Place de la sclérothérapie dans le traitement du prolapsus rectal

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Place de la sclérothérapie dans le traitement du prolapsus rectal
Journal de pédiatrie et de puériculture (2013) 26, 157—160
Disponible en ligne sur
www.sciencedirect.com
ARTICLE ORIGINAL
Place de la sclérothérapie dans le traitement du
prolapsus rectal récidivant de l’enfant : à propos de
15 cas
Place of the sclerotherapy in the treatment of the rectal prolapse at the child
S. Ghorbel ∗, T. Chouikh , H. Yengui , A. Charieg ,
F. Nouira , B. Chaouachi
Service de chirurgie pédiatrique B, hôpital d’enfants de Tunis, Bab Saâdoun, 1007 Tunis
Jabbari, Tunisie
Reçu le 19 janvier 2011 ; accepté le 19 janvier 2012
MOTS CLÉS
Prolapsus rectal ;
Constipation ;
Injections
sclérosantes ;
Enfant
∗
Résumé
But de l’étude. — Le prolapsus rectal (PR) est une affection bénigne du jeune enfant et représente un motif de consultation fréquent en pédiatrie. Le but du travail est de faire le point
sur la prise en charge du PR récidivant chez l’enfant et d’étudier la place de la sclérothérapie
sous-muqueuse dans le traitement de cette pathologie.
Patients et méthodes. — Étude rétrospective concernant 15 enfants présentant un PR primitif
et pris en charge pendant la période allant de 2002 à 2009. Le traitement des patients de cette
série a consisté en une sclérothérapie périrectale sous-muqueuse, après échec du traitement
médical.
Résultats. — Il s’agit de 15 patients d’un total de 25 n’ayant pas répondu au traitement médical.
Les résultats à distance de la sclérothérapie ont été évalués après un recul de deux ans. La
guérison a été obtenue dans 100 % des cas après une seule injection dans 14 cas et trois injections
dans un seul cas. Aucune complication ni récidive n’ont été constatées.
Conclusion. — La sclérothérapie sous-muqueuse dans le traitement de PR primitif de l’enfant
permet d’obtenir une guérison complète après une seule injection dans la majorité des cas.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (S. Ghorbel).
0987-7983/$ — see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
http://dx.doi.org/10.1016/j.jpp.2012.01.005
158
KEYWORDS
Rectal prolapse;
Constipation;
Sclerosing injections;
Child
S. Ghorbel et al.
Summary
Purpose of the study. — The rectal prolapse is a frequent affection of the young child and
represents a motive for consultation regularly met in paediatrics. The purpose of this article
is to review the coverage of child rectal prolapse, by promoting the perirectal injection with a
sclerosing product.
Patients and methods. — Retrospective study concerning 15 cases of primitive children rectal prolapses observed handled between 2002 and 2009. The treatment undergone by all the
patients in this series was essentially based on the injection of sclerosing product under the
mucous membrane, after failure of the medical treatment.
Results. — The remote results were estimated after 2 years. No second recurrence was reported.
The cure was obtained in 100% of the cases, without any complication.
Conclusion. — The approach of this study is to show the utility of under mucous membrane
injections of sclerosing product in the treatment of primitive rectal prolapse of the child to
obtain a complete cure.
© 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction
Le prolapsus rectal (PR) est une affection bénigne du jeune
enfant qui se définit par l’issue de la paroi rectale évaginée,
par l’anus. Il est limité à la muqueuse rectale dans 95 à 98 %
des cas. Il peut comprendre, dans les formes évoluées, toute
la paroi rectale (PR total).
La prise en charge thérapeutique repose essentiellement
sur les règles hygiénodiététiques. La sclérothérapie est indiquée en cas de récidives fréquentes. Son objectif est de fixer
la muqueuse au plan profond de la paroi rectale. Les procédés chirurgicaux sont indiqués en cas d’échec des injections
sclérosantes ou de première intention en cas de PR total
[1,2].
Le but de cet article est de faire le point sur la prise
en charge du PR chez l’enfant et d’étudier la place de la
sclérothérapie sous-muqueuse dans le traitement de cette
pathologie.
