Molière, Tartuffe, Acte III, scène 6. Text

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Molière, Tartuffe, Acte III, scène 6. Text
Objet d'étude : Le théâtre, texte et représentation.
CORPUS DE TEXTES
Texte A : Molière, Tartuffe, Acte III, scène 6.
Texte B : Molière, Dom Juan, Acte V, scènes 5 et 6.
Texte C : Corneille, Le Cid, Acte I, scène 4.
Texte A :
Le jeune Damis a surpris Tartuffe, un faux dévot, faisant la cour à Elmire, femme de son père Orgon,
et l’a violemment dénoncé ; mais Orgon est tellement dupe, qu’il ne le croit pas.
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Orgon.
Ce que je viens d’entendre, ô ciel ! Est-il croyable ?
Tartuffe.
Oui, mon frère, je suis un méchant, un coupable,
un malheureux pécheur, tout plein d’iniquité,
le plus grand scélérat qui jamais ait été ;
chaque instant de ma vie est chargé de souillures ;
elle n’est qu’un amas de crimes et d’ordures ;
et je vois que le ciel, pour ma punition,
me veut mortifier en cette occasion.
De quelque grand forfait qu’on me puisse reprendre,
je n’ai garde d’avoir l’orgueil de m’en défendre.
Croyez ce qu’on vous dit, armez votre courroux,
et comme un criminel chassez-moi de chez vous :
je ne saurois avoir tant de honte en partage,
que je n’en aie encor mérité davantage.
Orgon, à son fils.
Ah ! Traître, oses-tu bien par cette fausseté
vouloir de sa vertu ternir la pureté ?
Damis.
Quoi ? La feinte douceur de cette âme hypocrite
vous fera démentir... ?
Orgon.
Tais-toi, peste maudite.
Tartuffe.
Ah ! Laissez-le parler : vous l’accusez à tort,
et vous ferez bien mieux de croire à son rapport.
Pourquoi sur un tel fait m’être si favorable ?
Savez-vous, après tout, de quoi je suis capable ?
Vous fiez-vous, mon frère, à mon extérieur ?
Et, pour tout ce qu’on voit, me croyez-vous meilleur ?
Non, non : vous vous laissez tromper à l’apparence,
et je ne suis rien moins, hélas ! que ce qu’on pense ;
tout le monde me prend pour un homme de bien ;
mais la vérité pure est que je ne vaux rien.
(s’adressant à Damis.)
Oui, mon cher fils, parlez : traitez-moi de perfide,
d’infâme, de perdu, de voleur, d’homicide ;
accablez-moi de noms encor plus détestés :
je n’y contredis point, je les ai mérités ;
et j’en veux à genoux souffrir l’ignominie,
comme une honte due aux crimes de ma vie.
Orgon.
(à Tartuffe.)
35 Mon frère, c’en est trop.
(à son fils.) Ton cœur ne se rend point,
traître ?
Damis.
Quoi ? Ses discours vous séduiront au point...
Molière, Tartuffe, Acte III, scène 6.
Texte B :
Scène 5.
Le spectre, en femme voilée.
Dom Juan n’a plus qu’un moment à pouvoir profiter de la miséricorde du ciel ; et s’il ne se
repent ici, sa perte est résolue.
Sganarelle.
5 Entendez-vous, monsieur ?
Dom Juan.
Qui ose tenir ces paroles ? Je crois connoître cette voix.
Sganarelle.
Ah ! Monsieur, c’est un spectre : je le reconnois au marcher.
10 Dom Juan.
Spectre, fantôme, ou diable, je veux voir ce que c’est.
(Le spectre change de figure, et représente le temps avec sa faux à la main.)
Sganarelle.
O ciel ! Voyez-vous, monsieur, ce changement de figure ?
15 Dom Juan.
Non, non, rien n’est capable de m’imprimer de la terreur, et je veux éprouver avec mon épée si
c’est un corps ou un esprit.
(Le spectre s’envole dans le temps que dom Juan le veut frapper.)
Sganarelle.
20 Ah ! Monsieur, rendez-vous à tant de preuves, et jetez-vous vite dans le repentir.
Dom Juan.
Non, non, il ne sera pas dit, quoi qu’il arrive, que je sois capable de me repentir. Allons, suismoi.
Scène 6.
La statue.
Arrêtez, dom Juan : vous m’avez hier donné parole de venir manger avec moi.
Dom Juan.
5 Oui. Où faut-il aller ?
La statue.
