Qu`est-ce que le "Politiquement correct" ?

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Qu`est-ce que le "Politiquement correct" ?
Qu'est-ce que le "Politiquement correct" ?
Il a été impossible de trouver l'origine de cette expression, que la plupart des auteurs situent dans la
mouvance "contestataire" américaine des années 1960 : "politically correct". Selon Françoise GIROUD elle est
à rechercher dans l'entourage de Kate MILLET, militante pour l'égalité des sexes, dont le mouvement traquait,
dans le langage, tous les termes à connotation péjorative. Quoi qu'il en soit, l'expression : "politiquement
correct", longtemps confinée en milieu universitaire et militant, ne s'est répandue dans les média et dans le
public qu'après 1980, c'est-à-dire bien après le phénomène lui-même.
Dignité, Équité, Estime de soi, Respect...
Tels étaient les objectifs visés par les partisans du "politiquement correct". Ces partisans pouvaient être des
militants sociaux désireux de changer le langage pour éradiquer mépris, préjugés, racismes ou sarcasmes,
mais aussi des professionnels de la communication, des enseignants, des fonctionnaires ou des politiques
désireux de "montrer le bon exemple". Ce phénomène n'est pas exclusivement américain, mais touche
l'ensemble des pays développés. En français, "personne âgée" remplace "vieillard", "non-voyant" ou "nonentendant" remplacent "aveugle" ou "sourd", "personne à mobilité réduite" remplace "estropié", et
"handicapé" remplace "infirme". Reste à démontrer que le changement de terminologie soit efficace.
"Handicapé, va" est déjà devenu insultant dans certaines bouches, et le langage "politiquement correct" a déjà
bonne place parmi les cibles des sarcastiques amateurs ou professionnels.
Cela nous amène aux racines de la connotation péjorative. Le mépris, la moquerie, le rejet du "différent"
sont des phénomènes bien trop profonds (psychiquement) pour être éradiqués par un changement de langage.
Ce qu'on a appelé "jargon", "langue de bois" ou "héxagonal" a souvent été décrit comme un cautère sur une
jambe de bois, voire comme un masque hypocrite, destiné à cacher les carences d'une politique sociale peu
soucieuse de changer les choses en profondeur par l'éducation, la loi ou des aménagements.
Pourtant du concret a été fait : lois anti-discriminatoires, aides, bus surbaissés, accès facilités, éducation
anti-raciste, parité... et ces progrès découlent du même militantisme qui a aussi produit le "politiquement
correct". Progrès néanmoins insuffisants pour que nos communicateurs se sentent autorisés à se passer du
"politiquement correct". Le jour où on pourra dire : "estropié" ou "vieille" sans que nul n'y voie la moindre
connotation péjorative, le "politiquement correct" aura vécu...
Dogme ? Mode ? ou Précision scientifique ?
Les trois ! Tant il est vrai que "tout devient dogme pour qui en a psychiquement besoin". Le puritanisme
américain a transformé le respect d'autrui en inquisition, l'estime de soi en narcissisme, le féminisme en
guerre des sexes, le respect des homos en haine de l'hétérosexualité, et le droit à la dignité en paranoïa
procédurière. En Europe aussi les "ayatollahs du politiquement correct" font pendant aux "intégristes" des
conservatismes politiques ou religieux. Qui dit dogme, dit exclusions, ghettos, et finalement camps...
Les "surfeurs de la vogue" sociale, habiles à revêtir en public les masques de l'exemplarité, ont usé et abusé
du "politiquement correct", se livrant parfois à de véritables "défilés de mode" intellectuels. Et, pour les plus
narcissiques d'entre eux, dérapant dans la leçon de morale à 20€ (prix moyen de leurs livres) ou à 15.000 €
(prix moyen de leurs apparitions en public). Ce sont eux qui ont fait du "politiquement correct" une mode.
Et pourtant, des scientifiques (anthropologues, ethnologues, historiens, linguistes, sociologues) ont
travaillé autour du "politiquement correct", que ce soit par curiosité ou bien pour ou contre telle thèse. Il en
est sorti des découvertes et des conventions qui ne permettent plus de dire n'importe quoi et qui sont utiles à
quiconque milite contre les discriminations. C'est à notre avis le "bon côté" du "politiquement correct"...
Les types morphologiques comme "noir" ("afro-américain" aux Etats-unis), "européen" ("caucasien" aux
Etats-unis), "méditerrannéen" ("sémitique" ou "hispano-américain" aux Etats-unis) ne désignent plus des
"races" (les biologistes ont prouvé qu'il n'y a pas de "races" humaines) mais des individus, et la loi interdit
leur utilisation en dehors des recherches nécessitant un signalement physique. Les types sociologiques tels que
les catégories professionnelles ou fiscales ne désignent plus des "classes" ni des "acteurs du marché" (les
sociologues ont montré que ces définitions trop exclusivement économiques caricaturaient les rapports
sociaux), mais des rôles relationnels, et la loi interdit leur utilisation à des fins discriminatoires. Les dogmes
racistes, marxistes et libéralistes sont ainsi discrédités. Reste la recherche !
Or seule la recherche, libérée des dogmes, permettra de dénoncer efficacement les discriminations et de
suggérer des rapports sociaux plus équitables, avec des arguments scientifiques, rationnels et non-violents.