Patients et méthodes
Il s’agit d’une étude rétrospective sur une période de
sept ans (de janvier 2002 à décembre 2009) à propos de
25 enfants présentant un PR.
Dix enfants (40 %) ont vu le prolapsus régresser sous traitement médical seul.
Le traitement médical se basait sur le traitement de la
constipation, en première intention des règles hygiénodiététiques avec augmentation des fibres alimentaires, de la
ration hydrique quotidienne en y rajoutant un traitement
laxatif au besoin.
Pour la diarrhée, après évaluation de l’état d’hydratation
et de l’état nutritionnel le traitement associait des sels de
réhydratation orale et du racecadotril.
Quinze enfants (60 %) non améliorés par le traitement
médical, mené pendant une période d’un mois, ont eu une
sclérothérapie.
Le diagnostic a été établi exclusivement sur les données
de l’examen clinique (extériorisation par l’anus d’un bourrelet cylindrique rouge faisant 2 à 5 cm de longueur et centré
par un orifice). Par ailleurs, tous les patients ont eu un
examen parasitologique des selles et une radiographie du
sacrum afin d’éliminer une anomalie sacrée associée.
Résultats
La population étudiée a concerné les 15 enfants chez qui
nous avons eu recours à une sclérothérapie. Il s’agissait de
dix garçons et cinq filles, avec un âge moyen de quatre ans
cinq mois (extrêmes allant de un à 11 ans). Le prolapsus
était muqueux simple chez tous les patients. La constipation a été l’étiologie du prolapsus dans tous les cas. Par
ailleurs, aucune anomalie associée n’a été retrouvée. Les
conseils hygiénodiététiques associés à un traitement médical ont été le traitement de première intention. Après échec
de celui-ci, tous les patients ont été traités par injection
sclérosante. Ces injections ont été menées en hôpital de
jour, sous anesthésie générale.
Le patient a été installé en position gynécologique,
l’index gauche de l’opérateur en intrarectal guidant
l’aiguille et une quantité de 5 cm3 de chlorhydrate de
quinine—urée à 5 % (Kinurea H® ) a été injectée strictement
en sous-muqueux à trois heures et à neuf heures (Fig. 1) [1].
Le prolapsus ne s’est plus extériorisé dès la première
injection pour tous les patients à l’exception d’un enfant
qui a présenté une récidive et qui a nécessité trois injections à trois mois d’intervalles pour obtenir une guérison
complète. Tous ces patients ont été contrôlés jusqu’à deux
ans postinjection et aucune récidive n’a été observée.
Discussion
Le PR est une pathologie relativement fréquente et bénigne
dans la population pédiatrique et se présente généralement
dans les trois premières années de vie [2—4]. Bien que la
faiblesse musculaire pelvienne soit impliquée dans le PR
chez l’adulte, l’étiologie chez l’enfant est moins claire. Il
est souvent idiopathique sans facteur de prédisposition et
l’attitude conservatrice aboutit d’habitude à la résolution
Place de la sclérothérapie dans le traitement du prolapsus rectal récidivant
Figure 1.
Technique d’injection du produit sclérosant.
du problème [3,4]. La survenue du prolapsus chez l’enfant
s’explique par le fait que la muqueuse rectale n’est pas
encore amarrée aux couches sous-jacentes. Il existe, néanmoins, certains facteurs anatomiques favorisants tels que la
verticalité du sacrum, l’absence du cap anal, la laxité de
l’attache de la muqueuse aux couches sous-jacentes de la
paroi rectale et l’immaturité des récepteurs de l’ampoule
rectale et du canal anal [5—9]. Par ailleurs, l’interrogatoire
retrouve souvent un facteur étiologique tel que, la constipation et la station prolongée sur le pot. Dans la littérature, la
constipation est associée dans 3 à 53 % des cas de PR décrits
[9—13]. Chez l’enfant africain, la diarrhée joue un rôle prépondérant dans la survenue du prolapsus et elle est souvent
d’origine parasitaire.
