifiée.
II. LA PHASE DE RÉDACTION
Comment construire le devoir ? Il n’y a pas de plans types. Lorsque le cas pratique comporte
une série de questions, il suffit de les examiner les unes après les autres en autant de
paragraphes distincts. Il n’est pas non plus nécessaire de montrer l’intérêt juridique des
questions dans une introduction et de concevoir un « plan à idées ». Cependant, si vous
souhaitez ne pas entrer immédiatement dans le vif du sujet vous pouvez éventuellement rédiger
une introduction.
Conseils de lecture. Pour plus de précisions, sur cette phase de rédaction, je vous invite à
consulter le manuel de J. Bonnard « Méthodes de travail de l’étudiant en droit » (Hachette
Supérieur, coll. « Les Fondamentaux », 6ème édition, 2013, chapitre 7 : « Le cas pratique et la
consultation »), qui comporte, en outre, des exemples concrets.
2. Travail à faire : préparer par écrit ce cas pratique
Sylvie est une jeune actrice qui, pour son premier rôle au cinéma, vient d’obtenir le Prix
d’interprétation féminine du festival de Cannes. De nature timide, elle a aussitôt quitté le
festival pour ne pas être interviewée par les journalistes. Elle rentre chez elle et reçoit à dîner
son frère, Julien, et un ami de celui-ci, Jean-Gabriel. Au cours du dîner, en présence de JeanGrabriel, Julien propose à sa sœur de lui racheter sa voiture pour le prix de 15 000 euros. Celleci accepte. Aucun écrit n’est rédigé. Aussitôt, Julien fait un chèque au nom de sa sœur de 10 000
euros, et le lui remet. Il précise à sa sœur que, dès le lendemain, il lui adressera un chèque
complémentaire de 5 000 euros. Sa sœur accepte.
Deux jours après, Sylvie reçoit une carte postale de son frère ainsi rédigée : « Ma chère
frangine, je suis très content de la voiture que tu m’as vendue. Dès que j’aurai reçu les 5 000
euros, je te les adresserai. Gros bisous. Julien ».
Plusieurs semaines se passent. Sylvie se décide alors d’appeler son frère au téléphone. A cette
occasion, elle lui rappelle qu’elle n’a toujours pas reçu les 5 000 euros qu’il devait lui verser.
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Julien lui dit qu’il ne lui doit plus rien. Le prix de la voiture qui était convenu lors du dîner était
de 10 000 euros, un point c’est tout. Quant aux 5 000 euros qu’il a évoqués dans sa carte
postale, ils n’avaient rien à voir avec la vente de la voiture. Il s’agissait d’une somme que leur
oncle avait envisagé de lui remettre à titre de cadeaux. Il pensait donc pouvoir en disposer pour
la transmette à son tour à sa sœur, à titre de cadeau. Malheureusement, l’oncle en question vient
de se remarier et, ayant désormais des problèmes d’argent à cause de son épouse dispendieuse,
il n’envisage plus de gâter son neveu. En clair, l’oncle n’a pas versé à Julien ces 5 000 euros,
dont il parlait dans sa carte postale Le prix de la voiture rappelle Julien était de 10 000 euros et
il a été intégralement payé par chèque. Il ne donc plus rien !
Sachant que vous êtes un très bon étudiant en droit en L1 dans une faculté de droit réputée et
avec les meilleurs professeurs et chargés de travaux dirigés de droit, Sylvie vient vous demander
conseils.
Voici les questions auxquelles elle vous invite à répondre.
1. Dans l’hypothèse où elle envisagerait d’agir en justice contre son frère pour le règlement des
5 000 euros du solde du prix de la voiture, quel serait l’objet de la preuve ?
2. A qui incomberait la charge de cette preuve ?
3. Quels seraient les moyens de preuve admissibles ?
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FICHE N° 10 : ANNALES 2014 ET 2015
Université Paris 8 – Saint Denis
UFR Droit
Année universitaire 2013/2014
1ère session du second semestre
Niveau d’études : Licence 1.
Droit civil (personnes et preuve)
Nom de l’enseignant : Christelle Chalas
Document autorisé : aucun
Durée de l’épreuve : 2h30
I. QUESTION DE COURS (5 POINTS)
La classification des droits patrimoniaux.
