Prolapsus rectal
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Prolapsus rectal L. Siproudhis Près de la moitié des cas de prolapsus total du rectum s’accompagne d’une entérocèle lors de l’évaluation radiologique pré-opératoire. En dépit d’une dyschésie fréquemment rapportée, l’évacuation rectale est le plus souvent normale chez les malades ayant un prolapsus rectal. Le traitement chirurgical du prolapsus rectal corrige durablement le trouble anatomique (notamment après rectopexie abdominale). La correction du prolapsus rectal s’accompagne d’une amélioration franche des symptômes d’incontinence chez deux tiers des malades opérés (notamment après rectopexie abdominale), y compris lorsque aucun geste n’a été effectué au niveau du canal anal. Le traitement chirurgical isolé du prolapsus rectal peut induire ou aggraver des symptômes de constipation sévère (notamment après rectopexie abdominale). La réalisation d’une colectomie segmentaire dans le même temps que la rectopexie abdominale diminue l’incidence des symptômes de constipation postopératoire. Les données de la littérature scientifique tant quantitatives que qualitatives ne permettent pas aujourd’hui de privilégier une technique chirurgicale plutôt qu’une autre dans la prise en charge thérapeutique du prolapsus rectal extériorisé. DÉFINITION, PRÉSENTATION ET NOSOLOGIE On définit par prolapsus rectal une invagination endoluminale de toute ou partie de la paroi rectale. Cette invagination naît le plus souvent à 8 cm de la marge anale à l’occasion d’un effort de poussée. Le front de progression (partie basse du prolapsus) peut rester limité à la cavité rectale (on parle de prolapsus rectal interne ou intussusception), s’engager dans le canal anal ou s’extérioriser (prolapsus de haut grade). Il est classique d’individualiser, parmi les prolapsus rectaux internes, ceux qui ne concernent que la muqueuse (le plus souvent sur la face antérieure du rectum), et ceux qui impliquent la totalité de la paroi rectale (le plus souvent circonférentiels) (1-4) (fig. 1). Ces anomalies anatomiques sont à distinguer de la procidence muqueuse du bas rectum (immédiatement sus-anale), contemporaine d’une maladie hémorroïdaire. Les contraintes mécaniques induites par le prolapsus sur la paroi ellemême peuvent être responsables de lésions trau- Fig. 1 – Aspect de prolapsus total extériorisé tel qu’il permet le diagnostic lors de la consultation. Il est important de demander au malade examiné de faire un effort de poussée ou d’exonération pour identifier un tel aspect. Un examen clinique statique le méconnaît le plus souvent. matiques et ischémiques se traduisant macroscopiquement par un aspect inflammatoire, par une ou plusieurs ulcérations (rectite pré-ulcéreuse et 220 Pelvi-périnéologie ulcère solitaire du rectum) (fig. 2 et 3). Ce type de lésions macroscopiques concerne 7 à 12 % des séries chirurgicales (5, 6). Il existe parfois des remaniements fibreux et métaplasiques de la partie haute du canal anal. Le diagnostic de prolapsus rectal extériorisé est un diagnostic clinique dynamique imposant la participation active du patient (effort de poussée). Le diagnostic de prolapsus rectal interne repose au mieux sur les données de l’examen radiologique qui permet de définir s’il s’agit d’un prolapsus muqueux ou complet, s’il intéresse uni- Fig. 2 – Les lésions induites par le front de migration du prolapsus rectal peuvent être à type d’ulcération, mais aussi d’épaississement blanchâtre pseudopolypoïde comme dans cette observation. quement la paroi rectale antérieure ou s’il est circonférentiel. Ce diagnostic est bien reproductible avec une bonne concordance interobservateur (79). Néanmoins, un aspect radiologique de prolapsus interne de bas grade est observé près d’une fois sur deux chez les volontaires sains ou chez les patients asymptomatiques (3,7). De ce fait, attribuer une valeur pathologique à un prolapsus rectal interne nécessite que plusieurs conditions soient réunies : – la présence de symptômes évocateurs (faux besoins, impression d’évacuation incomplète), – l’absence d’autre trouble fonctionnel susceptible d’expliquer à lui seul les troubles ; – le caractère