mise en oeuvre et articulations des garanties legales

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mise en oeuvre et articulations des garanties legales
MISE EN OEUVRE ET ARTICULATIONS DES GARANTIES LEGALES
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Garantie de parfait achèvement
ü Modalités de la garantie
C’est une garantie de type contractuelle. Elle est plus particulièrement prévue à l’article 44
du C.C.A.G. travaux. Cette garantie est la plus étendue : elle couvre tous les désordres et
imperfections, sauf ceux imputables à une usure normale ou causés par l’usage de
l’ouvrage. C’est aussi la plus brève : elle ne joue en principe que durant une année et
seulement de six mois pour les travaux d’entretien ou des terrassements. Cette garantie
n’est due que par l’entrepreneur. Les obligations auxquelles est tenu l’entrepreneur
correspondent en principe à celles de ses engagements initiaux.
Une des principales formalités tient à l’obligation pour le maître de l’ouvrage de signaler à
l’entrepreneur les désordres susceptibles d’être couverts par la garantie. Il convient
également de vérifier que le délai mentionné dans les documents contractuels est toujours
en vigueur. Les désordres ou malfaçons ne devaient pas être visibles à la réception.
Elle peut être mise en œuvre par le maître d’ouvrage ou le maître d’œuvre. Elle ne concerne
que les entrepreneurs, par voie de conséquence, elle ne peut pas être invoquée à l’encontre
du maître d’œuvre.
Avantages de la garantie :
- elle permet de recourir à la retenue de garantie ;
- elle couvre tous les désordres et imperfections.
Inconvénients de la garantie :
-
le maître d’œuvre n’est pas soumis à cette garantie
en l’absence d’assurance obligatoire, aucune compagnie ne peuvent pas être appelées
en garantie ;
il revient au maître d’ouvrage de faire un partage a priori des responsabilités, ce partage
pourra ensuite être contesté par les entrepreneurs.
ü Rôle du maître d’œuvre pendant cette période
Ce rôle est prévu par :
- le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d’œuvre
confiées par des maîtres d’ouvrage publics à des prestataires de droit privé (élément
A.O.R.) ;
- l’arrêté du 21 décembre 1993 précisant les modalités techniques d’exécution des
éléments de mission de maîtrise d’œuvre confiés par des maîtres d’ouvrage publics à
des prestataires de droit privé (élément A.O.R.) -;
- l’article 44 du C.C.A.G. travaux.
- l’arrêté de 1993 (article 8 des annexes) indique simplement, pour la période de garantie
de parfait achèvement, que "l’assistance apportée au maître de l’ouvrage lors des
opérations de réception ainsi que pendant la période de garantie de parfait achèvement a
pour objet : de procéder à l’examen des désordres signalés par le maître d’ouvrage..... "
Par ailleurs, l’article 9 des annexes de cet arrêté exclue expressément " l’assistance au
maître de l’ouvrage par des missions d’expertise en cas de litige avec des tiers " les
extensions possibles
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Afin de permettre une meilleure gestion des désordres pouvant survenir pendant l’année de
parfait achèvement, il est recommandé de renforcer la mission du maître d’œuvre en ce
domaine (essentiellement son rôle d’impulsion ou d’expertise). Le pouvoir de décision doit
demeurer de la compétence du maître d’ouvrage.
Il sera prévu pendant la période de garantie de parfait achèvement un certain nombre de
visites suivant une périodicité régulière. Au cours de ces visites, le maître d’œuvre contrôle
et constate les malfaçons relevant de la garantie de parfait achèvement.
En cas de non exécution de remise en état d’un désordre signalé, le maître d’ouvrage décide
de la procédure à mettre en oeuvre (garantie de parfait achèvement. garantie de bon
fonctionnement, garantie décennale) et adresse alors au(x) responsable(s) concerné(s) une
lettre de mise en demeure.
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Garantie de bon fonctionnement (biennale)
Cette garantie est fondée sur les principes de l’article 1792-3 du Code civil. Elle couvre,
pendant une durée minimale de deux ans, les équipements qui ne sont pas indissociables
de l’ouvrage et qui peuvent, notamment, être remplacés par un simple démontage.
Il peut s’agir notamment: des vitrages isolants, des radiateurs, un tableau électrique, le
système de chauffage d’une piscine, les panneaux de revêtement des murs, un jeu d’orgues
et de sonorisation, les portes d’un bâtiment...
Il suffit d’établir que les éléments d’équipement en cause ont mal fonctionné au regard des
performances prévues ou des engagements souscrits par le constructeur. Les désordres,
constatés ne devaient pas être visibles à la réception.