II. RESOLVEZ LE CAS PRATIQUE CI-DESSOUS (15 POINTS)
Accablé par les soucis, Hans Scieux vient vous consulter. Il vous explique qu’il a été grugé par ses
neveux, trahi par ses amis et que sa femme et lui sont au bord de la rupture, le couple étant
apparemment infertile. Les éléments de son cas sont les suivants :
A. Ses neveux
Hans Scieux, qui n’a toujours pas d’enfant, vous explique qu’il a voulu aider ses trois neveux à
s’installer dans la vie lors de leur accession à la majorité. A chacun, il a prêté une somme de 5000
euros pour une période de trois ans. Il se heurte maintenant à d’insolubles problèmes de
remboursement de ses créances.
1°) Au premier, Théophile, il a remis une liasse de billets de banque, oubliant d’établir un écrit. Ce
neveu prétend aujourd’hui qu’il n’a jamais rien reçu (2 points).
2°) Au suivant, Théodore, il a remis la même somme, sans omettre cette fois de lui faire signer un
écrit. Toutefois, ce dernier, étudiant en droit, prétend que l’écrit est dépourvu de valeur juridique car la
somme prêtée ne figure qu’en chiffres dans la reconnaissance de dette (2 points).
3°) Au dernier, Théophraste, il a fait signer un écrit constatant le montant du prêt en chiffres et en
lettres. Son neveu déclare néanmoins n’avoir reçu que 2 500 euros et sa femme est prête à témoigner
en justice pour confirmer ses dires (2 points).
Hans Scieux envisage d’agir en justice contre les trois emprunteurs afin d’obtenir la restitution des
sommes prêtées. Quelles sont ses chances de succès à l’égard de chacun de ses neveux ?
B. Ses amitiés
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1°) Un ami de longue date, devenu un photographe célèbre, est venu lui rendre visite dans son nouvel
appartement à Strasbourg. Il a pris de nombreux clichés qu’il a promis à Hans Scieux de lui envoyer
dès qu’il aurait achever de sélectionner les plus réussis. Quelle ne fut pas la surprise de Hans Scieux
lorsque le lendemain matin il découvrait sa photo en première page du « Strasbourgeois Libéré »
accompagné d’un article sur les conditions de vie scandaleuses des Strasbourgeois les plus fortunés
illustré par plusieurs clichés de son appartement.
Hans Scieux voudrait savoir s’il est en droit de reprocher à son ami d’avoir publié sa photo sans son
consentement et comment il doit s’y prendre (2 points).
2°) Hans Scieux comprend d’autant moins cette attitude que lui-même a toujours fait preuve à l’égard
de son ami d’une parfaite loyauté. En effet, pas plus tard que l’été dernier, son ami l’avait brûlé avec
un barbecue à l’occasion d’un déjeuner en présence d’anciens amis de la fac. Mais Hans Scieux ne lui
avait jamais demandé quoi que ce soit, alors que son hospitalisation lui avait coûté cher et qu’il garde
encore des séquelles physiques de l’accident. Maintenant que les relations entre les deux amis
s’enveniment, Hans Scieux envisage d’agir en justice afin d’obtenir réparation de son préjudice.
Il vous demande quelle règle de droit il devra invoquer pour demander réparation et comment faire la
preuve de l’accident (2 points).
C. Son couple
Hans Scieux est marié depuis plusieurs années à Ella Leircoul et ils ne peuvent avoir d’enfants. Des
amis leur ont conseillé de recourir à une Aide Médicale à la Procréation par fécondation in vitro. Hans
est perplexe et vous demande de l’éclairer en cette matière.
1°) Il aimerait d’abord savoir si cela peut s’effectuer en France ou si, au contraire, ils doivent aller à
l’étranger (1 point).
2°) Au cas où l’AMP serait autorisée en France, il voudrait également savoir si des examens peuvent
être effectués sur les embryons in vitro pour détecter d’éventuelles maladies et, si tel est le cas, si le
couple pourrait renoncer à son projet. Il se demande aussi ce qu’il adviendra, par la suite, de tous les
embryons surnuméraires sains ou atteints d’anomalies (2 points).
