dom Juan - les francos
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dom Juan - les francos
Dom Juan théâtre Molière Cie Viva vendredi 27 mars 21h saison dossier 2014-2015 d’accompagnement Dom Juan Dès 13 ans Molière Cie Viva Durée 1h45 présentation du spectacle L’Épopée d’un homme fascinant par sa liberté, mais effrayant par son égoïsme : la pièce la plus singulière de Molière. Un «grand seigneur méchant homme» libertin se moque des croyances naïves de son valet, manipule les femmes, les abandonne après les avoir déshonorées, dénonce les médecins comme les tartuffes, et pousse le défi jusqu’à provoquer Dieu lui-même… Dans cette pièce baroque, Molière joue avec les genres et les registres, mêle réflexion sociale, humaine et métaphysique. Anthony Magnier s’en empare avec une énergie de troupe chaleureuse et intelligente. Deux musiciens accompagnent la mise en scène pour permettre des clins d’oeil à l’oeuvre de Mozart. ce qu’en pense la presse Un Dom Juan populaire, parfaitement dans l’esprit de Molière. (Le Figaro) distribution Mise en scène Anthony Magnier / assistante à la mise en scène Cécile Mathieu et Magali Genoud / direction musicale Samuel Muller et Vincent Manach / avec Xavier Bazin, Céline Bouchard, Benjamin Brenière, Axel Drhey, Anthony Magnier, Justine Moulinier, Bertrand Kulik (violon) et Michael Tafforeau (violoncelle) / création lumière Rémi Cabaret / décors Stefano Perocco / costumes Solveig Babey et Edouard Dessay / maîtres d’arme Patrice Camboni et Juan Jimenez pour aller plus loin Note d’intention Anthony Magnier - Février 2010 Si Dom Juan nous passionne toujours c’est parce qu’il nous demande quels hommes nous sommes, quels choix nous faisons, quelles peurs nous hantent, quelles influences nous assaillent. Il est celui qui ne veut pas croire, ni en lui, ni en l’homme, ni en Dieu. Il est celui qui aime et celui qui veut. Il est celui qui n’écoute que son désir. Il est celui qui sait que la mort est proche. Il est l’homme seul, accompagné de Sganarelle, accompagné de ses peurs. Si Dom Juan ne connaît pas la peur, Sganarelle en est la représentation. Sganarelle a peur de tout, tout le temps, il exprime tout ce que Dom Juan dénigre. Il est celui qui pleure en écoutant Elvire quand Dom Juan rêve à sa prochaine conquête. Il est celui qui se cache quand Dom Juan se bat. Celui qui pense aux conséquences quand Dom Juan ne pense qu’aux actions. Molière reprend ici le personnage que Tirso de Molina a créé, qui fut plus tard revisité par la Commedia dell’Arte et par de nombreux auteurs. Mais il ne se contente pas de le confronter à la notion de fidélité et de blasphème, il amène Dom Juan face au père, aux créanciers, à l’hypocrisie, à l’honneur, au courage, à la foi. Il en fait un être fascinant par sa liberté, mais effrayant par son égoïsme. L’histoire de Dom Juan, c’est l’histoire d’une quête sans Graal. Molière ne livre ici ni une pièce comique, ni une pièce tragique mais une pièce morale dont le 17e siècle fourmille. Il puise son inspiration dans les contes qui font parties de l’histoire de l’humanité. Ces légendes courantes qui confrontent l’homme à la mort. Cette mort qui s’invite à diner et qui dévore son hôte. Mais « Molière a du génie », car il fait de cette pièce morale, de ce conte, une oeuvre éminemment théâtrale. Par ses personnages, d’une variété Shakespearienne, dessinés à la perfection : la tragique Elvire, ses frères chevaleresques, le père autoritaire, les paysans clownesques, Monsieur Dimanche dépassé, la statue effrayante et surnaturelle. Par ce couple devenu mythique de Dom Juan et Sganarelle. Par le comique qui est là, tapi dans chaque scène, faisant constamment passer le spectateur de l’effroi au rire, du drame à la légèreté. Ici, il n’est pas question de trahir, mais bien au contraire de respecter ces couleurs et ces contrastes, tout en nous laissant aller à ce théâtre populaire, rythmé, drôle, physique et fantaisiste que nous aimons tant. Comme à notre habitude nous abordons la scénographie et la mise en scène par la poésie et l’imaginaire, sans chercher des solutions naturalistes ou réalistes. Les costumes historiques, qui par