circonférentiel du prolapsus interne (10). L’ensemble de ces troubles de la statique de la paroi rectale est regroupé sous le terme de syndrome du prolapsus rectal, auquel correspondent des modes d’expression symptomatique non spécifiques . Il peut s’agir de symptômes : – de constipation (9 à 78 %) ; – de difficultés subjectives d’évacuation ou dyschésie (12 à 78 %) ; – de sensations d’évacuation incomplète (34 à 91 %) ; – de syndrome rectal caractérisé par l’émission de glaires et de sang (27 à 67 %) ; – d’algies pelviennes périnéale et hypogastrique (22 à 78 %) ; – et enfin, d’une incontinence fécale pour les selles liquides dans 25 à 78 % des cas (11-19). PRÉREQUIS PATHOGÉNIQUES Fig. 3 – Le diagnostic de prolapsus rectal interne peut être difficile tant qu’il n’est observé ni par le malade ni par le clinicien d’extériorisation du prolapsus. Certains signes cliniques indirects comme une ulcération rectale basse permettent de le suspecter. Le syndrome du prolapsus rectal repose sur des méconnaissances pathogéniques extrêmement nombreuses qui concernent tant la genèse des troubles et la responsabilité symptomatique du prolapsus que la correction des troubles fonctionnels observés après traitement chirurgical. Ceci explique l’inconstance des résultats et la grande diversité des techniques proposées dans le traitement du prolapsus rectal. Néanmoins certaines données sont acquises par l’analyse : – des facteurs de risque ; – des troubles de la statique pelvienne associés ; – des anomalies de la physiologie anorectale rencontrées au cours du prolapsus rectal ; Prolapsus rectal – et de l’apport des traitements chirurgicaux dans l’amélioration ou l’aggravation de la physiologie anorectale. Ces données seront rapidement développées parce que leur compréhension est importante à la décision thérapeutique. 221 fois nosologique (l’entérocèle est-elle responsable du prolapsus ?) et thérapeutique parce que l’absence de correction chirurgicale de l’entérocèle (15-25) expose le prolapsus rectal opéré à un risque élevé de récidive. Anomalies de la physiologie anorectale Facteurs de risque Le prolapsus du rectum survient aux âges extrêmes de la vie et plus volontiers chez le jeune homme ou la femme âgée (2, 20, 21). Il est classique de retenir les facteurs de risque que sont un long passé de constipation, des antécédents de chirurgie périnéale qu’elle soit gynéco-obstétricale ou proctologique. On conçoit donc naturellement : – qu’une constipation chronique ancienne avec effort important d’évacuation puisse induire un prolapsus du rectum ; – que la prévalence des symptômes de constipation soit importante chez les patients se plaignant d’un prolapsus du rectum ; – et que le traitement isolé du prolapsus m’améliore que peu ou pas les symptômes de constipation (cf. infra). Troubles de la statique pelvienne associés Les troubles antérieurs et postérieurs de la statique pelvienne sont fréquemment observés en cas de prolapsus du rectum parce qu’ils reposent sur une base pathogénique probablement commune : il existe néanmoins une importante carence bibliographique dans ce domaine (22, 23). Les principaux troubles de la statique pelvienne postérieure observés sont : – une descente périnéale excessive au repos et/ou en poussée rencontrée dans la quasi-totalité des cas de prolapsus ; – une rectocèle ; – ou une entérocèle (24). Cette dernière entité est fréquente et probablement sous-estimée en cas de prolapsus rectal, le sac herniaire (cul-de-sac de Douglas et anses grêles) s’immiçant dans l’invagination rectale. Lorsque l’opacification de l’intestin grêle est réalisée, 44 % des prolapsus rectaux identifiés par défécographie s’accompagnent d’une entérocèle (23). Cette association a une importance à la Le prolapsus du rectum s’accompagne le plus souvent d’un anus court ayant une hypotonie de repos et une contraction volontaire insuffisante en amplitude et en durée. Cette hypotonie de repos est plus marquée en cas de prolapsus extériorisé qu’en cas de prolapsus interne. Il existe souvent une corrélation inverse entre la pression de repos du canal anal et le score d’incontinence (4, 11, 12, 26-28). Cette hypotonie peut être