3°) Enfin, au cas où l’AMP ne leur permettrait toujours pas d’avoir un enfant, il voudraient savoir si le
couple ne pourrait pas, en France ou à l’étranger (envisagez les deux possibilités), conclure une
convention avec une femme aux termes de laquelle cette dernière, gratuitement ou moyennant une
somme d’argent, d’une part, accepterait de porter l’embryon conçu in vitro et, d’autre part, en cas de
naissance, leur donnerait « leur » enfant (2 points).
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Université Paris 8 – Saint Denis
UFR Droit
Année universitaire 2013/2014
2ème session du second semestre
Niveau d’études : Licence 1.
Droit civil (personnes et preuve)
Nom de l’enseignant : Christelle Chalas
Document autorisé : aucun
Durée de l’épreuve : 2h30
I. QUESTION DE COURS (5 POINTS)
Les droits extra-patrimoniaux (définition, caractéristiques, exemples).
II. CAS PRATIQUES (15 POINTS)
En dépit des conseils peu avisés que vous lui aviez donnés le mois dernier, Hans Scieux garde
confiance dans vos qualités de jeune juriste et vient de nouveau vous consulter pour vous exposer ses
problèmes ! Cette fois, il a des soucis avec le propriétaire de l’appartement qu’il loue à Paris, son
voisin à qui il a prêté de l’argent et sa voisine qui l’a gravement bousculé dans l’entrée de l’immeuble.
Enfin, il est lassé de son nom et prénom et il voudrait bien en changer car il se demande si ce n’est pas
là que se loge l’origine de tous ses problèmes.
I. SON APPARTEMENT (5 POINTS)
Il y a cinq ans, Hans Scieux a conclu un contrat de bail d’habitation portant sur un appartement situé à
Paris pour un loyer mensuel de 1800 euros. Lors de la signature, il a été convenu verbalement avec le
propriétaire, Yvan Le Bail, que le montant des travaux de peinture que Hans Scieux serait amené à
engager serait déduit des loyers dans la limite de 3600 euros. Un ami de Hans présent lors de la
signature est prêt à témoigner de cet accord. Mais, dans le contrat de bail signé par les deux parties,
rien n’a été indiqué et figure seulement la clause habituelle selon laquelle les travaux d’entretien ou
d’amélioration effectués par le locataire resteront à sa charge.
Hans Scieux, qui est devenu plus prudent depuis ses mésaventures avec ses neveux, a demandé au
bailleur de lui confirmer par écrit ce qui avait été convenu verbalement lors de la signature du contrat
de bail. Quelques jours plus tard, Hans Scieux a reçu de son bailleur le mail suivant :
Bonjour M. Scieux,
D’accord pour travaux en déduction de deux loyers.
Bien cordialement,
Yvan Le Bail.
Les travaux terminés, le bailleur refuse de prendre à sa charge les travaux effectués (la facture s’élève
à 4000 euros) et exige le paiement des loyers impayés de janvier et février 2014. Il soutient que seul
importe le contrat de bail. Hans Scieux vous demande de le conseiller sur les questions d’objet de la
preuve, de charge de la preuve et des moyens de preuve admissibles.
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II. SON VOISIN (4 POINTS)
Hans Scieux ne parvient plus à mettre la main sur l’original de la reconnaissance de dette par laquelle
son voisin Monsieur Mythos certifiait lui avoir emprunté la somme de 10 000 euros pour s’acheter une
nouvelle voiture. Hans Scieux pense que le document a dû être pris avec d’autres par les cambrioleurs
qui ont dévalisé son intérieur il y a six mois. Hans Scieux ne dispose que d’une photocopie de la
reconnaissance de dette qu’il avait conservée sur son lieu de travail.
Son voisin prétend qu’il n’a jamais reçu cet argent et que la photocopie est un faux. Hans Scieux
voudrait savoir s’il peut assigner son voisin en paiement avec quelques chances de succès.