leur beauté et leur élégance, nous aident à peindre les caractères de chacun. Sur scène, six comédiens, représentant les quinze personnages de Molière, pas plus pour que chacun puisse y déployer ses talents, et pas moins pour conserver cette énergie de troupe qui nous caractérise. Puis la musique, un duo à cordes sur scène, faisant se marier la pièce de Molière à l’oeuvre de Mozart, des parties chantées par les comédiens. Une musique qui vient également apporter à certaines scènes une tension qui nous rappelle que derrière le rire, nous assistons aux dernières vingt-quatre heures d’un homme. L’histoire DOM JUAN, fils de Dom Louis. SGANARELLE, valet de Dom Juan. ELVIRE, femme de Dom Juan. GUSMAN, écuyer d'Elvire. DOM CARLOS, DOM ALONSE, frères d'Elvire. DOM LOUIS, père de Dom Juan. FRANCISQUE, un pauvre. CHARLOTTE, MATHURINE, paysannes. PIERROT, paysan. LA STATUE du Commandeur. LA VIOLETTE, RAGOTIN, laquais de Dom Juan. M. DIMANCHE, marchand. LA RAMÉE, spadassin. SUITE de Dom Juan. SUITE de Dom Carlos et de Dom Alonse, frères. UN SPECTRE. ACTE I Gusman, écuyer de Done Elvire, converse avec Sganarelle, valet de Dom Juan. Il ne comprend pas que Dom Juan ait abandonné Done Elvire, qu'il avait épousée après l'avoir enlevée du couvent. Sganarelle, désinvolte, répond aux interrogations de Gusman. Il lui enlève ses illusions et brosse un portrait de son maître, libre penseur, « grand seigneur méchant homme » et « épouseur à toutes mains». Arrive Dom Juan: il confie à Sganarelle que seule la conquête l’intéresse. Il évoque l’inconstance de l’amour et dévoile à son valet le secret de son propre caractère: il ne peut s’attacher à aucune femme et rêve, tels les grands conquérants, de succès sans cesse recommencés. Le voici libre de se lancer dans une nouvelle « entreprise amoureuse » : il s’agit d’enlever une belle, au cours de la promenade en mer que lui offre son fiancé. Mais survient Elvire, douloureuse et indignée. Elle reproche à Dom Juan sa trahison et lui demande des comptes. Dom Juan se réfugie dans une impudente hypocrisie et lui répond avec le cynisme le plus odieux. Elvire appelle sur lui la punition du ciel et le quitte en le menaçant de sa vengeance. Dom Juan, impassible, s’apprête à mener à bien le projet dont il a parlé à Sganarelle. ACTE Il Dom Juan a échoué dans son entreprise amoureuse. Alors qu’il souhaitait enlever la jeune fille en mer, une bourrasque a retourné sa barque. Il n’a été sauvé que grâce à l’intervention de Pierrot, un paysan. Pierrot et Charlotte discutent de ce sauvetage. Le jeune homme raconte comment il a sauvé du naufrage un grand seigneur magnifiquement vêtu. Mais cet accident n’a pas tempéré les ardeurs de Dom Juan. A peine remis de ses émotions, il fait les yeux doux à une jeune paysanne, Mathurine. Pierrot sort et Dom Juan entre en scène. Il entreprend de séduire Charlotte et lui promet le mariage. Charlotte, un moment hésitante se laisse gagner par l’ambition de devenir une noble dame. Pierrot, de retour, trouve Dom Juan baisant la main de Charlotte. Il se fâche, s’interpose mais doit vite quitter la scène sous les soufflets de celui qu’il vient pourtant de sauver de la noyade. Sganarelle essaye de s’interposer et reçoit quelques gifles qui ne lui étaient pas destinées. Dom Juan fait la cour à Charlotte. Mathurine, la jeune paysanne qu’il a séduite précédemment, apparaît. Les deux paysannes se jettent l’une à l’autre les promesses de mariage que Dom Juan leur a faites. Le séducteur tente de persuader chacune d’elles qu’elle est la seule aimée. Un valet vient prévenir Dom Juan que des hommes armés sont à sa recherche. Il prend la fuite. ACTE III Dom Juan, en habit de campagne et Sganarelle, en robe de médecin, font route à travers la forêt. Dom Juan confie à Sganarelle son scepticisme sur la médecine. Elle est selon lui un tissu d’absurdités. Il lui indique aussi qu’il ne croit pas plus en Dieu qu’à la médecine. Sganarelle, scandalisé une fois de plus, tente de démontrer l’existence de Dieu. En vain. Les deux hommes se sont égarés. Ils demandent leur chemin à un pauvre homme qui leur indique le chemin de la ville. L’homme leur fait l’aumône. Dom