secondaire à une neuropathie d’étirement du fait de la descente périnéale excessive observée, mais cette condition n’est pas suffisante puisqu’elle n’est observée que dans un quart des cas environ (27). Il est possible qu’il existe des lésions anatomiques du sphincter anal interne soumis aux contraintes mécaniques du prolapsus : l’aspect endosonographique fin et irrégulier du sphincter anal interne le suggère. L’hypothèse la plus vraisemblable est néanmoins celle d’une inhibition fonctionnelle de l’activité mécanique et électrique du sphincter anal interne. Il a effectivement pu être montré que le réflexe recto-anal inhibiteur était absent dans 52 à 73 % des cas de prolapsus rectaux extériorisés (29, 30). Cette constatation manométrique pourrait être le reflet d’une inhibition permanente de l’activité mécanique et électrique du sphincter anal interne. Elle résulterait soit de la stimulation rectale basse produite par la paroi rectale invaginée (réflexe recto-anal inhibiteur permanent), soit d’une activité phasique rectale accrue (29). De façon un peu contradictoire, il existe un important hiatus entre la prévalence élevée des symptômes de constipation et l’absence habituelle de trouble objectif des données fonctionnelles chez les patients ayant un syndrome du prolapsus rectal. Si deux tiers des patients se plaignent d’une constipation au sens le plus large du terme, il n’existe pas de diminution de la fréquence hebdomadaire des selles (questionnaire standardisé) ou de signe objectif de ralentissement du transit colique (marqueurs radioopaques) dans 60 à 91 % des cas (6, 12). Par ailleurs, il n’existe habituellement pas de trouble 222 Pelvi-périnéologie objectif de l’évacuation rectale quand celle-ci est évaluée par un test d’expulsion. Ce test est normal plus de 9 fois sur 10 avant le geste opératoire (27). Par ailleurs, chez les patients se plaignant de dyschésie, la présence d’un prolapsus rectal interne (31) ou de haut grade (32) s’accompagne dans plus de 80 % des cas d’une évacuation rectale normale. Ainsi, les symptômes de constipation rapportés chez les patients souffrant d’un prolapsus rectal procèdent plus à une sensation liée à l’invagination intrarectale (présentations à la selle répétées et infructueuses), qu’à une constipation vraie. Améliorations fonctionnelles induites par le traitement du prolapsus L’évaluation des traitements du prolapsus rectal apporte en matière de compréhension pathogénique des éléments importants. La correction chirurgicale du prolapsus rectal améliore les symptômes d’incontinence dans 27 à 88 % des cas (cf. infra). Cette amélioration survient, quel que soit le type de chirurgie, à condition qu’elle corrige le prolapsus rectal sur le plan anatomique... y compris par proctectomie (19, 28, 33, 34)! Plus encore, l’amélioration des symptômes d’incontinence survient alors même qu’aucun geste chirurgical n’a été effectué au niveau du canal anal et que les performances anales manométriques ne se sont pas modifiées (6, 13, 30, 35, 36). Ce constat incite à évoquer la responsabilité directe du prolapsus rectal dans la genèse des symptômes d’incontinence, y compris en cas de prolapsus interne. Cela suggère enfin que les anomalies manométriques ou électromyographiques constatées au niveau du sphincter anal ne sont pas les seules responsables du symptôme d’incontinence. Ces dernières interviendraient comme éléments associés du pronostic fonctionnel (12, 28, 36). – Le traitement chirurgical isolé du prolapsus rectal peut induire ou aggraver une constipation préexistante (37). Ces symptômes apparaissent préférentiellement après rectopexie par voie abdominale. La prévalence de la constipation postopératoire et l’incidence d’une constipation de novo postopératoire surviennent respectivement dans 31 à 88 % et 17 à 43 % des cas (cf. infra). Ces symptômes peuvent être liés à deux types d’anomalies fonctionnelles, soit un trouble de l’évacuation rectale soit un trouble de la motri- cité colique. Certains auteurs suggèrent en effet que la qualité de l’évacuation rectale postopératoire jugée par des tests objectifs (expulsion barytée) est insuffisante dans plus de la moitié des cas (27, 38) : elle est caractérisée par un allongement de la durée de l’évacuation rectale (27) et par une rétention plus marquée du produit de contraste (39) par rapport aux données préopératoires. Ce trouble de l’évacuation pourrait être lié à des lésions iatrogènes de l’innervation rectale induites par le geste chirurgical (27) et expliquer également l’incidence accrue des anomalies neurophysiologiques associées (électrosensibilité du canal anal et du rectum, sensibilité subjective rectale à la distension) (12, 27, 40). La section des ailerons latéraux du rectum au cours de la dissection par voie abdominale pourrait être responsable de cette hypokinésie rectale et des troubles fonctionnels qui y sont associés (40). Ces anomalies sont néanmoins très inconstantes chez les patients ayant une constipation après rectopexie (41, 42). Lors de la dissection ou de l’interposition de matériel prothétique, les lésions du parasympathique sacré sont également responsables des troubles moteurs observés, non pas au niveau du rectum, mais en amont du montage chirurgical. Des troubles de la motricité sigmoïdienne avec une inversion de gradient aboral pourraient être responsables de l’allongement du temps de transit colique observé et des symptômes de constipation de novo (41,42). ENJEUX THÉRAPEUTIQUES Les buts du traitement du prolapsus rectal sont : – corriger durablement l’anomalie anatomique, – restaurer une physiologie anorectale normale, – améliorer les symptômes liés à la présence du prolapsus, – éviter l’apparition ou l’aggravation d’autres symptômes. De ce fait, il n’y a aujourd’hui que peu de place pour les thérapeutiques chirurgicales (cerclage péri-anal) ou non chirurgicales (biofeedback) qui ne sauraient prétendre, lors d’études ouvertes, qu’à une amélioration incomplète de la symptomatologie (42-46). Prolapsus rectal TECHNIQUES ET RÉSULTATS Rectopexies par voie abdominale Description classique La rectopexie est une fixation du rectum aux structures fixes du pelvis postérieur (structures aponévrotiques du promontoire et de la concavité sacrée) (37, 47). Ce geste est le plus souvent effectué par voie abdominale à l’occasion d’une laparotomie médiane sous-ombilicale ou d’une incision de Pfannenstiel. La fixation nécessite un matériel prothétique le plus souvent disposé autour du rectum (intervention de Ripstein) (48), sous forme de bandelettes en tension relative de part et d’autre du rectum (intervention d’OrrLoygue, méthode la plus fréquemment effectuée en France) (49), ou par l’interposition de tissu synthétique dans la concavité sacrée (Ivalon®, Marlex®) (50-52). La durée de l’intervention varie de 45 à 198 min, la durée d’hospitalisation de quatre à vingt jours. Variantes et associations Certains auteurs ont pu proposer des rectopexies extensives, fixant à la fois la face antérieure et postérieure du rectum aux structures présacrées et génitales (14, 53). Afin de diminuer le risque de complications, notamment septiques, induites par l’interposition de matériel prothétique, une suture simple du rectum dans la concavité sacrée permet d’obtenir un résultat fonctionnel et anatomique comparable dans une étude contrôlée récente ayant un recul de quatre ans (16). L’abord laparoscopique est possible et particulièrement intéressant dans cette chirurgie fonctionnelle (54, 55). Dans une étude non contrôlée, la durée d’hospitalisation après chirurgie cœlioscopique est diminuée de 40 % par rapport à l’approche laparotomique, la consommation d’antalgiques et les complications (notamment iléus) de moitié (54). Lorsque l’objectif fixé est de permettre au malade de se mobiliser et de boire le lendemain du geste, de s’alimenter le surlendemain et de quitter le secteur d’hospitalisation entre le deuxième et le cinquième jour, une étude contrôlée randomisée récente (N = 40) a souligné la supériorité de l’abord laparoscopique sur la laparotomie parce que 75 % versus 37 % des malades atteignaient cet objectif après cure chirurgicale de leur prolapsus rectal (55). 