III. SA VOISINE (3 POINTS)
Alors qu’il rentrait épuisé chez lui après une journée de travail harassante et traversait hagard le hall de
l’immeuble, Hans Scieux est violemment bousculé par Melle Tornade, sa voisine, qui partait
précipitamment chercher son petit frère à la garderie de l’école. La violence du choc a fait perdre
connaissance à Hans Scieux. Au moment de tomber parterre, il s’est accroché au blouson de
Mademoiselle Tornade et c’est avec la capuche dans la main que les pompiers, appelés en urgence,
l’ont retrouvé. C’est Melle Tornade qui a appelé les pompiers et il n’y a aucun témoin de l’accident.
Depuis sa chute, Hans Scieux souffre terriblement du dos et cette douleur commence à avoir des
répercussions négatives sur sa vie personnelle et professionnelle. Mademoiselle Tornade prétend que
Hans Scieux est tombé tout seul en raison d’un malaise lié à la fatigue et qu’il a arraché la capuche de
son blouson en essayant de se rattraper.
Hans Scieux conteste cette version des faits et voudrait bien être indemnisé des conséquences néfastes
de cet accident. Peut-il agir en réparation ? Sur le fondement de quelle règle de droit ? Que doit-il
prouver ? Mademoiselle Tornade supporte-t-elle aussi la charge de la preuve ? Par quels modes de
preuve peuvent-ils l’un et l’autre prouver leurs allégations ?
IV. SES NOMS ET PRENOMS (3 POINTS)
Hans Scieux est fatigué de ses nom et prénom qui évoquent une personne de nature stressée et
perpétuellement inquiète. Il commence même à développer à leur égard une certaine superstition et les
rend responsables de ses mésaventures.
Il vous demande d’abord s’il pourrait en changer et comment.
Déjà, il a pris la liberté de se présenter à ses nouvelles connaissances en utilisant son deuxième
prénom suivi du patronyme de sa mère. Il vous demande s’il a « le droit » de faire ça et si
progressivement cet usage ne lui permettrait pas de changer définitivement de nom et prénom.
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Université Paris 8 – Saint Denis
UFR Droit
Année universitaire 2014/2015
1ère session du second semestre
Niveau d’études : Licence 1.
Droit civil (les personnes, la preuve)
Nom de l’enseignant : Christelle Chalas
Document autorisé : le code civil
Durée de l’épreuve : 2h30
I. Analyse de décisions ( 8 points) : lisez l’arrêt ci-dessous et répondez aux questions posées
Conseil d’Etat, 31 janvier 2014
1. Considérant qu'aux termes de l'article 61 du code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt
légitime peut demander à changer de nom. Le changement de nom peut avoir pour objet d'éviter
l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré. Le
changement de nom est autorisé par décret " ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que MM. D...et A...C...ont
présenté en 2009 une demande de changement de nom sur le fondement de l'article 61 du code civil afin
de substituer à leur patronyme le nom de leur mère, B...; que leurs demandes ont été rejetées par des
décisions du garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, en date du 24 février 2009 ; que, par
son arrêt du 6 juillet 2012 contre lequel les requérants se pourvoient en cassation, la cour administrative
d'appel de Paris a confirmé le jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande
d'annulation pour excès de pouvoir de ces décisions ;
[3-4] ;
5. Considérant que des motifs d'ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles,
caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution
et de fixité du nom établis par la loi ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MM. D...et A...C... ont été abandonnés brutalement
par leur père en 1987, alors qu'ils étaient âgés respectivement de 11 ans et de 8 ans ; qu'après avoir quitté
le domicile familial, celui-ci n'a plus eu aucun contact avec eux, de même que sa famille ; qu'il n'a
subvenu ni à leur éducation ni à leur entretien, alors pourtant qu'il en avait l'obligation en vertu du
jugement prononçant son divorce, et n'a jamais exercé le droit de visite et d'hébergement qui lui était
reconnu par ce même jugement ; que les requérants souffrent de traumatismes physiques et
psychologiques depuis cet abandon ; qu'ils souhaitent ne plus porter le nom de leur père et se voir
attribuer celui de leur mère, qui les a élevés ; que ces circonstances exceptionnelles sont de nature à
caractériser l'intérêt légitime requis pour changer de nom ; que, par suite, en leur déniant un tel intérêt, le
garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, a fait une inexacte application des dispositions de
l'article 61 du code civil ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des
requérants, que ces derniers sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal
administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions en date du 24 février 2009
par lesquelles le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, a refusé de les autoriser à prendre
le nom de B...;
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le
versement de la somme de 3 000 euros à MM. D...et A...C...au titre des frais exposés par eux et non
compris dans les dépens ;
1°) Quelles sont les règles qui gouvernent la dévolution du nom de famille ?