Juan lui donne une pièce d’or « pour l’amour de l’humanité ». Dom Juan entend des bruits d’épée. Il porte secours et sauve un gentilhomme attaqué par trois voleurs. Il s’agit de Dom Carlos, l’un des frères d’Elvire parti à sa poursuite. Les deux hommes, qui ne se connaissent pas, ne prennent pas conscience de l’incongruité de la situation. Dom Alonse, un autre frère d’Elvire les rejoint. Lui, reconnaît Dom Juan l’ennemi de leur famille. Dom Carlos persuade son frère de remettre à plus tard la vengeance contre un homme qui vient si généreusement de lui sauver la vie. Dom Juan promet à Dom Carlos d’être à ses ordres quand il le souhaitera. Demeurés seuls, Dom Juan et Sganarelle aperçoivent, entre les arbres, le tombeau d’un Commandeur. Il s’agit du Commandeur que Dom Juan a tué en duel six mois auparavant. Celui-ci, par bravade, invite la statue du défunt à dîner. La statue incline la tête et indique ainsi qu’elle accepte l’invitation. ACTE IV Le soir même, Dom Juan rentre chez lui et attend son dîner. Se succèdent chez lui une foule d’importuns : M. Dimanche, son créancier. Dom Juan couvre l’intrus de tant de compliments que celui-ci n’a pas le temps de réclamer son dû. Arrive ensuite Dom Louis, père de Dom Juan, qui reproche à son fils sa conduite déshonorante. Dom Juan ne manifeste vis-à-vis de son père qu’une froide insolence. Puis c’est le tour d’Elvire. Touchée par la grâce, elle demande à Dom Juan, avant de retourner au couvent, de renoncer au vice et de se convertir à Dieu. Vaine intervention. Dom Juan est pourtant séduit par la jeune femme et a beaucoup de difficultés à la laisser partir. Dom Juan se met enfin à table, mais il a oublié son invité : la statue du Commandeur. Elle invite Dom Juan à dîner le lendemain. ACTE V Revirement de situation. Dom Juan annonce à son père qu’il s’est converti. Le vieil homme est touché par cette nouvelle et s’en félicite. Sganarelle, lui aussi se réjouit de la nouvelle. Mais Dom Juan le détrompe vite et lui indique que ceci n’est que pure hypocrisie. Dom Carlos, le frère d’Elvire, vient donner ses ordres à Dom Juan, en lui demandant de rester fidèle à sa soeur. Dom Juan se retranche derrière sa supposée conversion. Dom Juan est allé trop loin. Le ciel décide de donner une ultime chance à cet effronté : une femme voilée, ayant l’allure d’un spectre et la voix d’Elvire, demande à Dom Juan de se repentir. Dom Juan veut frapper le spectre, mais celui-ci s’évanouit. Dom Juan a laissé passer sa dernière chance. Surgit alors la statue du Commandeur. Elle rappelle à Dom Juan la promesse qu’il lui a faite : partager avec elle son repas. Elle entraîne Dom Juan dans les abîmes de la terre, en enfer. Sganarelle, resté seul, réclame, en vain, ses gages. autour du spectacle Molière biographie Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, baptisé le 15 janvier 1622 à Paris et mort le 17 février 1673, est un dramaturge et acteur de théâtre français. Considéré comme le « patron » de la Comédie-Française, il en est toujours l’auteur le plus joué. Impitoyable pour le pédantisme des faux savants, le mensonge des médecins ignorants, la prétention des bourgeois enrichis, Molière aime la jeunesse qu’il veut libérer des contraintes absurdes. Très loin des rigueurs de la dévotion ou de l’ascétisme, son rôle de moraliste s’arrête là où il l’a défini : « Je ne sais s’il n’est pas mieux de travailler à rectifier et à adoucir les passions des hommes que de vouloir les retrancher entièrement », et son but a d’abord été de « faire rire les honnêtes gens ». Il fait donc sienne cette devise qui apparaît sur les tréteaux italiens dès les années 1620 en France, au sujet de la comédie : « Castigat ridendo mores » (En riant, elle châtie les moeurs). Sa vie en résumé: Destiné à prendre la relève de son père en tant que tapissier et valet de chambre ordinaire du roi, il poursuit des études de droit dans la capitale puis à Orléans. Mais à 21 ans, il rencontre Madeleine Béjart, adopte le pseudonyme de Molière, et fonde avec sa maîtresse la troupe de l’Illustre Théâtre : c’en est fait, le voilà comédien. Le succès tarde à venir à Paris, les dettes