Donnez-moi la main.
Dom Juan.
La voilà.
10 La statue.
Dom Juan, l’endurcissement au péché traîne une mort funeste, et les grâces du ciel que l’on
renvoie ouvrent un chemin à sa foudre.
Dom Juan.
O ciel ! Que sens-je ? Un feu invisible me brûle, je n’en puis plus, et tout mon corps devient un
15 brasier ardent. Ah !
(Le tonnerre tombe avec un grand bruit et de grands éclairs sur Dom Juan ; la terre s’ouvre et
l’abîme ; et il sort de grands feux de l'endroit où il est tombé.)
Sganarelle.
Voilà par sa mort un chacun satisfait : ciel offensé, lois violées, filles séduites, familles
20 déshonorées, parents outragés, femmes mises à mal, maris poussés à bout, tout le monde est
content. Il n’y a que moi seul de malheureux, qui, après tant d’années de service, n’ai point
d’autre récompense que de voir à mes yeux l’impiété de mon maître punie par le plus
épouvantable châtiment du monde. Mes gages ! mes gages ! mes gages !
Molière, Dom Juan, Acte V, scènes 5 et 6.
Texte C :
Le vieux Don Diègue vient apprendre à son fils Rodrigue qu’il a été gravement offensé par le Comte
Gormaz, père de la jeune Chimène, fiancée à Rodrigue.
Don Diègue.
Rodrigue, as-tu du cœur ?
Don Rodrigue.
Tout autre que mon père
l’éprouveroit sur l’heure.
Don Diègue.
Agréable colère !
Digne ressentiment à ma douleur bien doux !
Je reconnois mon sang à ce noble courroux ;
5 ma jeunesse revit en cette ardeur si prompte.
Viens, mon fils, viens, mon sang, viens réparer ma honte ;
viens me venger.
Don Rodrigue.
De quoi ?
Don Diègue.
D’un affront si cruel,
qu’à l’honneur de tous deux il porte un coup mortel :
d’un soufflet. L’insolent en eût perdu la vie ;
10 mais mon âge a trompé ma généreuse envie :
et ce fer que mon bras ne peut plus soutenir,
je le remets au tien pour venger et punir.
Va contre un arrogant éprouver ton courage :
ce n’est que dans le sang qu’on lave un tel outrage ;
15 meurs ou tue. Au surplus, pour ne te point flatter,
je te donne à combattre un homme à redouter :
je l’ai vu, tout couvert de sang et de poussière,
porter partout l’effroi dans une armée entière.
J’ai vu par sa valeur cent escadrons rompus ;
20 et pour t’en dire encor quelque chose de plus,
plus que brave soldat, plus que grand capitaine,
c’est...
Don Rodrigue.
De grâce, achevez.
Don Diègue.
Le père de Chimène.
Don Rodrigue.
Le...
Don Diègue.
Ne réplique point, je connois ton amour ;
mais qui peut vivre infâme est indigne du jour.
25 Plus l’offenseur est cher, et plus grande est l’offense.
Enfin tu sais l’affront, et tu tiens la vengeance :
je ne te dis plus rien. Venge-moi, venge-toi ;
montre-toi digne fils d’un père tel que moi.
Accablé des malheurs où le destin me range,
25 je vais les déplorer : va, cours, vole, et nous venge.
Corneille, Le Cid, Acte I, scène 4.
Questions sur le corpus (4 points) : à choisir ?
1°) Dans les trois textes A, B et C, qu’est-ce que le texte dit par les comédiens permet de se
représenter du spectacle joué sur scène ? Donnez-en des preuves précises.
2°) Dans les textes, A et B, qu’est-ce que les rares didascalies ajoutent à cette compréhension ?
3°) Dans le texte C, relevez et expliquez les mots et expressions qui théâtralisent l’argumentation de
Don Diègue.
Écriture : vous traiterez ensuite un seul des deux sujets suivants (16 points).
Commentaire : Vous ferez le commentaire du texte A de Molière.
Dissertation : Peut-on dire que le théâtre, sans conflits, disputes, n’aurait aucun intérêt ? Vous vous
appuierez sur les textes du corpus, et sur ceux que vous avez étudiés en classe ou rencontrés
personnellement, dans vos lectures ou au spectacle.
Écriture d’invention :
SUJET PROPOSÉ INCOMPLET, JAMAIS
CHOISI PAR LA SUITE.
TROP DE QUESTIONS DIFFICILES…