Cancer du col de l`utérus : vers un dépistage efficace
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Cancer du col de l`utérus : vers un dépistage efficace
20 VALEUR MÉDICALE AJOUTÉE : POST-CONGRÈS Congrès Eurogin 2013 Cancer du col de l’utérus : vers un dépistage efficace En France, le cancer du col de l’utérus, cancer de la femme jeune, provoque environ 1 000 décès par an 1 alors qu’il peut être évité s’il est dépisté à temps. Le Pr Christine Clavel, laboratoire Pol Bouin, CHU de Reims, revient pour nous sur l’un des points phares du congrès EUROGIN 2013 : la méta-analyse du Dr Ronco 2 portant sur quatre études européennes de grande ampleur et montrant que les stratégies de dépistage doivent être modifiées. LE DÉPISTAGE EN FRANCE AUJOURD’HUI Ce cancer est lié à une infection persistante par des papillomavirus humains ou HPV oncogènes dits à « haut risque ». En France, le dépistage du cancer du col utérin n’est pas organisé de façon systématique, à la différence du dépistage des cancers du sein et des cancers colorectaux. Il est basé sur la réalisation d’un frottis cervico-utérin (FCU) suivi d’un examen cytologique tous les trois ans pour les femmes âgées de 25 à 65 ans, après deux FCU négatifs réalisés à un an d'intervalle. Le taux de couverture des femmes par FCU est insuffisant, estimé à environ 57 %, lié à des FCU trop irréguliers. « Même si antérieurement le FCU a permis de réduire l’incidence du cancer du col, le nombre de ces cancers ne diminue pas. La sensibilité de la cytologie est insuffisante et varie selon les pays. Le test HPV est validé, beaucoup plus sensible, quasiment 100 %, et reproductible. Une étude européenne et nord-américaine a ainsi montré une sensibilité de la cytologie à détecter les [1] INCa, Les cancers en France, édition 2013 [2] Ronco et al, Lancet 2014, 383:524-32 [3] Cuzick et al, Int J Cancer 2006, 119 :1095-1101 [4] Quatre études pour la méta-analyse Swedescreen,2, POBASCAM,3,4, ARTISTIC,5 et NTCC,6. 2 Naucler P, Ryd W, Törnberg S, et al. Human papillomavirus and Papanicolaou tests to screen for cervical cancer. N Engl J Med 2007; 357: 1589–97. 2 3 Bulkmans NW, Berkhof J, Rozendaal L, et al. Human papillomavirus DNA testing for the detection of cervical intraepithelial neoplasia grade 3 and cancer: 5-year follow-up of a randomised controlled implementation trial. Lancet 2007; 370: 1764–72. 10 000 BIO - N° 91 - SEPTEMBRE 2014 lésions cervicales de haut grade, CIN2+, de 53 % versus 96,1 % pour le test HPV 3 ; la spécificité de la cytologie étant supérieure, 96,3 % versus 90,7 % pour le test HPV. En pratique, on considère qu’un examen cytologique sur deux peut donc être un « faux » négatif. Rappelons aussi qu’en France, le test HPV n’est remboursé que dans le cas des FCU atypiques ou ASCUS » précise le Professeur Clavel. selon l’âge et le gain est supérieur quand la cytologie est moins performante. Un test HPV tous les 5 ans protège plus contre le cancer du col qu’un examen cytologique tous les 3 ans. Un triage des femmes HPV positifs est nécessaire et les femmes à risque, identifiées dès le départ, recevront un suivi plus efficace. Enfin, les différents protocoles italiens, suédois, anglais ou hollandais n’affectent pas l’efficacité du test HPV. » UNE STRATÉGIE À REDÉFINIR DES RECOMMANDATIONS POUR UNE MEILLEURE PRÉVENTION Quatre études randomisées européennes ont comparé l’efficacité du dépistage primaire par test HPV au dépistage par cytologie classique, sur une cohorte de plus de 176 000 femmes âgées de 20 à 64 ans avec un suivi médian de 6,5 ans (critère de mesure : développement des lésions cancéreuses) 1. « Le dépistage basé sur le test HPV offre une protection contre les cancers du col de l’utérus, de 60 à 70% supérieure comparée au dépistage par cytologie. Le diagnostic est en effet plus précoce par test HPV, avec une réduction des CIN3, l’efficacité ne diffère pas 4 4 Rijkaart DC, Berkhof J, Rozendaal L, et al. Human papillomavirus testing for the detection of highgrade cervical intraepithelial neoplasia and cancer: final results of the POBASCAM randomised controlled trial. Lancet Oncol 2012; 13: 78–88. 5 Kitchener HC, Almonte M, Thomson C, et al. HPV testing in combination with liquid-based cytology in primary cervical screening (ARTISTIC): a randomised controlled trial. Lancet Oncol 2009; 10: 672–82. 6 Ronco G, Giorgi-Rossi P, Carozzi F, et al, and the New Technologies for Cervical Cancer screening (NTCC) Working Group. Efficacy of human papillomavirus testing for the detection of invasive cervical cancers and cervical intraepithelial neoplasia: a randomised controlled trial. Lancet Oncol 2010; 11: 249–57. « L’étude du Docteur Ronco est exemplaire, avec encore une fois la préconisation du dépistage primaire HPV chez les femmes, a priori à partir de 30 ans, suivi d’un triage des femmes HPV positifs par cytologie avec un intervalle de screening de 5 ans. On allie ainsi sensibilité, condition primordiale pour un dépistage, et spécificité. Une majorité d’infections à HPV régressant spontanément, seules les femmes à risque réel seront suivies de façon coût-efficace. En France, une volonté d’organisation du dépistage a été annoncée mais reste sans suite et de nouvelles recommandations pour les femmes vaccinées anti-HPV ou non, sont souhaitées. Si nous nous organisons bien, éradiquer ce cancer passera par la synergie entre une prévention primaire, par vaccination avec les vaccins nonavalents, à venir et une prévention secondaire par dépistage/suivi, en attendant la couverture quasi totale par vaccination d’ici 50 ans », conclut le Professeur Clavel. •