s’accumulent, l’Illustre Théâtre part donc en tournée en province ; de 1645 à 1658, la troupe sillonne le territoire (Albi, Nantes, Pézenas, Lyon, Rouen…), et Molière pendant ce périple fait ses armes de directeur, de comédien, de dramaturge enfin (ses premières pièces, toutes des farces, sont aujourd’hui pour l’essentiel perdues, seules subsistent L’Etourdi et Le Dépit amoureux). L’Illustre Théâtre rentre à Paris en 1658, et obtient au mois de juillet de la même année l’attention et la protection du roi Louis XIV, que la farce du Docteur amoureux amuse beaucoup. Le jeune monarque installe la troupe au Petit-Bourbon, salle qu’elle partage avec les Comédiens Italiens. 1660 voit naître dans Le Cocu imaginaire, le personnage bientôt récurrent de Sganarelle, et s’installer la troupe dans la salle du Palais-Royal. Un an plus tard, Molière invente avec Les Fâcheux la formule de la comédie-ballet, pendant les entractes de laquelle on danse, et que sa troupe sera la seule à pratiquer. Avec L’École des femmes, Tartuffe et Dom Juan vient le temps des querelles ; malgré tout, l’Illustre Théâtre devient troupe du roi en août 1665 et reçoit une pension importante. Toutefois, Molière tombe malade en novembre, rechute l’année suivante, et doit quitter la scène pour quelques temps en 1667 ; il ne recouvrera jamais tout à fait la santé, et jouera Alceste puis Argan avec un corps malade, usé. Les dernières années sont celles de l’ouverture vers l’opéra, des comédies exploitant la musique et le ballet dans le registre comique (Monsieur de Pourceaugnac, Le Bourgeois gentilhomme), mais également des pièces à machines avec Amphitryon en 1668. Un an après sa dernière grande comédie, Les Femmes savantes, la mort de Molière va le confondre avec son métier de comédien: lors de la quatrième représentation du Malade imaginaire en 1673, pris de convulsions, il doit être transporté chez lui, où il meurt. Son inhumation est également exceptionnelle: il n’a en effet eu le temps ni de renier sa vie de comédien ni de se confesser, et seule l’intervention du roi permet que la cérémonie ait lieu selon le rite chrétien. Le scandale Dom juan En décembre 1662, Molière crée sa première grande comédie, L’École des femmes. C’est un triomphe et le point de départ d’une première querelle littéraire et mondaine qui provoque de vifs remous: l’éducation de la gent féminine est en effet un sujet polémique, et la pièce est qualifiée d’ « obscène » par les ennemis de Molière, qui réplique aux attaques par deux courtes pièces aiguisées et satiriques, La Critique de L’École des femmes et L’Impromptu de Versailles. Puis vient Tartuffe, et une querelle suit l’autre. La crise du Tartuffe intervient pendant le grand divertissement de Versailles que Louis XIV a confié à Molière et qui s’intitule « Les Plaisirs de l’Ile enchantée ». Le personnage de Tartuffe, faux dévot et hypocrite licencieux, exacerbe l’indignation du milieu dévot, notamment de la Compagnie du Saint Sacrement, très influente auprès d’Anne d’Autriche, mère du roi. On accuse Molière d’être « un démon vêtu de chair […], le plus signalé impie et libertin qui fut jamais dans les siècles passés » ; l’archevêque de Paris fait pression sur Louis XIV et obtient l’interdiction de la pièce en dépit des appuis puissants du dramaturge, le Prince de Condé et Philippe de France dit «Monsieur», le frère du roi. C’est dans ce contexte de cabale et de tension que Molière présente le 15 février 1665, au théâtre du Palais Royal, la première de Dom Juan ou le festin de pierre, dans laquelle il endosse le rôle de Sganarelle. Le public accueille très favorablement cette pièce à machines, très richement décorée et costumée, et spectaculaire. Mais dès le 17 février, le texte doit être expurgé de la scène 2 de l’acte III, où Dom Juan veut obliger un pauvre à blasphémer en échange d’un louis d’or, et le 20 mars, après 15 représentations seulement, la pièce est suspendue : l’oeuvre est victime du scandale qu’elle a allumé. Rien en effet ne trouve grâce aux yeux des opposants de la pièce : Sganarelle « confond la vertu et le vice » selon un pamphlet de l’époque ; le Prince de Conti fronce les