Non-cumul des avantages issus d`une convention

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Non-cumul des avantages issus d`une convention
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Non-cumul des avantages issus d’une convention
collective et d’un contrat de travail
le 17 juillet 2012
SOCIAL | Contrat de travail | Négociation collective
Si, en cas de concours de stipulations contractuelles et de dispositions conventionnelles, les
avantages qu’elles instituent ne peuvent se cumuler, c’est à la condition qu’ils aient le même objet
et la même cause.
Soc. 13 juin 2012, FS-P+B, n° 10-27.395
Les sources du droit du travail peuvent être amenées à traiter simultanément d’une même
question. Sont alors susceptibles de naître des situations regardées comme conflictuelles et
nécessitant d’être résolues en faveur de l’une des sources en présence. En matière de concours
entre des normes conventionnelles, la Cour de cassation décide depuis longtemps qu’en cas de
concours d’instruments conventionnels collectifs, les avantages ayant le même objet ou la même
cause ne peuvent, sauf stipulations contraires, se cumuler, le plus favorable d’entre eux pouvant
seul être accordé (Cass., ass. plén., 18 mars 1988, Bull. ass. plén., n° 3 ; GADT, 4e éd., n° 179 ; D.
1989. 221, note Chauchard ; Dr. ouvrier 1988. 518, note Ballet ; 24 oct. 2008, Bull. ass. plén., n° 4 ;
RDT 2009. 43, obs. M. Véricel ; ibid. 114, obs. S. Nadal ; JCP S 2008, n° 1601, note Gauriau ; JCP E
2009, n° 1053, note Guyaden). Il est vrai que la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 a en partie changé
la donne dans les rapports entre conventions collectives relevant d’un champ d’application différent
(C. trav., art. L. 2252-1 et L. 2253-1 à L. 2253-4), puisqu’elle a introduit un « principe de proximité »
faisant prévaloir, sauf stipulation contraire, la norme collective d’entreprise sur celle recouvrant un
champ professionnel ou géographique plus grand et ce, au détriment du traditionnel principe de
faveur (sur la question, V. M.-A. Souriac, L’articulation des niveaux de négociation, Dr. soc. 2004.
579 ; C. Radé, Droit du travail et conventions collectives, RDC 2004. 2001). Cependant, la règle
conserve, en partie, sa pertinence puisque, pour que le concours entre les normes collectives soit
résolu, encore faut-il qu’il y ait conflit. Or, si, selon les critères dégagés par la Cour, les avantages
prévus par des conventions ou accords collectifs différents n’ont ni le même objet ni la même
cause, ils se cumulent, excluant ainsi tout conflit. Et ce qui vaut pour les conflits entre normes
conventionnelles a, par extension, également vocation à régir les conflits entre une convention
collective et un contrat de travail, d’autant que ces derniers restent, eux, régis par le principe de
faveur (C. trav., art. L. 2254-1).
Pour la première fois, la Cour consacre le principe de non-cumul des avantages issus d’une
convention collective et d’un contrat de travail lorsque ces normes sont en conflit. Ainsi, « si, en cas
de concours de stipulations contractuelles et de dispositions conventionnelles, les avantages
qu’elles instituent ne peuvent se cumuler, c’est à la condition qu’ils aient le même objet et la même
cause ». La Cour n’avait, jusqu’à présent, expressément évoqué ce principe qu’à l’occasion de deux
décisions, non publiées au Bulletin de la Cour de cassation (Soc. 6 juin 2007, n° 05-43.054, JCP S
2007, n° 1612, note Blanc-Jouvan ; 7 nov. 2007, n° 06-40.117, JCP S 2008, n° 1231, note
Blanc-Jouvan). La solution n’a, par ailleurs, rien de surprenant dans la mesure où la Cour avait
elle-même élargi les termes du principe, initialement formulés pour les normes conventionnelles
collectives, à tout conflit de norme (Soc. 19 sept. 2007, n° 05-41.156, Dalloz jurisprudence ; 23
janv. 2008, n° 06-45.119, Dalloz jurisprudence).
Le présent arrêt comporte, cependant, un élément troublant dans la formulation de sa motivation.
Dans l’ensemble des décisions précitées, le non-cumul est soumis à la condition que les avantages,
stipulés dans les deux normes en présence, aient le même objet « ou » la même cause, ce qui
signifie que ces deux critères sont alternatifs. C’est pourquoi, à l’inverse, les deux critères doivent
être tous deux remplis pour que le cumul soit autorisé. Il en va ainsi pour les primes de treizième
mois et les primes de vacances (Soc. 7 nov. 2007, n° 05-18.257, Dalloz jurisprudence). La Cour
substitue néanmoins, dans l’arrêt sous analyse, la conjonction de coordination « et » à « ou ». Ainsi
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pour savoir si les deux avantages sont en conflit et si, donc, il s ne sont pas cumulables, il serait
nécessaire que les critères de l’identité d’objet et de cause soient cumulativement réunis (comp.
Soc. 2 nov. 2010, n° 09-41.050, Dalloz jurispudence). Inversement, les avantages qui n’auraient pas
le même objet ou la même cause seraient cumulables. Cela rejoindrait les vœux exprimés par
certains auteurs, selon qui deux avantages peuvent avoir le même objet sans avoir la même cause
(G. Vachet, J.-Cl. Trav., fasc. 1-34, Négociation. Convention et accord collectif – Application, nos 115
et 116). Cependant, l’application que la Cour donne, en l’espèce, du principe énoncé ne permet pas
d’entériner définitivement l’analyse présentée ci-dessus. La Cour constate, en effet, que la prime de
treizième mois prévue par le contrat de travail constituait une modalité de règlement d’un salaire
annuel payable en treize fois, alors que la gratification instituée par l’accord d’entreprise constituait
un élément de salaire répondant à des conditions propres d’ouverture et de règlement, ce dont elle
déduit que les avantages n’avaient pas le même objet. On peut alors conclure au rejet du
non-cumul, le défaut d’identité d’objet étant suffisant pour y parvenir. Seulement, tant que la Cour
n’a pas à connaître de deux avantages ayant le même objet, il n’est pas encore certain que tels
avantages puissent se cumuler en raison de leur cause distincte.
par Bertrand Ines
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