223 Pour palier le problème de constipation induit par ce type d’intervention, plusieurs auteurs ont proposé la réalisation d’une colectomie segmentaire ou totale et la préservation des ailerons latéraux du rectum (5, 17, 39, 40, 56, 57). Résultats Les gestes de rectopexie permettent donc de corriger durablement le prolapsus rectal avec une proportion de récidives de prolapsus complet inférieure à 10 %. La mortalité est quasi nulle, notamment dans les études récentes et la morbidité relève principalement d’un iléus postopératoire prolongé (3 à 13 %) et de complications infectieuses (3 à 16 %). L’efficacité fonctionnelle est nette en terme d’incontinence : l’amélioration ou la disparition de l’incontinence concerne plus de deux patients sur trois. Il important de noter que l’incontinence disparaît complètement dans 30 à 88 % des cas. Parallèlement, la correction des anomalies manométriques du canal anal est le plus souvent absente ou incomplète : dans une étude non contrôlée, elle apparaît un peu supérieure après un geste de rectopexie par suture simple quand elle est comparée aux rectopexies par interposition prothétique (12). Le geste de rectopexie s’accompagne habituellement d’une amélioration des paramètres de compliance rectale (13, 35, 58), élément physiologique qui doit contribuer à la qualité de la continence postopératoire. La prévalence des symptômes de constipation reste élevée après rectopexie au promontoire et l’incidence d’une constipation de novo varie entre 17 et 43 % après rectopexie simple. La gravité de la constipation impose parfois le recours à une colectomie segmentaire ou totale secondaire (59). La prévalence de la constipation et l’apparition d’une constipation de novo semblent plus élevées après rectopexie postérieure qu’après intervention de Ripstein (81 versus 40 %, 38 versus 0 % respectivement). La réalisation d’une colectomie segmentaire associée réduit l’incidence des symptômes de constipation postopératoire. Deux études ouvertes (17, 57) et deux études contrôlées (39, 56) suggèrent : – l’amélioration des symptômes de constipation dans 50 à 80 % des cas après sigmoïdectomie associée ; – une prévalence de la constipation postopératoire dans 8 à 22 % des cas en cas de sigmoïdectomie contre 19 à 88 % quand un geste de rectopexie simple est effectué ; 224 Pelvi-périnéologie – l’absence de constipation postopératoire de novo contre 29 à 31 % lorsque le geste de sigmoïdectomie n’est pas effectué. parates et les résultats fonctionnels parfois médiocres (38, 61, 62). L’évaluation prospective à dix-huit mois de trente malades traités par technique de résection rectopexie percœlioscopique souligne le haut niveau de satisfaction des malades (92 %) : les efforts de poussée défécatoire, la sensation d’évacuation incomplète, la plainte globale de constipation et les signes d’incontinence ont régressé dans respectivement 59 %, 62, 64 et 70 % des cas (60). Les manifestations dyschésiques persistent, notamment après rectopexie postérieure et interposition de matériel prothétique (11, 12, 38). Les manifestations douloureuses abdominales basses ou pelviennes persistent dans 17 à 100 % des cas, le plus souvent chez plus d’un patient sur deux. Les lésions muqueuses s’intégrant dans le cadre d’un syndrome de l’ulcère solitaire du rectum ne disparaissent après rectopexie que dans 28 à 50 % des cas. L’insatisfaction globale du patient varie de 15 à 66 % et concerne le plus habituellement un patient sur trois. Rectoplastie périnéale ou intervention de Delorme Indication L’indication idéale de la rectopexie est représentée par le prolapsus rectal extériorisé d’un patient jeune, sans contre-indication opératoire importante, sans constipation et principalement invalidé par le prolapsus lui-même et les manifestations d’incontinence qui lui sont associées. Lorsqu’il existe des symptômes importants de constipation et a fortiori des arguments objectifs pour des troubles de la motricité colique, le geste de rectopexie simple est à redouter bien qu’il n’existe actuellement pas d’étude prospective pronostique. Dans cette indication, on serait tenté de proposer une sigmoïdectomie associée à une rectopexie sans interposition de matériel prothétique. Si l’importance d’un syndrome rectal, de douleurs pelviennes et de lésions muqueuses (ulcère solitaire) peut