le communautarisme
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le communautarisme
11 LE COMMUNAUTARISME À l’origine, le communautarisme désigne un courant de pensée nord-américain qui critique, depuis les années 1980, les excès de l’individualisme moderne. Souvent passionné, le débat sur le communautarisme, qui resurgit en France, pose la question de la reconnaissance des identités culturelles. COMMUNAUTARISME ET RÉPUBLIQUE Les différentes définitions du communautarisme ne s’opposent pas, car elles prennent en compte les divers aspects du communautarisme ; cependant, elles ont toutes en commun de remettre en cause l’idéal républicain tel qu’il s’est construit en France. q Les différents aspects du communautarisme La communauté et l’individu Le philosophe Pierre-André Taguieff distingue quatre définitions possibles du D’un point de vue philosophique, la comcommunautarisme. La première associe munauté s’oppose à l’individu dans le communautarisme et « tribalisme » car sens où la première réaffirme le primat de l’identité collective sur l’identité indiviles individus composant la communauté duelle. Ainsi, le communautarisme est s’associent sur une base ethnique. La la négation de la liberté de l’individu deuxième s’apparente à la pensée raciste alors que la République affirme le princicar l’individu est assimilé à un individu pe de libre arbitre. Ce débat reste d’ac« type » réunissant les caractéristiques tualité à un moment où le conflit israëlopalestinien somme les individus de essentielles du groupe (conception essenprendre partie en fonction de leur origitialiste). ne communautaire (juive ou arabe). Enfin, les deux dernières définitions du communautarisme font appel à une vision politique de la société car elles reconnaissent l’existence des différences entre les groupes, chacun d’entre eux ayant le droit de vivre ses différences par rapport aux autres (multiculturalisme) ou reconnaissent à ces groupes une identité qui tient plus du mythe que de la réalité (différentialisme). q Le communautarisme s’oppose à l’idéal républicain Si toute société est par définition multiculturelle (différences de sexe, de groupes sociaux, de religion, d’origine nationale ou même régionale), l’idéal républicain, avec la notion de citoyenneté, entend gérer ces différences en distinguant l’espace public et l’espace privé. Le premier est celui de la citoyenneté car il efface les différences entre des individus libres et égaux, le principe de laïcité (voir fiche 16) constituant le fondement des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. À l’inverse, dans l’espace privé l’individu libre peut vivre selon ses propres convictions qui sont fonction de son histoire et de son héritage culturel, et la République garantit la 30 tolérance de ces différences qui s’affirment dans l’espace privé (par exemple, chacun a le droit de pratiquer la religion de son choix). Donc, la séparation de l’espace privé et de l’espace public fait du multiculturalisme un droit à partir du moment où il reste dans l’espace privé. Or, c’est ce principe que remet en cause le communautarisme car il introduit le droit à la différence et donc à l’inégalité et à l’exclusion dans l’espace public. LES QUESTIONS POSÉES PAR LE COMMUNAUTARISME Un certain nombre de débats (sur le port du voile, les violences urbaines, par exemple) posent les questions de l’intégration sociale et des droits culturels. q Communautarisme et intégration sociale Le communautarisme pose le problème de l’intégration sociale car il permet le repli des individus sur leur communauté d’origine et fait courir le danger de la négation de ce qui unit les citoyens. Chaque groupe risque de vivre en marge des autres empêchant le lien social qui permet le « vivre ensemble ». De plus, le communautarisme favorise la fragmentation sociale, la société n’étant plus composée que de groupes sans échanges entre eux ce qui accentue les tensions et les probabilités de conflits. Ainsi, l’unité de la citoyenneté est remise en cause par la reconnaissance, dans l’espace public, des différences. Cependant, dans quelle mesure une société républicaine peut-elle reconnaître des droits culturels propres aux groupes particuliers ? q La question des droits culturels La loi sur les signes religieux dans les écoles publiques (loi du 15 mars 2004) Le 3 juillet 2003, le président de la République Jacques Chirac a créé une commission de réflexion « sur l’application du principe de laïcité dans la République », présidée par Bernard Stasi, médiateur de la République. Suite aux travaux de cette commission, une loi interdisant « les signes religieux ostensibles » est votée en février-mars 2004 . Sont considérés comme signes religieux ostensibles les grandes croix chrétiennes, le hijab musulman, la kippa juive et le turban Sikh. Pour Shirin Ebadi (avocate iranienne, musulmane, défenseuse active des Droits de l’homme, prix Nobel de la Paix en 2003), cette loi viserait essentiellement les jeunes filles musulmanes. Aussi se prononce-t-elle « contre cette loi » qui fait subir aux écolières « une double punition » : porter le voile en famille et « être interdites d’écoles ». Selon un rapport du ministère de l’Éducation nationale en 2005, la loi, applicable dès la rentrée scolaire 2004, aurait permis,de faire reculer le port du voile à l’école. Aujourd’hui, la question est de savoir si la République a les mêmes capacités d’intégration qu’au début du XXe siècle. Si la réponse est négative, ne doit-on pas reconnaître l’existence d’une « citoyenneté différenciée » afin de conserver le caractère démocratique de notre société républicaine et surtout quelles limites doit-on définir pour cette reconnaissance? Certains auteurs pensent qu’elle est possible si certaines conditions sont réunies : aucun individu ne doit être, d’une manière autoritaire, assigné à un groupe particulier, seules les cultures compatibles avec les droits de l’homme peuvent être reconnues, à égalité des cultures particulières. 31