2°) En fonction des diverses classifications des droits subjectifs existantes, comment qualifiez-vous le
droit au nom ?
3°) Quelles sont les caractéristiques du droit au nom ?
4°) Quelle est la procédure du changement de nom ?
5°) Quelle difficulté pose l’application de l’article 61 du Code civil ?
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6°) Quelle(s) réflexion(s) vous inspire cet arrêt sur la notion « d’intérêt légitime » ?
II. Cas pratiques (12 points)
1°) Julien a prêté 2 000 euros en espèces à son meilleur ami, Arnaud, pour lui permettre d’acheter une
voiture d’occasion. Aussitôt, Arnaud rédige une simple reconnaissance de dette du même montant,
qu’il signe et remet à Julien. Une année après, dans un restaurant, Arnaud, en présence de son épouse
Noémie, remet un chèque de 2 000 euros à Julien, lui-même accompagné de son épouse Eugénie. A
pleine voix, Arnaud dit : « Je te rembourse la somme de 2 000 euros que je te devais pour l’achat de
ma voiture ». Plusieurs mois se passent et Arnaud reçoit un courrier de Julien qui lui demande de lui
rembourser le prêt de 2 000 euros qu’il lui avait consenti pour l’achat de sa voiture. Arnaud appelle
aussitôt Julien pour lui rappeler qu’il a déjà remboursé ce prêt lors d’un dîner au restaurant, en
présence de plusieurs témoins. Julien répond que le chèque remis au restaurant concernait une autre
affaire, à savoir le paiement de travaux de peinture qu’il avait fait dans l’appartement d’Arnaud.
a) Quel est objet de la preuve ?
b) A qui incombe la charge de la preuve ?
c) Quels sont les moyens de preuve recevables ?
2°) Un automobiliste renverse une jeune femme enceinte dans la rue. Le fœtus, âgé de trente semaines,
décède des suites des lésions subies. La mère, de son côté, n’a rien, pas même une égratignure.
a) L’auteur de l’accident peut-il être condamné pour homicide involontaire ? Pourquoi ?
b) Les parents pourront-ils demander un acte de décès de leur enfant ?
c) La mère peut-elle obtenir des dommages et intérêts ? Si oui, sur quel fondement ?
d) Que doit-elle prouver et par quels moyens de preuve ?
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Université Paris 8 – Saint Denis
UFR Droit
Année universitaire 2014/2015
2ème session du second semestre
Niveau d’études : Licence 1.
Droit civil (les personnes, la preuve)
Nom de l’enseignant : Christelle Chalas
Document autorisé : le code civil
Durée de l’épreuve : 2h30
I. Analyse de décisions ( 8 points) : lisez l’arrêt ci-dessous et répondez aux questions posées
A) Cour de cassation, 1ère chambre civile, 14 janvier 2015
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Vu les articles 310-3 et 332, alinéa 2, du code civil ;
Attendu que l'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de
ne pas y procéder ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Cindy, née le 11 décembre 2005, a été reconnue le 12 octobre 2006 par
M. X...; que M. Y...a engagé, les 7 et 9 février 2011, une action en contestation de cette reconnaissance
paternelle et sollicité, à cette fin, une expertise biologique ;
Attendu que, pour rejeter l'action en contestation de paternité et refuser d'ordonner l'expertise, l'arrêt
énonce que M. Y...n'explique pas la tardiveté de son action, qu'il produit des attestations rédigées en
termes trop vagues et trop généraux pour démontrer la certitude de ses relations avec la mère de l'enfant et
que, Cindy ayant subi durant l'année 2011 un « battage médiatique orchestré par une famille d'accueil »,
la procédure aurait, sur cette enfant grandement traumatisée, un retentissement important causé par la
découverte, alors qu'elle n'a que sept ans, d'un prétendu père qui ne s'est jamais intéressé à elle et qu'elle
n'a jamais vu, de sorte que l'intérêt supérieur de l'enfant s'oppose à la mesure d'expertise sollicitée ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé un motif légitime de refuser l'expertise, a violé
les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mars 2013, entre les parties, par la
cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant
ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne M. Y...aux dépens ;
1°) Quel est l’objet de la preuve dans cette affaire ?