sourcils devant le châtiment final qui, mêlé des bouffonneries du valet, ressemble plus à un deus ex machina qu’à un exemplum ; on accuse même Molière de vouloir attenter à la personne du roi en sapant son autorité spirituelle (le louis d’or de la scène du pauvre, ainsi que le nom du père malmené par les impertinences de son impénitent rejeton, rappellent par trop le nom même du monarque). Il faudra attendre 12 ans avant que Dom Juan réapparaisse à l’affiche du théâtre de Guénégaud à Paris, jouée par l’ancienne troupe de Molière avec un texte adapté, amputé et mis en vers par Thomas Corneille. Et le texte intégral de la pièce ne sera disponible en France qu’en 1819 ! C’est dire le parfum de soufre qui longtemps l’accompagnera ! Du mythe à la pièce On retrouve dans la légende de Dom Juan des éléments issus de traditions très anciennes. Certains sont d’origine populaire et orale comme le conte « du souper chez les morts » ; d’autres avaient déjà connu une élaboration littéraire comme le motif de la statue vengeresse. Mais ce n’est dès l’instant où ces deux thèmes se fondent en une seule intrigue, et où entre en scène, pour leur donner une unité, le personnage du libertin séducteur, du grand seigneur qu’une même ardeur pousse à abuser les femmes qu’ils croisent et à braver les feux de l’Enfer, que naît vraiment le «mythe» de Dom Juan. Malgré la gravité de certains des sujets qu’elle aborde, malgré tels passages pleins de noblesse (tirade d’Elvire, de Dom Louis), l’oeuvre de Molière n’est pas une de ces comédies sérieuses, galantes, de style relevé mais bien un spectacle dont la première raison d’être est d’exciter le rire chez le spectateur. De manière générale, le Dom Juan de Molière est moins ostensiblement violent et criminel que celui de ses prédécesseurs. Même si la brutalité demeure une composante implicite du personnage, il semble qu’elle passe plus par la parole mensongère de la séduction que par des actes clairement meutriers. Ici le langage remplace l’épée. Dom Juan use de la civilité et de la flatterie comme d’une nouvelle arme. Le point d’orgue est atteint à la fin de la pièce où Dom Juan adopte le masque hypocrite de la parfaite vertu. C’est en cela que la pièce de Molière entre en résonnance avec son époque. Alors que le XVIIe siècle est le siècle des dévots et des saints, qu’il affirme ses valeurs morales et religieuses, il est aussi celui des libertins et du libertinage. Le Dom Juan de Molière est inséparable de ce moment de l’histoire des idées. Il est une mosaïque de portraits et d’anecdotes du temps qui ont, à leur mesure, étoffé le mythe. Dom Juan est à la fois de son temps et de tout temps. Il traduit la liberté autant que les excès d’une génération et des mouvements de pensée qui la portent et la dépassent. Il conduit sa fronde personnelle contre Dieu et contre le pouvoir. Par provocation et par soif d’exister, il est empli du bonheur d’être homme jusque dans ses manifestations extrêmes et ses plus grandes audaces. Dom Juan parcourt tout le spectre du libertinage: de la débauche à l’athéisme, du matérialisme à l’impiété. Aussi est-il plus l’émanation d’une époque en même temps qu’il la retrouve: il est l’incarnation universelle de l’esprit de dérision qui bouscule cyniquement la tutelle des valeurs trop rigides, persifle contre l’aliénation des dogmes et fait toujours contre-poids à l’ordre moral, religieux et social que toute société réclame pour elle-même et veut infliger à tous. leS adaptations On peut profiter du spectacle pour travailler sur le mythe, montrer que cette figure de Dom Juan s’inscrit, perdure et essaime dans le temps comme dans d’autres arts que les seuls littérature et théâtre : Au théâtre avant Molière : L’Abuseur de Séville et le convive de pierre, Tirso de Molina, 1630 ; Le Festin de pierre ou le fils criminel, Dorimond, 1660. En littérature après Molière : Don Juan, Lord Byron, 1821 (poème) ; «Don Juan aux enfers» dans Les Fleurs du mal, Charles Baudelaire, 1861 (poème) ; La Dernière nuit de Don Juan, Edmond Rostand, 1921 (pièce) ; Don Juan ou l’amour de la géométrie, Max Frisch, 1953 (pièce) ; La Nuit de Valognes, Eric-Emmanuel