L`accident du rouge en technologie lactique fiche_rouge
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L`accident du rouge en technologie lactique fiche_rouge
TF-2006.08 L’accident du rouge sur la surface des fromages lactiques Quand parle t’on d’accident du rouge ? Le développement de traces rouges-orangées à brunes est assez fréquent sur les fromages lactiques. Ces couleurs peuvent apparaître uniformément sur les fromages ou par tâches ou encore par petits points. Elles se développent en général sur les fromages assez frais mais peuvent aussi apparaître plus tard, dans le séchoir ou le hâloir. Ce problème peut survenir de façon récurrente ou exceptionnelle selon les fromageries. Selon les cas, il peut conduire, en plus des problèmes d’aspect, à des défauts de goût, d’odeur, voire de texture. L’affinage en général ne résout que partiellement le problème. Des traces rougeâtres, voire des défauts de goûts restent. L’accident a donc des conséquences économiques non négligeables. Ci-dessous quelques exemples de fromages atteints par des colorations de ce type. Source : Centre Fromager de Carmejane Source : Centre Fromager de Bourgogne Les agents responsables et leur origine L’accident du rouge peut être causé par toute une variété de micro-organismes voire par des réactions chimiques, ce qui rend le diagnostic parfois difficile. L’un des premiers agents potentiellement responsables de l’apparition de tâches rouges orangées sur les fromages est une bactérie, Brevibacterium linens, plus communément appelée « ferment du rouge ». Cette bactérie est utilisée pour les fromages à croûte lavée type Epoisses ou Maroilles afin de développer une couleur orange et un goût plus prononcé. Elle est présente naturellement dans le lait et l’environnement. Leur croissance est favorisée dans les milieux dégradés et désacidifiés. Autre bactérie pouvant provoquer l’apparition de défauts rouge-marron : le Pseudomonas. Sa présence est souvent accompagnée d’autres défauts : goût piquant ou amertume, croûtes poisseuses, visqueuses… Très présent dans l’environnement, on le retrouve un peu partout dans l’élevage, le lait et la fromagerie. Certaines levures dites chromogènes, peuvent aussi produire des pigments de couleur rougeâtre. C’est le cas par exemple de Rhodotorula qui est très présente dans la nature (source possible d’arrivée dans l’élevage). Certaines levures peuvent même produire des « prépigments » incolores qui se colorent brutalement. La couleur peut apparaître suite à la présence d’une bactérie appelée Serratia et notamment Serratia rubideae. Cette couleur apparaît souvent quelques jours après le démoulage au fond des marques que 1 laissent les grilles sur les fromages. Le fromage peut alors devenir complètement rose. Cette bactérie peut aussi apparaître même après l’installation de la flore habituelle si, lors d’une manipulation du fromage, la croûte est endommagée. Le fromage peut alors brutalement virer au rouge vif. La présence de cette bactérie est souvent associée à une odeur rappelant la betterave rouge et le goût est désagréable. Plus rarement, certaines réactions impliquent des chaînes de réactions plus complexes. Par exemple, un acide aminé du lait, la tyrosine, peut, dans des conditions propices, s’associer après dégradation à des nitrites, dérivés de nitrates présents dans le lait ou issus de la transformation de l’ammoniaque des caves d’affinage par exemple. Cette association produit un composé rouge violacé. La dégradation du nitrate en nitrite est rendue possible par de nombreux micro- organismes et notamment par Entérobactéries et les Pseudomonas. les Autre exemple : l’affinage des fromages libère des composés phénoliques qui peuvent réagir avec le fer en donnant des colorations marron violacées qui n’apparaissent qu’au moment de l’affinage. C’est ce qui se produit lorsque le fer est en excès (ex : contact direct ou non avec du matériel rouillé). Cette liste d’agents potentiellement responsables de colorations roses, rouges, oranges ou marrons n’est pas exhaustive. C’est là toute la difficulté de cet accident. Combattre le développement de ces couleurs sur les fromages passe en effet par des règles générales. Mais si ces actions ne se révèlent pas assez efficaces, il faudra ensuite tenter de mieux identifier le problème et d’appliquer des corrections plus spécifiques. Combattre le rouge : les règles générales S’appliquer sur l’hygiène et la désinfection du matériel Quelle que soit l’origine de la contamination, il est quasiment inévitable que votre matériel soit contaminé par l’agent responsable de la coloration. En effet, la plupart des micro-organismes, malgré le nettoyage et la désinfection réguliers du matériel, peuvent « s’accrocher » et résister sur les surfaces sous forme de biofilms. C’est ainsi que votre machine à traire, vos canalisations, vos faisselles, votre matériel de fromagerie conservent sur leurs surfaces différents micro-organismes. En temps normal, ce n’est pas un problème et même plutôt un atout pour la typicité de vos fromages. Mais, en cas d’implantation d’une flore