Cette garantie de bon fonctionnement pèse sur l’entrepreneur qui a installé l’équipement
litigieux mais aussi sur les constructeurs qui ont participé à la conception ou à la mise en
place de l’élément d’équipement défectueux.
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Garantie décennale
La responsabilité décennale est une responsabilité de caractère exceptionnel et dérogatoire.
Elle porte sur les ouvrages de génie civil et de bâtiments. Elle couvre les désordres les plus
graves pouvant apparaître dans les dix ans qui suivent la réception des travaux. C’est
une garantie de plein droit à laquelle tous les constructeurs sont assujettis. Ils ne peuvent en
être exonérés qu’en cas de force majeure (extériorité, imprévisibilité, irrésistibilité) ou de
faute du maître de l’ouvrage.
Les équipements indissociables de l’ouvrage peuvent également être couverts par la
garantie décennale pourvu qu’ils fassent indissociablement corps avec les ouvrages de
viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert. Ainsi, rentre dans cette catégorie,
l’élément dont la dépose, le démontage ou le remplacement ne peut s’effectuer sans
détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage.
Les clauses relatives à la responsabilité décennale peuvent faire l’objet d’aménagements.
Aussi, il est préférable de ne pas introduire de clauses exonératoires et de vérifier que les
projets de marchés prévoient, au minimum, une référence aux articles 44 et 45 du C.C.A.G.
travaux.
ü Conditions de mise en oeuvre
v conditions relatives aux personnes :
L’exercice de l’action en responsabilité décennale est lié à l’ouvrage et à sa propriété. Si
l’ouvrage fait l’objet d’une mutation de propriété, c’est le nouveau propriétaire qui doit
l’engager (sauf si une convention ou un contrat prévoit une disposition différente).
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En ce qui concerne les débiteurs de la garantie, il s’agit des constructeurs. Toutefois, il faut
que le constructeur poursuivi soit lié par contrat de louage d’ouvrage au maître d’ouvrage.
Ne pourront donc pas faire l’objet d’une action en responsabilité décennale devant le juge
administratif: les sous-traitants, les filiales des entreprises titulaires du marché, les maîtres
d’ouvrages délégués, les préposés des constructeurs, les organismes d’aménagement. Si le
constructeur est en règlement judiciaire ou en liquidation de biens, une action directe contre
l’assureur auprès duquel a été souscrite la police responsabilité de ce constructeur est
ouverte au maître de l’ouvrage, conformément à l’article L. 243-7 du code des assurances.
Les principales hypothèses de responsabilité décennale des architectes et maîtres d’œuvre
sont les suivantes: les vices du sol (absence d’analyse), les vices de conception (erreurs
dans les calculs et devis, choix des matériaux, procédés et techniques de construction), le
défaut de surveillance, les négligences dans l’exercice des fonctions de conseil et de
vérification.
Les principales hypothèses de responsabilité décennale des entrepreneurs sont: les vices de
conception, les vices de construction (mauvais exécution des travaux, utilisation de procédés
de construction défectueux ou inadaptés, emploi de matériaux impropres ou de mauvaise
qualité, manquements au devoir de conseil).
v conditions relatives aux dommages :
S’agissant des désordres, ils doivent présenter un certain nombre de caractères cumulatifs :
- le désordre doit présenter une certaine gravité : les dommages doivent être de nature à
compromettre la solidité de l’ouvrage et / ou bien être de nature à rendre l’ouvrage
impropre à sa destination.
- le vice de construction ou de conception ne doit pas avoir été apparent à la réception.
Les préjudices annexes peuvent être indemnisés à condition que soient établis leur
caractère certain et le lien de causalité avec les désordres couverts par la garantie
décennale (recours à des solutions de substitution, pertes d’exploitation, troubles de
jouissance).
ü Effets de la mise en oeuvre
Avantages de la garantie :
- elle permet d’impliquer tous les protagonistes du chantier (y compris le maître d’œuvre);
- ni le maître d’ouvrage, ni le maître d’œuvre n’ont à se prononcer sur la répartition des
responsabilités. Ils peuvent faire appel aux experts des assurances et les assureurs
pourront couvrir la totalité des frais sans être limitées par la retenue de garantie.
Inconvénients de la garantie :
La retenue de garantie ne peut pas être utilisée ou bloquée car elle impose que le "marché
n’ait pas été correctement exécuté " (article 99 du code des marchés publics). Or, la garantie
décennale n’est pas une garantie contractuelle, elle s’exerce donc hors marché.