Schmitt, 1991 (pièce). En musique : Don Giovanni, Mozart et da Ponte, 1787 (opéra) ; Don Juan, Richard Strauss, 1889 (poème symphonique). Au cinéma : Dom Juan ou le festin de pierre, Marcel Bluwal, 1965 ; Don Juan 73, Roger Vadim, 1973. Mises en scène marquantes : celle de la réhabilitation en 1947 par Louis Jouvet ; celles, éminemment politiques de Bertolt Brecht en 1953 et de Patrice Chéreau en 1969 ; celle, dans la tradition des tréteaux, de Philippe Caubère au théâtre du Soleil en 1978 ; celle, en diptyque avec Athalie de Racine, de Roger Planchon en 1980 ; celle de Jacques Lassalle en 1993, qui lit Dom Juan comme l’allégorie de l’étranger. la troupe VIVA - CoMPAGnIE DE ThéâTRE En 2002, Anthony Magnier crée la compagnie Viva la Commedia qui naît de l’idée de troupe, d’une famille d’artistes accompagnée par une équipe technique et administrative qui oeuvrent ensemble autour du spectacle vivant dans un même élan de créativité. Son âme artistique est issue du théâtre de tréteaux utilisant son énergie spécifique comme un tremplin vers d’autres horizons et proposant aux spectateurs une relecture originale et singulière des grands textes de répertoire. Au rythme d’une création par an, la compagnie est présente chaque année au Festival d’Avignon et joue près de 150 représentations par an dans toute la France. En 2014, Viva la Commedia devient tout simplement Viva ; un changement de nom qui parait évident aux vues de l’évolution de la démarche artistique de son metteur en scène. Accueillie depuis 2010 en résidence par la Ville de Versailles, Viva met en place une dynamique de diffusion et de création sur le territoire des Yvelines, accompagnant différentes structures dans la sensibilisation au théâtre (Maisons d’Arrêt, écoles, foyers sociaux, publics handicapés). Viva reçoit le soutien de la Ville de Versailles et régulièrement celui de l’ADAMI, de la SPEDIDAM et du Conseil Général des Yvelines. AnThonY MAGnIER - MISE En SCènE Autodidacte, Anthony Magnier suit un cursus à l’Université Paris 8 et à l’Ecole du Cirque de nanterre, créé un groupe d’auto apprentissage à partir des techniques de Jerzy Grotowsky, intègre diverses compagnies issues de l’Ecole de la Rue Blanche, devient comédien et assistant du metteur en scène italien Carlo Boso, se forme à l’écriture dramaturgique et donne près de 50 stages de formation en France et à l’étranger. En 2002, il regroupe autour de lui une famille d’artistes et créé la troupe Viva. Il monte en 2003 La Principessa Forcenata issue du recueil de scénarios de Flaminio Scala dont il en traduit une partie. En 2005, dans cette même tradition de théâtre de tréteaux, il écrit et met en scène Bellissimo. S’ensuit alors une période classique où Anthony Magnier travaille à réadapter de grands textes du répertoire comique avec l’idée d’en bousculer les codes de mise en scène en s’appuyant sur l’énergie spécifique du théâtre de tréteaux qu’il maîtrise. Sa mise en scène de Cyrano en 2011 remporte un véritable succès national, appuyé par une série de représentations à guichets fermés lors du Festival d’Avignon 2011. Peu à peu, Anthony Magnier prend ses libertés pour se tourner vers des formes de plus en plus contemporaines : il transpose Les Jumeaux Vénitiens de Carlo Goldoni en 2013 dans l’univers des années folles, réadapte Un Fil à la Patte de Georges Feydeau en donnant un coup de pied aux conventions attachées au nom de l’auteur. En 2014, le projet Andromaque tourne véritablement une nouvelle page dans sa démarche artistique. théâtre L'équipe Direction : Eudes Labrusse Administration, coordination : Delphine Avrillon Relations publiques, développement culturel : Constance Winckler Relations publiques, communication : Laure Ricouard Direction technique : Nicolas Prigent Accueil, billetterie: Christelle Champagne Composition du dossier d’accompagnement : Constance Winckler Sources : Dossier de la compagnie / Olivier Leplatre «Dom Juan» / Boris Donne «Dom Juan» / Dossier du Théâtre de Charleville Mézières / Dossier Théâtre Jean Villar saison 2014-2015 Rue de Montgardé- 78410 Aubergenville 01 30 95 37 76 www.lanacelle.org dossier d’accompagnement