d’altération, ce biofilm devient plus gênant. Même si la source de contamination initiale s’est tarie, l’accident perdure en effet par simple contact. Une séance de désinfection plus poussée qu’à l’habitude s’impose alors. Les biofilms sont d’autant plus tenaces que votre matériel est entartré. C’est pourquoi il est conseillé de pratiquer un détartrage du matériel avec de l’acide. Si vous le faites déjà régulièrement, vérifiez que vous suivez les conditions optimales : lavage acide à chaud (>40°C), concentration de 1%, action mécanique suffisante (brossage ou turbulences). En temps normal, le temps de contact est de 10 minutes minimum mais vous pouvez laisser tremper le matériel de fromagerie dans l’acide une nuit complète pour être sûr de l’efficacité du traitement. Vérifiez aussi que les surfaces difficiles à atteindre ne sont pas encrassées. Enfin, si le matériel est rayé ou crevassé, et notamment les faisselles, il est fortement conseillé de le changer. Pour compléter ce détartrage, vous pouvez faire une désinfection à l’alcalin chloré (mêmes conditions), de préférence juste avant le détartrage à l’acide en n’oubliant aucun recoin pour ne pas risquer de contaminer à nouveau le matériel sain (attention : bien rincer entre le passage à l’alcalin et à l’acide). Utiliser de temps en temps de la javel à froid à la dose de 0,25% peut aussi permettre d’assainir l’environnement. Néanmoins, si vous désinfectez de façon drastique, vous risquez de détruire aussi en grande partie la flore d’affinage recherchée. Assurez-vous donc que l’ensemencement en Geotrichum et/ou Penicillium est suffisant (dans le lait et/ou sur les fromages). Pour en finir avec l’hygiène, la salle de traite est un lieu privilégié de contamination du lait, que ce soit pour les flores d’intérêt ou pour les flores d’altération (Brevibactérium, Pseudomonas, levures, …). Veillez donc à être le plus rigoureux possible au moment de la traite : éviter la chute des faisceaux trayeurs, éviter la distribution d’aliment juste avant ou pendant la traite, couper le vide à chaque débranchement,… pour éviter d’aspirer les micro-organismes présents dans l’air. 2 Si vous utilisez du petit lait, changez-le ! Continuer d’utiliser le même lactosérum comme ferment est risqué si vous avez du « rouge » sur les fromages. En effet, l’agent responsable de la coloration a déjà très probablement contaminé le petit lait lors des fabrications précédentes et menace de s’y multiplier. Il est donc conseillé de ne plus utiliser le lactosérum des fabrications précédentes pour ensemencer le lait pendant quelques jours (faites le détartrage dans le même temps). En remplacement, vous pouvez décongeler du lactosérum que vous avez stocké (voir fiche TF 2004.01), utiliser du lactosérum pris chez un voisin qui n’a pas de problème ou utiliser du ferment lactique du commerce. Dans ce dernier cas, il est conseillé d’y ajouter des flores de surface. Instaurer la compétition Favoriser l’implantation de la flore qui recouvre habituellement vos fromages (Géotrichum, Pénicillium) aura toujours tendance à limiter le développement de flores d’altération, et notamment des flores responsables de coloration rouge, par simple compétition. Pour cela, la flore de surface recherchée doit être présente dans les fromages. Si, pour corriger l’accident, vous utilisez du lactosérum congelé (qui risque d’avoir perdu une partie de sa flore d’affinage) ou des ferments lactiques commerciaux, n’hésitez pas à ensemencer votre lait en Géotrichum pour vous assurer d’avoir une flore d’affinage suffisante pour limiter le développement des flores d’altération. Vous avez alors le choix d’utiliser des ferments d’affinage commerciaux ou une préparation faite par vous-même à base de croûte « saine » dans de l’eau bouillie (si vous avez un doute quant à la qualité des croûtes de vos fromages, ne prenez pas le risque de contaminer à nouveau votre lait, ne les utilisez pas). D’autre part, pour qu’il soit compétitif, vous devez placer le Géotrichum dans les conditions optimales pour son développement. ♦ Il a besoin d’un renouvellement d’air suffisant (sans pour autant avoir trop de brassages d’air qui pourraient favoriser les contaminations en flores indésirables). ♦ Puisque le sel inhibe le Géo, vous pouvez aussi retarder le salage voire diminuer les doses si c’est possible. ♦ Il est difficile de donner des conseils sur la température d’égouttage sans connaître la nature de l’agent responsable de la coloration rouge. Gardez juste à l’esprit que la température de la salle de fabrication ne doit pas être trop fraîche, et, dans tous les cas, supérieure ou égale à 20°C pour permettre au Géo de croître correctement. Prenez garde à ce qu’elle ne soit pas au contraire trop chaude, car cela pourrait favoriser une acidification puis un égouttage excessifs. Or, un fromage trop déminéralisé et trop sec est défavorable à l’implantation du Géo. ♦ Concernant, l’ambiance de la salle, un air trop sec est plutôt défavorable au Géo, mais l’est aussi pour la plupart des agents responsables de développement de couleur rouge (Pseudomonas, levures, Brevibacterium linens). Il est donc conseillé d’essayer de maintenir une atmosphère peu humide (sans pour autant sécher excessivement les fromages). ♦ Eviter les différences de température supérieures à 2°C entre chaque étape de la fabrication. En effet, cela peut provoquer une condensation en surface, néfaste pour le développement des moisissures utiles. Si l’application de ces 3 grandes règles ne suffit pas à corriger le problème de rouge que vous rencontrez en fromagerie, il faudra essayer d’identifier l’agent en cause par le biais de ses caractéristiques de développement et des défauts qui l’accompagnent. Si le doute persiste, des analyses bactériologiques pourront éventuellement être envisagées. En connaissant le responsable du défaut, vous pourrez alors adapter au mieux les actions correctives mises en place. En cas de doute, adressez vous à votre technicien. 3 Combattre le rouge : quelques précisions Le cas du ferment du rouge Quelles caractéristiques Cette bactérie s’implante assez tardivement sur les fromages, après désacidification. L’apparition de pigments rouge-orangés est très liée à la présence ou non de levures dans le même temps, et au type de levure. Plus la désacidification réalisée par les levures est rapide et plus la dégradation des protéines en acides aminés est importante, plus le rouge est intense. Remèdes supplémentaires aux règles de base Limiter l’humidité des fromages. Limiter l’humidité de la salle d’égouttage et du hâloir. Limiter la dose de sel pour favoriser le Géotrichum Ne pas sécher à trop basse température car cela limiterait le développement du Géotrichum mais pas celui de Brevibacterium. Augmenter l’aération si c’est possible (surtout si l’ambiance est ammoniaquée) Le cas des Pseudomonas Quelles caractéristiques Les Pseudomonas peuvent entraîner l’apparition de tâches jaunes à marron en passant par le rose. Ces couleurs sont souvent associés à des défauts de goût (amertume, piquant), et d’autres défauts d’aspect (poisseux, visqueux). Ils ont besoin d’oxygène et se développent donc rapidement en surface, surtout entre 20°C et 30°C. Mais c’est un germe psychrotrophe, il peut donc aussi se développer à basse température (jusqu’à 0-4°C). Sa croissance est ralentie à des p H inférieurs à 5. Il est résistant au chlore. La contamination initiale vient souvent de l’eau. Remèdes supplémentaires aux règles de base Rechercher la source de contamination avec l’aide du taux de fromages contaminés, leur répartition, l’âge d’apparition du pseudo, la fréquence… Attention à la qualité de l’eau (la contamination peut être cyclique). Dans les cas extrêmes, des systèmes de traitement existent. Utiliser du matériel le plus sec possible et notamment sécher correctement la machine à traire (ne pas oublier de vider les purges…). Eviter les basses températures (stockage du lait ou du caillé au froid, passage des fromages en chambre froide que ce soit en moules ou démoulés,…). Si le passage au froid est incontournable, refroidir le plus rapidement possible. Dans le cas d’une prématuration, la température doit être supérieure à 12°C car au-dessous le Pseudomonas peut se développer au contraire des bactéries lactiques. Vérifier que l’acidification est suffisante (>55°D ou pH<4,6 à 24 heures de caillage). Ajuster la température de caillage et la dose de ferment si ce n’est pas le cas. Favoriser l’égouttage (notamment par la température). Saler suffisamment et de façon homogène. Désinfecter. Le chlore peut s’avérer inefficace. L’eau oxygénée dans ce cas peut être conseillée. Le cas des Levures Quelles caractéristiques Difficile de caractériser la variété des levures pouvant provoquer l’apparition de rouge. Gardez juste à l’esprit que les levures sont en général acidophiles (pH optimum de croissance entre 4 et 6,5). Elles proviennent du milieu environnant, de la peau des animaux et des hommes, de l’eau, des ensilages… Elles font partie de la flore naturelle du lait. On les retrouve également dans le lactosérum. Remèdes supplémentaires aux règles de base S’assurer d’une ambiance saine à la traite pour éviter l’aérocontamination (limiter notamment les poussières de céréales). Stocker le matériel de traite et de fromagerie dans un lieu bien aéré, sec et propre. Sécher les fromages sans les dessécher (plus longtemps mais moins fort) Ensemencer en Géotrichum plus tôt et favoriser sa croissance. Penser à bien détartrer le matériel. Nettoyage et désinfection indispensable de tout le matériel. 4 L’accident du rouge : A retenir !! De nombreuses causes possibles aux colorations rougeâtres LES PREMIERS REMEDES : (à faire en même temps si possible) Détartrer le matériel Changer de lactosérum Désinfecter suffisamment Favoriser l’implantation du Geotrichum et du Penicillium Sécher l’ambiance de la fromagerie Si l’accident de coloration rouge persiste dans votre fromagerie, n’hésitez pas à contacter votre technicien fromager. Rédigé par Delphine CUVILLIER Centre Fromager de Bourgogne En poncetys 71960 DAVAYE tél / fax : 03 85 35 89 40 mail : [email protected] avec le concours financier de 5