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Responsabilité pour faute ou dol (trentenaire)
Cette garantie s’exerce sur une durée de trente ans après la réception. Il s’agit d’une
procédure de type exceptionnel qu’il convient d’utiliser lorsque des fautes d’une particulière
gravité, notamment en termes de conséquences, sont constatées et imputables aux
constructeurs.
Cette faute suppose un caractère intentionnel, une volonté de masquer, de dissimuler une
malfaçon de nature à engager la responsabilité des constructeurs le temps nécessaire pour
que le délai de garantie vienne à expiration (existence de manœuvres dolosives).
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Il revient au maître de l’ouvrage d’établir qu’une fraude ou un dol sont à l’origine des
dommages dont il demande réparation. Toutefois, il suffira d’apporter un commencement de
preuve.
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Définition et principes de la responsabilité post-décennale pour faute dolosive des
constructeurs
En matière de responsabilité contractuelle, la loi et la jurisprudence attachent à la
faute certains effets particuliers et distinguent différents degrés de gravité tels que:
Ø la faute intentionnelle ou dolosive
Elle résulte de l’intention de nuire mais aussi, dans certains cas, de la simple
inexécution délibérée de ses obligations par le débiteur et de la connaissance par
celui-ci du tort qu’il cause ainsi à autrui. La jurisprudence assimile la mauvaise foi à la
faute intentionnelle sur les effets quant aux dommages-intérêts.
Ø la faute lourde ou grave
Elle n’est pas intentionnelle et se caractérise par un comportement très éloigné de
celui du « bon père de famille » : négligences répétées ou portant sur une obligation
facile à exécuter ou encore sur une obligation essentielle au contrat.
Après l’expiration du délai de garantie décennale, la responsabilité des constructeurs
reste engagée sur le fondement contractuel du droit commun lorsqu’ils se rendent
coupables vis-à-vis du maître de l’ouvrage d’un dol, d’une fraude ou d’une faute qui,
« par sa nature et sa gravité, est assimilable à une faute ou à un dol ».
v CAA Paris, 19 novembre 1996, n° 94PA00409, Levordashky
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Nature de la faute pouvant entraîner la responsabilité post-décennale pour faute
dolosive des constructeurs
Contrairement aux juges civils, les juridictions administratives ne séparent pas
nettement le dol de la faute lourde. Les décisions rendues contiennent, en effet , une
formulation générale qui semble assimiler les deux notions puisqu’elles exigent « une
faute qui, par sa nature et sa gravité, est assimilable à une fraude ou à un dol ».
La faute retenue par les juges administratifs consiste en une violation délibérée par
les constructeurs de leurs obligations contractuelles avec la conscience de provoquer
un dommage important. Constitue une telle faute :
- l’exécution incomplète de son marché par une entreprise qui a posé un dispositif de
pare-vapeur sur un tiers seulement d’une toiture-terrasse alors que le descriptif
prévoyait une protection totale, ce qui a provoqué des désordres dont la nature et
l’ampleur ont nécessité la réfection complète de l’étanchéité. Les juges ont relevé que
la société, spécialiste en étanchéité, ne pouvait ignorer les conséquences prévisibles
de cette absence d’ouvrage qu’elle a, malgré tout, facturé à son client.
v CE, 3 avril 1991, n° 84626, SMAC Aciéroïd Rec.Lebon p. 118
- le non-respect volontaire des stipulations du marché et des règles de l’art par une
entreprise chargée de la construction d’un mur alors que celle-ci ne pouvait ignorer
les risques d’effondrement que ne manquerait pas d’entraîner cette mauvaise
exécution des travaux.
v CAA Nancy, 12 novembre 1992, n° 90NC00634, Sté Nationale de
Construction Quillery
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En revanche, en l’absence d’élément permettant d’établir que le constructeur a été
conscient de la portée de ses fautes, celles-ci ne peuvent être assimilables à une
faute ou à un dol. Il en a été jugé ainsi des manquements graves à ses obligations
contractuelles commis par un architecte qui, contrairement à ce que lui avait
demandé le maître de l’ouvrage, n’a ni vérifié l’état de la charpente, ni prévu de
traitement contre les parasites et qui a fait mettre en place un faux plafond sans avoir
fait enlever l’ancien qui était en mauvais état.
v CAA Bordeaux, 3 avril 1995, n° 94BX00376, Charrier
NB :Le Conseil d’Etat a reconnu la possibilité de mettre en jeu la responsabilité postdécennale pour dol d’un maître de l’ouvrage délégué.
v CE, 10 juillet 1996, n° 132921, Commune de Boissy-Saint-Léger
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