représenter à lui seul une indication de rectopexie au promontoire, le patient doit être informé que ce geste peut n’entraîner qu’une amélioration incomplète des symptômes. Par prudence, une cure chirurgicale du prolapsus rectal interne ne doit pas faire appel à une rectopexie de première intention parce que les données de la littérature sont encore très dis- Technique Cette technique consiste en une plicature horizontale et circulaire de la paroi rectale prolabée. Ce geste est effectué par voie transanale après une dissection circulaire de la muqueuse jusqu’au sommet du prolapsus extériorisé. L’intervention est habituellement effectuée sous anesthésie générale, mais peut être réalisée sous anesthésie locale ou locorégionale (15, 30, 63-66). La durée moyenne d’intervention varie de 45 à 90 min et celle d’hospitalisation de 5,5 à 10 jours. Les complications septiques sont rares (0 à 8 %). La morbidité du geste est relativement faible (6 à 25 %), principalement dominée par les récidives précoces et les sténoses rectales basses. La mortalité varie entre 0 et 2,4 %. Variantes et associations On peut associer dans le même temps opératoire une douglassectomie et une myorraphie des releveurs de l’anus comme les ont proposées Lechaux et al. (65). Résultats Les symptômes d’incontinence sont améliorés chez plus d’un patient sur deux (15, 30, 63-69). Les données concernant les symptômes de constipation sont souvent fragmentaires ou absentes du résultat des séries chirurgicales, mais il ne semble pas être décrit de constipation postopératoire de novo . Certains patients (16 à 71 %) voient même leur constipation s’améliorer après l’intervention de Delorme, mais un patient sur trois environ se plaint encore de symptômes dyschésiques après le geste. La récidive du prolapsus rectal est observée selon les séries entre 12,5 et 25 % avec un recul moyen variant de dix-huit à quarante-sept mois. Les récidives sont plus fréquemment décrites chez les malades les plus âgés, chez ceux ayant récidivé après un premier geste chirurgical du prolapsus et les malades ayant une maladie psychiatrique (63, 65, 69). Il s’agit, à la différence des récidives de prolapsus après rectopexie, de prolapsus rectaux complets. L’intervention de Prolapsus rectal Delorme ne semble pas améliorer les pressions de repos et la qualité de la contraction volontaire au niveau du canal anal (30), mais les données de la littérature sont très fragmentaires dans ce domaine. La technique chirurgicale explique pourquoi la compliance et la perception rectale sont modifiées. Il existe une diminution importante de la compliance rectale et des volumes de perception d’un facteur 10 et 2 respectivement (30). Des perforations rectales ont été décrites lors de la distension au ballonnet à l’occasion de manométries anorectales postopératoires (15). Indications Pendant longtemps, l’intervention de Delorme ou ses variantes ont été réservées aux échecs de la rectopexie au promontoire ou, le plus souvent, à ses contre-indications. Il s’agissait, pour la plupart de patients âgés, ayant des contre-indications d’ordre anesthésique, une mobilité réduite ou des troubles des fonctions intellectuelles supérieures qui invitaient à réaliser ce geste en première intention (67). Ceci explique pourquoi, même dans les séries récentes, que la mortalité soit non nulle (2,4 %) et le risque de récidive assez élevé. Certains auteurs ont essayé de définir des facteurs pronostiques de récidive du prolapsus après intervention de Delorme. Ces facteurs émanent d’études rétrospectives et non contrôlées : – les patients ayant un risque opératoire et un âge élevé récidivent plus fréquemment (22,5 % vs 5 %) ; – la technique opératoire dite « élargie » (incluant douglassectomie ± myorraphie) permet de diminuer le risque de récidive de 21 à 5 % (65) ; – la présence d’une entérocèle ou la participation de la partie haute de la paroi rectale au prolapsus sont source de récidive (15). À défaut d’études contrôlées et d’un recul actuellement suffisamment long, on serait tenté de proposer une intervention de Delorme non seulement aux sujets âgés, mais également à des sujets plus jeunes ayant une constipation