2°) Sur qui pèse la charge de la preuve ? Pourquoi ?
3°) La filiation est-elle un fait juridique ou un acte juridique ? Expliquez la qualification retenue.
4°) Que signifie : « l’expertise biologique est de droit en matière de filiation » ?
5°) Quel(s) motif(s) sont invoqués par la cour d’appel pour refuser l’expertise ?
6°) Pourquoi la Cour de cassation casse-t-elle l’arrêt d’appel ?
7°) Que peut-on retenir de cet arrêt sur la notion de « motif légitime » ?
II. Cas pratiques (12 points)
1°) Monsieur Martin est en vacances en bord de mer. Au cours d’une baignade, il est pris d’un malaise
et les secouristes le sortent de l’eau et l’allongent sur le sable pour lui prodiguer les premiers secours
en attendant l’arrivée d’un hélicoptère pour l’emmener à l’hôpital. Alors qu’il est allongé sur la plage,
inanimé, un photographe du journal « La Gazette de l’Océan » le prend en photo. Fort heureusement,
Monsieur Martin a pu être sauvé. Quelques jours après, il voit, en première page du journal « La
Gazette de l’Océan », sa photo, lorsqu’il était allongé inanimé sur la plage pendant que les secouristes
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lui faisaient un massage cardiaque. On le reconnaît très bien sur la photo, qui est accompagnée de cette
légende : « Encore une noyade d’un vacancier imprudent ! ».
Monsieur Martin considère qu’il a été victime d’une atteinte à sa vie privée et à son image. Il vous
demande si, en l’état du droit et de la jurisprudence, il peut obtenir réparation contre la société éditrice
du journal « La Gazette de l’Océan ».
2°) L’une de vos amies a monté l’an dernier une star-up de vente en ligne de produits cosmétiques à
base de bave d’escargot. Pour se lancer elle a obtenu, au nom de sa société, un prêt de 5000 euros de la
part de son beau-père. Comme ce dernier demandait une garantie de remboursement, elle s’est portée
caution à titre personnel. Un an plus tard, elle se rend à l’évidence : la société ne peut pas rembourser
le prêt et c’est elle qui va devoir bientôt en acquitter le montant en tant que caution. Comme elle sait
que vous vous êtes lancé dans des études de droit, elle vient vous voir pour vous demander conseil.
L’an dernier, elle se souvient avoir signé un document pré-imprimé dans lequel il était écrit « je
soussignée Joséphine Dubois me porte caution du remboursement du prêt d’un montant de 5000 euros
consenti par M. Dumont à la société « Monbelescargot.com » si cette dernière venait à faire défaut ».
Ne sachant pas s’il fallait mentionner quelque chose de plus dans le contrat de caution, son beau-père
lui avait dit de ne pas s’inquiéter, qu’il allait se renseigner et qu’au besoin il complèterait lui-même le
document sans la déranger. Totalement euphorique, et ne réalisant pas bien la portée de l’engagement
qu’elle venait de prendre, elle ne s’en était pas préoccupée et s’était entièrement consacrée à sa
nouvelle activité.
Aujourd’hui, elle vous pose plusieurs questions :
1°) Elle s’inquiète de ne pas avoir de double du contrat de cautionnement en sa possession. Est-ce
normal ?
2°) Si elle refuse de payer et que son beau-père agit en justice, elle se demande :
a) Qui supportera la charge de la preuve ?
b) Quel sera l’objet de la preuve ?
c) Et quel moyen de preuve faudra-t-il rapporter pour prouver le contrat de cautionnement ?
3°) Sera-t-elle autorisée à se défendre ? Si oui, que peut-elle invoquer ? Avec quelles chances de
succès ?
4°) A votre avis, lequel des deux a le plus de chance de l’emporter ? Pourquoi ?

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