Modification des horaires de travail et interdiction

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Modification des horaires de travail et interdiction
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Modification des horaires de travail et interdiction de
récupération des jours fériés
le 16 juillet 2012
SOCIAL | Temps de travail
La pratique, consistant à établir automatiquement un horaire de travail, sur la base d’heures de
travail fixées forfaitairement à partir des heures accomplies théoriquement lorsqu’un jour férié est
chômé au cours de la semaine de travail, a pour effet de faire récupérer au salarié des heures
effectivement chômées et viole ainsi l’article L. 3133-2 du code du travail.
Soc. 13 juin 2012, FS-P+B, n° 11-10.146
En principe, la modification de l’horaire de travail, qu’elle porte sur la répartition des heures
travaillées dans la journée ou dans la semaine, relève du pouvoir de direction de l’employeur qui
peut ainsi y procéder librement (Soc. 22 févr. 2000, Bull. civ. V, n° 67 ; D. 2000. 377, obs. T.
Aubert-Monpeyssen ; JCP E 2000. 1333, obs. Corrignan-Carsin ; 9 avr. 2002, Bull. civ. V, n° 123 ; D.
2002. IR 1529 ; Dr. soc. 2002. 665, obs. Savatier), sauf à ce qu’une atteinte excessive soit portée
au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos (Soc. 3 nov.
2011, n° 10-14.702, Bull. civ. V, n° 246 ; Dalloz actualité, 28 nov. 2011, obs. A. Astaix ; D. 2011.
Actu. 2804 ; ibid. 2012. 67, note P. Lokiec ; Sem. soc. Lamy 2011, n° 1518, p. 11, obs. A. Fabre).
Sur ce fondement, certaines pratiques sont apparues au sein des entreprises pour organiser la
répartition des heures de travail lorsqu’un jour férié est chômé au cours de la semaine de travail.
L’une d’elles consiste à fixer l’horaire de travail restant à effectuer durant la semaine comportant
un jour férié chômé en déduisant de la durée hebdomadaire de travail le cinquième, pour les
salariés à temps complet, ou, pour les salariés à temps partiel, le dixième de la durée
hebdomadaire théorique de travail.
Pour la première fois, la chambre sociale décide de condamner cette pratique. Elle rappelle, dans
un premier temps, le principe contenu à l’article L. 3133-2 du code du travail selon lequel les
heures de travail perdues par suite de chômage des jours fériés ne peuvent donner lieu à
récupération. Elle estime, dans un deuxième temps, que la règle dite du cinquième ou du dixième a
pour conséquence de faire effectuer aux salariés le reste de la semaine une durée effective du
travail égale aux quatre cinquièmes ou aux neuf dixièmes de la durée prévue dans le contrat de
travail, quelle que soit la durée du travail qui aurait été accomplie ce jour-là. Elle en déduit, enfin,
que cela a pour effet de faire récupérer aux salariés des heures effectivement chômées du fait de la
durée habituelle de la journée ou demi-journée du jour férié non travaillé, violant ainsi les
dispositions de l’article L. 3133-2 du code du travail.
La solution est parfaitement justifiée dans la mesure où, si le jour férié en question le salarié avait
été amené à travailler plus d’heures que celles établies sur la base du forfait, cela revient
mathématiquement à le faire travailler plus qu’il n’aurait dû le faire sur les autres jours de la
semaine et, par conséquent, à lui faire récupérer des heures non travaillées en raison du jour férié
chômé. Par exemple, un salarié à temps partiel aurait dû travailler le jour férié cinq heures sur la
base de trente heures par semaine. S’il lui est appliqué la règle du dixième, il doit lui rester à
travailler vingt-sept heures alors que, sur la base de la répartition initiale de ses heures dans la
semaine, il n’aurait dû en effectuer que vingt-cinq. Il rattrape alors deux des cinq qu’il n’a pas
travaillées en raison du jour férié.
C’est la deuxième fois, à notre connaissance, que la Cour sanctionne une pratique tendant à
contourner l’interdiction de récupération des heures de travail, chômées en raison d’un jour férié.
Elle avait, en effet, déjà condamné le fait, pour un employeur, de décompter automatiquement un
jour de récupération du temps de travail pour chaque jour férié chômé (Soc. 13 juin 2007, n°
06-41.628, Dalloz jurisprudence ; 13 juin 2007, n° 06-41.629, Dalloz jurisprudence). Elle avait alors
relevé le caractère d’ordre public de l’article L. 3133-2 du code du travail. Aussi, toute pratique
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ayant pour effet d’en contourner les dispositions sera systématiquement sanctionnée. Afin d’éviter
tout contentieux, et surtout un important risque de condamnation, il serait préférable que les
employeurs évitent toute mesure qui tendrait à réorganiser la répartition des heures de travail dans
la semaine en cas de jours fériés chômés ou qui aurait plus largement pour objet de pallier la perte
des heures travaillées pour cette même raison.
par Bertrand Ines
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