D’autres pathologies entraînant une exacerbation de la
poussée abdominale sont incriminées telles que la maladie
de Hirschsprung, les malformations anorectales, la mucoviscidose et les anomalies neurologiques de soutien et
d’innervation du rectum [7,8,10]. Il existe, de plus, des
modifications de la dynamique de la défécation liées à
l’apprentissage de la continence par une poussée plus forte
en position accroupie sur le pot avec tendance à la constipation rétentionnelle ou aggravation d’une constipation
préexistante avec constitution d’un fécalome rectal.
Le diagnostic est aisé sur la description des parents : sortie d’un boudin de muqueuse rouge en virole lors de la
défécation de 2 à 5 cm de long en moyenne. Le prolapsus
n’entraîne pas de douleur, mais seulement une gêne. La
réintégration est spontanée lorsque l’enfant se relève après
la défécation ou aisée par une simple pression des doigts
159
du parent. La récidive est parfois systématique à chaque
selle.
Le potentiel de résolution spontanée du prolapsus
complique le processus de la prise de décision. En effet, le
bon résultat des méthodes thérapeutiques dans un nombre
relativement important d’enfants peut être l’effet de sélection des patients plutôt que l’efficacité de la méthode
choisie [14]. En présence de causes favorisantes ou déterminantes, ou si le PR devient quotidien et récurrent provoquant une anxiété inacceptable des parents, le traitement
doit être réalisé dès les premières manifestations [7,15].
Les règles hygiénodiététiques sont indiquées de première
intention. Elles ont pour but essentiel de traiter la constipation, de lutter contre les troubles du transit, d’éviter les
stations prolongées sur le pot et de favoriser une alimentation équilibrée.
La sclérothérapie est de plus en plus indiquée en cas de
récidive du PR après un traitement médical bien conduit.
Elle représente une méthode simple, facile à réaliser, efficace, indolore avec de très bons résultats [9—11]. Tous
les produits sclérosants auraient une efficacité similaire
[3,5,8,12]. Dans cette série, les injections sclérosantes
ont permis d’obtenir une guérison complète du PR après
une seule et unique séance de scléranase au lieu de trois
séries d’injections comme le rapporte la plupart des équipes
[11,12,15,16]. Un seul patient a présenté une récidive qui
a nécessité trois injections à trois mois d’intervalles pour
obtenir une guérison complète.
L’électrocoagulation linéaire permet une cautérisation
longitudinale de la muqueuse et de la sous-muqueuse rectales. Elle est indiquée en cas de prolapsus récidivant, mais
peut être source de complications postopératoires à type
de rectorragies et de sténoses péri-anorectales [14,17]. Le
méchage rétrorectal de Lockart-Mummery [15—17] consiste
à assurer une sclérose rétrorectale fixant le rectum à la
concavité sacrée. Il est indiqué après échec des traitements médicaux et d’éventuelles injections sclérosantes.
Son inconvénient est l’exposition à des complications
infectieuses et la lenteur de la cicatrisation de la plaie
opératoire. Les techniques de rectopexie ou de résection
du boudin prolabé [4,7,17] sont excessives vu la bénignité
de l’affection. Le cerclage de Thiersch réduit le diamètre
anal par un fil non résorbable ; il a été abandonné par plusieurs équipes car il perturbe la défécation et est source de
complications fréquentes (sténose, rupture des fils, douleur
à la défécation, constipation opiniâtre) [12,17]. L’approche
cœlioscopique dans la gestion du PR complet représente une
technique sûre et efficace avec un bon résultat fonctionnel
[3].
Conclusion
Le PR de l’enfant est une affection fréquente et bénigne,
de diagnostic en règle générale évident et dont le traitement ne doit pas modifier le pronostic. Le but du traitement
est de hâter cette guérison sans séquelles. Les règles hygiénodiététiques sont les mesures primordiales de la prise en
charge. Cette étude a permis de montrer l’utilité de la sclérothérapie sous-muqueuse en une seule séance d’injection
sclérosante afin d’obtenir une guérison complète.
160
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