qui pourrait être aggravée par une rectopexie au promontoire. En cas de syndrome rectal invalidant sans prolapsus rectal extériorisé, l’intervention de Delorme pourrait être préférée à une rectopexie au promontoire qui a actuellement une efficacité très discutée dans cette indication (10, 21). À l’inverse, une insuffisance sphinctérienne majeure, une entérocèle de grande taille ou des 225 troubles de la compliance rectale préexistants peuvent représenter une contre-indication relative à l’intervention de Delorme. En tout état de cause, des études contrôlées manquent dans ce domaine. Proctectomies et résections antérieures Description La résection partielle (résection antérieure par voie abdominale) ou totale (intervention dite « Altemeier ») a été proposée dans le traitement chirurgical des prolapsus extériorisés du rectum. Le deuxième type d’intervention se fait par voie transanale et permet l’ablation de la totalité du rectum et d’une partie du sigmoïde avec anastomose colo-anale basse. L’ensemble de ces interventions impose la réalisation d’une anastomose chirurgicale avec le risque inhérent à ce type de geste (lâchage anastomotique, hémorragie). La mortalité est faible sinon nulle dans les principales études récentes, la morbidité varie de 8 à 15 % et les complications septiques de 0 à 4 %. L’intervention d’Altemeier peut être associée dans certains cas à une myorraphie des releveurs de l’anus. La durée d’hospitalisation varie de un à sept jours (19, 28, 34). Dans un travail prospectif récent, 63 malades ont eu une telle stratégie thérapeutique permettant de réséquer en moyenne 12 cm de paroi rectale avant anastomose mécanique transanale : la chirurgie a pu être effectuée en ambulatoire dans 62 % des cas sous anesthésie locale ou locorégionale dans 70 % des cas (70). Résultats Avec un recul moyen de 48 à 72 mois, le risque de récidive varie de 5,5 à 10 %. Les symptômes de constipation postopératoire et d’incontinence sont rapportés dans 0 à 34 % et 13 à 46 % des cas. L’amélioration de l’incontinence est observée dans 27 à 67 % des cas. Dans l’étude de Kimmins et al. et au terme d’un suivi moyen de 21 mois, 87 % des malades opérés étaient satisfaits du geste, mais une incidence annuelle des récidives était rapportée dans 6 % des cas (70). Indications Ces gestes chirurgicaux sont actuellement assez peu développés en France dans le traitement du 226 Pelvi-périnéologie prolapsus rectal. Leurs indications se superposent à l’intervention de Delorme et là encore, il n’existe qu’assez peu de données comparatives dans la littérature. CONCLUSION En dépit d’un diagnostic souvent facile à établir, l’entité pathologique représentée par le prolapsus du rectum, qu’il s’agisse d’une procidence rectale interne ou d’un prolapsus rectal extériorisé, reste imprécise et pleine d’interrogations. La part des autres troubles de la statique pelvienne qui y sont associés et la genèse du prolapsus lui-même sont actuellement incompris et insuffisamment décrits. Ceci explique en partie la diversité des approches thérapeutiques chirurgicales qui lui sont proposées et l’inconstance des résultats. Il apparaît clair que, quelle que soit la nature du traitement chirurgical proposé : – certains symptômes sont nettement améliorés (incontinence) ; – d’autres troubles persistent avec une prévalence encore inacceptable pour une chirurgie fonctionnelle (algies pelviennes, dyschésie) ; – d’autres plaintes enfin peuvent être nettement aggravées après le geste chirurgical proposé (sensation d’évacuation incomplète, constipation). Dans l’état actuel des connaissances scientifiques, il est encore difficile de privilégier un type de chirurgie par rapport à un autre : ce choix partagé par le clinicien et le malade repose sur un nombre important de paramètres à prendre en considération (71). Ce sont les raisons pour lesquelles : – le patient concerné par cette chirurgie doit être informé de l’inconstance du résultat fonctionnel ; – des explorations physiologiques (étude de la compliance rectale, endosonographie et défécographie) doivent permettre de mieux orienter le choix opératoire. 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