Interprétation restrictive de la faute dolosive inassurable

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Interprétation restrictive de la faute dolosive inassurable
Interprétation restrictive de
la faute dolosive inassurable
20 OCTOBRE 2015
Par Ay-hour KevChatenet, avocate,
cabinet Camacho &
Magerand
RÉSERVÉ AUX ABONNÉS
L’assureur n’est pas fondé à dénier sa garantie en se fondant sur
une faute dolosive commise par son assuré, dès lors que n’est pas
caractérisée sa volonté de créer le dommage.
Des travaux de construction d’une maison individuelle avaient été confiés
à une entreprise en 1989. A la suite de l’apparition de fissures en façades,
les propriétaires avaient régularisé une déclaration de sinistre, en 1998,
auprès de l’assureur de l’entreprise en charge des travaux. L’expert
technique désigné par l’assureur avait conclu à la généralisation des
fissures affectant toutes les façades, l’escalier extérieur et certaines
pièces.
Afin de remédier aux désordres, le bureau d’études 2 PI avait préconisé
l’exécution d’un joint de rupture entre la zone compacte et la zone
compressible, ainsi que la mise en place de vingt­six micropieux à une
certaine profondeur. Des travaux confortatifs ont été réalisés sous la
maîtrise du bureau d’études 2 PI. La maison a ensuite été vendue en
2009.
Se plaignant de l’existence de fissures, les acquéreurs ont assigné les
vendeurs, le mandataire judiciaire du bureau d’études 2 PI, en
liquidation, et l’assureur de cette dernière, ainsi que l’assureur de
l’entreprise en charge des travaux de reprise des fissures, au visa
des dispositions des articles 1641 et 1792 du Code civil, aux fins de
solliciter leur condamnation à la prise en charge du coût des
travaux de reprise et de leurs préjudices financiers et de jouissance.
Censure des juges du fond ayant retenu le dol
Les juges du fond ont accueilli favorablement le moyen de non­garantie
opposé par l’assureur du bureau d’études 2 PI, sur le fondement du dol
de son assuré, lequel avait, en toute connaissance de cause, avalisé, en
sa qualité de maître d’œuvre, des travaux non conformes à ceux qu’il
avait personnellement recommandés pour mettre fin aux désordres,
faussement affirmé que les travaux étaient conformes aux prescriptions
de l’expert technique et à l’étude de sol et attesté que les travaux réalisés
avaient été bien exécutés, faisant ainsi « disparaître l’aléa qui est de
l’essence même du contrat d’assurance ».
L’arrêt est censuré par la Haute juridiction, au visa des dispositions de
l’article L. 113­1 du Code des assurances, en ce qu’il a déclaré l’assureur
du bureau d’études 2 PI fondé à opposer le dol à son assuré alors que
n’était pas caractérisée sa volonté de créer le dommage tel qu’il est
survenu.
Notons que les juges du fond avaient combiné la faute dolosive et la
disparition de l’aléa pour en conclure à l’absence de garantie de
l’assureur, alors que la Cour de cassation ne fait aucunement référence à
la notion d’aléa de l’article 1964 du Code civil, qu’elle entend fermement
distinguer du régime de la faute intentionnelle et dolosive visée dans les
dispositions de l’article L. 113­1 du Code civil.
Voir déjà en ce sens : Civ. 2e, 16 juin 2011, n° 10­21.474 et Civ. 3e, 2
mars 2011, n° 09­72.744.
Civ. 3e, 1er juillet 2015, n° 14­19.826 et n° 14­50.038

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